505 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] lemen t imposé sur les biens des nobles et du clergé, qui usent aussi bien que les roturiers des chemins. Art. 17. Nous demandons que toutes les rentes dues à l’Eglise, au clergé, aux Hôtels-Dieu et hôpitaux, de telle nature qu’ils aient été constitués, soient à toujours rachetables. Art. 18. (lue tous les pigeons seront détruits, et s’ils ne le sont pas, qu’ils soient renfermés depuis la Saint-Jean jusqu’au 8 septembre. Art. 19. Que le droit de banalité de telle sorte que ce puisse être soit supprimé. Art. 20. Que les commissaires des parties, connus vulgairement sous le nom d’intendants de province, seront supprimés comme inutiles et trop favorables au despotisme. Art. 21. La suppression de toutes les capitaineries. Fait et arrêté en l’assemblée générale des habitants de la paroisse d’Ennery en Brie, convoquée au son de la cloche dans ladite église, présence de Pierre Corvilier, syndic municipal et député, Antoine-Gaspard Annèton, député, Jacques Vaché, Jacques Sandrin, Jean-François Kempesser, Basile Marc., Nicolas Leclère et Charles Legemble, qui ont signé avec nous et notre greffier. Et quant à Jac-ues Anneton, Jean-Batiste Lornes, Alexandre Le-oux, P. Berteau, J.-L. Berleau, C. Lepandu, J.-C. Sandrin, Jacques Durand et Nicolas Frossard qui ont déclaré ne savoir écrire ni signer, de ce interpellés, suivant l’ordonnance. Signé Anneton; J. Vachez; Carvoisier ; Jacques Sandrin; Evaz; Degemble; Nicolas Leclère ; Kem-pesser, Reynard, Noël, greffier. INSTRUCTIONS ET POUVOIRS Donnés aux sieurs L. BERTIN, P. GILBERT DE La Chaussée et Charles-Louis Leclerc, députés du bourg d’Ecouen, en la prévôté, vicomté, hors les murs , dans le ressort du châtelet de Paris , relativement a la convocation des Etats généraux de France , à Versailles, le Tl avril 1789 (1). Les soussignés, habitants du bourg d’Ecouen, tous nés Français, âgés de vingt-cinq ans passés et compris aux rôles des impositions de ce bourg, assemblés au son de la cloche en la salle d’audience, lieu ordinaire où ils délibèrent de leurs affaires communes; Pour obéir aux ordres du Roi, portés par lettres de Sa Majesté données à Versailles le 24 janvier dernier, à fin de convocation et tenue des Etats généraux de ce royaume et satisfaire au règlement y annexé, ainsi qu’à l’ordonnance de M. le prévôt de la ville, prévôté et vicomté de Paris, ou M. le lieutenant civil au châtelet, du 4 du présent mois, dont les soussignés déclarent avoir une parfaite connaissance, d’abord, par la publication de ces lettres, règlement et ordonnance faites au prône de la messe de paroisse par M. Siclet, curé, le 12 du présent mois, à l’issue de ladite messe, au devant de la principale porte de l’église, et enfin par la lecture qui en a été présentement faite à haute et intelligible voix dans la présente assemblée, aux fins de remontrances et des pouvoirs à donner aux députés aux Etats généraux, pour aviser, proposer et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’état, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tout un chacun des sujets de Sa Majesté ; (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. Ont procédé comme il suit : M. de La Chaussée, syndic municipal, portant la arole aux autres membres de la présente assem-lée, leur a dit : Chers concitoyens, Environnés de pauvres réduits aux dernières extrémités de l’indigence, chargés d’une multitude d’impôts dont les privilégiés rejettent tout le poids sur nous, sujets à une féodalité onéreuse, accablés sous le joug des différentes espèces de traitants, et encore en proie aux entreprises de tous genres de la part des propriétaires exploitants et de leurs fermiers directs ou intermédiaires, nous voici enfin à l’heureux moment de faire parvenir nos justes plaintes au tribunal suprême de la nation pour y obtenir justice. Le Roi, en nous tendant un main secourable et en promettant d’écouter nos doléances, laisse aussi la liberté, ou plutôt Sa Majesté exige de lui présenter, sans crainte et sans aucun déguise-menl, les moyens d’apporter un remède efficace aux maux de l’Etat et encore de nous soulager par une réforme générale des abus. En nous bornant à ce qui concerne notre simple terroir, et sans étendre notre vue bien au delà, nous y voyons un nombre de ces entreprises également injustes et abusives, dont les effets pernicieux nous écrasent. Recourons donc à la source de ces abus et saisissons-les dans leur racine, pour tâcher sinon de les détruire entièrement, au moins de les tempérer. DIMES. Nos annales, pour ce qui concerne les biens ecclésiastiques, nous apprennent, chers concitoyens, que si nos pères ont consenti pour eux et obligé nous, leurs enfants et héritiers naturels, à l’impôt exorbitant de la dîme, c’est-à-dire à la destruction indivise d’une dixième partie de nos propriétés foncières, à la culture gratuite de cette dixième partie, à son engrais, à ses semences et ses moissons, ç’a été dans le seul point de vue de former un lot à part aux pauvres, nos concitoyens. Enfin ç’a été pour se débarrasser de tous autres soins à l’égard de cette classe malheureuse des pauvres, que nos pères n’ont pas transmis la propriété pleine, ni même le simple usufruit, mais qu’ils ont seulement confié l’administration des produits de cette dîme aux ecclésiastiques, qui par leurs vertus chrétiennes, avaient fixé leur confiance et semblaient de siècle en siècle devoir mériter la nôtre. Cependant, par un nombre de causes purement humaines et tout à fait contraires au but de l’établissement des dîmes, elles ne tournent presque plus à leur primitive destination, c’est-à-dire au soulagement des pauvres ; ainsi, en fournissant exactement à chaque récolte la totalité des dîmes à des ecclésiastiques éloignés et le plus souvent inconnus chez nous, les pauvres, mourant de froid et de faim, nous pressent par leurs larmes de subvenir à leurs vêtements, à leur nourriture et à toutes leurs autres nécessités journalières, ce qui comporte évidemment un double impôt sur nous. FÉODALITÉ. En parcourant les mêmes annales pour ce qui concerne les biens du domaine ancien et inaliénable de la couronne, vous y verrez clairement que ce domaine suffisait non-seulement aux dépenses de la maison du Roi, mais encore à l’en- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 Paris hors les mnrs.] 506 fÉtats gén. 1789. Cahiers.] tretien des armées, en paix comme au temps de guerre. Vous allez, sans doute, chers concitoyens, vous demander à vous-mêmes : « Qu’est donc devenu « ce vaste domaine que nos pères avaient em-« preint du caractère sacré de l’inaliénabilité?» Hélas ! encore par des raisons plus qu’humaines et dans des temps de désordre où les grands pêchaient dans l’eau trouble, ils se sont emparés de la presque totalité de ce domaine dont chacun a tâché d’avoir la meilleure part possible à titre de bénéfices militaires gardés, d’abord à vie, et devenus ensuite héréditaires, toujours sous la condition d’un service personnel, et à la charge par ces grands de fournir, chacun en proportion de leurs possessions, les hommes et autres choses nécessaires à la défense de l’Etat, ce qui s’opérait par la convocation du ban et de l’arrière-ban. Mais ce service militaire, limité à six semaines de temps pour chaque guerre, ayant été fait si négligemment et avec tant d’insubordination, le Roi a été obligé de lever d’autres troupes à ses frais et avec les secours pécuniaires que nos pères lui ont successivement octroyés, pour parvenir à repousser nos ennemis. Au moyen de quoi les démembrements du domaine de la couronne pris originairement sous le titre de bénéfices militaires et que nous reconnaissons mieux aujourd’hui sous la dénomination vulgaire de duchés, comtés, marquisats, châtellenies, baronnies et autres fiels, sont restés gratuitement entre les mains de ceux qui s’en étaient emparés, et leurs représentants actuels en jouissent paisiblement sans avoir encore même songé que depuis la dernière des convocations du ban et de l’arrière-ban, ils n’ont point satisfait au contrat de leur inféodation, c’est-à-dire à ce service militaire sur lequel seul est fondée la détention des biens féodaux fonciers, et leur jouissance des cens, lods et ventes, reliefs, quintes, cham parts et autres droits incorporels des fiefs qui se perçoivent néanmoins rigoureusement, et souvent av*ec extension. Si donc vous considérez , chers concitoyens, que nous payons d’un côté les droits ordinaires et extraordinaires des fiefs, et que d’autre côté nous fournissons directement les milices, avec les vingtièmes, la taille, les gabelles, les aides, le timbre, le contrôle, le centième denier et tous les autres subsides qui servent aux dépenses de la maison du Roi, des troupes et autres frais de la guerre, vous resterez persuadés que, pour le soutien du trône et la défense de l’Etat, nous supportons réellement un double impôt. JUSTICE Des biens détachés du domaine du Roi, partagés et subdivés entre les nouveaux possesseurs, avaient beaucoup perdu de leur lustre. La justice qui s’administrait gratuitement dans tout le royaume au nom du Roi seul par les ducs et les comtes amovibles de cRaque gouvernement, assistés de personnel dont la condition était égale à celles des parties qui plaidaient et qu’on appelait par cette raison pairs, la justice subit le même sort que les biens domaniaux, c’est-à-dire qu’elle a été concédée à quelques-uns, et usurpée par tous les autres. Si vous voulez, chers concitoyens, envisager le -, nombre hiérarchique des juridictions par chacune desquelles, nous, misérables gens de campagne, sommes le plus souvent forcés de passer pour nous maintenir dans les propriétés les plus légitimes ; Si vous parcourez des yeux cette quantité d’officiers qui, avec une simple commission du seigneur de fief, ou moyennant une très-modique finance versée originairement dans les coffres du Roi, exercent une hypothèque privilégiée sur le plus pur de nos biens; Si, en parlant de la juridiction la plus inférieure, vous remontez graduellement jusqu’à l’une ou l’autre des cours souveraines, combien d’officiers entre les mains desquels vous vous trouvez obligés de passer, et qui par cette raison de nécessité exercent non moins privilégièrement leur hypothèque sur le fonds et très-fonds de vos biens! Aussi combien de débiteurs ruinés!... Combien de successions les plus liquides ont été dévorées ! Eh! comment ces successions pourraient-elles n’étre pas consommées, lorsque dès le commencement des opérations, pour une simple levée de scellés, nous voyons le juge, le procureur fiscal, leur greffier, un ou deux notaires, un ou deux huissiers-priseurs et presque autant de procureurs postulants qu’il y a de parties directement ou indirectement intéressées... Ce nombre de praticiens, sous le prétexte spécieux de conserver les droits respectifs, stipule ou ne peut mieux les siens personnels en! allongeant la besogne pour grossir le nombre des vacations. L’inventaire est-il achevé? 11 reste encore pour les jurés-priseurs une vente du mobilier, et pour tous les autres officiers une licitation judiciaire des immeubles, d’après un long procès-verbal de rapport, visite et estimation d’autres jurés experts, etc., etc. Jetterons-nous, chers concitoyens, un coup d’œil sur le mémoire des frais privilégiés de chacun de ces messieurs?... Non. Détournons au contraire notre vue de tableaux aussi effroyables, pour gémir sur le sort de nos pauvres qui n’ont., en grande partie, été dépouillés de leur patrimoine, et réduits à notre charge, que par les frais énormes de justice. AUTRES DROITS SEIGNEURIAUX. Nous savons tous, chers concitoyens, que les droits extraordinaires des fiefs, tels que le colombier à pied pour les pigeons, la corvée, les banalités de four, pressoir et moulin, les droits de justices seigneuriales, tels que les amendes, confiscations, bâtardise, déshérence, et ceux de péages, pontonnages, travers et autres successivement imaginés, ne doivent subsister utilement qu’à des conditions onéreuses; en général, point de profits de fief, sans application d’une charge. Cependant, combien de natures de droits féodaux ne supportons-nous pas sans la moindre apparence d’aucune charge publique! Nous payons, par exemple, les droits d’une banalité de four, et il n’existe point de four banal ni aucun acte par lequel nous, habitants, ayons converti ce droit en celui d’avoir des fours particuliers chacun chez nous. S’agit-il de faire châtier quelque malfaiteur ? On a grand soin de le laisser évader parce que les frais du procès seraient trop coûteux, et ..... tout cela retombe à la charge du Roi, conséquemment à celle des contribuables de l’Etat ; ce qui comporte à cet égard un double impôt. VOIRIE. Nous n’avions jamais pensé, chers concitoyens, que le droit de voirie inhérent à la haute justice, pour la police des rues et chemins, comportât la faculté au seigneur haut justicier de faire 507 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] planter à son profit des arbres, à chaque bord des chemins de traverse, dans l’étendue de leur seigneurie. Néanmoins, par une innovation encore récente, les gens d’affaires de S. A. S. le comte de Charolais, en s’appuyant sur les dispositions d’un arrêt du conseil du Roi non revêtu de lettre patentes et sans autre forme, ont fait planter au bord du chemin des Gribelets, de celui des Postes et autres chemins de traverse sur notre terroir, de jeunes arbres, à environ quinze pieds de distance les uns des autres, ce qui occasionne aux propriétaires riverains un double préjudice : d’abord en ce que ces propriétaires sont frustrés de la portion de terrain prise sur l’alignement et la plantation de chacun de ces arbres; ensuite parce que leur ombre gêne déjà et gênera encore bien davantage, à l’avenir, là production des grains qui, privés des rayons du soleil, ne pourront mûrir ; enfin, parce que les branches de ces arbres, quoique encore jeunes, ne permettent, dès à présent, aux voilures à haut comble de passer qu’avec beaucoup de peine. Nous pouvons même ajouter que, lorsque ces plantations seront plus âgées et les arbres plus forts, les chemins seront absolument impraticables. CHASSE. En avouant ici que nous ne connaissons aucune loi pour autoriser les seigneurs hauts justiciers à s’approprier les chemins de traverse avec une bonne partie des héritages qui les avoisinent, nous ne balancerons point à vous assurer aussi que nous ne savons pas à quel titre les détenteurs de fiefs font de chaque terroir, en leur cen-sive, une véritable basse-cour des différentes espèces de gibier national et étranger. Le respect que nous devons à la personne du Roi, et qui doit naturellement influer sur S. A. S. Mgr le prince de Gondé, comme prince de la famille royale et en qualité de seigneur justicier de ce lieu d’Ecouen, nous réduirait-il à la cruelle nécessité de trahir le Roi lui-même en lui déguisant des vérités que Sa Majesté recherche ? Enfin ce respect doit-il nous interdire au point de n’oser faire ici la plus légère peinture des sacrifices de tout genre auxquels nous sommes forcés ? Quoi ! un minot de grains prodigué, par chaque arpent de terre, au delà des semences ordinaires, et ce, pour nourrir une quantité incroyable de lapins, de perdrix, et autres espèces de gibier qui, après avoir mangé cette énorme excédant de semences, rongé nos vignes et. nos arbres, dévastent encore nos moissons et toutes nos productions territoriales ! Quoi ! un laboureur, propriétaire ou fermier, intéressé à retirer de son champ ce que sa prudence et tous ses soins lui permettent d’en espérer, ne pourra seulement aller lui-même sur ce champ, en arracher ou couper les mauvaises herbes, qui font périr les blés et autres productions ! Quoi I nos récoltes en grains et foins, soumises au régime capricieux des chasses, conséquemment retardées, gâtées, et souvent perdues par les mauvais temps! Quoi ! les pauvres, pour soulager leur ipisère, ne pourront aller faire les chaumes propres à leur chauffage , qu’après les pluies qui les auront ourris ? Le tout par la crainte d’effaroucher les ifférentes espèces de gibier qui croissent sur nos domaines, que nous nourrissons toute l’année et sur lequel nous n’osons seulement jeter la vue I Gardons-nous, chers concitoyens, gardons-nous d’attribuer rien de tout cela à Mgr le prince de Condé personnellement, parce que Son Altesse n’est constamment pas informée des dégâts et de toutes les tyrannies que l’on se permet impunemént sous le puissant crédit de son nom. La bonté de son cœur, la droiture de son âme et tous les autres sentiments dignes de son rang sont connus de tout le monde, et nous pouvons dire avec assurances que si le château d’Ecouen était meublé, et que nous eussions le bonheur d’y posséder Son Altesse, au moins quelques jours de l’année, il ne serait pas difficile de nous faire entendre et d’obtenir de lui, notre protecteur et notre premier soutien, bonne et prompte justice. Nombre de mémoires portés à Paris et présentés aux intendants et premiers officiers de Son Altesse sont restés sans réponse, m’objecterez-vous , chers concitoyens ! Mais si ces mémoires n’ont pas eu le succès que nous avions tout lieu d’attendre, c’est sans doute parce que les intendants et premiers officiers, trop occupés pour descendre dans les détails, voir les choses par eux-mêmes et réprimer les abus , s’en rapportent avec trop de confiance aux gardes çt autres officiers conservateurs des chasses, seuls intéressés à la continuation des abus. D’ailleurs des ordres écrits de Paris à Ecouen sont-ils fidèlement exécutés? G’est donc aux gardes et autres conservateurs des chasses que nous devons imputer nos peines, et ajouter hardiment contre eux, que sur des procès-verbaux rédigés, où et dans la forme que tout le monde sait, on prononce contre nous des amendes arbitraires et les plus rigoureuses, et s’il échappe encore à quelques-uns de nous les plaintes les plus justes, ces officiers subalternes ont l’audace de nous menacer de prison, quelquefois même de nous y traîner, le tout pour nous être approchés trop près du gibier, qui, encore unefois, croît sur nos héri-ritages, qui se nourrit à nos seuls dépens, et qui, à ces différents titres, appartient à nous seuls par le droit de la propriété la plus naturelle et la plus légitime. GROS FERMIERS. Un esprit d’égoïsme s’est emparé non-seulement de la majeure partie des grands propriétaires exploitants, mais encore des plus riches agriculteurs; maîtres des biens, ils réduisent tout sous leur empire le plus absolu. Veulent-ils augmenter les vivres ? Il leur suffit de s’approcher les uns des antres; bientôt les greniers sont fermés, les moulins arrêtés, et les marchés publics dégarnis. Il faudrait (ont écrit quelques-uns) il faudrait que les trop grandes possessions fussent partagées... ; mais ces amis de l’humanité n’ont peut-être pas approfondi ni assez pesé les conséquences de leur opinion, en ce qu’un tel partage serait contraire au but et au droit sacré de la propriété. Mais ne pourrions-nous pas dire plus judicieusement, qu’en conservant les grandes propriétés entre les mains de ceux qui les possèdent, il conviendrait d’en répartir l’exploitation entre les mains de plusieurs ? La réunion de deux, trois, quatre, cinq ou six grandes fermes entre les mains d’un seul fermier, en présentant à chaque propriétaire le spécieux avantage d’être payé exactement de ses fermages, réduit aussi un nombre de bras à l’oisiveté, ou 508 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] sous le joug rigoureux de l’espèce de fermier général qui n’emploie que ceux qu’il juge à propos, et moyennant les salaires qu’il leur taxe. Au contraire, un partage raisonnable des travaux, pans rien ôter aux propriétaires de la sûreté de leur payement, par un cautionnement solide ou même par une avance pécuniaire de leurs fermages, vivifierait un nombre de familles, laisserait une concurrence de travail aux autres, et tarirait encore la source des inconvénients qui résultent des exploitations trop grandes. Une trop longue expérience vous a appris, chers concitoyens, et nous ne pouvons représenter avec trop de constance et de fermeté : Premièrement, que le fermier de dix, douze, quinze à vingt-cinq charrues, distrait par mille occupations diverses, ne peut labourer lui-même ni surveiller ses charretiers avec toute l'attention nécessaire ; Secondement, que des terres confiées à des bras mercenaires et souvent inexpérimentés, ne sont pas cultivées avec autant de soins qu’y mettrait un fermier particulier, animé par l’intérêt personnel; Troisièmement, que pour une jouissance passagère de trois, six ou neuf années, encore dans l’incertitude d’un renouvellement de bail, et enfin dans la crainte d’une augmentation de fermages, le fermier combattu et au�si arrêté, ne se prête à aucune des ameliorations possibles; Quatrièmement, que, au lieu de dix, douze, quinze, vingt ou vingt-cinq basses-cours qui, par un juste partage d’exploitations, se trouveraient nécessairement exister pour l’élève de volailles, moutons, pourceaux, vaches, bœufs, chevaux et autres gros bestiaux, il est néanmoins à la connaissance de tout le monde que chaque gros fermier n’a qu’une seule basse-cour encore médiocrement peuplée surtout en porcs et autres espèces qui, d’après un calcul arithmétique de leurs consommations, coûtent plus à nourrir qu’elles ne rapportent. Craindrions-nous de le dire ? à peine un veau est-il né, qu’au préjudice môme des règlements les plus positifs, on s’empresse d’envoyer le jeune animal chez le marchand boucher. De ce régime des grosses fermes, naissent deux conséquences également nuisibles à la chose publique. La première est l’insuffisance de fumiers et engrais pour retirer des terres tout ce que, bien cultivées et suffisamment amendées, elles peuvent roduire, et la seconde est un dépeuplement des estiaux. De là la cherté des matières premières pour les. articles et le commerce ; de là la cherté du pain ; de là la cherté des viandes de boucherie ; de là enfin la cherté de toutes les autres choses nécessaires à la vie. FERMIERS INTERMÉDIAIRES. Négligerons-nous de parler aussi des intermédiaires qui sous le titre de fermiers généraux de seigneuries entières ou des revenus temporels d’évêchés, abbayes et autres gros bénéfices ecclésiastiques, viennent nous arracher les profits de l’agriculture, sans y opérer rien d’utile? Hésiterions-nous même à dire que ces intrus, amenés par la cupidité la plus vive en rançonnant leurs sous-fermiers, les forcent de survendre leurs denrées, ce qui est encore une autre cause de la cherté des vivres ? Outre ces inconvénients généraux de la cherté des vivres, il y en a encore de particuliers pour la classe' des contribuables, car une bonne partie des fermiers de grandes fermes présentent des baux fictifs ; et les intermédiaires, non contents de mettre à contribution les véritables agriculteurs, ne montrent pas leurs baux à ferme, mais seulement une procuration générale de leurs propriétaires privilégiés , pour se soustraire au payement de la taille. privilégiés. Passerons-nous sous silence, le nombre indéfini de ces autres personnes qui, favorisées par la fortune, et par conséquent, plus à portée de contribuer à la taille et aux autres impôts, ne se font aucun scrupule d’en rejeter tout le poids sur la classe moins aisée, les uns en se qualifiant faussement écuyers ou de quelque autre titre de noblesse, d’autres en prenant une place dans le service de la maison du Roi, ou chez quelque grand, et les autres par l’acquisition de charges de toute espèce? Cependant 1 impôt, comme vous le définissez vous-même, chers concitoyens, l’impôt est le sacrifice que chacun doit faire d’une partie de ses biens pour obtenir la conservation de l’autre partie, contre l’entreprise des brigands et contre les invasions de nos ennemis. Ce principe ainsi posé, ne pouvons-nous pas raisonnablement dire : « Celui qui a le plus de biens à conserver est celui qui doit équitablement contribuer pour une plus forte part à l’impôt? » D’après cela de quel œil devons-nous regarder ces possesseurs aisés, qui, ayant à conserver le plus de biens, payent moins et souvent rien du tout ? Effacés du registre de nos contributions, sont-ils bien véritablement encore membres de la société ? Les décorerons-nous de ce doux et glorieux nom de citoyen ? COMMIS DES FERMES Dü ROI. Indépendamment de cette première foule de privilèges, il en est une autre presque aussi considérable. Ce sont quatre-vingts à cent mille personnes, les unes préposées pour les postes, et les autres placées dans différentes villes et bourgs du royaume pour la perception, non des vingtièmes, non des tailles, non de la capitation et accessoires, mais des droits d’aides, tabacs, gabelles, contrôle et autres, compris dans les fermes générales et particulières du Roi. Combien ces perceptions ne coûtent-elles pas à la masse des contribuables! Je ne parlerai pas de la levée nette de ces droits, puisqu’ils sont nécessaires pour les charges de l’Etat ; mais n’oserions-nous jeter un regard sur les bénéfices des fermiers généraux, sur le traitement exorbitant de leurs directeurs dans chaque département, sur la somme immense des appointements de leurs autres commis , sur _____ et encore sur les entraves qu’ils apportent au commerce ? Bornés aux travaux rudes et grossiers de l’agriculture, à peine savons-nous seulement le nom de chacun des arts mécaniques et libéraux, d’utilité et d’agrément, de nécessité ou de fantaisie qui, en secondant les bienfaits de la nature, multiplient les besoins et les délices. Réduits à porter au marché public de la ville la plus proche les produits de nos champs et de nos chétives basses-cours, nous ne connaissons point les spéculations ni les autres ressorts des différentes branches de commerce qui, en réu- [Etats gén. 1789. Cahiers.] nissant toutes les productions naturelles et industrieuses, et en les approchant dans les lieux de leur consommation, procurent l’abondance des richesses. Néanmoins nous sentons bien que, tant que nos terroirs déjà entamés par des allées couvertes et autres choses superflues, sont encore dégradés par les pigeons et le gibier; tant que les terres, réunies dans un petit nombre de mains, ne rendront pas tout ce que la sueur, les travaux et les engrais peuvent en tirer ; tant que nous serons séparés des grands propriétaires, et à la merci de leurs fermiers intermédiaires ; tant que nous resterons assujettis aux abus de la féodalité, à la discrétion des gens de justice, et sous le joug de la multitude bizarre et compliquée des autres impôts, il nous sera impossible de fournira bas prix les matières premières pour le commerce, et de réduire nos grains, nos vins et nos autres denrées à un prix aussi favorable, pour que les ouvriers des manufactures et autres artistes nourris, logés, vêtus, éclairés et chauffés à bon compte, puissent baisser leurs ouvrages et par là, faciliter aux négociants un prompt débit dans l’intérieur du royaume et même une concurrence chez l’étranger. En un mot, nous croyons qu’en fait de commercé, des marchandises bonnes, bien façonnées et qui sont à meilleur marché, ont nécessairement la préférence par tout le royaume, et même chez J es étrangers. Mais comment amener les choses à ce point naturel et si désirable? Comment concilier les intérêts particuliers qui s’y opposent?.... Telles sont, chers et vertueux concitoyens, telles sont les difficultés à aplanir ..... Vous avez bien présentes à l’esprit les dispositions des lettres et règlements publiés, et dont la lecture vous a été faite; c’est par suite d