[23 février mi.j 453 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée natioaala.J sins un nombre de troupes de ligne suffisant pour assurer la tranquillité publique. « Le roi sera également prié d’envoyer dans le département du Gard, et dans les départements voisins, .3 commissaires, lesquels seront autorisés à se concerter avec les corps administratifs de ce département sur les moyens les plus efficaces d’assurer l’exécution des lois, arrêter les désordres, et en faire poursuivre les auteurs par-devant les tribunaux; requérir le secours des gardes nationales, celui des troupes de ligne, et faire toutes proclamations et réquisitions, et prendre toutes les mesures que les circonstances exigeront pour le rétablissement de l’ordre et le maintien des décrets. « L’Assemblée nationale charge son Président de porter dans le jour le présent décret à la sanction du roi. » (Ce décret est adopté.) M. de Sillery, secrétaire, donne lecture de la lettre suivante de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, adressée au Président rie l’Assemblée nationale, et relative au départ de Mesdames, tantes du roi : « Monsieur le Président, je viens d’apprendre que, sur la lecture du procès-verbal envoyé par la municipalité de Moret, quelques membres de l’Assemblée ont paru s’étonner que j’eusse contresigné les passeports donnés à Mesdames par le roi. Si ce fait a besoin d’être expliqué, je prie l’Assemblée de vouloir bien considérer que l’opinion du roi et de ses ministres est assez connue sur ce voyage. « Un passeport sera une permission de sortir du royaume, quand une loi aura défendu d’en sortir sans passeport; mais cette loi n’a jamais existé. Jusqu’alors, un passeport ne pourra être regardé que comme une attestation de la qualité des personnes. Dans ce sens, il était impossible d’en refuser à Mesdames. Il fallait s’opposer au v oyage ou en prévenir les inconvénients, au nombre desquels il n’était pas possible de ne pas compter leur arrestation par une municipalité qui ne les aurait pas connues. « Il existait d’anciennes lois contre les émigrations; elles étaient tombées en désuétude; et les principes de liberté décrétés par l’Assemblée nationale les avaient certainement abrogées. « Refuser un passeport à Mesdames, si cette pièce eût étécoosidérée comme permission aurait été non seulement devancer, mais même faire la loi. Accorder ce passeport, lorsque, sans donner aucun droit déplus, il pouvait prévenir des troubles, ne pouvait être regardé que comme un acte de prudence. « Voilà, Monsieur le Président, les motifs qui m’ont déterminé à contresigner le passeport de Mesdames. Je vous prie de vouloir bien les communiquer à l’Assemblée. Je saisis avec empressement cette occasion d’expliquer ma conduite et je compterai toujours, avec la plus parfaite confiance, sur la justice de l’Assemblée. (Applaudissements.) « Signé : de Montmorin. » M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 23 FÉVRIER 1791, AU MATIN. MÉMOIRE relatif aux ouvrages qu’il est urgent de faire pour la facilité et La sûreté de la navigation à V embouchure du Rhône (imprimé par ordre de l’Assemblée.) La navigation du Rhône est sans contredit une des plus intéressantes du rovaume, principale-m nt pour l’approvisionnement des arsenaux de Marseille et de la marine royale de Toulon, qui reçoivent par ce débouché les bois de construction, chanvres, comestibles, boulets, poudres, canons et autres objets nécessaires pour l’armement des vais-eaux et escadres du roi. Elle ne l’est pas moins pour le commerce en général, et surtout pour la foire de B�aucaire, la plus riche et la plus considérable de la France, dont les opérations de commerce, qui lient, l’on peut le dire avec vérité, toutes les nations, tiennent si immédiatement à la facilité de naviguer sur ce fleuve, que souvent elles ont été retardées, diminuées et même interrompues par les obstacles que l’on y éprouve trop fréquemment ; elle est également avantageuse pour toute la côte de Provence et villes maritimes d’Italie, qui donnent en échange des marchandises propres à alimenter nos manufactures. Cette navigation devient bnm plus importante encore depuis que le gouvernement s’occupe de la jonction du Rhône au Rhin, dont M. Bertrand, inspecteur général, a formé les projets. Cette jonction ouvrira une branche de commerce avec la Hollande et l’Allemagne ; et si celle du Rhin au Danube se fait par la suite, comme il y a tout lieu de l’espérer, ce débouché qui aura une étendue de 5 à 600 lieues, sera le plus utile et le plus célèbre que les hommes aient pu imaginer et exécuter ; en un mot ce sera le canal de toute l’Europe. Ces motifs puissants militent, de la manière la plus victorieuse, en faveur des travaux à faire aux bouches du Rhône, puisqu’elles sont le dernier terme de ces opérations et le seul passage pour communiquer à la Méditerranée, Cette vérité est incontestable, et la navigation du Rhône, indépendamment du degré d’importance qu’elle acquerra par ces nouveaux projets, a été jugée par le ministère si nécessaire, que depuis très longtemps il s’est occupé des moyens de la rendre libre et sûre. Les travaux commencés à cet effet, d’après ses ordres, interrompus suivant les circonstances, repris et cessés en différants temps, n’ont pu être conduits à leur perfection. Les mêmes inconvénients et obstacles ont toujours subsisté à l’embouchure du Rhône, et les marins-négociants, ainsi que la ville d’Arles, n’ont cessé d’adresser des représentations pour faire connaître la nécessité d’y parvenir d’une manière efficace. Ce mémoire sera divisé en cinq parties. La première indiquera les différentes routes que le Rhône a parcourues depuis Arles jusqu’à la mer. La deuxième renfermera une description de la situation actuelle. Dans la troisième, l’on rendra compte des différents projets qui ont été proposés, de ceux qui ont été commencés et de celui mis eu avant par les Etats de Provence. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] 454 Dans la quatrième partie, l’on fera connaître les moyens qui ont paru les i lus sûrs, les moins dispendieux pour vaincre les obstacles que la navigation éprouve à l’embouchure de ce fleuve. Enfin, dans la cinquième et dernière partie, l’on répondra d’avance aux objections que l’on pourrait faire sur ce projet. L’on démontrera quel' sero' t les effets et progrès des ensablements du Rhône, après b s travaux construits, et u’ils n’ont jamais pu contribuer au comblement u port de Bouc. PREMIÈRE PARTIE. Avant que le Rhône fut resserré dans son lit par des digues faites de mains d’hommes, comme il l’est aujourd’hui, ce fleuve, IL ré à toutes les influences des crues et des vents, s’est frayé différentes routes et issues à la mer. Plusieurs tours encore subsistantes et qui ont été construites sur le bord des anciens lits que ce fleuve a quittés dans la Camargue en sont la preuve. On peut y distinguer encore un ancien lit du Rhône, appelé Saint-Ferréol, qui occupe le centre de cette île, laquelle tire sou nom, suivant les anciennes traditions de Gaïus Marins, général romain, qui fit ouvrir, par ses troupes, un canal pour recevoir les eaux de ce fleuve et les conduire à la mer afin de se garantir de l’incursion des Cimbres avec lesquels sa pairie était en guerre. En 1430, l’embouchure de ce fleuve était plus à l’est, vers lVndroit où est situé actuellement le Grau du Gallejon ; il reste des vestiges de son ancien ht, appelé Bras mort. En 1587, une crue extraordinaire lui fit prendre une route nouvelle à l’ouest, par le canal nommé Bras-de-fer et désigné, sur la carte, canal du Japon. Ce lit nouveau était fort difficile, pour la navigation, por les contours qu’il prenait. Pour le rendre plus facile, on avait resserré te Rhône par des digues qui existent encore. La navigation par cette embouchure, quoique infiniment lente et dangereuse, était la seule praticable et dont ont pu se servir les marins jusqu’au commencement de ce siècle, pendant 125 ans consécutifs. Depuis que le Rhône s’est formé un nouveau lit à travei s les étangs des Launes, il a totalement abandonné celui de Bras-de-fer, où l’on a pratiqué depuis un canal de navigation pour le transport des sels de Badou. Les fermiers généraux ayant ouvert un canal, qui avait sa prise d’eau avec écluse près le canal de Bras-de-fer, pour noyer le sel sur le bord des étangs des Launes, le fleuve éprouva une crue con.�idérable au ; depuis ce temps, il s’est totalement comblé et est presque à sec. Le second, dit grau de l’ouest, est sur la rive droite du fleuve, peu éloigné de l’extrémité des jetées et était presque sans eau il y a 3 ou 4 ans. Il a actuellement 40 toises à peu près de largeur et, d’après les sondes faites, on y a trouvé 11 à 12 pieds de hauteur d’eau. On en attribue la cause à un épi construit depuis peu, au-dessous, par la ville d’Arles. Le volume d’eau qui passe par ce grau diminue celui de l’embouchure qui est praticable, ce qui nuit souvent à la navigation. Depuis ces 2 graux jusqu’à sa véritable embouchure à la mer, le Rhône conserve encore un lit assez fixe et marqué par 2 rives sur 8 à 900 toises de longueur et une largeur de 400 toises à peu près au delà des digues, laquelle augmente insensiblement et est de 6 à 700 toises à la naissance des 3 bouches qu’il s’y est formées; l’une est appelée grau de l’est, la seconde grau du sud, et la troisième grau de l’ouest; cette dernière est la seule navigable pour les bâtiments de mer. Il existe un banc de sable, à chaque ouverture, qu’ou appelle barre dans l’endroit où l’action des eaux de la mer, qui repousse les sables entraînés par le Rhône, est eu équilibre avec celle des eaux du fleuve. Nous avons trouvé, d’après les sondes faites, 3 pieds de hauteur d’eau sur la barre du grau de l’est, 3 pieds et demi au droit de celle du grau du midi. 11 y a constamment 4 pieds au moins au-dessus de celle du grau de l’ouest, et quelquefois cette hauteur est de 5 pieds et 5 pieds 6 pouces. Lorsque le v�nt du nord soulfle, les bâtiments sortent et rentrent sans courir aucun danger. Ces moments favorables pour le commerce ne sont pas de longue durée, dès que les vents du sud et de l’ouest agissent sur les sables repoussés dans la direction de l’embouchure qui forment une nouvelle barre, et il ne reste plus assez d’eau pour le passage des bâtiments ; alors toute la navigation est interceptée. Nous allons rendre compte des moyens qui ont été proposés pour y remédier. TROISIÈME PARTIE. L’on a vu dans la première partie, pour les différentes routes que le Rhône a parcour ues, soit à l’est, soit à l’ouest, combien sa navigation avait été sujette a des variations. Depuis 1587 jusqu’en 1712, il avait suivi la ligne sinueuse du canal de Bras-de-fer, ce qui rendait la navigation très difficile et excita des réclamations et des plaintes de la part du commerce. Le ministère, craignant que les arsenaux de Marseille et de Toulon ne manquassent d’approvisionnements, envoya sur les lieux des ingénieurs qui décidèrent que, vu la situation des lieux et la direction peu favorable du Rhône par ce canal, tout ouvrage serait inutile et infructueux. M.le maréchal de Vaubanfut chargé d'examiner la situation du lit du Rhône par le canal de Bras-de-Fer et de son embouchure en 1665, et ayant reconnu l’impossibilité de la rendre praticable et sûre, proposa un canal de navigation qui aurait eu sa prise d’eau au-dessous de la ville d’Arles, aurait cotoyé les canaux de dessèchement, traversé les étangs de Ligagneau et de Fos, et serait tombé dans le port de Bouc. Mais ce projet, qui renferme de très grandes difficultés, aurait coûté des sommes énormes, et les avantages qu’on aurait pu en retirer n’auraient jamais compensé la dépense. G' S motifs en ont empêché et en empêcheront toujours l’exécution, comme on le démontrera ci-après. Tel était l’état des choses, lorsque la crue de 1702 ouvrit un lit nouveau au Rhône, par le canal des Launes, le plus direct à la mer et le plus favorable pour les bâtiments. Le gouvernement, toujours occupé de cette navigation, rendit 2 arrêts, le 3 mai 1712 et le 5 juillet 1723, portant une taxe de 5 sous par mi-not de sel dans les provinces méridionales de la France, dont le produit était destiné aux ouvrages de ce nouveau canal et à leur entretien. En 1725, M. Mithon, intendant de la marine de Toulon, eut une mission particulière pour aller constater l’état des lieux, assisté de différents ingénieurs. Son rapport fut que le canal des Launes avait la direction la plus avantageuse et que, en resserrant le lit du fleuve par des digues jusqu’à son embouchure, on parviendrait à la garantir des ensablements. Les travaux ont été alors commencés et continués jusqu’au delà de la tour Saint-Louis, qui fut construite, en 1737, pour servir de phare et de guide aux marins; mais ils n’ont pas été poussés plus loin et sont même depuis longtemps abandonnés. Ces travaux commencés ont procuré à la vérité, pendant quelques années, suivant le rapport des marins, une navigation lib e et facile; mais n’étant pas assez parachevés, ils n’ont pu remédier aux ensablements de3 bouches du Rhône, et les bâtiments au bout d’un certain temps, ont toujours éprouvé des obstacles et des dangers. La ville d’Arles et les capitaines de bâtiment n’ont cessé de faire des représent itions aux ministres, pour les déterminer à ordonner la continuation et la perfection des opérations entamées. M. Marmillot, ingénieur en chef alors du Dauphiné, reçut ordre de M. de la Millière, intendant des finances, de se transporter aux bouches du Rhône, d’en examiner la situation et de proposer les moyens de vaincre les obstacles que la navigation y éprouve. Cet ingénieur s’est rendu sur les lieux le 5 août 1784, arcompagné de 3 députés de la ville d’Arles et de 3 capitaines de bâtiment de mer, et a reconnu, d’après la disposition du local, qu’il n’y avait rien de mieux à faire que de prolonger les anciennes digues en pierres, et de les continuer jusqu'à la mer. Il fit en conséquence des sondes dans le Rhône sur l’alignement des digues, et trouva que la hauteur réduite de l’eau, de celle de la gauche, était de 7 pieds 6 pouces. Il donne dans son mémoire un aperçu de la dépense et estime la toise courante de double digue 312 livres, ce qui produit, suivant son calcul, 764,000 livres 4S6 [Assemblée nationale.] pour les 2,000 toises de longueur de digue à construire. Ilajoute une somme de 100,000 livres pour les terrasses à faire dans l’emplacement du Tez-Rostan; ce qui fait une dépensetotale de864, 000 livres, non compris les frais d’inspection. Il met ensuite en avant un projet de canal qui aurait sa prise d’eau au Sambre, traverserait la partie supérieure de l’étang de Legagnau, de là passerait dans celui de Gallejon dont l'extrémité inférieure, communiquant à Ja mer, procurerait un débouché facile par le moyen d’une écluse. Mais il reconnaît l’impossibilité de ce canal, tant par lepeu de profondeur d’eau des étangs, que parla difficulté du terrain du grau que ce canal traverserait qui n’est qu’une masse de rochers delà nature du Pudding, d’une dûreté excessive, et qu’on ne pourrait percer qu’avec des pinces de fer et des pointes d’épieu. Il fait voir que les postes de Ilot seraient continuellement ensablées ainsi que l’avant-port qu’il faudrait garantir par des jetées. Il ajoute, d’après le rapport des marins qui ont le plus fréquenté ces parages, que cette communication serait fort dangereuse à cause des ensablements qui couvrent cette plage, en sorte que les navires, pour y aborder, courraient les plus grands risques. Cet ingénieur pense que, dans le cas où l’on croirait utile d’abandonner le canal des Launes, aucun emplacement ne paraît plus favorable que celui qui étant ouvert sur la rive droite du fleuve, commencerait au-dessous de Bras-de-Fer, passerait dans l’étang de Giraud, et de là se rendrait à la mer qui n’en est séparée que par une lisière fort étroite de 200 toises environ. Cette direction lui paraît d’autant plus avantageuse que le nouveau canal se trouverait placé suivant lui, derrière les ensablements du Rhône. Dans le cas où il ne se trouverait pas assez d’eau dans l’étang de Giraud, M. Marnai] lot propose de faire passer ce canal sur la terre ferme entre l’étang de Giraud et le fleuve, ou d’y faire passer les eaux du Rhône, dont le cours rearessé au coude droit de Bras-de-Fer serait plus court et plus direct à la mer; il évalue ce dernier projet 2 millions. Néanmoins il donne la préférence au canal des Launes, comme le plus simple, le plus facile et celui qui coûtera le moins. La ville de Tarascon et les Etats de Provence ont mis en avant un projet dont on n’a certainement pas connu la dépense et les inconvénients. Gette province a fait creuser un canal, qui a sa prise d’eau à la Durance près Malmort, et sert de canal d’arrosage. Comme elle est embarrassée pour donner un écoulement aux eaux de ce canal, elle voudrait le continuer jusqu’à Tarascon, et de là jusqu’au port de Bouc. Ce canal prolongé recevrait les eaux de celui appelé Boisgelin, et serait ensuite alimenté par le Rhône. Ce projet ainsi dirigé éprouverait les plus grandes difficultés. 1° Il traverserait le Trébon, plan du bourg et partie du Grau, terroirs dépendants de Ja ville d’Arles, dont les premiers sont très fertiles. 2° Il interromprerait le cours des fossés de vidange, qui ont été ouverts à grands frais, et le terrain précaire, qui environne la ville d’Arles, redeviendrait un marais infect comme il l’était avant les travaux faits. 3° Ce terrain, qui est d’un grand rapport, et dont les eaux seraient sans écoulement, serait submergé et inculte. 4° L’on ne peut calculer au juste ce que coûterait la construction de ce canal; mais on ne craint [23 février 1791.] pas d’avancer qu’il coûterait sept à huit millions : en admettant la possibilité, les avantages qu'il procurerait ne pourraient jamais dédommager de la dépense. 5° Ce projet ruinerait la majeure partie des propriétés des habitants d’Arles, son commerce et sa marine composée de 100 bâtiments de mer, qui emploient au moins 600 matelots très exercés aux manœuvres, et utiles en temps de guerre pour les escadres du roi. 6° Le bien de l’Etat s’oppose à une entreprise aussi chimérique, dont le succès d’ailleurs serait très incertain, et qui coulerait des sommes énormes; tandis qu’avec le tiers environ de la dépense l’on peut infailliblement vaincre les obstacles qui existent aux bouches du Rhône. Si l’on désire plus de détails sur cet objet, on peut lire le long mémoire que la ville d’Arles a fait présenter au ministre par M. le marquis de Mejeanes, son député à Paris. Nous allons rendre compte dans la quatrième partie, des moyens qui nous ont paru les plus avantageux pour rendre libre la navigation aux bouches du Rhône, et des opérations que nous avons faites sur les lieux, conformément aux ordres de M. de la Millière. QUATRIÈME PARTIE. De tous les projets qui ont été proposés pour vaincre et éviter les obstacles à l’embouchure du Rhône, aucune n’offre plus de simplicité, plus de certitude dans le succès, et un résultat moins dispendieux que celui de M. Marmillot. En effet, aucun canal, établi à grands frais, soit sur la gauche, soit sur la droite de ce fleuve, ne peut être comparé à celui que la nature s'est formé elle-même, l’on peut dire avec magnificence et la plus grande majesté, d’Arles à la mer. Il est navigable dans tons les temps de l’année, depuis cette ville jusqu’à la fin îles ouvrages faits, et meme jusqu’à la barre qui empêche les bâtiments de pouvoir passer lorsque les vents du sud, sud-ouest et de l’ouest régnent sur celte plage, en sorte qu’il n’y a qu’une distance de 25 à 30 toises de longueur qui les arrête, et toutes les fois que le veut du nord souffle, cet obstacle disparaît et la navigation est libre. Les capitaines de bâtiment, que nous avons consultés, nous ont assurés que l’embouchure du Rhône était praticable toutes les fois que les eaux étaient basses, et qu’elle cessait presque de l’être, lorsque les eaux étaient hautes. Dans le premier cas, les eaux du fleuve, rassemblées dans la partie du canal la plus creuse, acquièrent plus d’énergie ainsi réunies en masse, pour pousser les sables avec le secours des vents du nord, et les entraîner dans la mer. Dans le second cas, où les eaux sont hautes, elles s’épanchent, par le grau de l’est, du sud et de l’ouest, sur une étendue immense, perdent, étant ainsi divisées, leur vitesse, leur impulsion, et ne peuvent conserver assez de force pour vaincre les efforts de la mer que les vents du sud et de l’ouest favorisent encore, et qui forment, à l’embouchure, cette barre qui empêche les bâtiments de sortir ou de rentrer. Il est donc évident, d’après ces effets de la nature, que si les eaux du Rhône étaient resserrées et contenues par de doubles digues, qu’elles auraient la force nécessaire pour anéantir les ensablements à son embouchure, et surmonter tous les obstacles. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 457 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 février 1791.] Ce n’est pas seulement l’avis de M. Marmillot, c’est celui de tous les marins, des gens instruits qui on tfréquentéces parages, de tous les ingénieurs qui ont examiné; enfin on peut dire que ce sera toujours celui des personnes qui ont les connaissances de l’art. Des digues, formées avec blindage et clayonnage, ne pourraient résister aux vagues du fleuve et de la mer, qui sont très fortes lorsque les vents sont impétueux. Les ouvrages à faire pour rendre ces digues inébranlables, et en état de lutter contre les efforts du Rhône et de la mer, exigent la construction la plus solide; et nous n’en pouvons proposer aucune qui puisse, dans la situation actuelle du fond de ce fleuve, être plus durable, moins sujette aux avaries et détériorations, que digues en pierre sèche, telles que les a proposées M. Marmillot. Cette méthode, d’ailleurs, a été préférée d’après l’expérience de plusieurs travaux de ce genre au portd’Agde en Languedoc; les deux jetées en pierre, construites sur les deux rives de la rivière l’Hérault, ont parfaitement réussi, et c’est la seule, selon nous, qui puisse être adoptée avec succès dans ceux à faire aux bouches du Rhône. Ces ouvrages peuvent être exécutés avec la plus grande facilité; des barques propres au transport des matériaux suffiront presque en tout temps si ce n’est celui des fortes tempêtes, et ce genre de construction est à portée de la plus simple manœuvre. .Le tond du fleuve n’étant composé que de sable très fin, sur une profondeur que l’on n’a point calculée ni mesurée, il est impossible de défendre le pied des digues par des pilotis, auxquels on ne pourrait donner une fiche solide, et d’ailleurs le Buttage de ces pieux serait très dispendieux, et exigerait un temps considérable sur une plage totalement à découvert et exposée àl’impétuosité des vents du sud et de l’ouest. M. Marmillot propose, dans sou projet, de réduire l’embouchure du Rhône, près la mer, à 150 ou 140 toises de largeur, et de former deux lignes convergentes qui partiraient de la fin des digues où le Rhône a 180 toises de largeur, ce qui diminuerait son embouchure de 30 ou 40 toises. Nous pensons qu’il suffira de fixer cette réduction à 20 ou 30 loises au plus, que les digues qui formeront le nouvem lit, ne doivent pas être totalement convergentes jusqu’à la mer, qu’il est nécessaire à l’angle du Tez-Rostangde former deux lignes parallèles, dont on pourra suivre l’alignement à mei-ure que les môles en pierre seront continués plus avant daDS la mer. D’après l’aveu même de cet ingénieur, il sera inévitable chaque année de les prolonger de quelques toises; et si cette prolongation était faite sur deux lignes toujours convergentes, au bout d’un certain nombre d’années, le Rhône se trouverait trop rétréci; c’est pourquoi nous persistons à dire, qu’à son dernier terme, il doit conserver au moins la largeur de 150 toises. Tout canal artificiel exigera certainement plus de dépense que les ouvrages mentionnés ci-dessus ; quoiqu’on le construi-ît avec écluse à sa prise d’eau et portes de flot à sa jonction à la mer, on ne pourrait le garantir des ensablements u’en prolongeant des jetées en pierre fort avant ans la mer, et il serait inévitablement sujet à des curements annuels très coûteux, et pendant lesquels toute navigaiion serait suspendue. En supposant même ce canal de navigation construit dans la position la plus favorable, ce qui est fort douteux, pourrait-il jamais réunir les avantages que procure déjà et que procurera encore plus efficacement par la suite, après les travaux faits, la navigation du fleuve le plus considérable de la France, dans la partie de son cours, où il est fréquenté par des bâtiments de mer qui portent jusqu’à 3,500 quintaux? Ces navires, lorsque lé vent est favorable, vont aisément d’Arles à Marseille dans le même jour et en reviennent de même. Pénétrés de cette vérité, après un examen antérieur des lieux et pour nous conformer aux ordres qui nous ont été adressés par M. de la Mil-lière, intendant des finances, le 20 mars dernier, nous nous sommes rendus à Arles le 7juin 1788, au soir, et le lendemain nous nous sommes embarqués pour nous rendre à Pâtisson, résidence de M. Serry, inspecteur du canal des Launes, où nous avons séjourné le 9 et le lendemain sans pouvoir commencer aucune opération, les eaux du Rhône étant fort hautes et la mer très agitée. Le 10, nous fûmes rejoints par MM. le baron de Drée, chevalier de Saint-Louis, capitaine de vaisseau du roi et chef des classes de marine à Arles, de la Laurière, chevalier de Saint-Louis et ancien consul d’Arles, Boulouvard, négociant de cette ville, tous trois députés de la ville d’Arles pour assister à nos opérations, et les sieurs Deschamps et Boutoux, anciens capitaines de bâtiment , avec lesquelles personnes et M. Serry nous nous embarquâmes le 11 à 4 heures du matin, dans un bateau conduit par 6 hommes. Arrivés à l’extrémité de la digue placée sur la rive droite, nous fîmes sur-le-champ planter deux balises élevées à 100 toiles environ de distance de l’une à l’autre sur le milieu de la crête de la digue et nous reconnûmes que ce te ligne laissait sur la droite la pointe du Tez des Béri-cles, côtoyait le Tez-Rostang, que la direction du nouveau canal traverserait le milieu du grau du sud, en coupant seulement deux petites pointes avancées du Tez-Rostang et du midi. Cette direction est différente de celle annoncée par M. Marmillot dans son mémoire, soit par le défaut d’attention de la part de ceux qui ont placé à cette époque les balises, soit par les changements que le Rhône a éprouvés depuis à son embouchure. Commençant à parcourir le prolongement de la ligne formée par les anciennes digues, nous fîmes mettre le Dateau en travers, monté par 6 matelots qui ne ramaient pas; 2 étaient seulement occupés à l’entretenir dans l’alignement à suivre. Le bateau étant ainsi dirigé et marchant par le seul mouvement de l’eau, de minute en minute, nous fîmes une sonde avec des perches de différentes grandeurs que nous avions fait mesurer et graduer avec soin; et depuis la fin des digues jusqu’au delà du premier angle du Tez-Rostang l’on en fit 52, d’après lesquelles nous trouvâmes que la plus grande hauteur était de 25 pieds et la plus petite de 2 pieds, et que la hauteur moyenne de toutes ces sondes était de 12 p. 3 p. 8 1. Nous observerons qu’à la neuvième sonde nous étions vis-à-vis le grau de l’ouest, qu’ayant sondé à son entrée il s'est trouvé 6 pieds d’eàu, 50 toises plus loin 11 pieds et 60 pius loin 12 pieds, ce qui prouve que ce grau s’est beaucoup approfondi et s’est même élargi. Après avoir terminé notre première ligne de sonde à la pointe avancée du Tez-Rostang, et descendu sur la terre ferme, nous plaçâmes la bous- 458 [Assemblée nationale.) sole à 9 toises de la ligne sondée, et nous reconnûmes que la nouvelle direction du fleuve par le grau du midi serait du nord-ouest au sud-est à 41 degrés du nord a l’ouest, eu égard à la déclinaison de la boussole. Au moment où nous abordâmes sur le Tez-Rostang, la mer était agitée au grau de l’ouest et le Rhône l’était aussi, leVent étantà l’ouest. La mer était à peu près calme au grau du midi, ce qui provient de la situation du Tez-Rostang, qui défend ce grau dans cette position du vent. Nous remontâmes ensuite dans le bateau avec les mêmes personnes qui nous avaient accompagnés, nous fîmes le tour du Tez-Rostang, en passant par le grau de l’ouest pour revenir à l’entrée du grau du midi. Nous mouillâmes en cet endroit et l’on jeta à deux différentes reprises une bouée pour nous assurer s’il existait réellement un courant de l’est à l’ouest, comme tous les marins nous l’avaient dit, et nous vîmes que la bouée marehait sensiblement vers l’ouest. Nous en fûmes également convaincus le lendemain par une remarque que nous fûmes à portée de faire, étant placés au premier angle du Tez-Rostang, côté de l’est. Le capitaine Antoine Mayon, de la ville d’Arles, commandant l’allège l 'Ardent, et allant à Marseille, débouchant par le grau de l’ouest après avoir passé la barre, fut pris par le calme et forcé de jeter l’ancre pour éviter le courant qui l’aurait porté trop avant dans l’ouest et l’aurait éloigné de sa rouie qu’il continua deux heures après a la faveur d’une brise du sud-ouest qui s’éleva. Revenus le soir à Pâtisson, nous nous embarquâmes de nouveau le lendemain, à la même heure que la veille, et nous dirigeâmes notre route vers l’extrémité de la digue, près la tour Samt-Louis, sur la rive gauche du fleuve : le Rhône alors était fort calme, le temps beau, le grau de l’ouest praticable, et tous les bâtiments, au nombre d’une vingtaine, éiant sous voile, cinglèrent en notre présence vers Marseille. Nous fîmes placer deux balises sur le milieu delà crête de la digue, à 100 toises l’une de l’autre, et après avoir fait mettre le bateau en travers comme la veille et sondé la hauteur de l’eau à chaque minute, l’on fit de cette manière 54 sondes qui furent terminées pour le moment à la partie avancée du Tez du midi; et comme cette portion de terre n’a que 54 toises de longueur, nous continuâmes la ligne de sonde au delà, jusqu’à l’endroit où l’on trouve le fond de 12 pieds d’eau dans la mer. L’on fit 11 autres sondes; ainsi la ligne entière du prolongement de la digue sur fa rive gauche a été sondée jusqu’à la mer, et l’on reconnut que la plus grande prolondeurdel’eauétaitdel4 pieds, plus petite de 18 pouces et que la hauteur moyenne de toutes les soudes était de 6 p. 5 p. 9 1. Nous observons que la onzième sonde correspondait au milieu de l’ancien grau de l’est qui est maintenant comblé. Nous aurions désiré pouvoir continuer de même les lignes de sonde au delà du Tez-Rostang, sur le prolongement de l’ancienne digue de la droite; mais les brisants qui agissent continuellement sur cette pointe n’ont pas permis de faire cette opération, et l’on peut évaluer, sur toute la longueur de cette ligne1, la même hauteur réduite de 12 p. 3 p. 8 L, que nous avons trouvée d’après le résultat de toutes les sondes. Nous cherchâmes ensuite les moyens de mesurer, le plus exactement qu’il nous serait possible, la longueur des nouvelles digues projetées. Nous traçâmes à cet effet une ligne parallèle sur le Tez des Bericles, (23 février 1791.J dont l’extrémité vers la mer, correspond au premier angle du Tez-Rostang, et cette première distance est de 1,416 t. 2 p. Par une autre parallèle à la ligne de sonde établie sur le Tez-Rostang, la longueur mesurée, depuis le premier angle, jusqu’à la fin de cet ilôt, est de 419 toises, et nous jugeâmes par estimation que, depuis ce point jusqu’à l’endroit où avait été faite la première sonde dans la mer, il y avait 225 toises. Ainsi la longueur totale des doubles digues, pour encaisser complètement le Rhône jusqu’à la mer, serait de 2055 t. 2 p., depuis l'extrémité de l’ancienne digue de la droite, ce qui fait 56 t. 2 p. de plus queM. Marmillot ne l’a évaluée dans son mémoire. A cette longueur l’on doit encore ajouter 25 toises de longueur réduite des doubles digues, pour les 50 toises que l’ancienne digue de la gauche a de moins que celle de la droite, ce qui produit 2,080 t. 2 p. au total, de double môle à construire. La distance depuis l’extrémité de l'ancienne digue de la droite jusqu’au premier angle du Tez-Rostang étant de 1416 toises, et ayant été parcourue en 45 minutes, chaque espace�franchi par minute était de 31 t. 2 p. 10 1, et la vitesse du bateau, qui marchait par le seul mouvement de l’eau, était 3 p. 1 p. 9 1. par seconde, comme on le voit par la ligne de sonde marquée sur le projet. En comparant la hauteur moyenne de la ligne de sonde de la droite avec celle de la gauche, l’on voit que la première est de 12 p. 3 p. 8 1., et la seconde est de 6 p. 5 p. 9 1; ce qui prouve que la plus grande masse des eaux du fleuve se porte du côté de l’ouest, et que le Rhône tend à s’attérir et se combler du côté de l’est. Cet effet résulte naturellement de l’action des vents du sud et de l’ouest, qui sont les plus ordinaires, et qui poussent dans cette direction les sables que le fleuve charrie. Après avoir terminé la ligne de sonde de la gauche, nous plaçâmes, en présence des personnes qui nous avaient accompagnés, la boussole sur l’alignement de la ligne sondée, et nous pûmes aisément vérifier que, par la nouvelle direction du Rhône, il y aurait 22 rhumbs de vent pour sortir et 20 pour rentrer; les 2 rhumbs de vent de plus pour la sortie sont donnés par le cours des eaux du fleuve qui la favorise. Cette direction du fleuve est la plus avantageuse que l’on puisse souhaiter suivant le rapport de tous les marins. La position des nouvelles digues du nord-ouest au sud-est, garantira le chenal des vents de l’ouest et du sud-ouest qui soufflent le plus ordinairement. Il n’y aura que le vent du sud-est qui sera absolument contraire, et la navigation sera suspendue alors; mais ce vent n’est pas le plus constant, et d’ailleurs les bâtiments de mer sont sujets, même dans les meilleurs ports, à de pareils contretemps qui ne sont que momentanés. Il ne sera point nécessaire de faire aucun ouvrage de terrasses au Tez-Rostang et à celui du midi, comme l’a avancé M. Marmillot, et en a fait un article de dépenses qu’il porte à 100,000 livres. Le Rhôue une fois contenu par de doubles digues, et dirigé jusqu’au droit du Tez-Rostang, se fraiera lui-même sa route dans cette direction, et emportera avec la plus grande facilité tous les obstacles qui s’opposeraient à son passage. Cet effet est certain; c’est pourquoi cette dépense n’est point comprise dans le devis estimatif, L'on pourrait peut-être s© contenter de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791-1 459 prolonger, dans le projet actuel, les nouveaux môles, jusqu’à la moitié de la longueur du Tez-Rostang, et il y a lieu de présumer que l’embouchure deviendrait très piaticable, et subsisterait navigable pendant un certain nombre d’années, comme cela a eu lieu d’après la coufection des anciennes digues au delà de la Tour Saint-Louis; sauf à prolonger ces nouveaux môles lorsque les circonstances l’exigeront, et après que de nouveaux atterrissements en auront démontré la nécessité. Cette observation noos a paru essentielle; en l’adoptant, le projet offrira un résultat moins dispendieux, et le temps que l’on gagnera en différant un plu� grand travail, mettra l’administration à perlée de ménager des ressources pour compléter, s’il est indispensable, le projet général, tel que nous le proposons; c’est pourquoi dans le détail estimatif la dépense sera présentée sous ces deux points de vue. Tels sont les moyens que nous proposons comme les plus sûrs, les plus faciles et bs moins dispendieux pour rendre la navigation libre et sûre aux bouches du Rhône. Nous allons répondre d’avance dans la cinquième partie aux objections que l’on pourrait faire sur ce projet. Nous ferons voir quel sera l’effet des ensablements, et nous démontrerons, d’après l’examen du golfe de Fos et les sondes que nous y avons faites en différents endroits, que les sables du Rhône n’ont jamais pu contribuer à combler le port de Bouc. CINQUIÈME ET DERNIÈRE PARTIE. Dès que le Rhône sera entièrement encaissé jusqu’à la mer, les eaux de ce fleuve qui, à son embouchure, s’épanchent sur une étendue considérable, étant resserrées par de doubles digues, acquerront nécessairement en profondeur ce qu’elles perdront sur la largeur du chenal. Le pied des digues ne pouvant être défendu, comme nous l’avons prouvé ci-dessus, par des pilotis, et les pierres qui formeront la base de ces digues, ne pouvant porter que sur un fond de vase etde sable extrêmement fin, s’affaisseront lorsque les eaux auront miné par dessous. D’où il résultera des affouillements inévitables qui se renouvelleront de temps en temps, surtout les premières années. Il sera indispensable d’avoir toujours un certain nombre de bateaux de [Terres en réserve, et de garnir le dessus des digues d’approvisionnements pour y remédier aussitôt. En prenant ces précautions et en veillant avec soin aux dégradations des digues qui pourraient survenir, au bout de quelques années, elles auront acquis toute la stabilité et solidité nécessaires . Si l’on construisait la crête de ces digues sur un plan de niveau dans la partie supérieure, il résulterait deux angles formés par la rencontre des glacis avec le couronnement. Ces parties anguleuses et saillantes qui seraient exposées aux vagues du fleuve et de la mer, dans les temps des fortes tempêtes, et toutes les fois que les vents soufflent avec impétuosité, seraient infailliblement détériorées par le choc des eaux qui s’élèvent alors et retombent avec précipitation. Nous pensons qu’il est convenable de donner un bon empâtement à ces digues, et que les glacis dont elles seront revêtues doivent avoir au moins un pied pour pied, comme M. Marmillot les a projetées, et plus ce glacis sera courbé, et mieux il sera disposé pour anéantir l’énergie et l’activité des vagues qui viendront s’agiter et se briser contre lui. Les nouveaux môles en pierre doivent nécessairement être liés aux anciennes digues, et se prolonger sans interruption jusqu’à la mer. Si l’on se contentait de resserrer le lit du Rhône à son embouchure, comme on nous l’a observé, il en résulterait de grands dangers dans cet état de choses. Les terrains situés sur ses bords, entre les anciennes digues et les travaux qui seraient construits suivant ce projet, à l’embouchure, n’étant formés que d’alluvions et dépôts du fleuve qui ont peu de consistance, et sont entourés de bas-fonds et marais; les eaux, lors des grandes crues, soutenues en aval par les ouvrages d’art, s’élèveraient beaucoup au-dessus des bords, se frayeraient plusieurs routes à la mer à travers les terres situées, soit sur la gauche, soit sur la droite, s’échapperaient préalablement par les anciens graux de l’est et de l’ouest, et en s’ouvrant différentes issues, suivant l’impulsion des vents qui pourraient être alors dominants, diminueraient infailliblement l’effet, et rendraient incertain le succès que l’on cherche à se procurer, et que l’on se procurera par la continuité des doubles digues, en réunissant ainsi les eaux du Rhône en un seul canal. Toutes les eaux des différentes bouches du Rhône étant resserrées et contenues dans un seul chenal, auront plus de vitesse, d’activité et d’impulsion, pour entraîner les sables dans le fond de la mer. On ne peut alléguer contre cet effet inévitable, ce qui a lieu dans les différents ports de l’Océan, où Je reflux constant et réglé de la mer s’introduit et transporte des sab'es et autres matières qui, étant repoussées parles eaux d’une rivière, forment des barres à l’endroit où Faction réciproque des eaux de la mer et celles de la rivière sont en équilibre. Dans la Méditerranée le reflux, quoique réel, est presque insensible ; le lit du Rhône, étant rétréci, comme nous venons de le dire, présentera une ouverture bien moins étendue au refoulemeni des sables qui s’anéantiront avec d’autant plus de probabilités, que lavhesse du courant du fleuve, par les dispositions des digues, étant beaucoup augmentée, la masse des eaux réunies aura acquis la force nécessaire pour vaincre les efforts de la mer, et transporter au delà de l’emboichure les ensablements. Les vents seuls, lorsqu’ils seront impétueux, pourront favoriser ce refoulement des sables aux bouches du Rhône. D’après ce que nous avons déjà exposé, celui du sud est le seul diamétralement opposé à la direction du nouveau chenal; mais il souffle plus rarement, et les digues projetées le défendront de ceux du sud-ouest et de l’ouest qui sont les plus forts et dominent sur cette côte. L’itinéraire d’Antonin fixe la distance d’Arles à la mer à 22,500 toises, ce qui fait sept lieues et demie de 3,000 toises chacune. D’après les toises et les vérifications laites, eu suivant les sinuosités du fleuve, cette distance est de 23,756 t. 2 p., ce qui fait une différence de 1,266 t. 2 p. U y a 540 ans Aigues-Mortes, était, suivant la tradition, un [tort de mer puisque Saint-Louis s’y est embarqué pour la cinquième croisade. Un des bras du Rhône qui se dirigeait vers cette ville en est éloigné actuellement de quatre lieues, et tombe à la mer vers la petite ville de Sainte-Marie. Aigues-Mortes est à 8,400 toises de la mer, suivant la carte, ce qui prouve que, depuis cette 460 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] époque, la mer a beaucoup perdu de terrain, et, en évaluant ce qu’elle en a abandonné chaque année, l’on voit que ce chargement graduel est de 6 t. 2 p. environ. Si ces atterrissemems étaient proportionnels aux bouches du Rhône, Arles serait maintenant éloigné de la mer de plus de 33,500 toises, ce qui n’existe pas néanmoins, d’après la dislance mesurée et bn-n reconnue. Ces effets sont plus ou moins lents, selon les causes particulières qui les produisent, telles que les vents et les courants qui transportent plus avant dans la mer les dépouilles des montagnes et des plaines que le fleuve entraîne dans son cours. Ces atterrissements ne peuvent faire des progrès sensibles, et chaque année il suffira de prolonger les digues de quelques toises, ce qui ne sera pas une dépense considérable. D’ailleurs les digues une fois parvenu s aux endroits où il y aura du fond dans la mer, la profondeur des eaux diminuera l’effet des ensablements à l’embouchure du chenal, et le courant qui existe de l’est à l’ouest, les portera dans les anses et brassières qui sont sur cette plage. On ne peut cependant dissimuler que les doubles digues étant prolongées au de'à de la barre et continuées chaque année suivant le progtès des dépôts du fleuve, ces ensablements s’avanceront par la suite à une distance assez grande; mais il n’en résultera rien de préjudiciable à la navigation, tant du Languedoc que de la Provence; au contraire, il y a lieu de présumer, d’après les effets de lu nature, que les vaisseaux du roi et du commerce jouiront par ce moyeu d’un avantage réel, comme on va le démontrer. On suppose que, dans l’intervalle de plusieurs siècles, l’embouchure du Rhône soit portée, dans sa direction du nord-ouest au sud-est, à un point correspondant au cap Couronne, où commence le golfe de Fos; dans cette position, n’est-il pas incontestable que le cap Couronne à l’est, et l’embouchure du Rhône à l’ouest, formeraient deux points avancés du nord au sud, qui garantiraient le golfe de Fos de l’agitation de la mer que peuvent occasionner les vents d’est, de nord-est, nord-ouest et de l’ouest, et qu’alors le golfe offrirait à la marine royale et à celle du commerce une baie vaste, commode et des plus sûres qui existent dans la Méditerranée, sans priver les bâtiments marchands de l’asile du port de Bouc, lorsqu’ils voudraient s’y rendre? Ceci n’est point un système hasardé. C’est le sentiment des marins qui connaissent cette navigation. On peut s’en convaincre encore mieux en jetant un coup d’œil sur la carte. Les personnes de Part objecteront peut-être que les digues en pierre ainsi continuées se trouveront isolées par la suite fort avant dans la mer. A cela on répond que le courant constant de la mer de l’est à l’omst transportera la majeure partie des ensablements derrière les digues de la droite où la mer sera plus calme, toutes les fois que Jes vents d’est et de nord-est régneront, et que ceux du sud-ouest et de l’ouest qui sont les plus violents chasseront partie de ces sables derrière la digue de gauche. Cotte direction des ensablements sera variable, mais infaillible, et il en résultera que les môles en pi< rre se trouveront insensiblement appuyés par les dépôts mêmes du fleuve. Cet effet sera d’ailleurs certain , d’après les hauteurs et proposions que nous proposerons, dans le devis, de donner à ces digues en pierre. M-Marmillot, dans son mémoire, élève le couronnement des môles 5 pieds au-dessus de l’é-tîage. D’après ce projet, toutes les eaux du Rhône étant contenues dans un seul chenal et ne pouvant surmonter les nouvelles digues, les sables et matières que le Rhône charrie, ne pourraient se déposer qu’à l’extrémité du chenal, et contribuer nar leur position incertaine et subordonné à l’impulsion des différents airs de vent, à augmenter et renouve'er les obstacles que la navigation est dans le cas de craindre. Celte réflexion et un examen sérieux sur cet objet, nous ont fait connaîtie la néce-sité de ne donner au couronnement des digues à construire, que 18 pouces ou 2 pieds tout au plus au-dessus des pins basses eaux. En voici les rais ns: Lorsque le Rhône est dans son état ordinaire, ses eaux sont claires et peu chargées > e limon. Dès qu’il survient des crues, il reçoit a ors tous les dépôts des autres rivières qui versent leurs eaux dans son lit. La majeure partie de ces dépôts, et surtout les graviers ou pierres, sont arrêtés dans le canal du fleuve, à une grande distance en deçà de son embouchure, et forment ou accroissent différentes îles qu’il renferme dans la longueur qu’il parc urt, et il ne transporte à son t mbouchure que b s punies les plus légères de vase que les eaux enLaînent avec elles. En soutenant le couronnement des môbs 18 pouces ou 2 pieds au plus au-dessus de l’étiage, les eaux du Rhôre dans les crues même ordinaires, s'élèveront plus haut que les digues, et l’épanchement sur la dmite et sur la gauche, laisseront derrière les môles la i lus grande partie des sables et limons que les eaux roulent avec elles. G r ce n’est jamais dans les parties où existe le courant d’un fleuve que se forment les dépôts. Cet effet n’a lieu que dans les endroits où la vitesse des eaux est diminuée, et où elles sont presque stagnantes. La force du courant sera toujours contenue et très grande, dans la largeur et longueur du chenal projeté, parce que toutes les eaux du Rhône y étant resserrées, acquerront dans ce nouvel état de choses plus d’énergie et de rapidité, et le trop plein des eaux de ce nouveau canal trouvant lors des crues qui sont fréquentes, une issue par-dessus les môles, il est évident que la majeure partie des madères et vases, se déposeront au delà et dans tous les endroits où les eaux n’auront pn sque conservé aucune vitesse, et les vases en s’élevant graduellement et successivement, consolideront les flancs des digues situées à l’est et à l’ouest. Cet effet aura toujours lieu au fur et à mesure qu’il s> ra nécessaire de prolonger les môles en pierre, dont le couronnement sera continué sur un même niveau. Cette proportion des dgues et les effets qu’elle produira diminueront considérablement, d’après ce que nous venons de dire, les ensablements au droit de l’emboœ hure, et lu courant que l’on veut y fixer, conservera toujours une force et une énergie fort grandes. Pour terminer ce mémoire, il nous reste à prouver que les sables du Rhône ne sont jamais parvenus au port de Bouc, et n’ont pu contribuer à le combler. Nous n’avancerons sur cet objet aucune conjecture comme tous ceux qui en ont parlé; nous mettrons à portée de juger, d’après ce que lions avons remarqué et l’examen que nous avons fait scrupuleusement, et avec la plus grande attention, du golfe de Fos, et du port de Bouc, en exposant les moyens que nous avons employés pour acquérir des notions certaines. Le 12 juin, à une heure cinq minutes du soir, après avoir terminé nos opérations du matin aux 461 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1191.] bouches du R1 ône, et la mer un peu agitée ne nous permeitant pas d’en faire ae nouvelles, nous trou-embarquâmes dans le même bateau, et fîmes voile vers le port de Bouc, munis d’une son le marine. En passant par l’embouchure de l’est, et passant sur la barre qui est à son entrée, l’on lit une sonde et l’on trouva trois pieds de hauteur d’eau. Nous avions le vent arrière, et cinglâmes vers le port de Bouc, en suivant la ligne la plus droite, nous fîmes neuf sondes pendant le trajet, en observant de faire mettre à chaque fois le bateau en travers. En voici la note : Première sonde à 600 ou 700 cents toises de l’embouchure de l’est ......... Deuxième sonde ........................................... ............... Troisième sonde ........................................................ Quatrième sonde ......................................................... Cinquième sonde dans le milieu du golfe .................................. . Sixième sonde ........................................................... Septième sonde ........................................................... Huitième sonde ...... . .................................. . ................. Neuvième et dernière sonde à 60 toises en deçà de l’entrée du port de Bouc. Étant entrés dans le port de Bouc, nous pûmes remarquer qu’il n’est exposé qu’aux vents du sud-ouest et 'le l’ouest, et est à l’abri de tous les autres ; qu’il peut contenir 50 à 60 bâtiments; nous y fîmes trois -ondes : dans les deux premières, l’on trouva 15 pieds de hauteur d’eau, et un lond mêlé de vase et de gravier, et dans le troisième 12 ped-d’eau, et un fond graveleux mê é d’berb s et de coq illages. Ce po t est placé e uc. Ces opérations et observations, jointes aux autres preuves que nous avons données ci-dessus sur la direction des ensablements du Rhône, démontrent avec évidence qu’ils ne sont parvenus en aucun temps dans le port de Bouc, et qu’à plus forte raison, ils sont encore moins redoutables pour le port de Marseille éloigné de 12 lieues des bouches du Rhône. RÉSULTAT. Nous avons fait connaître, dans la première partie, les routes incertaines parcourues par le Rhône, d’Arles à la mer; dans la seconde, la situation actuelle; dans la troisième, les différents projets adressés au ministère, pour rendre sûre la navigation à son embouchure ; dans la quatrième, celui qui nous a paru le plus simple et le plus avantageux pour y réussir ; dans la cinquième, nous avons répondu d’avance aux objections que l’on pourrait faire, et nous avons démontré, d’après l’expérience, les sondes et observations faites dans le golfe de Fos, à l’entrée et dans l’intérieur du port de Bouc, que les conjectures hasardées dans plusieurs écrits et mémoires sur les causes qui ont contribué au comblement de ce port, sont dénuées de fondement. Si nous avons été forcés de relever quelques erreurs de calcul dans les détails donnés par M. Marmillot, nous n’avons pas moins été empressés d’adopter son projet, avec quelques modifications et changements dont nous avons exposé les motifs. Nous osons espérer que d’après les preuves citées dans ce mémoire, l’on sera convaincu que les moyens présentés pour vaincre les obstacles que la navigation éprouve aux bouches du Rhône, sont les plus faciles, ceux où l’art est. le mieux secondé par la nature, ceux enfin qui annoncent le succès le plus certain. Le détail approximatif offre un aperçu pour le projet réduit de ...... 1,391,065 1. 12 s. 9 d. Et pour compléter le projet général , une somme de.. ........ . 1,721,250 18 5 L’on voit d’après le montant de celte dépense, très rapprochée de la vraie valeur, que ces ouvrages ne peuvent être entamés avec de faibles secours. La réussite de cetie entreprise dépend de la célérité qui sera mise dans son exéculion, et si l’on en répartissait la durée en un trop [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] grand nombre d’années, il en résulterait des inconvénients réels, soit pour le commerce, soit pour les ouvrages qui ne peuvent acquérir la plus grande solidité que par leur continuité et leur ensemble. Les besoins de l’Etat même pourraient établir l’impérieuse nécessité de les interrompre, comme cela est arrivé. La plus grande nécessité sera toujours d’assurer les fonds; il sera cependant possible de s’en procurer : 1° Sur ceux de la crue de sel destinés dans leur origine à cet objet; 2° Sur ceux de la marine relativement aux approvisionnements des arsenaux de Marseille et du port de Toulon ; 3° La ferme générale est dans le cas d’y contribuer par rapport au commerce qui en ressentira les plus grands avantages; 4° Arles et Marseille pourront également donner une somme, étant les deux villes qui ont le plus grand intérêt à la confection de ces ouvrages. Toutes ces ressources peuvent faire face à la dépense, et faciliter les moyens d’entreprendre et de conduire à sa perfection cette opération, une des plus importantes du royaume, et qui mérite, à plus juste titre, de fixer enfin, d’une manière favorable, les regards de l’administration. Par nous, ingénieur en chef du haut et bas Languedoc, et département d’Arles, le 28 octobre 1788. Signé : Remillàt, à l’original. ANNÉE 1788. PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE). Devis des ouvrages à faire pour construire de doubles digues et encaisser complètement le Rhône depuis la fin des anciennes , soit jusqu' à la moitié du Tez-Rostang, soit jusqu'à la mer , sur une longueur , dans le premier cas , de 1,650 t. 5 p., et dans le second , de 2,080 t. 2 p. Commençant à l’extrémité des anciennes jetées, au delà de la tour Saint-Louis, il sera construit sur la gauche et celle à la droite du Rhône, de nouvelles digues en pierre sur deux alignements convergents, dont la direction suivra à peu près celle des anciennes. Ces digues seront ainsi continuées jusqu’au droit du premier angle, situé à l’est du Tez-Rostang, sur une longueur de 1,416 t. 2 p., et l’intervalle entre elles, qui sera à leur naissance 180 toises, sera réduit au bout des 1,416 t. 2 p. à 150 toises; ce point sera le dernier terme de la diminution du lit du fleuve, et de là, jusqu’à la mer, dans une longueur de 639 toises ; les digues seront fermées sur deux lignes parallèles entre elles et à celle du milieu du chenal; en sorte que leurs points correspondants soient à 150 toises de distance, laquelle iixera la largeur que ce fleuve conservera toujours, lorsque de nouveaux dépôts, à son embouchure, établiront la nécessité de prolonger ces digues plus avant dans la mer. Ces deux dernières lignes parallèles feront avec les deux premières un angle qui sera arrondi et adouci par le moyen d’une courbe développée sur 150 toises de longueur de chaque côté de l’angle, afin d’éviter qu’une trop grande masse d’eau puisse choquer un des points de la surface de ces digues. 463 Ces différentes lignes seront fixées avec soin par de fortes balises enfoncées le plus solidement qu’il sera possible. Le milieu du couronnement de la digue droite au bout de 1,416 t. 2 p. où elle cessera d’être formée sur une ligne convergente avec celle de la gauche, se trouvent, d’après les alignements déjà vérifiés, à 9 toises de distance du premier angle du Tez-Rostang, situé à l’est, il y sera placé une balise qui servira à établir la première ligne de la digue à droite, avec le secours des autres balises qui seront placées sur la crête de l’ancienne digue, près la tour Saint-Louis. Cette première ligne étant une fois bien marquée, les autres alignements seront d’autant plus faciles que le Tez-Rostang et du Midi assez étendus, procureront, par leur position, les moyens de faire les opérations convenables; le Rhône, d’ailleurs, ayant peu de profondeur aux abords de ces îlots, l’on ne sera point gêné dans les alignements que l’on sera dans le cas de tracer. Le nouveau canal du Rhône, ainsi formé, traversera le milieu du grau du midi, coupera deux parties avancées du Tez-Rostang et du Midi. Cette position du chenal est la plus avantageuse, soit pour sortir, soit pour rentrer dans le Rhône, comme nous l’avons fait voir dans le mémoire ci-joint. Il ne sera point nécessaire de faire aucun terrassement; les eaux du fleuve une fois resserrées par de doubles digues, et ainsi dirigées et conduites jusqu’au droit des Tez-Rostang et du midi, approfondiront et élargiront elles-mêmes son lit par l’énergie et la vitesse qu’elles acquerront. Cet effet sera infaillible, et les atterrissements qui ont formé ces deux tez, n’étant composés que de sable et de vase, seront bientôt emportés. La profondeur des eaux est moindre sur la rive droite; les digues par cette raison auront des dimensions différentes. La hauteur réduite de celle de la gauche au-dessous des basses eaux sera de 6 p. 5 p. 9 1., et celle de la droite de 11 p. 3 p. 8 1., l’on donnera au couronnement de ces digues 2 pieds au plus au-dessus de l’étiage. Ce couronnement aura 9 pieds de largeur, et au lieu d’être carré dans la partie supérieure, les deux arrêtes que formera la ligne de dessus avec le prolongement des glacis, seront arrondis pour supprimer toute saillie, et éviter de donner prise aux vagues qui pourraient détériorer ces arrêtes, lorsque les vents impétueux les agiteraient contre les digues, surtout dans les parties qui seront les plus rapprochées de la mer. Cette forme nous a paru d’autant plus admissible, que la solidité du couronnement des digues la requiert, et qu’elle n’empêchera pas de déposer dessus les approvisionnements, ni les matelots de s’en servir lorsqu’ils voudront remonter les bâtiments à la cor-delle. Pour la construction de nouvelles digues, l’on se servira de bâteaux plats que l’on fera amarrer dans la direction de la ligne du milieu du couronnement. On jettera les pierres qu’ils contiendront toujours dans le mênie endroit, en sorte qu’en tombant elles laissent le moins de vide qu’il sera possible, et l’on continuera de même jusqu’à ce que le massif soit élevé au-dessous du niveau des eaux basses. L’on remplira avec précaution les trous et inégalités qui pourraient exister, et l’on garnira de même les flancs de la digue, de manière à former un plein parfait. Cette opération peut être faite avec succès. Après avoir vérifié préalablement la profondeur d’eau, on 464 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] connaîtra l’empâtement à donner aux digues, et par le moyen des perches graduées, la surface de l’eau étant toujours de niveau, il sera facile de remarquer les parties qui seraient trop creuses, trop maigres, et de les fortifier. L’on observera de jeter dans le bas de l’empâtement de ces môles le plus gros blocs de pierre que l’on pourra trouver : il en sera fait un choix dans les carrières, et les matériaux mis en réserve seront employés à cet objet. Telle est la forme générale proposée pour la construction des digues. Mais il existe des moyens particuliers que la prudence prescrit de ne pas négliger, et qu’il est très important de mettre en exécution. Si l’on se contentait de construire ces môles de suite et progressivement jusqu’à 2 pieds au-dessous des plus basses eaux, les nouveaux obstacles qui resserreraient brusquement le courant du fleuve, surtout à la digue de la droite où se porte la plus grande masse des eaux, seraient la cause d’affouillements considérables à l’extrémité des parties de digues élevées et fort avancées; effet qui aurait lieu fréquemment et que l’on pourrait éviter. Pour y réussir avec succès il sera inévitable de défendre et de couvrir, pour première opération, le fond du fleuve dans la direction des digues à construire, par des pierres jetées qui formeront la base des nouveaux môles. Il suffira de donner à cette base naissante 4 à 5 pieds au plus d’élévation, le tout proportionné à l’empâtement que doivent avoir les môles, en raison de la profondeur de l'eau, et après pue cette base aura été construite avec les soins et les attentions nécessaires, il n’y aura aucun danger d’élever les môles ainsi établis et disposés avec des pierres jetées, suivant ce qui est prescrit ci-dessus; de façon que chaque partie de digue soit, d’après les raisons que nous avons exposées, 2 pieds au-dessous des basses eaux; et l’on continuera ces opérations suivant que les fonds destinés aux travaux pourront le permettre, et elles seront terminées en sorte qu’il reste à la fin de chaque campagne 50 ou 60 toises au moins de longueur de fonds recouverts de jetées en pierre, ainsi qu’il vient d’être dit. Avec ces précautions l’on sera sûr de conserver le fond du fleuve tel qu’il est, et si l’on ne les employait pas, le Rhône formerait infailliblement à la tête des ouvrages parachevés des trous, des cavités sur de très grandes largeurs, qui exigeraient des dépenses énormes, et qu’il est impossibles de prévoir et de calculer. La pierre ainsi jetée, prendra au moins une fois la hauteur en empâtement. La hauteur moyenne des eaux de la ligne droite est, suivant les sondes faites, de 12 p. 3 p. 8 I. D’après les dimensions données, la hauteur de la première ligne sera de 14 p. 3 p. 8 l., non compris les 2 pieds au-dessus des eaux basses, et chaque empâtement de 14 p. 3 p. 8 1. Ce qui produira pour les deux, y compris la largeur du couronnement, 57 p. 7 p. 4 1. de base, et forme un cube de 9 t. 1 p. 6 p. 9 1. par toise courante. L’on trouvera de même, d’après les dimensions de la digue à gauche, qu’elle contiendra 4 t. 8 p. 5 1. cubes, ajoutant les jetées rechargées successivement après la construction de ces môles que nous évaluerons par chaque côté à 24 pieds de profondeur et 3 pouces d’épaisseur réduite, ce qui produit par toise courante 4 toises cubes. Le cube total par toise courante de double digue sera de 17 t. 2 p. 3 p. 2 1. Les portions de digues commencées ne seront pas achevées chaque année ; on leur donnera le temps de s’affaisser; elles seront seulement élevées de 2 pieds au-dessus des eaux ordinaires, et après qu’elles auront fait leur tassement, on les terminera en achevant le couronnement. La surface de ce couronnement, ainsi que les parties des glacis hors de l’eau, seront construites en pierre que l’on parmentra, et qui n’auront pas moins de 1 pied et 18 pouces de queue alternativement. Elles seront posées en liaison les unes contre les autres, les joints remplis avec cales jointives, et le tout disposé de la manière la plus solide, pour résister au frottement des eaux et au choc des vagues. Cette surface sera descendue le plus bas qu’il sera possible pour la durée de l’ouvrage, et l’on aura attention que le premier rang placé au-dessous du niveau de l'étiage soit appuyé sur des parties de digue solidement établies. Le fond du lit du Rhône étant sujet à varier et dans le cas d’acquérir plus de profondeur ou d’en perdre, suivant l’influence momentanée des crues et des vents, il est impossible, d’après ces changements qui se renouvellent souvent, de calculer d’avance le cube de pierres qui entrera dans la construction de chaque toise courante de digues ; on en a donné les dimensions ci-dessus, par aperçu seulement; d’ailleurs nelles et adossées aux digues, une résistance suffisante pour arrêter et anéantir les efforts continuels des eaux du Rhône. La digue de la droite et de la gauche seront construites chaque année sur une égale longueur, afin que les eaux du fleuve tendent insensiblement vers le but où l’on veut les fixer, et ne soient pas forcées de prendre une �'rection différente, si une portion de digue était plus avancée que l’autre. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] 465 Comme il sera peut-être suffisant, pour la sûreté de la navigation pendant quelques années, de prolonger tes môles jusqu’à la moitié du Tez-Rostang, d’après les raisons alléguées dans notre mémoire, sauf à les continuer par la suite après leur confection, si les circonstances locales en imposent la nécessité, nous présenterons dans le détail estimatif deux résultats, l’un de la dépense pour l’exécution de la partie qui serait terminée au milieu de la longueur du Tez-Rostang, et le second pour compléter le projet général. Ces deux projets bien distingués mettront l’administration dans le cas de statuer et donner une décision sur la partie qui sera préférable. Pour la facilité d’attacher les bâtiments, et ôter tout prétexte aux marins de déranger les pierres des digues, il sera fourni et posé dans la longueur de chacune de lOOen 100 toises des bornes en pierre de taille qui auront 5 pieds 6 pouces de hauteur, sailliront au-dessus du couronnement de 3 p. 3 p., et seront noyées dans leur épaisseur de 2 p. 3 p. de profondeur; elles seront scellées tout autour en maçonnerie sur 3 pieds d’épaisseur. Cette d rnière partie aura 2 pieds en carré, et la partie supérieure 16 pouces de diamètre. Cette dernière sera circulaire et couronnée dans le haut d’une plinthe de 9 pouces de hauteur, saillaut de 2 pouces sur le nu de la borne, afin que les cordages qui pourront l’embrasser ne puissent pas glisser. Ces bornes seront taillées et logées proprement, relevées sur les arêtes avec cerclures; on en donaera un profil en grand lors de l’exécution. CONDITIONS. Toute la pierre, qui servira à la construction des nouveaux môles projetés à l’embouchure du Rhône, sera prise dans les carrières de Beaucaire, où toutes celles employées à la confection des anciennes digues du canal des Launes ont été tirées. Ces carrières sont très abondantes, peuvent fournir des matériaux d’un échantillon convenable; la qualité de la pierre est fort dure, et très propre aux ouvrages dans l’eau. Si néanmoins on en peut trouver de bonne qualité, et en suffisante quantité dans les carrières d’Arles, et si elle coûte quelque chose de moins, comme nous le présumons, d’après la visite et examen que nous avons faits sur les lieux, l’entrepreneur pourra s’en servir en partie, d’après les ordres qui lui seront donnés, et il sera fait préalablement les expériences nécessaires pour bien connaître la qualité de la pierre, la difficulté de l’extraction, et le prix auquel elle doit être fixée. Elle sera transportée de Beaucaire par bateau. L’eœrepreneur fera le marché nécessaire pour en avoir à sa disposition un nombre suffisant, afin que les opérations n’éprouvent aucun retardement. Il sera tenu de payer à ses frais, les perches, balises, journées d’hommes et de bateaux nécessaires pour tracer les alignements et l’établissement des ateliers, et un bateau solide et commode, conduit par deux matelots exercés à la manœuvre, pour le service des ingénieurs. Enliri tous les équipages, comme cordages, planches, madriers, dont on aura besoin pendant la durée des travaux. Il se conformera exactement aux ordres qui lui seront donnés sur la conduite et l’avancement de l’ouvrage, et aura, chaque année, des acomptes proportionnés au travail fait. Si par un cas imprévu il éprouvait des pertes, il en serait dressé un procès-verbal, et rendu compte à l’administration, pour la mettre à portée de statuer sur la justice et la validité de ses demandes. Dans le cas où il surviendrait quelques contestations entre lui et les ouvriers et fournisseurs, il ne pourra se pourvoir que par-devant l’intendant de Provence, qui seul en doit connaître. Par nous, ingénieur en chef du haut et bas Languedoc, et département d’Arles, le 23 octobre 1788. Signé : Remillat. DÉTAIL estimatif des ouvrages à faire pour construire de doubles digues et encaisser complètement le Rhône depuis les anciennes , soit jusqu'à la moitié de la longueur du Tez-Rostang, soit jusqu’à la mer, sur une longueur, dans le premier cas, de 1,650 t. h p., et dans le second de 2,080 t. 2 p. Détail d’une toise cube de pierre, pour tirage et transport à 11 heures de distance, et emploi. La toise cube de pierre de Beaucaire coûte pour tirage et transport, jusqu’à la tour Saint-Louis, 35 livres. Gomme il y aura de là jusqu’à la mer, encore 2,080 t. 2 p.”à parcourir, la distance réduite des transports sur cette longueur sera de 1,027 t. 4 p., et opérera une augmentation de 4 livres par toise cube ; ainsi la toise reviendra à ...................... 39 1. » s. » d. La main d’œuvre pour l’arranger dans l’eau et former les digues coûtera, par toise cube, eu égard à la sujétion ....... 2 » 10 » Régie et faux frais de l’entrepreneur, sur le pied du vingt-cinquième ............ Prix de la toise cube employée .............. . ...... 43 1 . 3 s. 3 d. Détail d’une toise courante de double digue, suivant les dimensions fixées d’après les sondes: 17 t. 2 p. 3 p. 2 1. cubes de pierre à 43 l. 3 s. 3 d. la toise, suivant le prix ci-dessus ..................... 750 1. 1 s. » d. Pour former régulièrement la surface des glacis et couronnements, il sera fait 6 toises carrées de pavage, avec pierres parementées à 3 livres la tois -, ci .................. 18 » » Régie et faux frais de l’entrepreneur, évalués de même que ci-dessus ..... . ......... » 14 4 Prix d’une toise courante de double digue ........ , ... 768 1. 15 s. 4 d. ire Série. T. XXIIL Tableau. 30 466 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791. j La longueur depuis les anciennes digues jusqu’au coin du Tez-Rostang, est de 416 t. 2 p. ; la moitié de la longueur du Tez-Rostang est de 209 t. 3 p.. à quoi il faut ajouter 25 toises de longueur réduite de double digue pour les 50 toises que l’ancienne digue de la gauche a de moins que celle de la droite, ce qui produit en total 1,650 1. 5 p., lesquelles à 768 1. 15 s. 4 d. la toise courante font : ci .............................................. Le projet général contient 2,080 t. 2p. de longueur au total, à 7681. 15 s. 4d. la toise courante, ci ............. . ...................................... Ouvrages communs et accessoires aux deux projets. 40 bornes estimées, mises en place, y compris le tirage, transport, taille, pose et massif de maçonnerie au pourtour, à 24 livres chacune, ci ......... Bâtiments à construire pour loger l’ingénieur, l’entrepreneur, ses commis et placer les bureaux ............................................... Somme à évaluer pour cas imprévus et augmentation d’ouvrage ......... Dépense totale pour le projet réduit ....................... Dépense totale pour compléter le projet général, ci 1,721,250 1. 18 s. 5 d. PROCÈS-VERBAL des expériences faites par l’ingénieur en chef du haut et bas Languedoc , conformément aux ordres à nous donnés par M. de la Millière intendant des finances, pour constater dans la Méditerranée , aux parages des Bouches-du-Rhône , l’existence d'un courant de la mer , de Vest à l'ouest. Pour remplir l’objet de cotre mission, nous uous sommes rendus à Arles, le 17 avril 1789, afin de concerter avec MM. les officiers municipaux les moyens de faire les reconnaissances en mer désirées, et de nous procurer des navigateurs expérimentés. MM. les consuls députèrent à cet effet M. Boulouvard, négociant, lequel avait été présent à nos précédentes visites, ainsi que les sieurs Deschamps et Bontoux, anciens capitaines de bâtiment, et choisirent la tartane Sainte-Marie , capitaine Benoit, montée de 4 hommes d’équipage. Le Rhône, lorsque nous arrivâmes, était fort élevé, et la pluie qui tomba à différentes reprises, depuis le 17 jusqu’au 19, et le vent contraire. nous forcèrent de séjourner à Arles. Le 19, à midi, le temps paraissant plus favorable, nous nous embarquâmes avec les personnes susdites et M. Ferry; mais nous eûmes à peine parcouru 1,500 toises, qu’un vent violent de sud-est nous força de revenir sur nos pas, et ce ne fut que le lendemain 20 qu’il nous fut possible de nous embarquer pour gagner Pâtisson où nous arrivâmes sur les 11 heures du matin. Le vent qui souffla le reste du même jour, et le lendemain 21, ne nous permit pas de sorlir de l’embouchure. Les eaux du fleuve étaient toujours fort hautes et la mer trop agitée pour faire les opérations convenables qui exigeaient un temps calme. Le 22 au matin, le temps ayant changé tout à coup et le vent étant au nord-est, nous sortîmes des bouches du Rhône, et à mesure que nous nous en éloignions, la mer devenant plus tranquille, nous commençâmes les expériences ainsi qu’il va être détaillé. A chaque expérience faite, le 22 et le lendemain 23, nous jetâmes l’ancre pour que le bâti-timent fût stable. Nous nous servîmes le premier jour d’un morceau de liège qui avait 18 pouces de diamètre, sur 3 pouces d’épaisseur, attaché à une ficelle fort mince qu’on avait jaugé par des noeuds qui indiquaient le nombre de toises. Le vent, la première journée, étant très modéré, ne nous a point contrarié, et n’agissant sur le morceau de liège que faiblement n’en retardait pas sensiblement la vitesse ; mais le lendemain, ayant été forcés de nous éloigner des eaux du Rhône qui étaient troubles, de nous porter à la hauteur du cap Couronne, de marcher contre le vent, en le serrant toujours au plus près, nous fûmes contraints de nous servir, dans nos opérations, d’une planche de chêne de 18 pouces de longueur sur 1 pouce d’épaisseur et 3 de largeur, laquelle s’enfonçant de son épaisseur dans l’eau de la mer, au moyen de petites pierres attachées dessus, ne laissait que le moins de prise possible à l’effort du vent. Après avoir rendu compte des précautions employées dans les différentes expériences faites le 22 et le 23 avril, nous allons en donner le résultat. Tableau. [AssemLIce nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] 467 22 avril 1789. lre Expérience. Après être sortis de l’embouchure du Rhône, et parvenus à 500 toises de distance, et au large dans la direction du cours du fleuve, nous jetâmes l’ancre, le vent étant alors sud-ouest. Le capitaine du bâtiment se mit dans la chaloupe, el tenant en main un morceau de liège, dont nous avons donné les dimensions, il le posa sur la surface de la mer, et, montre en main, il parcourut 22 t. 4 p. en deux minutes, dans la direction du nord-est au sud-ouest. L’on fit une sonde avec un cône en plomb, garni de suif par-dessous et l’on trouva 108 pieds de hauteur d’eau et un fond vaseux ....................... .................. Au moment de cette expérience la tartane Nolre-Dame-de Grâce, et d’autres bâtiments de mer qui faisaient route pour Marseille, ayant passé la barre de l’embouchure, furent surpris par le calme, et forcés de jeter l’ancre, dans la crainte d’être entraînés par le courant et éloignés de leur route. 2e Expérience. A 400 toises au delà et plus au large, en suivant la môme direction, nous mouillâmes et, après avoir employé les mêmes précautions, l’on prit avec la sonde marine la hauteur de l’eau qui était de 14 pieds, fond vaseux ; l’on jeta avec le même soin le morceau de liège attaché à une ficelle très mince, qui parcourut 24 t. 3 p. en deux minutes, dans la direction du nord-est au sud-ouest, ci ................... 3° Expérience. A 600 toises a peu près plus au large, en suivant la même route, après avoir jeté l’ancre, l’on lit une sonde dans la mer; la hauteur de l’eau était de 188 pieds, fond de vase, et, après avoir posé avec le même soin le morceau de liège sur la surface de la mer, il parcourut 22 t. 4 p. en deux minutes ......... - ...................................... 4e Expérience. En continuant de serrer le vent au plus près et d’après la reconnaissance de notre nouvelle position, nous nous sommes trouvés 300 toises â peu près plus au large, et après avoir jeté l’ancre l’on fit une sonde ; la hauteur de l’eau était de 200 pieds, fond de vase. L’on jeta de même le morceau de liège sur la surface de la mer, il parcourut 23 t. 1 p. en deux minutes, dans la même direction du nord-est au sud-ouest ................. > ............. 5° Expérience. Parvenus à 700 toisesplus au large, nous jetâmes l’ancre, et, après la sonde faite, la hauteur de l’eau était de 224 pieds, fond vaseux; le morceau de liège, posé sur la surface de la mer, parcourant en deux minutes 21 t. 2 p. dans la même direction du nord-est au sud-ouest .............. . . 6° Expérience. A 800 toises encore plus au largo, et à 3,200 toises environ des bouches du Rhône, nous jetâmes l’ancre, et la sonde donna 236 pieds, même fond de vase ; le morceau de liège, attaché à la même ficelle, et posé sur la surface de la mer, parcourut 17 toises en deux minutes, dans la même direction du nord-est au sud-ouest ........ . ............ Après avoir terminé la 6e expérience, le vent commença à s’élever, les vagues à s’agiter. Nous cessâmes nos opérations et relevâmes les principaux points de la côte avec la boussole , afin d’indiquer avec plus de précision celui où nous étions. It est résulté de ces opérations : 1° Que le cap Couronne nous est resté à l’est, à la distance d’environ trois lieues; 2° Le port de Bouc, au nord-est à la même distance ; 3° L’embouchure du Rhône était, par rapport à nous, nord-quart, nord-ouest. Le soleil étant sur le point de se coucher, nous profitâmes de la brise du sud-ouest pour rentrer dans le Rhône, où nous pûmes à peine gagner la tour Saint-Louis, le vent étant tombé tout à coup. Nous couchâmes à bord du bâtiment, et fîmes nos préparatifs nécessaires pour recommencer nos expériences en mer. En effet, nous n’étions pas bien satisfaits des opérations de la veille, toujours faites dans les eaux du Rhône, qui, étant fort hautes et troubles, se prolongeaient à environ 400 toises au delà de son embouchure, et se distinguaient avec d’autant plus de facilité, qu’elles formaient une teinte bien différente de celle des eaux de la mer. Il était donc intéressant de renouveler les expériences de la veille dans la mer et au delà de la ligne qui séparait ses eaux de celles du Rhône, 468 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (23 février 1791. | afin de vérifier l’existence d’un courant de l’est à Toues t. Pou:' exécuter ce projet, nous sortîmes des bouches du fiouve le 23 de grand matin, le vent étant au nord-ouest, et parcourûmes en partie le golfe de Fos. Nous observâmes que dans ce golfe, qui a, de-uis les bouches du Rhône jusqu’au port de ouc, environ 3 lieues d’étenJue, les eaux qui s’écoulaient par le grau du Gallejon, l’ancien et nouveau grau de l’est, se prolongeaient sur environ la moitié de sa largeur. Nous suivîmes la direction du grau de l’est au port de Bouc, jusqu’à la ligne de séparation des eaux douces avec celles de la mer, et, après l’avoir dépassée d’enviro ; 50 toises, l’on fit une sonde d’après laquelle la hauteur de l’eau s’est trouvée de 144 pieds, fond de vase. Nous changeâmes alors de route et porlâraes sur le cap Couronne; afin d’y commencer nos expériences, en suivant la direction de l’est à l’ouest, que le vent nous permettait de prendre. Chemin faisant, nous fîmes d’autres sondes, depuis la première jusqu’à la hauteur du cap Couronne. Dans la première l’on trouva 158 pieds de hauteur d’eau; dans la seconde 167; et dans la troisième 195 pieds, et partout un fond de vase solide. Nous avons continué ces sondes pour confirmer celles que nous avions déjà faites d ms le même golfe en 1788, sur la ligue droite du grau de l’est au port de Bouc, afin de s’assurer, par la profondeur d’eau qui s’y trouve, et la nature du fond de la mer, que les sables du Rhône ne sont parvenus ni au port de B me ni au cap Couronne. EXPÉRIENCES FAITES LE 23 AVRIL 1789. Après être arrivés à la hauteur du cap Couronne, à 700 toises de la partie du cap la plus avancée dans la mer, nous cherchâmes tous les moyens de nous assurer de l’existence du courant de la mer de l’est à l’ouest, et le point où nous étions était d’autant plus favorable pour cette vérification que, se trouvant à l’extrémité du golfe de Fus, aucune île, aucun obstacle ne peut influer sur le mouvement naturel de la mer. Nous choisîmes donc cette position pour c m-meocer nos expériences. Il régnait alors un calme parfait; le vent sud-ouest qui soufflait était si faible, qu’on ne remarquait aucune vague sur la mer. Nous mouillâmes, et, d’après la sonde faite, la profondeur des eaux de la mer était de 197 pieds, fond vaseux. L’on jeta d’abord le même morceau de liège dont on s’était servi la veille; mais le vent qui était contraire, quoique faible, en retardait sensiblement la vitesse. Nous employâmes pour y suppléer une planche de bois de chêne, de 18 pouces de longueur, 3 pieds et demi de largeur et 1 pouce d’épaisseur, sur laquelle nous attachâmes encore deux petites pierres, afin qu’elle pût s’enfoncer de toute son épaisseur, et laisser moins de prise au vent. Les choses étant ainsi disposées, le capitaine de la tartane descendit dans la chaloupe, plaça avec la main la planche ainsi lestée sur la surface de la mer, et, montre en main, elle parcourut 15 toises 3 pieds en deux minutes, dans la direction de l’est à l’ouest. Nous jetâmes, en même temps que la planche, du sable dans la mer, qu’il était fort facile de distinguer, et qui, entraîné par la force du courant, parcourait un plus grand espace, ce qui provenait de deux causes ; 1° du vent qui, agissant sur la planche quoique faiblement, en retardait un peu a vitesse; 2° du frottement occasionné par la ficelle. Nous continuâmes de marcher et de suivre la i en plus, ne nous permit pas de faire de nouvelles même direction; mais le vent, s’élevant de plus expériences. Nous mouillâmes à différentes re- [23 février 1791.J 469 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. prises, et nous jetâmes plusieurs fois quelques poignées de sable dans la mer, qui étaient entraînées par le courant dans la direction de l’est à l’ouest, et avec la même vitesse à peu près que nous avions observée dans les expériences précédentes. Nous renouvelâmes plusieurs fois cette opération, jusqu’à ce que, parvenus aux eaux du Rhône qui étaient troubles, il nous fut impossible de faire aucune expérience. Nous étions alors à environ 2,400 toises des bouches du Rhône, et à trois lieues à peu près du cap Couronne, à p u de distance des parages où nous avions terminé les opér ations de la veille. La nuit commençait à s’approcher; nous courûmes différentes bordées en serrant le vent au plus ( rès pour rentrer dans le fleuve; mais, après avoir fait beaucoup de chemin et de vains efforts, il nous fut impossible de nous elever assez daus le vent pour gagner l’embouchure, et nous lûmes contraints d’aller joindre le port de Bouc, où nous couchâmes à bord. Nous espérions, le lendemain, au moyen de la brise de l’est, revenir à l’embouchure du Rhône, et parvenir au moins à la tour Saint-Louis ou à PatLson. Mais pendant la nuit il survint une pluie très furte, et le vent se soutenant constamment à l’ouest, nous fûmes contraints de rester le 24 aux Martigues, ville située à une lieue du port de Bouc, et de nous rendre à Arles par ter; e, le 25, le temps totalement changé, les vents contraires rendant impossible toute opération de cette nature. RÉSULTAT. L’on voit, d’après les expériences faites le 22 avril dans les t aux du Rhône, que la vitesse du loch a été de 11 à 12 toises par minute, et sa direction nord-est et sud-est. Le cours des eaux du Rhône entre la tour Saint-Louis et son embouchure e-t nord-ouest et sud-est. Il faut donc une cause qui les force à changer cette route et les fasse tourner vers l’ouest; cette cause ne peut s’attribuer qu’au courant constant de l’est à l’ouest, que nous avons observé et reconnu le lendemain. Les f aux qui s’échappent par les graux de l’est, du midi et de l’ouest étant plus élevées que les eaux de la mer, surtout dans un moment de crue, tel que celui où nous avons fait nos expériences, trouvent de la résistance dans les eaux de la mer qui coulent de l’est à l’ouest. Gt s deux directions qui se croisent, en produisent une qui est la résultante de deux puissances qui se choquent, et qui doit participer principalement au mouvement et à l’impulsion de celle qui est la plus forte. C'est la raison qui nous a paru la plus certaine du changement de direction des eaux du Rhône dès qu’elles sont parvenues à la mer ; mais cette direction particulière aux taux du Rhône n’est que superficielle : à quelques pieds au-dessous, les eaux de la mer conservent nécessairement leur cours constant de l’ett à l’ouest, et cette surface d’eau douce, qui recouvre 1 s eaux de la mer, diminue insensiblement d’épaisseur, à mesure que l’éloignement des bouches du Rhône augmente, en sorte qu’à 4,000 toises environ, lors des grandes crues, et à 2,000 toises à peu près lorsque le fleuve est dans son état ordinaire, cette épaisseur d< s eaux douces se réduit à rien et l’on distingue très clairement la ligne de démarcation qui les sépare de celles de la mer. On ne pouvait choisir une position plus avantageuse que celle offerte par le cap Couronne pour vérifier et constater l’existence du courant de la mer de l’est à l’ouest; ce cap, situé à 3 lieues 1/2 à peu près des bouches du Rhône, p!us à l’est forme la naissance du golfe de b’os, de ce côté, entre lui et l’embouchure ; aucune île, aucun obstacle, comme nous l’avons exposé, ne peut influer sur le mouvement des eaux de la mer, qui est tel que la nature l’a formé. Nous commençâmes ms expériences à 6 ou 700 toises de distance de ce cap, et nous dirigeant vers l’ouest, a mer était parfaitement calme, aucune vague ne l'agitait à sa surface, et lèvent très faible était presque contraire à notre marche projetée. Nous distinguâmes claii ement le courant à la simple vue ; mais, pour en calculer la vitesse, nous limes les opérations détaillées ci-dessus. Nous ne pûmes faire que trois expériences ; dans la première, la vitesse du courant était de 35 p. 6 p., dans la seconde de 43 pieds et dans la troisième de 35 pieds par minute. Cette différence est provenue de la variation du vent, qui était presque contraire, et dont le commencement était très modéré; dans la seconde expérience il devint plus frais, dans la troisième encore davantage, et s’éleva de manière qu’il ne fut plus possible d’en faire d’autres. Nous avons rendu compte plus haut que nous jetâmes à chaque expérience plusieurs poignées de sable que l’on distinguait parfait ment dans la mer, et qui étaient entraînées avec plus de vitesse par le courant que la planche, dont la marche était retardée par le vent et le frottement, ainsi que le poids de la petite ficelle à laquelle elle était attachée. Nous évaluons ce retardement par aperçu de 10 à 12 pieds par minute; en ajoutant cette diminution av< c 46 p. 6 p. parcourus par minute dans la première expérience, que l’on peut regarder comme la plus sûre, parce que c’est le moment où la mer était parfaitement calme et le vent plus modéré, on peut juger la vitesse du courant de 33 à 60 pieds par minute. Nous avons trouvé, d’après les expériences faite-, entre la tour Saint-Louis et l’embouchure du Rhône, que la vitesse du courant du fleuve en eaux basses était de 38 toises environ par minute; elle est donc plus de trois fois plus grande q; e celle du courant de la mer; et, lorsque qu Iqces crues surviennent, cette vitesse du courant du fleuve est quadruple à peu près de celle du courant de la mer, parce qu’alors les eaux acquièrent plus de hauteur, et par conséquent plus de pente avant de s’épancher dans la mer. Tel est le résultat de nos expériences que nous aurions désiré pouvoir réitérer pendant plusieurs jours de suite; mais elles exigent tant de précautions, un calme si profond dans les vents qui soufflent sur la surface de la mer, qu’il nous a été impossible de les prolonger, les vents étant devenus trop violents et la mer trop agitée. Pour faire une opération aussi importante, complètement et avec un succès qui ne laissât rien à désirer, il faudrait plus ü’un mois, et se servir pour cela d’une fartai e montée par de bons navigateurs, pour faire les évolutions, les manœuvres nécessaires, et choisir les moments où les eaux du Rhône sont les plus basses, et les vents réglés aux parages de ce fleuve, comme il est ordinaire sur la fin de l’été; alors il serait facile de faire des expériences convenables pour bien connaître la largeur de ce courant et le point où il cesse de se faire sentir plus au large ; de le suivre ainsi au-dessus et au-dessous des bouches [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1731.] 470 du Rhône et de s’assurer ainsi de son étendue et de sa vitesse par les différentes expériences qui seraient faites ; l’on ne pourrait les faire trop au large et dans les endroits où il y aurait une trop grande profondeur d’eau, parce que, pour faire exécuter ces opérations avec précision, il est indispensable de jeter l’ancre et on ne peut réussir dans cette manœuvre dans les parages ou la hauteur des eaux de la mer ne permet pas de mouiller. Une vérification aussi lonpue, quoique très satisfaisante, serait fortdispe: dieusepour le loyer du bâtiment, les journées d’hommes à solder et autres dépenses nécessaires. Nous pensons que l'on peut s’en passer, et l’existence du courant de la mer de l’est à l’ouest est assez démontrée pour n’en point douter; elle est d’ailleurs constatée par le témoignage de tous les marins et des personnes qui ont écrit sur les ports de la Méditerranée, et les moyens de les préserver des ensablements. — MM. Mercadier, correspondant de l’académie de Montpellier, et Ero-mond de la Merveillère, capitaine au corps royal du génip, 1788. Par nous, ingénieur en chef du haut et bas Languedoc et département d’Arles, le 1er juin 1789. Signé : Remillat. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du mercredi 23 février 1791, au soir (1), La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Christian donne leciure d’une pétition de la ville de Lons-le-Saulnier qui demande que le siège épiscopal du département du Juia, situé à Saint-Claude, soit iransfére à Lons-le-Saulnier. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. ILemereier. Le procureur général syndic du département de la Charente-Inférieure annonce, dans une adresse, que plusieurs fonctionnaires publics de ce département, égarés d’abord par des ennemis de la chose publique, ou retenus par de fausses craintes, avaient différé de prêter le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier; mais que, mieux instruits des intentions ou des maximes de l’Assemblée nationale par l’instruction qu’elle a décrétée et fait publier, ils ont ouvert les yeux sur leurs erreurs et les pièges qu’on leur avait tendus, et se sont empressés d’obéir à la loi, quoique après le délai fixé par elle. Je demande que les fonctionnaires ayant fait leur serment civique avant leur remplacement soient traites et regardés comme ceux qui ont prêté dans les délais s rescrils par ie décret. (Cette motion est décrétée.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une pétition de M. Pingre, membre de l’Académie des sciences, qui prie l’Assemblée nationale de vouloir bien prendre les arrangements qu’elle croira convenables pour l’impression d’un ouvrage de sa composition, intitulé : Les Annales célestes , ouvrage qui a mérité le suffrage de l’Académie. (L’Assemblée renvoie cette pétition à l’examen de son comité des finances.) Un de MM. les secrétaires fait leciure du procès-verbal de la séance du matin, qui est adopté. L’ordre du jour est la suite de la discussion de V affaire de Mimes (1). M. foulland. Je demande à interpeller M. le maire de Nîmes sur an fait particulier. Plusieurs membres : Non! non ! M. Tessier de Marguerittes, à la barre. Je suis prêt à îépondre; j’accepte l’interpellation. M. Toailland. M. le maire a parlé hier dans son discours d’un approvisionnement de blé, fait pour secourir le peuple ; je lui demanderai de nous dire quelle est la date de cet acte de surveillance. M. Tessier de Marguerittes. La réponse est sim (de ; elle sera courte : c’est en mars et en avril 1790. M. Meynier de Saliaselles. En 1790, le blé n’était ni" rare ni cher; je ne conçois pas pourquoi cet approvisionnement a été tait. M. Tioug. Le blé était si cher à cette époque, dans mon pays, qui est le erenier du Languedoc, que le septier, pesant 100 livres, se vendait 14 francs. M. Tegsier de Marguerittes. La réponse à ces questions, tout au moins oiseuses, se trouve dans une délibération du représentant de la commune du 1er mai 1790, adressée à l’Assemblée nationale ; c’tst encore une des pièces dont M. le rapporteur a oublié de faire mention. (L’Assemblée ordonne la lecture de cette pièce.) M. Tessier de Marguerittes donne lecture de cette délibération (2). M. ÂEquicr, rapporteur. Cette pièce est authentique et les faits qu’elle relate sont vrais. M. Tessier de Marguerittes , continuant son discours commencé dans la séance d'hier au soir : QUARIÈME PARTIE. Evénements, excès du mois de juin. — Résumé général. Les premières hostilités du mois de mai avaient été heureusement terminées ; mais tout donnait lieu d’en craindre de plus terribles ; dans ce moment la légion se trouvait presque sans chefs par la démission de 3 officiers de l’état-major ; (1) Voyez ci-dessus, séance du 19 février 1791, page 299, le rapport do M. Alquier sur cet objet. (2) Voyez ce document aux annexes de la séance clu 19 février 1791, page 323, 2e colonne. (1) Celle séance est incomplète au Moniteur.