ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 octobre 1790.] 592 [Assemblée nationale.] même forains, pourront assister et être élus, pourvu néanmoins qu’ils soient citoyens actifs. Art. 3. « Ces commissaires se transporteront sur les différentes sections, et y formeront un état indicatif des différentes propriétés qui sont renfermées dans chacune ; ils y joindront le nom de leur propriétaire, en y comprenant les biens appartenant aux communes elles-mêmes. « Les états ainsi formés seront déposés au secrétariat de la municipalité, pour que tous les contribuables puissent en prendre communication. » M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 13 OCTOBRE 1790. SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES Et réduction des frais de justice, par M. Talon. La forme de procéder en justice, quoique simple et peu coûteuse en apparence dans son institution, est néanmoins dans le fait très compliquée et très dispendieuse. Cette partie de l’ordre judiciaire, qu’on peut appeler la partie de l’instruction, est encore plus susceptible de réforme que la partie du jugement, dont on paraît s’être uniquement occupé jusqu’à présent dans les différents projets publiés sur cette matière. Mais il ne faut pas croire qu’en réformant le code de la procédure, comme on se propose sans doute de le faire par la suite, on parvienne jamais à nous garantir entièrement du double inconvénient dont je viens de parler; car il est impossible que les procédures, dont le mode et la quotité doivent nécessairement varier avec les circonstances et les objets, puissent être d’avance déterminées, de manière à ne souffrir aucune extension delà part des officiers instrumentaires, qui, comme tous les hommes, seront toujours guidés dans leur état par l’intérêt personnel. Et l’intérêt personnel des officiers instrumentaires est malheureusement d’étendre et multiplier les procédures, parce qu’ils sont payés en raison du volume et de la quantité des actes de leur ministère. Et le ministère des officiers instrumentaires est indispensable, afin d’éclairer et diriger également tous les citoyens, entre lesquels il n’y aurait sans cela aucune égalité dans l’exercice de leurs droits, qui dès lors cesseraient eux-mêmes d’être égaux. Et il faut que les officiers instrumentaires continuent d’être payés par les plaideurs, chacun eD raison de son travail particulier, attendu que s’ils étaient, comme les juges, gagés uniformément par la nation, l’on éteindrait en eux l’émulation et l’activité. Et il le faut avec d’autant plus de raison, que si les officiers instrumentaires n’étaient plus payés par ceux qui forcent à recourir à leur ministère, les citoyens honnêtes et paisibles seraient alors exposés à des procès continuels, que susciteraient contre eux l’esprit de chicane et la mauvaise foi, par la certitude de n’encourir aucun risque, en intentant ou soutenant une mauvaise contestation, dont les frais sont aujourd’hui la peine. Mais il ne faut pas que cette peine soit arbitraire et il ne faut pas surtout qu’elle puisse être aggravée par ceux auxquels elle profite. Or, tel est l’abus qui existe ; et il existera malgré la réformation du code, je le répète, il existera tant que la quotité des procédures servira de base à la quotité des frais. On ne peut donc réformer cet abus qu’en instituant pour le règlementdes honoraires une nouvelle mesure, indépendante de la quotité des procédures, et telle qu’elle ne puisse varier dans la main des officiers instrumentaires. Je propose, en conséquence, de fixer et déterminer la quotité des honoraires des officiers ministériels par la quotité du principal, dans tous les cas où l’objet de la contestation sera susceptible d’une évaluation pécuniaire. Ainsi, pour rendre ma proposition plus sensible par un exemple, si l’on fixe les frais à six derniers pour livre jusqu’à certaine somme, il en coûtera 75 livres pour une action de mille écus et 25 seulement pour une créance de cent pis-toles. Eu adoptant ce mode de fixation, on supprime par le fait toutes les procédures abusives et ruineuses, que le nouveau code ne pourrait jamais prévenir. Je dis qu’on supprimerait par là toutes les procédures abusives, et peut-on en douter? Si les officiers multiplient les procédures parce qu’on les paye en raison de la quotité des actes, cet abus disparaîtra nécessairement quand le volume des procédures n’ajoutera pins à la somme de leurs honoraires. On ne sort jamais des bornes qu’on n’a pas d’intérêt à franchir. Alors les officiers seront, au contraire, intéressés à simplifier les procédures, car moins ils en feront dans chaque affaire, plus il leur restera de bénéfices nets, puisque leurs droits seront les mêmes, soit pour une procédure simple, soit pour une procédure volumineuse. Et si la simplification des procédures est un effet de l’intérêt bien entendu desofficiers instrumentaires, nous ne craindrons plus alors cette multitude d’accidents et de difficultés, à la faveur desquels on éternise les procès, afin d’en augmenter le produit. Alors les droits des citoyens ne languiront plus dans les tribunaux, et le père de famille, en intentant une action, ne craindra plus de transmettre à ses enfants un procès interminable. En un mot, l’intérêt de l’officier, devenu conforme à son devoir, cessera d’être en opposition avec l’intérêt de la partie; et le bien public sera désormais sous la sauvegarde de l’intérêt particulier. La simplification, l’économie et la célérité sont des avantages assez grands sans doute pour faire admettre l’institution que je propose. Mais il en est un plus grand encore, c’est l’égalité qui doit en résulter dans la répartition des frais, entre les plaideurs, considérés sous le rapport des biens litigieux, qui forment l’objet des procédures. Ceci demande un plus grand développement. Les officiers instrumentaires peuvent être en quelque sorte identifiés avec les parties qu’ils représentent dans les tribunaux, et, sous ce point de vue, il est juste qu’ils soient payés par les citoyens qui les emploient. Or, si les officiers doivent [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [13 octobre 1790.] 593 être payés par les citoyens qui les emploient, n’est-il pas juste que ceux des citoyens qui ont le plus d’intérêt à les employer, et qui retirent un plus grand avantage de leur ministère , n’est-il pas juste que ceux-là, dis-je, contribuent dans les honoraires nécessaires à l’existence de ces officiers, pour une somme plus forte que ceux qui retirent de leur ministère une utilité moins grande? La nécessité absolue des officiers instrumentaires et la charge qu’on impose aux plaideurs de les payer, peuvent faire considérer leurs honoraires comme un impôt même, réparti sur les biens litigieux. Chaque plaideur doitdonc contribuer, dans l’impôt, en raison de la valeur des biens qu’il défère à la justice. Ce qui rentre dans la proportion d’intérêt dont je parlais tout à l’heure. Que le pauvre, en recourant à la justice pour une somme modique, ait, dans sa position, un intérêt aussi grand que le citoyen riche qui réclame une somme considérable : cela ne présente qu’une égalité relative dans leurs intérêts ; et l’on retrouve dans la répartition des frais cette même égalité, qui forme la base de la répartition de tous les impôts, et qui doit être celle de la répartition de toutes les dépenses communes qui se rapportent aux biens. Eh ! que dis-je? c’est une égalité réelle en politique, que de répartir également sur les biens, et proportionnellement à leur valeur les honoraires des officiers que les lois ont institués, et que les citoyens emploient pour la conservation de ces biens. Et cette égalité, puisée dans les principes, dans le vœu même de notre Constitution, deviendra d’autant plus précieuse à la société, qu’elle tend au soulagement des citoyens de cette classe qui mérite la protection des lois et de la justice, trop souvent muettes pour les malheureux, par l’impossibilité de fournir à des frais quelquefois au-dessus de l’objet même de leur réclamation. Ainsi le citoyen pauvre, dont les droits auront été méconnus ou violés, pourra désormais apporter sa réclamation aux pieds de la justice; et ses ministres seront dans l’heureuse impossibilité de lui refuser leur ministère. Mais le pauvre n’est pas le seul qui, par l’énormité des frais arbitraires de procédure, soit repoussé du temple de la justice. L’honnne opulent n’en approche qu’en tremblant, et celui qui jouit d’un reste de fortune appréhende une ruine entière eu invoquant les lois pour recouvrer ses biens. Si l’institution que je propose est admise, l’arbitraire disparaît, et le citoyen, instruit d’avance de la somme invariable des t’rais auxquels il s’expose, n’est plus gêné dans l’exercice de ses droits. Ah 1 c’est alors qu’il est vraiment libre et que les droits sont vraiment égaux! La fixation et la répartition des frais de justice, considérés sous ce point de vue, importent à l’organisation politique et tiennent même à la Constitution, par l’intluence qu’elles peuvent avoir sur la liberté d’agir sur la propriété. Vainement les hommes seraient-ils égaux en droits dans la société, si la Constitution, en rectifiant les inégalités de la nature et de la fortune, ne donnait à tous les individus la même facilité, dans leur position respective, pour conserver Légalité de leurs droits. Vainement aurais-je la liberté d’agir, si je n’en ai pas le moyen. Et si je n’ai pas le moyen de réclamer contre l’usurpation, c’est en lr0 Série. T. XIX� vain que ma propriété sera sous la sauvegarde de la loi constitutionnelle. Le mode de fixation que je propose est une conséquence immédiate de ces principes : en proportionnant les frais de justice à la valeur de l’objet en litige, il met tous les citoyens dans le cas d’invoquer les lois, puisqu’il ne les expose qu’à des dépenses proportionnées à leur fortune, ou du moins à leurs biens litigieux. Une institution de ce genre doit être de tous les temps et de tous les lieux; et telle est celle que je propose, car toujours et partout cette fixation se trouvera dans la même proportion avec la valeur du numéraire, puisque les honoraires seront une partie aüquote de la somme numérique des actions; avec les dépenses locales, puisque dans les villes ou les dépenses sont plus fortes, en raison de leur richesse, les affaires y sont aussi plus considérables par leur objet; de même qu’elles sont plus modiques dans les villes moins riches, où les besoins sont aussi moins grands. Un autre caractère de stabilité dans la fixation que je propose, c’est qu’étant indépendante de la forme de procéder, elle ne sera point sujette aux variations réglementaires delà procédure. Et, par cette raison, elle offre un avantage actuel, celui de pouvoir être établie dès à 'présent sans attendre le code nouveau, dont la formation sera sans doute laissée à d’autres législatures. Ainsi le peuple jouirait tout de suite des avantages précieux de cette institution, dans laquelle il doit infailliblement trouver simplification, économie, égalité, facilité, célérité. Avec tous ces avantages cependant l’institution que je propose semble présenter des inconvénients que je ne dissimulerai point. Mais les uns, n'étant qu’imaginaires, disparaîtront dans la ré-fulalion; et ceux qui pourraient avoir quelque réalité seront annulés par les précautions que j’indiquerai dans la discussion, et que je me propose d’établir dans le règlement. Pour discuter mon plan avec plus de méthode et de précision, je pose trois points, auxquels doivent se rapporter toutes les objections : 1° Inefficacité du plan; 2° injustice de la fixation; 3° danger dans l’exécution. 1° Le plan est-il efficace? Le but de l’institution que je propose, étant principalement d’enlever aux officiers instrumentaires le pouvoir dangereux de multiplier à leur gré des frais qu’ils ont intérêt de multiplier, on peut objecter que, chargés d’intenter les actions au nom de leurs clients, iis pourront également augmenter la quotité des frais, en augmentant, par la demande, la quotité de la somme demandée, qui, quoique réduite par le jugement, n'en servira pas moins de base à la fixation des frais, puisque ce sera la somme demandée qui aura fait l’objet de la contestation. Cette objection suppose dans l’officier ministériel une faculté qu’il 11’ a pas, celle de déterminer la quotité de la créance dont il est chargé de poursuivre le payement. Ce sont les pouvoirs qu’il reçoit de son client qui fixent l’objet de l’action. Mais le créancier, par une déférence coupable, ou par un effet de l’humeur qui se môle dans les contestations judiciaires, pourrait sciemment et volontairement exagérer la somme de ses prétentions, pour augmenter la masse des frais, au détriment d’uu débiteur, qui cependant ne doit 88 594 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 octobre 1790.] supporter qu’une peine proportionnée à sa dette réelle. Ceci n’est point un inconvénient imaginaire; mais il est facile de le prévenir. Un débiteur actionné pour 10,000 francs, et qui n’en doit que cinq, n’en est pas moins, dans l’état actuel, condamné à payer la totalité des dépens faits sur la demande. Et cette condamnation est juste, parce que la quotité de la somme n’in-ilue pas sur la quotité des frais. Mais cette condamnation serait injuste dans le système de la fixation que je propose. Alors le débiteur ne doit être condamné envers le créancier qu’aux frais proportionnés à la somme qu’il doit; et le créancier doit être condamné au surplus des dépens occasionnés par l’exagération de sa demande. Au moyen de cette précaution, chacun supportera la peine de son injustice. Car si c’en est une de refuser le payement de ce qu’on doit, c’en est une aussi que de demander plus qu’il ne nous est dû. Les frais sont une peine civile : eh bien, elle sera proportionnée à nos torts; et nous retrouverons ici la même égalité proportionnelle que nous avons trouvée relativement aux biens, en même temps que nous serons assurés par là de l’efficacité du plan que je propose. On peut objecter que cette efficacité n’est que partielle, attendu que le plan proposé ne peut s’appliquera toutes sortes d’affaires, puisqu’il en est dont l'objet n’est pas susceptible d’une évaluation pécuniaire, telles que celles dans lesquelles il s’agit uniquement de l’état, de l’honneur ou de la vie des citoyens; comme il est d’autres affaires aussi qui ne peuvent être soumises au mode de fixation proposé, quoiqu’elles aient un intérêt civil, soit par défaut de détermination de l’objet principal, soit par la nature du travail et des procédures, qui ne présenteraient pas précisément une contestation judiciaire. Ma proposition, qu’on se la rappelle bien, ne s’applique en effet qu’aux contestations dont l’objet serait susceptible d’une évaluation pécuniaire. Ainsi le plan que je propose est efficace, si j’ai démontré son efficacité à cet égard. De ce qu’il ne peut s’étendre à toutes sortes de procédures, on ne doit pas en conclure que le plan doit être rejeté, à moins qu’on n’en présente un autre également bon et absolument général. Il y a peu d’affaires auxquelles celui-ci ne s’applique]: presque toutes ont, en effet, un intérêt civil pour objet; et quel est l’objet d’intérêt qui ne soit pas susceptible d’évaluation? Je puis dire, avec vérité, que dans la masse des affaires, on en trouve à peine une sur cinquante qui soit dans le cas de l’exception; ainsi l’institution que je propose réformera les quarante-neuf cinquantièmes des abus judiciaires, et le surplus des affaires, en attendant d’autres réformes, sera soumis au règlement actuel. Mais qu’on ne s’alarme point sur les abus qui peuvent rester dans cette cinquantième partie des affaires : il faut à cet égard fixer ses idées. Les affaires qui n’ont aucun intérêt civil pour objet sont celles des affaires criminelles dans lesquelles il n’y point de partie civile qui conclue à des restitutions ou réparations pécuniaires. Mais on sait que, dans ces sortes d’affaires, il n’est point au pouvoir de l’officier ministériel d’étendre ou multiplier la procédure, parce que c’est le juge qui fait l’instruction. Dans les affaires où des opérations générales, vagues et indéterminées ne présentent pas un objet fixe en demande judiciaire, alors il s’agit moins de procédures susceptibles d’extension, que de travaux particuliers, qui, par leur nature, ne peuvent qu’être simples et vraiment utiles. Dans les procédures conservatoires ou extrajudi - ciaires, il ne peut être question que d’actes isolés, dont l’objet est rempli dès l’instant qu’ils sont faits, et qui, en général, ne peuvent être étendus ni multipliés. Si, dans ces trois espèces d’affaires auxquelles mon plan ne peut s’étendre, on ne trouve aucun abus possible relativement aux frais de procédure, ne puis-je pas dire que mon plan détruit absolu ment tous les abus de ce genre ? L’objection que je me suis faite sur le défaut de généralité des affaires me conduit naturellement à quelques réflexions sur la généralité des officiers ministériels. Ce règlement sera-t-il applicable à tous les officiers instrumentaires tels que greffiers, commissaires, procureurs, notaires, huissiers? Je réponds qu’il ne doit et ne peut être applicable ni aux greffiers, ni aux commissaires, ni aux huissiers, parce qu’en général ces officiers ne peuvent guère étendre ni multiplier les actes de leur ministère. Les procureurs sont les seuls qui, par la nature de leurs fonctions et l’étendue indispensable de leurs pouvoirs, aient cette facilité dangereuse, dont mon plan tend à réprimer les effets. C’est donc aux procureurs seuls que mon plan doit être appliqué. Et je le restreins encore aux actes de leur ministère uniquement, c’est-à-dire à leurs honoraires proprement dits, parce qu’il serait inutile, injuste et dangereux de comprendre les déboursés dans la fixation générale. Inutile, parce qu’ils n’ont guère le pouvoir de multiplier les actes étrangers à leur ministère, qui seuls entraînent les déboursés, qu’ils sont d’ailleurs intéressés à éviter ; injuste, pour les officiers comme pour le public, parce que dans des affaires semblables par la quotité de leur objet, les déboursés peuvent éprouver des variations considérables, qui ne permettent pas d’admettre à cet égard un taux moyen et commun ; dangereux enfin, parce que les officiers, afin d’épargner les déboursés qui seraient à leur charge, pourraient se permettre des économies préjudiciables à la défense de leurs clients. Ainsi, en restreignant mon plan aux procureurs et aux actes de leur ministère, son objet se trouve rempli. Et ce plan, quoiqu’il ne comprenne que les actions susceptibles d’évaluation pécuniaire, emporte la destruction de tous les abus de notre procédure. L’efficacité de mon plan démontrée, je passe au second point. 2° Ce mode de fixation est-il juste? On peut objecter qu’une affaire dont l’objet est modique exige souvent autant de travail qu’une affaire importante ; et conclure de là qu’il serait injuste de proportionner les honoraires de l’officier à la modicité de l’objet. Mais qui ne voit pas que l’officier se trouve dédommagé dans la masse des affaires 1 Si le produit de l’une est modique, le produit de l’autre est considérable ; et de là résulte un produit moyen, qui, comparé au travail réel, présente une juste proportion entre la peine et le salaire. Ainsi point d’injustice relativement à l’officier. On dira, peut-être, qu’il n’en est pas de même 595 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 octobre 1790.) relativement au public, puisque cette compensa-! tion, établie entre les produits différents des affaires, semble charger uu citoyen d’acquitter la dette d’un autre. Maissilesaffaires,considéréesen masse relativement aux officiers, ne leur offrent pour produit moyen dans chaque affaire qu’un bénéfice proportionné à leur travail, ces mêmes affaires, également considérées en masse relativement au public, ne chargent les citoyens, aussi considérés en masse, que d’une dette également proportionnée à l’obligation de chacun dans chaque affaire. Et toutes ces considérations sont justes en politique, parce qu’une loi générale ne peut être vraiment bonne que par la masse des résultats. Je parle de justice, et je cherche des raisons ailleurs que dans cette égalité précieuse que j’ai fait remarquer! Me défiai-je donc du cœur ou des lumières de nos législateurs? Non, cette égalité seule emporte avec elle à leurs yeux la démonstration du juste absolu. Mon plan est efficace, il est juste, mais il reste un troisième point sous lequel il faut le considérer. 3° N'y a-t-il point de danger dans l'exécution de ce plan ? On peut objecter qu’il est à craindre que les officiers ne négligent les affaires qui, par la modicité de l’objet, ne leur présenteront qu’un modique bénéfice. Eh quoi ! ne sait-on pas que, dans l’état actuel des choses, il est des affaires qui par leur nature sont plus lucratives que d’autres? cependant toutes sont poursuivies également: et si l’on se plaint de lenteur, cette lenteur est commune aux affaires de toute espèce. D’ailleurs, il est possible de fixer, même dans les affaires modiques, un prix qui soit proportionné tant à la modicité de l’objet qu’au prix du travail, en statuant que la rétribution ne pourra jamais être moindre de telle somme ; comme il n’est pas juste non plus qu’elle soit augmentée dans une proportion toujours égaleavec les principaux, qui pourraient quelquefois porter ces honoraires à des sommes très fortes et trop au delà du prix moyen du travail. Le règlement posera ces deux bornes. Enfin, les officiers instrumentaires ont un ministère forcé, et sont subordonnés dans leurs fonctions à la surveillance et à la discipline des magistrats, qui, sur une plainte de négdigence, les rappelleraient à leur devoir. On peut objecter, d’un autre côté, que les officiers ayant intérêt à simplifier la procédure dans le nouveau mode de fixation, il est à craindre qu’ils ne négligent de faire l’instruction nécessaire, et qu’ils ne compromettent par là les droits dont la défense leur sera confiée. Il faut convenir que cette crainte ne serait pas tout à fait sans fondement, si dans la fixation des honoraires en masse je comprenais les déboursés; ceux qui par intérêt passent au delà des bornes quileursont prescrites, pourraient bien se retirer en deçà des mêmes bornes, si leur intérêt l’exigeait. Mais on a vu que par cette raison même, entre autres, j’excepte de la fixation tous les déboursés, et que je n'y comprends absolument que les actes du ministère des officiers auxquels elle s’applique. Craindre que ces officiers ne fassent une économie préjudiciable sur leur temps, sur leur travail, il me semble que ce serait porter les craintes un peu trop loin. Car si, d’un côté, les officiers sont intéressés à simplifier leur travail, dans le nouveau sysième de fixation, d’un autre côté, leur intérêt est de mériter et fixer la confiance, pour accroître et conserver leur clientèle. La concurrence entre eux et la faculté de les révoquer piqueront toujours leur émulation et leur exactitude. Et, d’ailleurs, l’officier qui défend une cause s’identifie insensiblement avec la partie dont il adopte l’opinion, et l’amour-propre, en l’aiguillonnant dans son devoir, attache au succès l’intérêt personnel du défenseur. J’ai rapproché, sous trois points, les objections dont mon plan m’a paru susceptible; et de la réfutation de ces objections il résulte que mon plan est efficace dans son objet; qu’il est juste dans la fixation qu’il renferme ; et qu’il est sans inconvénients dans son exécution. Ajouterai-je à tous les avantages qu’il présente une considération particulière, consolante pour les officiers instrumentaires, et satisfaisante pour tous les citoyens dont ils ont la confiance? Ceux d’entre ces officiers que l’intérêt peut avoir égarés se trouveront ramenés à leur devoir ; mais ceux qui ne s’en sont jamais écartés n’éprouveront aucune diminution dans le fruit de leurs travaux; et, placés désormais à l’abri d’un soupçon trop général et souvent injuste, ils fixeront tous la considération due à des fonctions non moins importantes qu’honorables, quand l’officier qui les exerce sait lui-même les respecter. PROJET DE RÈGLEMENT DES FRAIS DE PROCÉDURE. Introduction. Je diviserai ce règlement en quatre parties. Le premier chapitre contiendra les bases générales de la nouvelle fixation des frais. Le second chapitre présentera les moyens d’appliquer cette fixation, en déterminant dans les différents cas la valeur ou la somme des objets divers de chaque espèce d’action, de poursuite et d’opération. Le troisième chapitre déterminera le taux de la fixation, pour tous les cas énoncés dans le chapitre précédent. Et le quatrième chapitre réglera l’obligation des parties et le droit des officiers, pour le payement des frais. Toutes les dispositions de ce règlement feront d’autant plus sentir l’efficacité du système qui en est la base. Chapitre premier. Bases générales. Art. 1er Les frais de procédure, quant aux honoraires et vacations des officiers ministériels connus sous la dénomination cie procureurs, seront fixés, dans chaque procès, en masse et en raison de la valeur de l’objet en litige, dans tous les cas où il s’agira d’une somme d’argent, ou lorsque l’objet litigieux sera susceptible d’une évaluation pécuniaire : en telle sorte que pour une action de mille livres, par exemple, il ne soit payé pour lesdits honoraires et vacations que la dixième partie de ce qu’on payera pour dix mille livres. 596 [Assemblée nationale.] Mais dans ladite fixation, ne seront point compris les déboursés faits par lesdits officiers, pour les actes et travaux étrangers à leur ministère, et qui ne pourraient être faits par eux-mêmes ; desquelles avances ils seront remboursés séparément. Art. 2. La somme ou la valeur de l’objet réclamé par le demandeur servira de base à la fixation desdits frais, tant en demandant qu’en défendant. Mais quand la somme ou la valeur de l’objet demandé se trouvera réduite par le jugement, la partie condamnée ne supportera de frais que proportionnellement à la somme de la condamnation principale ; et le surplus sera supporté par le demandeur. Art. 3. Quant aux affaires dont l’objet ne sera pas susceptible d’une évaluation pécuniaire, les frais en seront taxés, comme par le passé, sur le pied des tarifs existants, ou qui seront faits par la suite. Art. 4. Il en sera usé de même à l’égard de tous actes, procédures et opérations qui ne seraient point parties nécessaires de l’instruction d’un procès, ou contestation en cause, ou poursuite sur demande tendant à un jugement, liquidation ou vente judiciaire ; lesquels actes, procédures et opérations particulières continueront d’être taxés et payés en raison. du travail et des tarifs particuliers. Chapitre II. Détermination et évaluation des objets litigieux dont la valeur doit servir de base à la fixation des frais. Section première. Des créances ou actions liquides. Article unique. La somme de deniers dont le payement sera demandé en justice emportera nécessairement avec elle la détermination et l’évaluation de l’objet litigieux. En conséquence, ladite somme servira à la fixation des frais, en y comprenant les intérêts échus jusqu’au jour de la demande seulement. Ce qui aura pareillement lieu pour les intérêts des sommes déterminées par les liquidations et évaluations dont il sera question ci-après. Section II. Des créances ou actions non liquides. Art. 1er. Quand la demande aura pour objet le payement d’une somme de deniers non déterminée, mais qui devra l’être par la sentence même, ou par une opération ordonnée, les frais seront fixés en raison de la somme qui aura été déterminée par le jugement ou par l’opération faite en conséquence. Art. 2. Lorsqu’il s’agira de la reddition d’un compte ou d’une liquidation de créances, le montant de la recette ou de la race brute des créances sera pris pour base de la fixation des frais, comme formant le véritable objet de la discussion d’où doit résulter le reliquat. Art. 3. Quand les parties transigeront, ou que les officiers seront révoqués avant la liquidation, les frais faits jusqu’alors seront payés sur le pied [13 octobre 1790.] des tarifs particuliers, sauf l’action pour le payement du surplus, ou pour restitution de ce qui aurait été payé de trop, d’après la liquidation qui serait faite parla suite; et sauf ce qui sera réglé par le chapitre III ci-après, pour le cas où les affaires n’auront pas été mises à fin. Section III. Des actions pour valeur d'objets liquides par la demande , mais sujets à estimation. Art. 1er. Quand la demande aura pour objet le payement d’une somme déterminée, pour le prix ou valeur d’ouvrages et autres objets quelconques sujets à estimation ou règlement, lorsque le débiteur le requiert, la somme demandée servira de base à la fixation des frais. Art. 2. Mais si par l’événement de l’estimation ou règlement, la somme demandée se trouvait excéder le montant de l’estimation, le demandeur supportera les frais qui seront dus en raison de cet excédent, et contribuera en outre dans la même proportion, dans le coût du procès-verbal d’estimation ou règlement, indépendamment de la portion dont il pourrait en être tenu d’ailleurs. Art. 3. Dans les demandes de la nature de celles dont il s’agit dans la présente section, et généralement dans tous les cas ou l’action aura pour objet le payement du prix ou la valeur d’une chose, et non la remise de la chose en nature, le demandeur sera tenu de fixer par sa demande une somme déterminée, pour prix ou valeur de la chose. Section IV. Des actions pour objets en nature susceptibles d'évaluation. Art. 1er. Quand la demande n’aura pas pour objet le payement d’une somme d’argent, et lorsque l’objet sera susceptible d’évaluation, le demandeur l’évaluera lui-même par son exploit de demande, ou le défendeur en fera l’évaluation par son premier acte de procédure : sinon l’objet sera considéré comme non susceptible d’évaluation, et les frais seront exigibles sur le pied des tarifs particuliers, sans avoir égard à l’évaluation que les parties pourraient faire par la suite ; à moins que les officiers auxquels seront dus les frais ne consentent de s’y soumettre, et d’être payé suivant cette évaluation tardive. Art. 2. Le défendeur qui se reconnaîtra obligé, ou qui sera condamné, pourra se libérer de la chose demandée, en payant le montant de l’évaluation faite par le demandeur, lorsque l’objet n’existera plus en nature, ou qu’il s’agira de faire une chose non existante encore. Et de même, le demandeur aura la faculté d’exiger, en cas de refus, de faire ou remettre la chose en nature, le montant de l’évaluation faite par le défendeur. Art. 3. Mais l’évaluation faite par l’une des parties n’obligera l’autre que relativement à la fixation des dépens, et seulement dans le cas où celle-ci y aurait acquiescé formellement ou tacitement, ainsi qu’il va être réglé. Art. 4. En conséquence, lorsque le demandeur aura fait l’évaluation par son exploit de demande, si cette évaluation ne convient point au défendeur, il sera tenu d’en présenter lui-même une autre par son premier acte de procédure, sinon ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 octobre 1790.] l’évaluation du demandeur sera censé acceptée. Il en sera de même de l’évaluation faite par le défendeur, lorsque le demandeur n’en aura point présenté d’autre, par le premier acte de procédure, signifié de sa part, depuis celui par lequel le défendeur aura fait son évaluation, sauf néanmoins en ce cas l’option laissée aux officiers par l’article 7 ci-après. Art. 5. Celle des parties dont l’évaluation n’aura pas été acceptée sera tenue de déclarer par l’acte subséquent si elle rejette l’évaluation présentée par l’autre partie; sinon ladite seconde évaluation sera censé acceptée, et les frais seront fixés en raison d’icelle. Et en cas de rejet de cette évaluation, l’objet de la demande sera considéré comme n’étant pas susceptible d’être évalué, et les frais seront payés alors sur le pied des tarifs particuliers. Mais le montant desdits frais, en ce cas, ne pourra jamais excéder ceux qui auraient été dus en raison de l’évaluation faite par le demandeur, comme ils ne pourront être non plus fixés au-dessous de ce qu’aurait produit l’évaluation du défendeur, à laquelle les officiers pourront d’ailleurs déférer, s’ils y consentent, quoiqu’elle n’ait pas été acceptée dans le principe. Art. 6. Lorsque l’évaluation du défendeur acceptée ne s’élèvera pas aux deux tiers de l’évaluation du demandeur, les officiers auront la faculté de demander la fixation de leurs frais, ou sur le pied de l’évaluation la plus faible, ou suivant les tarifs particuliers. Mais, en ce dernier cas, le montant desdits frais ne pourra jamais excéder les frais qui seraient dus en raison de l’évaluation la plus forte. Art. 7. Quand le demandeur n’aura point fait d’évaluation, les officiers auront également la faculté d’exiger leurs frais, ou sur le pied de l’évaluation du défendeur, ou suivant les tarifs particuliers. Art. 8. Quand le demandeur aura fait une évaluation, s’il est condamné aux dépens, son évaluation servira, contre lui, de base au règlement des frais, quoiqu’elle n’ait pas été acceptée. Art. 9. Dans tous les cas où les officiers auront le droit d’exiger et voudront exiger effectivement leurs frais suivant les tarifs particuliers, par défaut d’évaluation, discordance ou autrement, les parties condamnées aux dépens auront la faculté de faire estimer les objets litigieux, et ce à leurs frais, et contradictoirement, tant avec les autres parties, qu’avec les officiers auxquels seront dus les dépens. Art. 10. Ladite estimation sera faite en forme de simple aperçu, par les commissaires ou tiers taxateurs des tribunaux, sur la seule représentation des titres de propriété, baux ou autres pièces pouvant indiquer la valeur de l’objet en litige, sans qu’ils soient obligés de vérifier l’objet en nature. Et dans le cas où il n’y aurait aucuns titres, ni pièces, ou si ceux représentés ne suffisaient point pour faire ladite estimation, lesdits commissaires déclareront qu’il n’y a lieu à estimation, et alors ils régleront les frais suivant les tarifs. T Art. 11 . En cas d’estimation, elle sera faite avec distinction entre la valeur de l’objet de la demande et la valeur de l’objet de la condamnation, toutes les fois que la partie condamnée le requerra; pour lesdits frais être supportés par chacune des parties dans les proportions déterminées par l’article 2 du chapitre Ier. Art. 12. Les commissaires ou tiers taxateurs et estimateurs ne percevront qu’uu seul et même droit, soit pour estimer l’objet en litige, soit pour 597 taxer les frais, quand l’estimation n’aura point lieu; et ce droit sera une portion aliquote du montant des frais taxés ou résultant de l’estimation, laquelle portion sera d’un quarantième en sus du montant desdits frais. Art. 13. L’estimation faite par lesdits commissaires ou tiers n’aura d’effet que relativement aux dépens; en conséquence, les parties ne pourront en exciper dans aucun autre cas comme d'une estimation réelle de l’objet des condamnations principales. Art. 14. Lorsqu’il y aura lieu sur le fond de la contestation à une estimation réelle, et par experts, cette estimation servira de base à la fixation des frais, conformément à l'article 1er de la seconde section du présent chapitre, et sans préjudice de ce qui est réglé par la troisième section, pour les cas y portés. Et alors on ne pourra demander l’estimation par commissaires. Art. 15. La faculté d’évaluer et celle de faire estimer par les commissaires ou tiers taxateurs ne pourront jamais, sous aucun prétexte, retarder l’expédition des affaires, ni multiplier les actes de procédure ; en conséquence, les évaluations, déclarations et réquisitions qui pourront être faites à cet égard seront insérées dans les actes de l’instruction ordinaire, et lesdits actes seront signifiés, dans les délais prescrits, tant pour l’instruction des affaires, que pour la taxe des dépens. Art. 16. Quand le demandeur aura fait une évaluation plus forte que celle du défendeur, acceptée par le demandeur et par les officiers, pour servir de base à la fixation des frais, cette différence d’évaluation n’opérera aucune condamnation de dépens envers le demandeur. Art. 17. Mais quand le défendeur sera dans le cas d’avoir recours à l’estimation par commissaires, si ladite estimation ne monte pas aux deux tiers au moins de l’évaluation du demandeur, en ce cas le demandeur supportera le coût de l’estimation. Art. 18. Quand la différence qui se trouvera entre l’évaluation du demandeur et l’estimation par commissaires proviendra d’une différence entre l’objet de la demande et celui des condamnations, la valeur de l’objet demandé devant déterminer la fixation des frais, le demandeur supportera les frais dus eu raison de cette différence ; à l’effet de quoi l’estimation sera faite avec distinction, conformément à ce qui a été réglé par l’article 2 ci-dessus. Section V. Des exécutions. § Ier. — Poursuites mobilières. Art. 1er. En matière de simple saisie-arrêt, où il n’y aura d’instance qu’entre le saisissant, les tiers saisis et la partie saisie, les créances pour lesquelles on aura saisi, et celles qui deviendront exigibles avant le jugement, serviront de base à la fixation des frais. Et ne sera perçu qu’un seul droit de la part du procureur du saisissant, quel que soit le nombre des saisies-arrêts, et quoiqu’elles aient été faites par différents exploits, et à des époques différentes, pourvu toutefois que ce soit dans les six mois, à compter de la première saisie. Il ne sera pareillement dû qu’un seul droit lorsqu’il y aura des saisies-arrêts postérieures audit délai de six ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 octobre 1790.1 598 [Assemblée nationale.] mois, par suite des premières et avant le jugement de l’instance sur lesdites premières saisies-arrêts. Art. 2. La fixation ci-dessus n’aura lieu que relativement au saisissant, pour les frais faits nar lui et dont le remboursement pourrait être à la charge du débiteur, ou pour les frais auxquels le saisissant pourrait être lui-même condamné envers la partie saisie, dans le cas où il n’aurait pas eu le droit de former des saisies-arrêts ou oppositions. Art. 3. A l’égard des frais des tiers saisis, ils continueront d’être taxés sur le pied des tarifs particuliers, soit que le prélèvement en ait été ordonné sur ce qu’ils doivent, soit que, dans le cas où ils ne devraient rien, le saisissant ait été condamné aux dépens envers eux. Art. 4. Cependant quand il y aura contestation sur la quotité des sommes dues par les tiers saisis, la portion de somme en litige servira de hase à la fixation des frais faits à cet égard. Art. 5. Quand il y aura d’autres oppositions sur les derniers saisis, et qu il aura été formé une demande à fin de mainlevée d’oppositions, justification de titres, recouvrement, dépôt et contribution, les frais seront fixés tant en raison de la créance du poursuivant, qu’en raison des créances des opposants assignés ; Savoir : pour le poursuivant, en raison de la totalité de sa créance, et moitié des fraisa cause des autres créances; Pour le procureur plus ancien des opposants, le quart des frais dus en raison de la totalité des créances des opposants, à l’exception de celle du poursuivant; Et pour les autres opposants, chacun l’autre quart de ce qui sera dû de frais à cause de leurs créances respectives. Art. 6. Mais les frais ci-dessus ne seront dus et exigibles en totalité, que dans le cas où les poursuites auraient été conduites jusqu’à , leur perfection, par une contribution judiciaire, ou amiable, faite par le concours du procureur poursuivant. Sinon, et hors ce cas, il ne sera payé que moitié des frais ci-dessus fixés. Il ne sera payé au poursuivant que le quart, lorsqu’il n’aura obtenu sur la poursuite qu’une simple sentence par défaut faute de comparoir, et qu’il n’y aura eu d’instruction avec aucune partie. Art. 7. Dans les contestations particulières qui pourront s’élever entre le poursuivant et les opposants, et sur lesquelles il interviendra des condamnations ou compensations de dépens, lesdits dépens seront compris dans ceux ci-dessus, et n’ajouteront rien au montant d’iceux, lorsque le remboursement des compensations ou condamnations sera ordonné en faveur du poursuivant, en frais de poursuites, ou en faveur des opposants en accessoires de créances. Mais quand, sur une mauvaise contestation, le poursuivant ou un opposant, aura été condamné personnellement aux dépens, et que l’un aura le droit de les faire payer à l’autre sans répétition contre la partie saisie, alors lesdits frais seront fixés en raison de la créance de l’opposant avec lequel il y aura eu contestation, ou sur le pied de la somme qu’il aurait mal à propos réclamée, ou qui lui aurait été mal à propos contestée; et lesdits frais seront dus indépendamment des frais généraux de poursuites, fixés par l’article précédent. Art. 8. Il en sera de même à l’égard des débiteurs de la partie saisie, lorsque le poursuivant recouvrement formera coutre eux, eu cette qua» lité, et comme exerçant les droits de son débiteur, des demandes directes, en payement des sommes que chacun d’eux pourra devoir. Lesquelles sommes particulières serviront de base à la fixation des frais, dans chaque instance particulière; en se conformant, au surplus, aux dispositions con tenues dans les sections précédentes, relativemeut à la nature des actions directes. §11. — Poursuites immobilières. Art. 1er. En matière de saisie réelle et veute forcée d’immeubles, ordre et distribution du prix, les frais seront fixés sur deux bases, qui concourront ensemble, savoir : 1° le montant des créances tant du poursuivant que des opposants, qui seront tenus à cet effet d’énoncer leurs créances dans leurs oppositions quand elles seront liquides ; 2(1 le prix de l’adjudication des immeubles vendus. Ce qui n’aura lieu néanmoins que dans le cas où toutes les poursuites et opérations ci-dessus auront concouru jusqu’à l’ordre et distribution inclusivement. Art. 2. Mais quand la poursuite se sera bornée à la vente, les frais seront fixés sur le pied des créances et sur le pied de moitié du prix de l’adjudication. Art. 3. Et quand la vente n’aura point été faite, les frais de poursuites seront fixés sur le pied des créances seulement. Art. 4. Les frais ci-dessus seront répartis entre les officiers, conformément à ce qui a été réglé par l’article 5 du paragraphe précédent, relativement aux frais de poursuites mobilières. En conséquence, les officiers, autres que le poursuivant, ne partageront que dans les frais dus en raison des créances, et le poursuivant percevra la totalité du surplus. . Art. 5. Les frais des contestations particulières, qui pourraient s’élever entre le poursuivant et les opposants, seront réglés conformément aux dispositions de l’article 7 dudit paragraphe des poursuites mobilières. Art. 6. En cas de revente sur folle enchère, les frais de la nouvelle vente seront payés en raison de moitié du prix de la nouvelle adjudication, et lesdits frais appartiendront au poursuivant seul. Art. 7. Les exécutions directes que le poursuivant serait obligé de faire contre l’adjudicataire pour le payement ou consignation du prix de son adjudication, seront payées en raison de la quotité dudit prix, suivant la nature des poursuites qui seraient faites, ou des actions qui seraient intentées, et conformément à ce qui est et sera ci-après réglé pour les demandes et exécutions directes, sauf néanmoins ce qui sera réglé par l’article 9 ci-après, en cas de poursuites indirectes. Art. 8. Lorsqu’il sera fait des poursuites en forme de demande contre des adjudicataires, acquéreurs ou séquestres de prix immeubles, dont ils sont comptables envers les créanciers, et dans tous les cas où il ne s’agira que d’un simple versement de deniers, et où les comptables n’auront d’autre intérêt personnel que celui de se libérer valablement, alors les sommes par eux dues ne serviront point de base à la fixation de leurs frais, mais lesdits frais seront taxés suivant les tarifs particuliers. Art. 9. Les frais faits par le poursuivant dans le cas de l’article précédent seront compris dans les frais généraux, loioifis que les difficultés ou [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 octobre 1790.] 599 contestations ne proviennent d’une réclamation particulière de la part d’un créancier ou autre tiers, auquel cas l’objet de la réclamation servira de base à la fixation des frais, tant du réclamant que du poursuivant, si ledit poursuivant obtient une condamnation de dépens contre ledit réclamant, conformément à l’article 7 du paragraphe précédent, qui aura son exécution en ce cas. § III. — Des frais des parties saisies en poursuites mobilières et immobilières. Article unique. Les frais faits par les procureurs des parties saisies, sur les poursuites de contribution, saisies réelles et ordre, seront fixés sur le môme pied que ceux des procureurs plus anciens des opposants, pour en être remboursés sur le pied de ladite fixation, par les parties saisies. Section IV. Opérations particulières. § Ier. — Des licitations et ventes sur publications volontaires . Art. 1er. En toutes ventes d’immeubles faites volontairement en justice, le prix de l’adjudication servira de base à la fixation des frais. Art. 2. Quand l’adjudication n’aura pas été faite, mais que l’enchère se trouvera mise au greffe, on prendra pour base de la fixation des frais faits jusqu’alors moitié de la valeur de l’immeuble mis en vente, sur le pied de l’estimation préalable qui pourrait en avoir été faite, ou sur le pied de la dernière acquisition ou des baux, s’il n’a point été estimé. Et quand il n’y aura ni estimation, ni contrat d’acquisition, ni baux représentés, ou lorsque les titres ne donneront pas des renseignements positifs sur le prix de l’objet mis en vente, les frais seront taxés suivant les tarifs particuliers. Il en sera de même quand l’enchère (i’aura pas été mise au greffe. Art. 3. Mais si, après avoir provoqué la vente judiciaire, les procureurs concourent à faire vendre à l’amiable, et que leur concours soit constaté par leur signature au contrat, leurs frais et honoraires seront fixés en raisondes trois quarts du prix de la vente, soit que l’enchère eût été mise au greffe, ou non. Art. 4. Dans les cas où les frais seront fixés en raison de la valeur de l’immeuble ou du prix de la vente, le montant desdits frais appartiendra, savoir , moitié au procureur poursuivant, et l’autre moitié sera partagée par égales portions, entre ledit procureur poursuivantet les procureurs des colicitants ou covendeurs. Quand il n’y aura qu’un seul propriétaire, le poursuivant percevra la totalité des frais. Art. 5. Les frais de revente à folle enchère, quand elle aura lieu, seront, comme sur les ventes forcées, fixés en raison de moitié du prix de la nouvelle adjudication; et lesdits frais seront répartis conformément à ce qui est réglé par l’article précédent. Art. 6. Les exécutions, poursuites et demandes qui pourraient avoir lieu par suite de l’adjudication, seront payées conformément à ce qui a été réglé sur les ventes forcées, par les articles 7, 8 et 9 du paragraphe îl de la cinquième section, § IL — Des liquidations et partages. Art. 1er. En matière de liquidation et partage judiciaire do droits successifs, on prendra pour base de la fixation des frais le montant de la masse active, déduction faite des dettes et charges. Et lesdits frais seront répartis comme ceux de vente volontaire. Art. 2. Quand la liquidation n’aura pas été consommée, les frais seront payés en raison du travail et suivant les tarifs particuliers. Art. 3. Si la liquidation ou partage, après avoir été provoquée judiciairement, s’opère à l’amiable et avec le concours des procureurs, constaté par leur présence et signature à l’acte, leurs frais seront fixés en raison des trois quarts de la masse active nette, et répartis comme il a été ci-dessus réglé, entre ceux qui auront concouru à l’acte seulement, ou suivant que ladite répartition sera réglée entre les officiers. g III. — Des faillites, unions et directions. Article unique. En matière de poursuites d’union ou direction et autres opérations de ce genre, les frais du poursuivant et des opposants ou refusants seront fixés, modifiés et répartis, conformément à ce qui a été ci-dessus réglé relativement aux discussions mobilières et immobilières, et suivant la nature des poursuites qui seront faites dans lesdites unions, directions et opérations. Chapitre III. Fixation du taux des frais. Art 1er. Les vacations et honoraires des procureurs, dans chaque affaire de la nature de celles indiquées dans le chapitre précédent pour être dans le cas de la fixation ci-après, sont et demeurent fixés, indépendamment des déboursés: A six deniers pour livre de la somme ou valeur de l’objet litigieux, jusqu’à cent mille livres seulement; Et à trois deniers pour livre des sommes excédant celle de cent mille livres, pour laquelle il sera néanmoins perçu six deniers jusqu’à concurrence desdites cent mille livres, la diminution ne portant que sur l’excédent. Mais quelle que soit la modicité de la somme ou de la valeur de l’objet en litige, lesdits frais ne pourront jamais être moindres de ceux dus pour un capital de cent pistoles, produisant vingt-cinq livres de frais. Art. 2. Le droit ci-dessus fixé sera dû et payé aux procureurs de chacune des parties qui auront procédé dans les instances sur actions directes où ils auront occupé; et conformément à ce qui a été réglé dans les cinquième et sixième sections, relativement aux exécutions, poursuites et opérations particulières. Art. 3. 11 De sera payé qu’un seul droit sur actions directes, au procureur qui aura occupé pour plusieurs parties, lorsqu’elles auront un intérêt commun, et qu’elles auront procédé conjointement et collectivement. Art. 4. Quand il y aura plus de deux parties en cause, procédant séparément, il sera dû, outre le droit ci-dessus fixé, moitié dudit droit par chacune des parties excédant le nombre de deux. 600 [Assemblée nationale.] Bien entendu que ladite augmentation n’aura lieu qu’au profit des procureurs qui procéderont contre plusieurs parties. Art. 5. Il sera pareillement dû un demi-droit de plus à chacun des procureurs, pour chaque tiers dont la mise en cause serait ordonnée, pour chaque intervenant volontaire, pour une enquête, descente de lieux, rapport d’experts ; et généralement dans tous les cas où l’instruction sortirait d’une simple discussion entre les parties principales, et nécessiterait comme ci-dessus l’intervention de tiers, témoins ou experts. Art. 6. Mais il ne sera dû que le quart des droit et demi-droit ci-dessus, lorsqu’il n’aura été rendu qu’un jugement par défaut faute de comparoir; et moitié lorsqu'il y aura eu contestation en cause ou instruction contradictoire commencée, jusqu’au jugement définitif contradictoire, ou par défaut sur débouté d’opposition, exclusivement ; en conséquence, le jugementdéfinitif pourra seul donner ouverture à la totalité des droits. Art. 8. Quand les parties transigeront avant le jugement définitif, il sera alloué les trois quarts desdits droit et demi-droit aux procureurs qui auront concouru à la conciliation, et qui auront signé la transaction comme conseils des parties. Chapitre IV. De l'obligation des parties pour le 'payement des frais. Art. 1er. Les procureurs auront action pour le payement de leurs déboursés, honoraires et vacations, tant contre les parties qui les auront mis en œuvre, que contre celles qui seront condamnées aux dépens, jusqu’à concurrence de ladite condamnation, sans qu’il soit besoin de faire prononcer aucune distraction au profit desdits procureurs. Art. 2. Mais dans le cas où le défendeur aurait été déchargé de partie de la demande, son procureur ne pourra répéter contre lui que les frais proportionnés à la somme ou valeur des condamnations principales, ensemble la totalité de ses déboursés, sauf au procureur à poursuivre le demandeur qui aurait été condamné au surplus des frais. Art. 3. Quand le défendeur aura été entièrement déchargé de la demande, il aura la faculté de se libérer envers son procureur, ou sur le pied du tarif, ou sur le pied de la fixation déterminée par la somme en valeur de l’objet de la demande, sauf, au premier cas, les droits du procureur contre le demandeur condamné aux dépens, pour raison du surplus des frais. Art. 4. Les dispositions portées aux deux articles précédents auront lieu dans les cas mêmes où le défendeur aurait fait ou accepté l’évaluation de l’objet litigieux. Art. 5. En matière d’exécutions et poursuites mobilières et immobilières, les procureurs des créanciers et même du poursuivant n’auront d’action contre leurs parties que pour raison des vacations et honoraires qui leur seront dus sur le pied des créances de leurs parties seulement, et pour la totalité de leurs déboursés, sauf l’action desdits procureurs, pour le surplus de leurs droits, contre la partie saisie et sur la masse. Art. 6. Les procureurs auront hypothèque sur les immeubles des parties, pour raison de leur s honoraires, vacations et déboursés, à compter de la date des demandes introductives des instances [13 octobre 1790.] ou poursuites sur lesquelles ils auront occupé. Et ilsseront privilégiés sur les créances ou objets qu’ils auront fait recouvrer, en matière d’actions directes, et sur la masse active, en matière de poursuites et opérations. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MERLIN. Séance du mercredi 13 octobre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. fiuiïlaume fait lecture de différentes pièces envoyées à V Assemblée nationale par V assemblée provinciale de la partie nord de Saint-Domingue. La première est une adresse de cette assemblée provinciale, qui rend un compte rapide des événements et des fautes de l’assemblée générale de Saint-Marc, qui ont nécessité et amené sa dissolution par la réunion et le concours de tous les bons citoyens et de tous les vrais Français, constamment attachés à leur mère-patrie. L’assemblée provinciale du nord dit qu’à une obéissance coupable aux décrets inconstitutionnels de l’assemblée de Saint-Marc, elle a préférée hautement une périlleuse déférence aux sages décrets de l’Assemblée nationale; elle se flatte que sa confiance ne sera pas trahie, et sollicite l’approbation et les soins de l’Assemblée nationale, pour rétablir le calme dans la colonie. A cette pièce est joint : un extrait des registres des délibérations de la même assemblée provinciale du Nord, contenant un discours patriotique du président; Une lettre de la même assemblée aux citoyens du Port-au-Prince; Une délibération de la paroisse de l’Anse-à-Veau, contre l’assemblée générale de Saint-Marc; Et une délibération pareille de la province de l’Arcahaye. L’Assemblée décrète l’impression de l’adresse de l’assemblée provinciale du Nord, ainsi que de la lettre de la même assemblée à MM. les citoyens des districts du Port-au-Prince. Voici le texte de ces deux* documents : ADRESSE DES MEMBRES DE L’ASSEMBLÉE PROVINCIALE DU NORD DE SAINT-DOMINGUE A L’ASSEM-BLÉE NATIONALE. Messieurs, la colonie de Saint-Domingue s’écroulait sur elle-même ; la plus belle des possessions françaises d’oulre-mer enlevée à la mère-patrie; nous étions à la veille de perdre le glorieux titre de Français. La nouvelle du monstrueux décret par leque l’assemblée coloniale licencie les troupes de ligne, a alarmé, a révolté tous les patriotes. L’indignation de l’assemblée provinciale du Nord a éclaté/et après avoir renouvelé son serment de soumission à vos décrets des 8 et 28 mars, elle a réuni tout ce qui lui restait d’éuergie, de courage et de force, pour arrêter l’assemblée colo-(I) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire de cette séance. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.