484 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mors.] finances demeurent garants et responsables envers la nation de leur gestion. Art. 6. Que les députés concourent aux moyens d’établir entre les cultivateurs et propriétaires d’une part, et les capitalistes de l’autre, un équilibre sans lequel l’impôt pèserait entièrement sur l’agriculture, les arts et le commerce. Art. 7. Que le droit de propriété soit respecté, et dans le cas de nécessité publique, que le prix en soit remboursé comptant et sur-le-champ, suivant la valeur de la chose. Art. 8. Suppression de la levée des soldats provinciaux et exclusion de tout privilège relativement au logement des gens de guerre. Art. 9. Que désormais la noblesse ne puisse s’acquérir que par le mérite et la distinction dans le militaire, la magistrature, les arts et le commerce. Art. 10. Suppression totale des capitaineries et diminution de remises sur les terres particulières des seigneurs. Art. 11. Que la vénalité de l’administration des sacrements soit entièrement abolie, et que chaque ministre des autels soit pourvu d’un revenu honnête et suffisant. Art. 12. Qu’il soit établi un nouveau code pour l’administration de la justice tant civile que criminelle et de police. Art. 13. Que les officiers de justice subalterne soient inamovibles, et qu’ils ne puissent être révoqués que par forfaiture jugée. Art. 14. Qu’il soit pourvu à de bons et sages règlements concernant la mendicité, les vagabonds et les gens inutiles. Art. 15. La suppression des annates. Art. 16. L’étroite obligation aux prélats du royaume de résider dans le lieu de leur bénéfice, et de ne pouvoir posséder qu’un seul bénéfice. Art. 17. Suppression des aides et gabelles. Etablissement uniforme du prix du sel dans tout le royaume, et qu’il soit fait un nouveau tarif pour la perception plus exacte des droits de contrôle et qui en anéantira l’arbitraire. Art. 18. Que, pour le bien de l’agriculture et du peuple, aucun laboureur ne puisse tenir deux corps de ferme, ni faire valoir aucun moulin. Que le prix du blé soit fixé à 25 francs le setier, mesure de Paris, jusqu’à la moisson prochaine, et qu’il ne soit permis de faire aucune exportation hors du royaume. Art. 19. Qü’enfinun nouveau régime dans l’administration prochaine ôte les frais de transport dans le versement des différentes caisses ; qu’à cet effet, tous receveurs généraux et particuliers demeurent supprimés. Fait et arrêté en l’assemblée desdits habitants, tenue cejourd’hui 14 avril 1789, une heure de relevée, en l’église paroissiale de Saint-Jean dudit Dammartin, par-devant nous, Jean-Claude Rous-quin, avocat en parlement, lieutenant général au bailliage et comté dudit lieu, et avons signé avec ceux desdits habitants qui le savent. Ainsi signé : Gommeron ; Caillard ; Dardel ; Etienne Barbon ; Bousquin ; Sadion ; Philippe Barbon ; Gouffe ; Laville ; Ganneron ; François Bonnegent ; Maulmy ; La Ruelle ; François Bon-negent ; Laville ; D. Bounart ; Mareschal ; Bonni-chon ; Lavallée; D. Blaquet ; Rousquin ; Coste fils; Remy Gouffé; Lemaire; Hambert ; Jean-Guais ; Blanche ; Tippares ; Lemaire ; Lotte père ; Barbon; Remy Gouffe ; Charbon ; Chaunary; Walle ; Laurent Barbon ; Offroy père ; Guilletin ; Robin ; Pierre Guay ; Pierre-Louis Chobert ; Dardel ; Pierre Hé-riYaux ; Flours ; Berthault. CAHIER Des .réclamations de la paroisse de Dampmart , près Lagny - sur-Marne [ 1). MM. les députés élus par la communauté des habitants de Dampmart, pour les représenter aux assemblées préliminaires qui doivent se tenir à Paris le 18 de ce mois, sont chargés des instructions et pouvoirs suivants, auxquels ils seront obligés de se conformer suivant le vœu de leurs commettants; ils représenteront: Art. 1er. Que les habitants n’entendent point séparer de leurs intérêts les autres sujets du royaume, et que s’ils font de vives réclamations contre les abus et les privilèges odieux qui les dégradent et les avilissent aux yeux de la noblesse et du haut clergé ; que s’ils forment des plaintes amères contre leurs accablantes impositions, contre la forme onéreuse d’en faire les recouvrements; que si, enfin, ils font une peinture touchante de leur oppression et de l’avilissement où ils languissent depuis tant de siècles, ils déclarent que leurs plaintes ne doivent pas se borner à leur seule communauté, mais qu elles doivent s’étendre aussi aux bourgs et villages, qui sont également écrasés et sacrifiés aux privilèges des grands. Art. 2. Ils observeront que le terroir de Dampmart, d’après un procès-verbal d’arpentage dressé, par ordre de M. l’intendant, par le sieur Semane, arpenteur-géomètre, sous les indications du syndic de cette paroisse alors en charge, le 22 juillet 1782, contient 1,450 arpents de terre, mesure de Dampmart , c’est-à-dire 100 perches l’arpent ; suivant le même procès-verbal il y en a 173 occupés par les chemins, traversins, ruelles, ravins, rivières et trait à chable ; 54 occupés par les châteaux, églises, presbytères, cimetières, maisons, granges, écuries, parcs, jardins et cours ; en outre 60 arpents au lieu dit les Vallières, terrain inculte et stérile abandonné absolument à la pâture des troupeaux. Toutes ces terres réunies inutiles à la végétation forment un total de 288 en non-valeur et qu’il faut retrancher des 1,450; reste donc 1,162, dont le produit répond difficilement à l’infatigable activité du cultivateur. La taille se monte à la somme de 8,000 livres; les vingtièmes à 1,800 livres, la corvée à 419 livres, qui forment 10,219 livres. 250 arpents dans la paroisse, tous plantés en vignes, produisent par arpent, année commune, 10 pièces de vin à 20 livres, sur lesquels il faut payer 4 livres de gros, 3 livres de futailles, de sorte que, les échalas et fumiers achetés, les vignerons ne retirent que 10 à 11 livres par pièce de vin dont les deux tiers sont destinés aux vinaigriers de Paris, qui payent les mêmes droits que les vins de bonne qualité. On ignore pourquoi les commis des aides se permettent de lever des droits exorbitants sur les vins gâtés qui ne peuvent servir qu’à l’usage des vinaigriers. L’avidité insatiable des fermiers généraux, à qui rien ne résiste, a trouvé les moyens de s’approprier les mêmes droits que les vins de bonne qualité, au mépris des déclarations du Roi. Soit timidité, 'soit impuissance de la part des commettants, ces droits désastreux ont été levés jusqu’à ce jour sans réclamations ; mais aujourd’hui qu’il est permis de faire entendre la voix de la justice et de l’équité, il est temps de protester contre cette vexation et d’éclairer le Roi et (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] 485 les Etats généraux sur les ressources dégoûtantes que se procurent si facilement les fermes aux dépens du cultivateur souffrant et laborieux. Le reste du terroir est en terre labourable ; la première et deuxième année rendent 10 septiers de différents grains, la troisième année est en jachères, en sorte que les 10 setiers à 11 livres, l’une portant l’autre, donnent à l’expiration de trois ans 110 livres, sur lesquelles il faut déduire 60 livres de loyer à 20 livres par an, 15 livres pour la grappe-dîme ; reste donc au bout de trois ans 35 livres pour payer et récompenser les sueurs, le travail et les fatigues du cultivateur. Art. 3. MM. les députés demanderont la suppression entière des colombiers ; ils peindront le désespoir du laboureur en voyant ses terres ensemencées devenir la proie des pigeons. De quelle douleur n’est-il pas pénétré de se voir frustré d’un quart de sa récolte par le gaspillage et l’avidité de ces oiseaux lorsque les pluies continuelles le forcent de laisser en javelle ses grains ! Art: 4. Ils demanderont la destruction entière du gibier ; qu’il soit recommandé aux seigneurs d’avoir des enclos où ils multiplieront à leur gré le lapin et le lièvre, mais que le vigneron devenu enfin propriétaire libre de son champ, puisse le protéger contre la voracité de ces animaux, et qu’il ne soit plus dressé de procès-verbaux contre l’infortuné cultivateur qui tuera la bête malfaisante qui vient ronger ses arbres et dévaster son champ ; qu’il soit surtout défendu aux gardes de tuer des chiens utiles au laboureur, sous le faux prétexte qu’ils poursuivent leur gibier. Art. 5. Après avoir insisté sur la démolition des colombiers, la destruction du gibier, la suppression des droits féodaux, la juste répartition de l’impôt territorial, sans aucune distinction pécuniaire, sur l’extinction des aides et gabelles, dont on devrait ensevelir le souvenir dans l’oubli le plus profond, Ils oseront élever la voix contre la destination des grosses dîmes ; ils laisseront cependant aux lumières de l’assemblée de prononcer s’il ne serait pas dans la justice de les faire rentrer dans le patrimoine des curés, comme un bien propre que le droit naturel et le vœu des peuples assurent à ceux qui desservent l’autel. Alors ils appuieront fortement sur la suppression des droits curiaux, droits criants et injustes auxquels cependant ne peuvent renoncer les curés sans se refuser une existence honnête. N’est-il pas affligeant et douloureux de devenir les créanciers des pasteurs au moment fatal où l’on répand des larmes sur le tombeau qui vient d’ensevelir tout ce qu’on a de plus cher et de plus intéressant ? Art. 6. Les députés rappelleront avec énergie les fléaux destructeurs du 13 juillet de l’année dernière, la misère profonde où ils plongent la partie indigente du peuple, la cherté des blés, la disette dont on est menacé si la gelée a attaqué les vignes et les arbres, et c’est dans ces circonstances que des moines n’ont pas honte d’obtenir des lettres de sceau ; c’est dans ces fâcheux moments que des lettres sont affichées et publiées, qu’un commissaire est nommé pour contraindre les propriétaires de biens à faire de ruineuses déclarations; c’est dans ces moments où les cœurs s’ouvrent à la compassion et à la pitié, et qu’elle agite les âmes les moins sensibles, qu’on achève de consommer, pour ainsi dire, la ruine entière du cultivateur par des frais de déclaration dont il n’existe d’exemples que dans l’arrêt du conseil du Roi surpris à sa justice et à son équité, il y a quelques années. Art. 7. Des religieux que les ancêtres des commettants ont enrichis; des moines qui ne doivent leur riche existence qu’à la protection du gouvernement et à la piété de nos pères, devenant les oppresseurs des enfants de leurs bienfaiteurs; des moines qui font vœu de pauvreté, et qui possèdent plus de bien dans leur oisiveté que des milliers d’hommes courbés sous le poids de la chaleur ; qui habitent des palais superbes, couchent sous des lambris dorés, se promènent dans de vastes et délicieux jardins, au lieu de végéter dans d’affreux déserts ; Des moines engagés par le vœu de la chasteté, se nourrissant de mets exquis , se fortifiant d’excellents vins, de bonnes liqueurs, saps craindre l’agitation naturelle d’un tempérament échauffé ; des moines liés par le vœu d’obéissance et qui refusent d’obéir à la première voix de l’humanité et de la compassion ; des moines morts au monde et qui ne sortent de leurs obscurs tombeaux que pour jeter le trouble, l’inquiétude et Je désespoir parmi leurs censitaires, leurs débiteurs ; Quel étrange contraste avec notre divin modèle, qui n’est ressuscité que pour le bonheur de tous, eux, qui refusent môme de faire la plus légère remise sur les lods et ventes, contre l’usage et de grands exemples ! Ils demanderont avec instance à l’assemblée qu’elle daigne prier Sa Majesté de modérer les frais de déclaration qui se lèvent à 7 sous 1/2 par pièce. Ils reconnaissent des seigneurs, ils consentent à passer tous les actes nécessaires pour assurer leurs titres et leurs droits, mais au moins qu’ils soientplus justes, et que, pour occuper un commissaire à la confection de leur terrier, dont ils payent faiblement le travail, les commettants ne soient pas contraints seuls de se charger des frais ; il observeront que le terroir de Dampmart est divisé et subdivisé en plus de sept mille pièces; ajoutez que la premièrepièce déclarée paye 15 sous et toutes les autres 7 sous 1/2. En outre, chaque rôle d’écriture à 1 livre, ensuite les lods et ventes, les cens, surcens, redevances, rentes ; que deviendront les commettants? Ne doivent-ils pas préférer le tombeau à la faim et à la misère? Art. 8. Ils diront que la cherté du blé ne provient que de la location des fermes, qui sont montées à un prix exorbitant, et ils prouveront s’il le faut qu’un fermier du chapitre de Paris se trouve une augmentation de 45,000 livres pendant la duré de son bail de neuf ans, et que la ferme de Dampmart est portée au douille. Art. 9. Enfin , MM. les députés feront entendre les vœux ardents que leurs commettants font pour la gloire et la prospérité du royaume, pour la longue durée des jours du Roi bienfaisant qui les gouverne, enfin pour les Etats généraux, dignes par leurs lumières et le vœu des Français de les représenter. Ils protesteront enfin qu’ils seront toujours de zélés et de respectueux sujets. Signé C. Grandjean, syndic; Michelet; G.-M.-F. Lignier ; Fiacre Delorme ; Avril; Jacques Sauvage; Hottot ; Nicolas Auger; Fiacre Michelet ; Gemelz ; Saunier ; Avril ; Folignier ; Labour ; P. Hottot ; L. Girard ; Bureau ; Claude Girard ; P. Folignier ; Chevalier; Fiacre Folignier; Martin Pasquier; F. Haret.