[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1790.] 075 suite de ces renseignements, parce que l’Assemblée a jugé à propos d’adopter cette forme. « J’ai l’honneur d’être avec respect. Monsieur le Président, votre, etc. » Rapport envoyé a l’Assemblée nationale par le premier ministre des finances pour demander que la caisse d'escompte soit autorisée à verser pour trente millions de billets au Trésor royal. Le 18 juin 1790. Messieurs, le comité des finances demandera aujourd’hui ou demain à l'Assemblée nationale l’autorisatjon nécessaire pour faire verser au Trésor public un nouveau secours en billets de la caisse d’escompte portant promesse de fournir en remplacement des assignats ; et comme aux diverses époques où de pareilles réquisitions ont été faites, on a montré, dans r Assemblée nationale, une sorte de surprise, je crois convenable de lui présenter à l’avance quelques réflexions sur ce sujet. Le tableau des ressoureset des besoins de l’État, pendant le cours des huit derniers mois de cette année, a fait connaître que la totalité des 400 millions de billets-assignats devenait nécessaire, et pour s’acquitter envers la caisse d’escompte des 170 millions qui lui sont dus, et pour rembourser les anticipations, et pour payer dans le cours de cette année deux semestres des rentes sur l’Hôtel-de-Ville, et Pour satffaire aux dépenses extraordinaires, et pour subvenir enlin à l’excédent des dépenses fixes, sur les revenus fixes, tant que le niveau ne sera pas entièrement rétabli. Si donc les 400 millions de billets-assignats sont indispensables pour satisfaire aux divers besoins de l’année, il est évident que, chaque mois et chaque jour, il faut pouvoir disposer d’une portion de ces billets, et tant qu’ils ne sont pas faits on se trouve dans la nécessité d’y suppléer par des promesses d’en fournir, Ce n’est donc pas un prêt qui a été demandé à la caisse d’escompte, lorsqu’à trois reprises différentes elle a été autorisée par vos décrets à délivrer chaque fois, au Trésor public, pour vingt millions de pareilles promesses ; elle n’est intervenue dans cette affaire que par sa signature, et l’on a préféré la sienne à toute autre, parce qu’elle était plus connue. Ces promesses de la caisse d’escompte, une fois considérées comme les assignats mêmes, la demande qui vous en est faite, au nom du Trésor public, ne paraîtrait susceptible d’objections, qu’autant que cette demande surpasserait les besoins réels, ou du mois, ou de la semaine, selon que vous jugeriez à propos de diviser la délivraison de ces promesses -, or, votre comité des finances est en état de vous éclairer parfaitement sur ce point, puisque toutes les semaines il reçoit le bordereau des recettes et des dépenses du Trésor public. L’Assemblée nationale peut, d’ailleurs, juger elle-même, par un compte d’application bien simple, qu’une demande chaque mois de 20 à 30 millions d’assignats est parfaitement naturelle. Il fallait, selon l’état spéculatif des recettes et des dépenses des huit derniers mois de cette année, 380 millions d’assignats pour établir T équilibre entre les unes et les autres. Déduisant de celte somme 170 millions destinés à l’acquittement de la créance de la caisse d’escompte, Reste à disposer, pour les autres besoins du Trésor public, 210 millions. Laquelle somme, divisée par huit mois, à commencer du 1er mai dernier, fait 26,250 livres par mois. Or, depuis cette époque du 1er mai, jusqu’à ce jour, il y a eu 40 millions de ces promesses d’assignats remis au Trésor public, ce qui n’excède pas la proportion de 26 millions par mois. Cependant, il ne serait pas extraordinaire que le Trésor public eût besoin d’une plusiforte somme d’assignats dans ces premiers mois que dans les derniers de l’année ; car, ni les recettes ni les dépenses ne sont partagées également entre tous ces mois. Les dépenses ne le sont pas parce qu’on ne se ressentira que successivement des économies déterminées par vos décrets ; les recettes ne le sont pas non plus, parce que, dans cet instant, il n’y a qu’une très modique somme versée au Trésor public pour la contribution patriotique, et parce que les recouvrements de l’imposition destinée au remplacement de la gabelle, des droits sur les cuirs, sur l’amidon, les huiles et les fers, ne peuvent être mis en action qu’au moment ou vous aurez fixé la répartition de cette imposition entre les divers départements ; ce qui n’est pas encore effectué. Lors de la dernière demande de 20 millions, qui vous a été faite pour le secours du Trésor public, l’Assemblée nationale a paru croire que la cause de ce besoin provenait, en grande partie, du retard de paiement des impositions directes, et vous avez décrété que les receveurs des tailles vous adresseraient le bordereau de leurs recouvrements. Permettez-moi de vous observer, Messieurs, que le retard du paiement des impositions directes ne fait point partie des besoins de cette année ; car on a passé les impositions en plein dans l’aperçu de finance qui vous a été présenté pour les huit derniers mois de l’année, et l’on a dû le faire, puisque les receveurs généraux, à peu d’exceptions près, ont satisfait jusqu’à présent aux engagements qu’ils avaient pris avec le Trésor public pour le paiement, à tant par mois, du montant de la taille, des vingtièmes et de la capitation. Les besoins d’un secours extraordinaire en assignats, pour les huit derniers mois de l’année, dérive donc de toute autre cause ; et pour vous montrer cette vérité d’un coup d’œil, il me suffira de citer quatre articles qui, à eux seuls, indiquent un besoin extraordinaire de 32 millions par mois. Ces quatre articles sont : Les anticipations à rembourser, objet par mois de près de 11 millions, Les autres dépenses extraordinaires, composées de plusieurs articles détaillés dans le tableau spéculatif des huit derniers mois de cette année, forment, par mois, un objet de 7 millions. Le fonds, applicable aux rentes sur l’Hôtel-de-Ville pour l’acquit de deux semestres d’ici à la fin de l’année, occasionnera, par mois, une dépense extraordinaire d’environ sept millions . La diminution du produit des impôts indirects , compte fait des recouvrements à espérer cette anDée de l’imposition établie en remplacement de la gabelle, du droit sur les cuirs, etc., forme un vide, par mois, d’environ 7 millions. Il n’y a, pour suppléer à ces divers besoins extraordinaires, en articles remarquables, que les assignats et la contribution patriotique ; mais le produit de cette dernière ressource ne peut être [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1790.] 276 évalué qu’à 5 ou 6 millions par mois, à compter du 1er mai jusqu’au 31 décembre. Vous ne serez donc pas surpris, Messieurs, si chaque mois, chaque jour, il faut un secours en assignats, et si, en attendant leur confection, il est nécessaire de faire usage de billets de la caisse d’escompte, portant promesse de fournir ces mêmes assignats. Tous les papiers qu’exige la fabrication des 400 millions sont maintenant à Paris, ou arrivent journellement, l’impression va commencer; le travail du graveur, destiné à revêtir les assignats de l’empreinte du roi, touche à son terme; les personnes qui doivent signer ces billets sont nommées : ainsi, selon toute apparence, avant trois semaines, il y aura une première distribution de ces assignats ; et l’on ne peut rien ajouter au zèle actif des membres du comité des finances qui se sont chargés de veiller sur tous les détails d’une opération si importante. M. de FoIIeville. Je l’avais bien prédit : — eh! que je connais le renard ! (On rit.) M. de FoIIeville. Je demande que tous les vendredis on nous donne connaissance du bordereau de situation du Trésor royal; que le premier vendredi de chaque mois on mette sous nos yeux l’état de la recette et de la dépense générale, et des assignats employés. J’observe que si les assignats sont mis en circulation progressivement et non en masse, il en résultera, sur les intérêts, une économie de 7 à 800,000 livres. J’ajoute qu’il est impossible de rester dans le désordre où nous sommes : on ne nous présente pas eu recette les recouvrements à faire sur les impositions des années passées. M. üorissart, rapporteur du comité des finances. Le premier ministre des finances a remis hier ce mémoire au comité : la somme de 30 millions, qui est demandée n’est point un emprunt additionnel ; mais c’est un emploi des assignats suivant la destination que vous leur avez donnée. Le comité des finances vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les administrateurs de la caisse d’escompte seront autorisés à remettre au Trésor public une somme de 30 millions en billets de la caisse, portant promesse d’assignats, lesquels seront échangés avec des assignats-monnaie lors de leur émission. » M. l’âbbé ïllaury . Je ne m’élèverai pas contre l’anticipation d’assignats demandée ; je sais que le service de l’année exige des dépenses aux-uelles le Trésor public ne peut suffire. Pour vous xer sur un objet non moins important, je répéterai ce que j’ai dit, que jamais aucune question de finance n’a été traitée dans son universalité. Il est temps enfin, après quatorze mois, que les députés puissent présenter à la France la situation de ses affaires. Daignez considérer que la marche que l’on présente toujours est partielle et bornée. S’agit-il de dépense, on nous offre non des états, mais un aperçu ; s’agit-il de rentrée de fonds, on nous apporte la recette du dernier mois. Jusqu’à présent, le ministre n’avait correspondu qu’avec la Chambre des comptes ; cette forme ministérielle a mis hors de la voie qui doit nous être ouverte. Il semblerait qu’un compte fût impossible à rendre; il semblerait que le premier ministre des finances, qui a bien le temps de faire des brochures contre des particuliers, contre moi par exemple, ne puisse pas se livrer à ce travail : puisque la multitude de ses opérations ne l’empêche pas de s’occuper de ces détails, il trouverait bien le temps, malgré sa mauvaise santé, de nous donner des instructions précises sur nos finances. Je propose donc qu’il soit tenu de nous présenter, dans le plus court délai, trois mémoires particuliers de calculs : le premier renfermera l’état de la recette, le second celui de la dépense et le troisième celui de la dette ; on ne reçoit pas, on ne paye pas, on ne doit pas au hasard ; ces calculs doivent donc être faciles, ils doivent donc être faits. Vous voyez que ces trois comptes sont les flambeaux qui doivent répandre la lumière sur les finances, jusque-là nous ne pourrons faire un pas dans cette carrière. Si nous ne connaissons pas l’état de la recette, comment établir les impôts directs et indirects? Sî vous ne connaissez pas la dépense, vous ne pouvez prescrire les économies. Tant que vous ne connaîtrez pas la dette, les finances seront toujours un dédale impénétrable dans lequel vous ne pourrez rien apercevoir. La route que je vous propose est celle delà simplicité, de la vérité, de la loyauté : vous ne jugerez plus par des estimations vagues. Si l’on vous eût dit, au commencement de l’année, que la dépense extraordinaire de cette année devait monter à 389 millions, on vous aurait épouvantés : mais on vous a dit qu’on a il millions d’excédent, parce qu’on a à manger 400 millions d’assignats. (Il s'élève des murmures.) Quand je dis que les dépenses extraordinaires sont de 389 millions, je ne dis pas qu’on les gaspille : je sais bien que c’est pour rembourser la caisse d’escompte, les anticipations, les semestres arriérés des rentes ; mais, sans attaquer la légitimité de cet emploi, j’observe qu’il serait digne de l’attention de l’Assemblée de considérer que l’extinction de la créance de la caisse d’escompte et des anticipations va engloutir une ressource que vous ne pourrez pas toujours avoir. Vous êtes appelés non seulement à rétablir l’ordre dans les finances, mais encore à l’assurer pour toujours. Sans être juge des lumières des membres de l’Assemblée nationale, j’assure que je me suis occupé avec soin des finances, et qu’il m’a été impossible d’en connaître l’état : ce n’est cependant que lorsque vous l’aurez connu que vous pourrez statuer définitivement. Je demande donc que le premier ministre des finances soit tenu de nous présenter, dans le plus court délai, trois états certifiés par lui : l’un de la recette, l’autre de la dépense, et le dernier de la dette. (Ce discours est vivement applaudi.) L’Assemblée ajourne à demain la motion de M. l’abbé Maury. La séance est levée à trois heures un quart. ANNEXES A la séance de l'Assemblée nationale du 18 juin 1790. ANNEXE N° 1. Motion deM. Malouet contre les libellistes (l). J’ai demandé qu’il soit donné ordre au proeu-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.