560 j Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1790.] ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 18 DÉCEMBRE 1790. Opinion de Félix Faulcon, député du département de la Vienne, sur la clôture des travaux de l’Assemblée nationale (1). Messieurs, un grand devoir m’appelle à cette tribune : je veux vous proposer d’accélérer vos opérations, et de déterminer invariablement l’époque précise qui doit les voir finir. Pour vous disposer à m’écouter avec indulgence, je pourrais vous parler de vingt mois déjà écoulés dans des travaux continuels, de toutes les peines, de toutes les inquiétudes qui nous ont souvent poursuivis peudant le cours de cette longue carrière, et de celte tendance naturelle qui doit nous rappeler tous vers nos affaires, nos familles et nos amis que nous n’avons pas embrassésdepuissilongtemps : sans doute, ce doit être là un besoin bien pressant pour nos cœurs; sans doute, il n’estaucun de uous qui, pendant une mission orageuse semée de tant d’ennuis et de contrariétés, n’ait tourné des regards d’attendrissement et de regret vers les lieux plus paisibles de ses habitudes journalières, vers les lieux où nous avons laissé les objets les plus chers et les plus douces jouissances... Mais je ne chercherai point à faire valoir ici des motifs d intérêt personnel, qui toujours durent nous être étrangers, quand il s’agit de l’intérêt de cette Assemblée, et, j’ose le dire sans détour, de l’intérêt général du royaume. Oui, Messieurs, il est de l’intérêt de cette Assemblée que nous fixions d’une manière authentique et irrévocable le terme de nos opérations... Vous le savez, des hommes malveillants que vous avez glorieusement aigris contre vous, eu déracinant tous les abus et en fondant la liberté, n’ont point craint de nous reprocher et de faire répéter par le tas de hbellistes obscurs qu’ils soudoient, que vous tendiez à vous perpétuer dans l’exercice de vos fonctions : ils vous jugeaient d’après eux, Messieurs; ils pensaient, eux qui s’étaient maintenus avec impudeur dans la funeste possession d’accaparer toutes les places et toute l’autorité, ils pensaient, dis-je, ou du moins ils essayaient de persuader que vous ne voudriez pas abandonner le limon des affaires, qui avait été si longtemps prostitué dans leurs mains, et que vous avez victorieusement enlevé à leur insolente aristocratie. Il est temps, Messieurs, de montrer hautement à ces lâches ennemis de nos travaux, de montrer à la France entière, qu’en remplissant avec courage, dans des circonstances difficiles, les fonctions pénibles et délicates qui nous lurent cou-(1) J’avais écrit les pages suivantes, dans l’intention de les lire à la tribune ; j’ai réfléchi depuis qu’une opinion pareille faite à l’improvisle sur une matière isolée, pourrait être mal entendue et dès lors mal interprétée ; j’ai donc mieux aimé la mettre sous les yeux de l’Assemblée par la voie de l’impression, et j’espère de messieurs du comité central qu’ils voudrout bien l'examiner attentivement et la présenter le plus promptement possible à la discussion. Cette opinion sera sans doute beaucoup mieux accueillie de leur part que de la mienne, puisqu’alors elle aura d’avance pour appui la sanction d’un comité et l’approbation supposée des membres éclairés qui le composent. fiées, notre but unique a été le salut de la patrie, et non pas l’envie dangereuse d’acquérir pour nous-mêmes une puissance permanente : il est temps enfin de rentrer dans la carrière privée qui doit être notre partage, et après avoir lait des lois, d’y donner l’exemple constant de la soumission aux lois. Je dis, en outre, avec franchise, qu’il est de l’intérêt général que nous accélérions nos travaux, et que nous en déterminions l’époque finale, afin que d’autres législaieurs, plus unis et plus tranquilles, corrigent les fautes qui ont pu nous échapper à travers tant de troubles et d’intérêts divers, et qu’ils achèvent avec plus d’aisance et de rapidité les lois qui doivent compléter la régénération totale de cet Empire. Il est trop vrai, Messieurs, et les archives de celte législature ne le manifesteront qu'avec trop d’évidence, que des sentiments et des passions contraires se sont placés souvent entre nous et les lois que nous voulions décréter. Tel a été le malheur, et, je puis dire, la nécessité des circonstances... Les uns, tiers d’une domination abusive de plusieurs siècles, séduits encore par l’habitude et l’ascendam des préjugés, n’ont pas voulu voir qu’il ne peut existurde prescription contre les régies éternelles de la justice, et ont cherché sans cesse à défendre avec opiniâtreté un ordre de choses qui était proscrit d’avance par la nature et par la raison : les autres, lassés enfin de leur long esclavage et de la foule d’abus innombrables qui pressuraient le peuple de toutes parts, ont redoublé d’efforts et de zèle pour refondre en entier une administration aussi vicieuse. 11 s’est nécessairement ensuivi de cette diversité d’opinions, que les délibérations coutinuelle-ment croisées par des intérêts opposés, out quelquefois laissé des taches légères sur les decrets qui en étaient le résultat : il faut donc que des hommes nouveaux, dégagés (s’il est possible) de toute prévention, et d’accord entre eux pour opérer l’utilité générale, viennent purger notre ouvrage de la Le que nos passions out pu y déposer, et s’avantagent de leur concours unanime au bieu commun, pour achever la législation Iran-# çaise, avec cette plénitude de concorde et de '& bonne volonté que nous n’avons pas été assez Jf heureux pour posséder. A Dieu ne plaise, qu’en m’exprimant ainsi, je paraisse souhaiter que nos successeurs dérangent les bases de la Constitution que nous avons établie! Non, sans doute, elles sont immuables ces bases, elles sont fondées sur des droits qui ne meurent jamais, sur des droits imprescriptibles des hommes et des Dations. Je peux bieu désirer, et tel en effet fut toujours mon vœu sincère et souvent manifesté, tel est aussi celui de tous les hommes purs et désintéressés qui veulent véritablement le bien saus ostentation comme sans amour-propre, je puis désirer, dis-je, que les législatures suivantes, éclairées par i’expcrience et le temps, ces premiers étais des bonnes lois, corrigent et améliorent plusieurs décrets réglementaires que la vehemence des discussions et la multiplicité de nos devoirs ne nous out pas permis de perfectionner ; mais la Constituiion que j’ai jurée et la liberté qu’elie m’assure, sont et demeureront à jamais dans mon cœur, à côté des sentiments les plus chers de l’humanité et de la nature. Je reviens à mon sujet, et je dis qu’il ne faut pourtant pas précipiter tellement la fin de nos travaux, que nous nous enlevions à nous-mêmes [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 décembre 1790.] le temps nécessaire pour poser les dernières pierres de notre Constitution ; non, Messieurs, cette motion serait aussi dangereuse qu’inconséquente, et je vous exhorte à travailler encore pendant trois mois, et même pendant quatre, si vous le jugez nécessaire, de manière que vous ne finissiez vos travaux que le dernier jour de mars ou d’avril au plus tard : commençons donc par fixer cette époque désirée, occupons-nous ensuite avec une ardeur persévérante des opérations qui ne peuvent se remettre, et le reste, nous le placerons dans les mains de nos successeurs. Il est encore une autre précaution bien essentielle à prendre; il faudra songer bientôt à convoquer les électeurs et les faire procéder, au moins un mois d’avance, à la nomination de ceux qui doivent nous remplacer, afin qu’ils nous suivent immédiatement dans l’exercice des fonctions que nous devons leur abandonner. Peut-être, Messieurs, ces observations et les précédentes offenseront-elles quelques vues particulières, peut-être me reprochera-t-on de n’avoir consulté que moi dans la proposition d’un projet de celte importance; mais je me suis mis, dès longtemps, au-dessus de considérations pareilles, et quand je me sens soutenu par l’assentiment de ma conscience, je ne crains plus de témoigner ouvertement ma manière de penser : d’ailleurs, j’achèverai le cours de nos travaux politiques, sans avoir jamais appartenu à aucun ctub, ni à aucune association, et quoique j’aie l’estime la plus véritable pour la plupart de ceux qui composent quelques-uns de ces clubs, j’ai cru dans tous les temps, qu’en m’abstenant d’y paraître, mon opinion absolument dénuée d’impulsions étrangères, serait plus franche et plus à moi ; ainsi je n’ai pas été à même de prendre des éclaircisse cents préalables pour savoir quelbs pourraient être les intentions de cette Assemblée relativement à la motion que je fais : n’importe, je manifeste la mienne; je la crois juste, je crois son exécution indispensable, et dès lors rien n’a dû m’empêcher de m’exprimer avec cette vérité indépendante, qui convient à mes principes et au caractère dont je suis revêtu. Qu’il sera beau, Messieurs, le dernier jour de nos travaux, pour tous ceux qui, dirigés constamment par l’amour du bien, n’ont pu perdre de vue, à travers toutes les traverses qui les agitèrent si longtemps, le calme et l’aimable obscurité de la vie privée ! Qu’il sera beau ce jour où, réunis sous les yeux de l’Eternel, dans l’un des premiers temples de cette capitale, le roi, cet excellent monarque, dont le nom sera toujours béni dans cet Empire, les législateurs actuels et les membres de la législature suivante renouvelleront le serment authentique et sacré de maintenir la liberté et la Constitution I Ah I oui, celle journée mémorable servira de pendant à celle de la confédération générale du 14 juillet; ces deux époques, tout à fait neuves l’une et l’autre dans les fastes de tous les pays et de tous les temps, seront immortelles dans les annales de notre histoire; et leur souvenir, lié de si près à celui des derniers efforts du despotisme et de la conquête de la liberté, demeurera éternellement gravé dans tous les cœurs français. PROJET DE DÉCRET. L'Assemblée nationale, voulant annoncer d’a-Ve Séuie, T. XXL Soi vance au royaume entier l’époque où elle finira ses travaux, et procéder sans délai à l’achèvement définitif de la Constitution, a décrété ce qui suit : Art. 1er. Le 30 mars prochain sera le jour irrévocablement fixé pour la clôture des séauces de la législature actuelle. Art. 2. Le comité central fera sous huitaine son rapport sur la détermination des travaux indispensables qu’il faudra faire d’ici à cette époque. Art. 3. Le comité de Coustiiution présentera incessamment un mode de convocation, afin que les membres de la législature prochaine puissent être nommés dans le courant du mois de février. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du dimanche 19 décembre 1790. La séance est ouverte à onze heures et demie du matin. M-Poulain de Boutancourt, secrétaire sortant, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, samedi, au soir. Ce procès-verbal est adopté. M. le Président. J’ai reçu de M. le maire de Paris une lettre dont je donne connaissance à l’Assemblée. Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous prévenir que la municipalité a fait hier l’adjudication de trois maisons nationales situées : La première, rue Saint-Denis, louée 1,200 livres, estimée 17,000 livres, adjugée 44,100 livres; La deuxième, petite rue de Nevers, louée 1,425 livres, estimée 17,000 livres, adjugée 33,500 livres; Et la troisième, rue de la Mortellerie, louée 1,721 livres, estimée 29,000 livres, adjugée 45,300 livres. Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. Bailly. M. d’André. Messieurs, il est douloureux, quand on a à gémir sur les maux de sa patrie, à pleurer la mort d’un ami, d’être obligé de parler de soi : cependant, permettez-moi de vousentre-nir un moment. Les bontés dont vous m’avez comblé me sont un sûr garant de votre indulgence. M. Pascalis prononça, le 27 septembre, au parlement au nom des avocats, un discours dans lequel il témoignait de la manière la plus énergique son attachement pour les tribunaux que vous avez supprimés et ses regrets pour l’ancienne constitution de Provence. Ce discours fut dénoncé an comité des recherches par le département; de son côté, la municipalité informa contre M. Pascalis et le décrela d’ajournement. M. Pascalis qui avait pris soin de ma jeunesse, auquel je dois, peut-être, l’honneur de siéger parmi vous, parce que c’est peut-être à son exemple que je dois la franchise, la fermeté et B 6