112 [Étals géfl. 1789. Cahiers.] doléances, vous avez procédé à la nomination de vos électeurs, objets de votre réunion en ce lieu. Chargé de rendre compte de cette assemblée au Roi et à ses ministres, qu’il est agréable pour nous d’annoncer que l’harmonie et l’union y ont constamment régné , qu’animés tous du plus vif amour pour notre auguste souverain, vous lui adressez vos doléances avec cette respectueuse confiance qu’un bon et tendre père inspire à ses enfants ! « Quelles flatteuses espérances ne devons-nous pas, Messieurs, concevoir ! Nos droits étaient méconnus , les impôts étaient arbitraires , un vide immense dans les finances avait détruit le crédit public, l’avenir était effrayant. Louis XVI, que vous avez proclamé le Père du peuple, vous assemble autour de lui et vous demande conseil et amitié; mots sublimes! Généreux Français, l’amitié est gravée dans vos cœurs , interrogez-les, ils vous dicteront toujours de bons conseils. « Allez reprendre, Messieurs, vos fonctions et vos travaux, ô vous, à qui les plus pénibles, mais les plus utiles, sont échus en partage ; reprenez un nouveau courage, inspirez-le aux compagnons de vos travaux et de vos peines ; votre sort est connu, la nation y prend le plus vif intérêt et cherchera les moyens de l’adoucir. « La prérogative de notre office que nous chérirons le plus, sera désormais, Messieurs, celle de vous assembler, de vous communiquer les intentions bienfaisantes de Sa Majesté, d’être témoin de votre zèle et de votre empressement à les remplir, de compatir à vos peines, de partager vos espérances, de nous réjouir de nos succès. Puissions-nous souvent , Messieurs, resserrer ainsi les liens qui unissent le juge à ses justiciables! » CAHIER. Des plaintes, doléances et remontrances tant générales que particulières à faire aux Etats généraux pour les corporations , corps, communautés et autres habitants , tant des villes que des campagnes du ressort et territoire de la senéchaussee cl’Auray, fait et rédigé en leur assemblée , tenue par M. le sénéchal en l'auditoire de ladite sénéchaussée les 15, 16 et 17 avril 1789, par lequel ils demandent, exposent et remontrent (1) ; Art. 1er. Que les Etats généraux soient assemblés ordinairement au plus tard, tous les cinq ans, et extraordinairement au commencement de chaque nouveau règne ; que dès l’ouverture de la prochaine assemblée tous les ordres déclareront se départir et renoncer à tous les privilèges et exemptions pécuniaires et consentir à une répartition égale de tous les impôts. Art. 2. Que les impôts ne pourront être consentis que pour l’intervalle d’une assemblée à l’autre, et que la perception en cessera de droit à l’époque à laquelle devra se tenir l’assemblée subséquente, soit qu’elle se tienne ou non, sans que ces impôts puissent être étendus ou augmentés par des droits additionnels ou autrement. Art. 3. Que dans les assemblées de la nation soit en Etats généraux, soit en Etats particuliers et provinciaux et dans toutes les commissions et députations nommées par ces différentes assemblées, les représentants de l’ordre du tiers soient toujours en nombre égal à ceux des ordres du clergé et delà noblesse réunis, et que les suffrages (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [Sénéchaussée de Vannes.] soient toujours comptés par tête et non par ordre. Art. 4. Les deux premiers ordres, par leur réunion n’en formant plus qu’un divisé en deux classes, demandent à être contrebalancés par un contre-poids égal, qui est naturellement celui du tiers-état; mais pour rendre ce contre-poids égal, le tiers-état doit être divisé en deux classes, celle de la haute bourgeoisie et celle des corporations ou autres habitants des villes, et surtout ceux des campagnes, cette classe si utile, si nombreuse, qui, jusqu’ici, n’a eu aucun représentant et doit cependant avoir au moins un nombre égal à celui des autres classes du tiers-état dans toutes les assemblées nationales, commissions et députations. Art. 5. 11 doit en être de même dans la composition des corps municipaux et des corps politiques des paroisses tant des villes que des campagnes presque toujours composés de la plus haute bourgeoisie, qui s’empare seule de l’administration et de la répartition des impôts et en exclut la classe des artisans ;'et des laboureurs qui seuls supportent presque tout le poids des impôts et se trouvent encore chargés du logement des troupes, de la fourniture des casernes, le transport des bagages des malades et des écloppés et celui de mendiants et gens sans aveu que l’on envoie au dépôt. 11 sera donc demandé que les corps municipaux des villes et les corps politiques des paroisses, tant des villes que des campagnes, soient à l’avenir composés d’un nombre au moins égal d’artisans, de bourgeois et de laboureurs, qui seront élus et choisis respectivement dans chaque classe, et par elle, dont un tiers sera changé et remplacé chaque année ; qu’à la confection des rôles de répartition des impositions, ainsi que pour le logement des troupes, la fourniture aux casernes, etc., etc., il y aura toujours un commissaire par quartier ou frairie, pris dans chaque classe; que les maires ou syndics électifs seront changés et remplacés tous les deux ans, sans pouvoir être continués au delà de ce terme, sous aucun prétexte ; que la nomination des députés tant aux Etats généraux qu’à ceux de la province sera faite par tous les habitants tant des villes que des campagnes de chaque ressort convoqués et assemblés dans la forme prescrite pour l’élection des députés aux prochains Etats généraux. Art. 6. Que dans toutes les assemblées du tiers-état leurs représentants ne puissent être nobles ni anoblis , ecclésiastiques, officiers ou agents des seigneurs, et que, dans toutes ces assemblées, nul ne puisse les présider que par élection. Art. 7. Puisque l’impôt est nécessaire, il doit être simple ; il sera donc demandé une suppression de la multiplicité des droits et surtout des droits additionnels qui se perçoivent sur ceux qui se lèvent tant au nom de Sa Majesté qu’au profit des provinces, des villes et des particuliers, afin de simplifier la perception de ces droits et que chacun puisse aisément savoir ce qu’il doit payer et se pourvoir contre l’indue perception si aisée à pratiquer et à pallier et si difficile à dédécouvrir quand les droits sont multipliés et compliqués. Que l’impôt soit d’abord porté sur les terres par un. droit unique, sur l’aisance mobiliaire , le commerce, les agioteurs, les capitalistes, dont la fortune est dans leur portefeuille, enfin sur les objets de luxe ruineux et bravant l’indigence, tels que voitures , domestiques , chiens, chevaux, etc., etc. Art. 8. Que toutes les impositions quelconques ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Vannes.] ]|3 seront réparties également et proportionnellement entre tous les ordres et les� individus qui les composent, par un seul et même rôle, sans distinction d'ordre; que tous privilèges et exemptions pécuniaires soient absolument éteints et abolis, notamment ceux sur les eaux-de-vie et boissons, ainsi que des francs-fiefs. Art. 9. Que les mérites et les services essentiels rendus à l’Etat puissent seuls à l’avenir procurer la noblesse, laquelle sera toujours personnelle et non transmissible et sera compatible avec le négoce, les charges et les emplois de judicature et de finance et la profession des arts libéraux, la noblesse ne devant être considérée que comme un motif d’émulation et d’encouragement. Art. 10. La dette nationale étant connue dans toutes les parties, recourir à son origine, ses causes et ses progrès, fermer les sources qui l’ont produite, pourvoir à la liquidation graduelle, dans J 'impuissance où peut être l’Etat de l’affranchir dans un court espace, assurer les moyens d’en prévenir une semblable. Art. IL Nécessité de fixer les dépenses annuelles dans toutes les parties de l’administration; fonds adjoints en dehors pour les extraordinaires, économie portée dans tous les cas, invariabilité de dépense, qu’avec le consentement de la nation assemblée, comptes rendus et publics chaque année. Art. 12. Revenus arrêtés en conséquence des dépenses perçues dans la forme la plus commode, avec les moindres frais possibles, sans l’intervention d’une nuée de commis soudoyés. Art. 13. Administration et perception municipales, de manière à procurer la suppression des intendances, le versement du produit des impôts le plus directement qu’il se pourra dans la caisse nationale, sauf le revirement pour les provinces qui font des traites sur le trésor royal pour l’entretien des ports, de la marine, la paye des troupes, etc., etc. Art. 14. Que les ministres de l’Etat soient obligés de rendre compte de leur gestion et de répondre de leurs fautes, de même que les généraux d’armée, soit dans la marine, soit dans les troupes de terre, et qu’en cas de délit les uns et les autres soient punis selon la rigueur des lois. Art. 15. Que notre liberté et nos propriétés soient aussi sacrées que celles de tous les autres citoyens de quelque classe et condition qu’ils soient; abolition des lettres de cachet, et qu’un débiteur ne puisse être détenu, pourvu qu’il fournisse caution de sa personne ; que la propriété ne puisse être enlevée, même pour objet d’utilité publique, sans aucune indemnité juste et même favorable à celui qu’on en dépouille. Art. 16. Que toutes lois qui nous excluent de parvenir à tous emplois ecclésiastiques, civils et militaires soient supprimées ; que des études sérieuses et préliminaires devancent l’occupation des places et qu’elles soient mises au concours. Art. 17. Que les maisons religieuses des deux sexes qui sont inutiles à l’Etat soient totalement supprimées, et que leurs biens et revenus soient employés à soutenir et à augmenter les hôpitaux ou autres établissements de charité déjà formés ou à en former de nouveaux, dans les lieux où il n’y en a point d’établis pour les pauvres orphelins, les fous, les vieillards, les infirmes, l’instruction de la jeunesse, des séminaires pour les prêtres, des collèges pour les arts libéraux et la marine et des ateliers pour les arts et métiers, dans lesquels les enfants de tous les états et toutes les conditions seront indistinctement lre Série, T. VI. admis, et à établir des prix pour exciter l’émulation et l’encouragement ; que la mendicité soit totalement abolie ; que les cavaliers de maréchaussée soient obligés de faire de fréquentes visites dans les paroisses, et que les religieux mendiants, toujours à charge aux peuples, soient suffisamment pensionnés. Art. 18. Que les dîmes ecclésiastiques soient fixées à un taux raisonnable et uniforme, et qu’elles appartiennent aux paroisses dans lesquelles elles se lèvent, pour être administrées et employées par les corps politiques, tant à pensionner les recteurs, curés, vicaires et autres prêtres nécessaires pour le service de la paroisse et à l’entretien et réparation des églises et presbytères, qui, à ce moyen, demeureront à la charge des généraux des paroisses, et le surplus employé au soulagement des pauvres de la paroisse qui, à ce moyen, n’en pourront sortir, et à l’établissement, pour l’instruction de la jeunesse et de gens instruits, tant dans l’art de la chirurgie et des accouchements que dans l’art vétérinaire, et qu’au défaut de dîmes suffisantes pour subvenir à tous ces besoins, que des prieurés simples, des abbayes en commende ou d’autres bénéfices soient réunis aux paroisses à proportion de leur étendue et de leur population. Art. 19. Que les évêques, recteurs et curés et autres ecclésiastiques, tenant des bénéfices à charge d’âmes, soient obligés de résider dans leurs évêchés et lieux *de la situation de leurs bénéfices. Art. 20. Que les baux des biens ecclésiastiques soient maintenus et aient lieu nonobstant le changement des titulaires; que lesannates, droits de visite, de dispenses et autres qui se payent au clergé de France, soient totalement supprimés, et que leur produit soit employé à l’extinction des dettes du clergé, et que les prétentions du clergé d’au delà des monts ne soient pas reconnues. Art. 21. Qu’il soit fait un nouveau code civil et un criminel ; que l’une et l’autre procédures soient simplifiées et les délais abrégés ; que l’accusé ne soit plus privé du secours d’un défenseur et de tous les moyens qu’il pourrait employer pour sa justification ; que les peines soient proportionnées aux crimes ; que la mort seule venge la mort et que les autres criminels tournent au profit de la société, en les employant aux travaux publics. Art. 22. Que tous les tribunaux de justice soient désormais composés mi-partie entre les ordres. Art. 23. La suppression des justices seigneuriales et des juridictions d’attribution, surtout des consulats, dont l’éloignement force souvent le commerçant d’abandonner son commerce et l’artisan son atelier pour aller demander ce qu’ils pourraient obtenir sans se déplacer et à moindres frais ; le retour de la connaissance des matières attribuées à ces tribunaux d’exception, aux juridictions ordinaires à qui elles appartenaient originairement et auxquelles on les a ôtées, ce qui arrêtera les conflits des juridictions qui naissent de la diversité des tribunaux et contribuera à la suppression d’une partie des charges et des exemptions onéreuses aux peuples; que tous les juges indistinctement puissent connaître des matières consulaires entre leurs justiciables et les jugent comme elles le sont dans les consulats, en appelant deux négociants pour les conseiller; que la connaissance des autres matières d’attribution soit donnée aux juges royaux ordinaires et le pouvoir de juger en dernier ressort et sans 8 [Sénéchaussée de Vannes.] 114 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. appel toutes les matières sommaires et autres, dans lesquelles ils peuvent juger par provision suivant le titre XVII de l’ordonnance de 1667, à la charge de se faire assister par deux autres juges, avocats ou praticiens, soit à l’audience ou à la chambre du conseil pour les jugements en dernier ressortit de faire décider préalablement par le même nombre de juges, si la matière est susceptible d’être jugée en dernier ressort; que, pour éviter la ruine des pauvres mineurs, les paroisses soient autorisées à choisir deux prud’hommes qui prêteraient serment devant le juge ordinaire du lieu; qu’un seul de ces deux prud’hommes puisse faire les inventaires après le décès des père et mère des mineurs en présence de trois des no-minateurs de la tutelle, et que ceux-ci puissent faire seuls, sans l’assistance d’aucun de ces deux prud’hommes, les ventes; que désormais la majorité ait lieu à vingt ans et l’émancipation à douze ans pour les filles et à quatorze pour les garçons. Art. 24. Que l’administration de la justice soit désormais gratuite et la vénalité des charges abolie ; que si les besoins de l’Etat ne permettent pas de supprimer cette vénalité, les charges de judicature, ainsi que tous autres offices sujets au droit de centième denier, et surtout les maîtrises de perruquiers soient déchargés de ce droit, ou les professeurs admis à le racheter irrévocablement, par un supplément de finance, pour éviter la perte et l’embarras dans lesquels la négligence à l’acquitter met souvent les héritiers du titulaire et ses créanciers. Art. 25. Si l’armée est la gardienne de l’Etat, c’est contre l’étrafiger ; elle ne doit pas être à charge au royaume ; son état demeurera fixé en temps de paix, sa solde réglée et suffisante, son vêtement invariable; ce n’est point l’extérieur du soldat qui détruit l’ennemi, c’est sa rigueur et le fer que son courage emploie; ce ne sont pas des changements de piétons en cavaliers, de dragons en fantassins qui épouvantent nos adversaires, c’est la masse de nos forces, leur ensemble, leur discipline. Congés régulièrement accordés à leur terme, délivrés dans les lieux où ils expirent, sans obliger jusqu’à des soldats réformables visiblement, à faire deux ou trois cents lieues à grands frais pour montrer à un commissaire des membres impotents et un corps paralysé ; suppression des inspecteurs et des commissaires, leurs fonctions attribuées aux gouverneurs et commandants des provinces et des places. Que les habitants des campagnes soient exemptés du tirage des milices tant pour le service de terre, que pour les canonniers gardes-côtes, qui leur enlèvent des enfants utiles et souvent nécessaires. Marine. Art. 26. Que la marine marchande soit soutenue et protégée et convoyée en temps de guerre, et les côtes mises à l’abri des insultes de l’ennemi par des navires en station. Que les gages, appointements et parts de prises dus aux marins, leur soient exactement et fidèlement payés aussitôt la fin de la campagne. Quand le voyage sera d’un an ou plus, il soit payé aux familles des marins trois mois de leurs gages ou appointements par an, comme il se pratiquait par la Compagnie des Indes. Que MM. les intendants de la marine, quand ils délivreront, pour les divers départements des commissaires, les produits des campagnes des marins, soient tenus d’en donner connaissance dans toutes les paroisses intéressées, dès l’instant qu’ils sortiront de leurs bureaux en dénommant le vaisseau, le capitaine, l’année, le sujet, la somme et l’objet, afin que chaque marin sache le temps où ces sommes parviendront à son département. Art. 27. Que chaque marin soit levé à tour de rôle et que ceux de la même solde ne soient pas toujours levés dans la même paroisse, ou canton, mais à tour de rôle de départements, et qu’il soit établi des syndics dans tous les ports et havres où il n’y en a point. Art. 28. Que tous marins âgés de cinquante ans, ou qui auraient été blessés au service, pourront prétendre à la demi-solde, et que l’ordonnance de 1686 soit exactement exécutée en ce qui concerne les gratifications fixées pour les veuves et enfantsdes marains morts au service de Sa Majesté. Art. 29. La suppression du droit de relâche de Brieux et de tous autres de cette nature, qui portent des entraves à la liberté de la navigation et occasionnent tant de naufrages, par la crainte de payer ce droit; faut-il encore, après avoir échappé aux dangers les plus évidents de la mer, payer l’entrée de sa porte ou périr ? Que les navires et toutes les embarcations ne soient jaugés qu’aussi-tôt leur construction. Art. 30. Que les chefs et les commis des bureaux relatifs à la navigation et au commerce de mer, ainsi que les courtiers, soient strictement tenus d’expédier les capitaines dans les mêmes temps et ordre que ceux-ci leur auront déposé les papiers, afin qu’on ne voie plus les derniers arrivés expédiés les premiers, pour raison de quelques gratifications secrètes ; que lesdits bureaux de mer soient tenus de donner exactement sur les expéditions des capitaines, des reçus exacts et motivés de tontes les sommes qu’ils recevront, sans en omettre aucune partie. Art. 31 . Que les émoluments des courtiers soient proportionnés à la valeur du montant des frets à tant pour cent, et qu’ils n’aient plus la liberté d’opter entre le prix du fret d’un tonneau, quand ce prix leur plaît et une taxe arbitraire, quand ce prix ne leur convient pas. Art. 32. Qu’il n’y ait que les pêcheurs et les négociants propriétaires de bateaux faisant la pêche de sardines, qui puissent acheter les rognes venant du Nord, attendu la disette de cette marchandise; que le privilège exclusif attribué aux négociants du port Louis et environs, soit supprimé, comme donnant lieu à des monopoles manifestes et à des accaparements dont les malheureux pêcheurs sont les seules victimes; que les droits sur la rogue des maireaux soient supprimés, ce sera un moyen d’encouragement pour les pêcheurs de ce poisson, une diminution sur le prix de celles de stocbfich et un objet de consommation et de circulation dans le royaume et opérerait en même temps une diminution sur le prix des rogues étrangères. Que la pêche de toutes sortes de poissons, huîtres et autres coquillages soit libre et permise le long des côtes et dans toutes les rivières de la province. Que les congés de pêche serviront tant pour la pêche que pour le trafic du poisson et des coquillages pendant toute l’année comme au passé. Que les droits de visite soient abolis sur les bateaux de pêche; que les pêcheurs nesoientplus obligés de prendre des courtiers dans les différents ports qu’ils fréquentent ni de donner des cents etdemi-cents de leurs poissons à différents bureaux et à différents particuliers dans les ports où ils vont les vendre; que les droits pour les [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Sénéchaussée de Vannes.] 115 harengs, soit en pile, soit en barrique, soient réduits à ceux qui se payent pour les sardines ; que ces droits soient les mêmes tant hors de la province qu’au dedans, et en général des moyens pour fixer l’exécution des articles de l’ordonnance de la marine qui concerne la pêche, et arrêter les infractions journalières qui dépoissonnent ces côtes par les prises du fretin. Art. 33. Que le commerce soit dégagé de toutes les entraves qui gênent son cours; abolition des privilèges et compagnies exclusives; qu’aucun traité avec l’étranger ne puisse avoir lieu, si les commercants régnicoles n’ont été appelés et consultés, et que la nation assemblée ait seule le droit de le ratifier, pour en faciliter l’étenduedans lesein du royaume; que les barrières intérieures et oppressives soient transportées aux frontières; que la culture du tabac soit libre et permise : et que le commerce de cette espèce de marchandise devenue d’un usage journalier et de première nécessité, ne soit plus exclusif ni un objet de contrebande qui enlève tant de bras à l’agriculture et aux familles, et que les peines que cette espèce de contrebande fait encourir, ne peuvent arrêter, quelque disproportionnées qu’elles soient avec le délit. Que l’impôt et la marque sur les cuirs tannés soient supprimés comme gênant cette manufacture, grevant et onéreux pour le commerce et la circulation de cette marchandise de première nécessité, et occasionnant des abus et des injustices sans nombre, lesquelles suppressions procureront en outre une diminution très-économique des employés et commis dans ces différentes régies. Art. 34. Que les jurandes et maîtrises qui enchaînent l’industrie et les talents soient supprimés. Art. 35. Que tant pour la facilité du commerce et de la navigation, que pour la facilité du transport des troupes et de l’artillerie dans l’intérieur et d’une côte à l’autre et de leur embarquement, soit pour les colonies, soit pour les îles qui bordent les côtes et servent de barrière au royaume, telle que Belle-Ile, il soit percé de nouvelles routes de communication entre toutes les villes et ros bourg qui n’en ont pas, tel que d’Auray à aud, Lommé et Quiberon ; qu’il soit établi des officiers et fait un fonds dans tous les ports et rivières navigables, pour les curer, entretenir et réparer au besoin. Art. 36. Qu’il soit fait des lois sévères contre les banqueroutiers, et donner des moyens efficaces pour en assurer l’exécution. Art. 37. L’abolition des lettres de répit, sauf à ceux qui auront de justes raisons et le consentement de leurs créanciers, àla concurrence des deux tiers de leur dette, à se pourvoir devant leurs juges ordinaires, ou au parlement, pour obtenir des défenses et arrêts de surséance. Art. 38. Qu’il soit fait un code de sortie pour les foires et marchés ; que les foires soient fixées à une, par chaque mois, dans chaque lieu et à jour fixe, et les marchés à un ou deux par semaine aux jours les plus commodes ; qu’il soit défendu de faire aucun accaparement de grains, et d’en acheter hors des marchés, d’en vendre, acheter ouar-rher avant la récolte, et que tous droits de coutumes soient supprimés. Que l’édit du mois de juillet 1764, concernant l’exportation des grains, soit remis en vigueur, et que le transport pour Fintérieur du royaume puisse être arrêté par les juges de police des lieux, dès que le froment sera à 9 livres, et le seigle à 5 le boisseau, mesure de Paris, à moins que les négociants et les commerçants qui voudront faire transporter des grains, s’obligent par une soumission expresse, faite devant les juges des lieux, à fournir à ce taux la quantité de grains nécessaires pour la subsistance du canton jusqu’à la récolte. Art. 39. Que, pour-parer à la disette des grains occasionnée par les mauvaises récoltes qui deviennent fréquentes, il soit établi des magasins de grains, dans chaque ville, de la quantité nécessaire pour la consommation d’une année à l’autre, pour être livrée aux habitants les plus nécessiteux au prix courant du marché, sans pouvoir être vendu ni transporté ailleurs. Art. 40. La suppression totale de la corvée en nature tant féodale que seigneuriale, ainsi que de toutes espèces de banalités à fours, moulins, pressoirs, etc., etc., et spécialement de l’assujettissement des gens de campagne, à la confection et à l’entretien des grandes routes, soit faits oh à faire, qui enlèvent les bras à l’agriculture, dans le temps le plus précieux, et occasionnent des vexations arbitraires, en suppléant par un impôt qui sera supporté par tous les ordres indistinctement. Art. 41. La conversion des rentes seigneuriales et autres droits seigneuriaux utiles en rentes ra-chetables à un taux qui sera fixé, soit par l’assemblée des Etats généraux, soit par des commissions nommées par elle, pour faire les appréciations locales, et que toutes les rentes de nature quelconques, soit féodales, soit dues à l’Eglise, a raison de fondation pieuse, ou pour toute autre cause, puissent être affranchies ou amorties à la volonté des redevables. Art. 42. La suppression absolue de tous autres droits seigneuriaux qui, sans utilité pour les seigneurs et ridicule en soi ou onéreux pour les vassaux, nous retracent journellement les siècles de fu-reuret d’aveuglement oùl’homme dur et ambitieux s’avilit soi-même en dégradant son semblable, par une contrainte à des lois ineptes ou barbares, et particulièrement l’extinction du droit de fuie et garennes dont les habitants dévorent, chaque année, une immense quantité de grains et enlèvent la subsistance du pauvre, en partageant les semailles et la récolte du cultivateur; l’abolition du droit de chasse et la permission à toute personne de détruire les animaux destructeurs des productions de ses terres. Art. 43. Que Fusement de Brouerec soit supprimé et que la propriété des bois appartienne aux superhciers, cet usement étant contraire au progrès de l’agriculture et de la culture des bois qui deviennent extrêmement rares dans ce canton, en ce qu’il attribue aux seigneurs fonciers la faculté de couper tous les bois comme leur appartenant, ce qui empêche le colon d’en planter; que le seigneur ne puisse exiger de description ou lettres récognitoires qu’à ses frais. Art. 44. Que les pâtis et issues naturelles des bourgs, villages et hameaux ne puissent être af-féagés, et que les généraux de paroisses où il y a des terrains vagues soient préférés en cas d’afféa-gement d’iceux et autorisés à retirer ceux qui l’auraient déjà été et non mis en valeur, remboursant toutefois les frais de clôture et autres raisonnables faits par l’afféagiste ; et en cas que les généraux de paroisses ne demandassent point ces afféagements, que les privilèges en soient donnés aux riverains des differents villages. Art. 45. Qu’il soit établi des casernes suffisamment garnies de lits, pour un bataillon au moins, dans chacune des villes frontières ou maritimes, aux frais desdites villes, pour loger la troupe qu’elles pourront avoir en garnison et celles qui 416 [États gén-1789. Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Vannes.) passeront, quand il n’y en aura pas à demeure, pour décharger l’habitant de la fourniture aux casernes, de l’espèce de contribution à laquelle il est sujet quand il loge des passants, auxquels il' fournit bois, épices et légumes, quoiqu’il n’y soit pas tenu et que sa province paye pour cela. Quiberon. Art; 46. Que les habitants de la presqu’île de Quiberon voient renouveler en leur faveur ces grâces paternelles, qui ont rendu la liberté et la vraie propriété de leurs biens au mortaillable de Bourgogne , pour le convertissement du droit excessif de la tierce-gerbe que les fermiers de S. A. S. Mgr le duc de Penthièvre prélèvent sur leurs grains, en un droit qui les met dans le cas de se nourrir des productions de leurs terres. Ce droit odieux de tierce-gerbe, digne d’être oublié dans l’Etat d’un Roi si bienfaisant, et peut-être inconnu en France, sur un sol aussi aride que celui de la presqu’île de Quiberon, par sa qualité pierreuse brûlée par le soleil, n’y ayant rien pour l’abriter, et par les écumes et vapeurs de la mer qui ne leur laissent de la production de leurs terres que de quoi les nourrir pendant quatre mois de l’année et souvent moins ; les terres ne sont travaillées que par les femmes, les maris et les enfants étant obligés d’aller en mer pour se procurer le pain nécessaire pour les huit mois restants, et dont un grand nombre, détruits dans toutes les guerres, laissent une infinité de veuves et d’orphelins dans l’état le plus misérable. Qu’il daigne examiner s’il est une classe plus malheureuse, éloignée de six lieues de toutes ressources, ne pouvant qu’à grands frais retirer du continent tout ce qui est necessaire à la vie, et même le bois de chauffage dont elle est absolument privée, le terrain n’étant pas susceptible d’en produire; qu’il soit construit une digue de modique dépense pour le service du Roi et la correspondance de Belle-lie. Belle-Ile-en-Mer. Art. 47. Cette île, étant séparée du continent, peut mériter une attention particulière du gouvernement; en conséquence, les habitants demandent qu’ils puissent envoyer un député aux Etats particuliers de la province; que les corvées, que les chaloupes de pêche ont été obligées de faire jusqu’à présent, soient entièrement supprimées par les torts et dommages qui en résultent ; le convertissement en argent des redevances en grains au domaine du Roi, et cela sur le pied de l’apprécis des dix dernières années: le remboursement des sommes indûment perçues pour droit d’ensaisinement; qu’il y ait toujours une garnison permanente de deux bataillons et un corps de caserne pour les y loger. Qu’il soit permis aux pêcheurs de faire sécher leurs filets sur les glacis, seul endroit propre à cet effet, sans qu’il leur soit fait aucun empêchement; le rétablissement de la chaussée du port de Sauzon, seule ressource des bâtiments d’une certaine grandeur. L’indemnité ou remboursement des parties de terrain pris pour l’établissement des batteries et retranchements et dont les propriétaires payent encore les redevances, quoiqu’ils s’en trouvent privés. Additions. Art. 48. Que les veuves soient privées de leurs douaires, quand elles passeront en secondes noces. Art. 49. Que les édifices une fois détachés du fonds, à quelque titre que ce soit, soient exempts du droit de centième denier, attendu qu’ils sont meubles ou tout au plus des immeubles fictifs, sous quelques respects. Art. 50. Que les baux au-dessus de neuf ans soient exemptés de lods et ventes, centième denier et autres droits de mutation, comme étant favorables aux progrès de l’agriculture. Fait et arrêté ce 17 avril 1789, sous les seings de MM. le sénéchal et le procureur du Roi d’Au-ray, et de tous les membres composant l’assemblée, tenue devant nousdit sieur le sénéchal. La minute dûment signée au nombre de soixante-quinze. Je, soussigné, greffier en chef de la sénéchaussée et siège royal cl’Auray, certifie la présente expédition" conforme à la minute. A Aurav-, ce 24 avril 1789. Signé TASSEC. CAHIER Des doléances, charges et demandes du commerce de Vannes , remis à MM. les députés de la sénéchaussée de la même ville aux Etats généraux (1). Art. 1er. Demander en faveur du commerce, une des parties les plus essentielles de l’Etat, une plus juste réprésentation de ses membres dans les affaires publiques et politiques. Art. 2. Demander la restitution du greffe du consulat de Yannes, conformément à son édit de création de 1710, et sur le pied de l’article 18 de l’édit de 1563 pour l’érection du consulat de Paris. Art. 3. Attribution aux juridictions consulaires des faillites et banqueroutes, ainsi que des contrats d’assurance et des règlements d’avaries. Art. 4. Ampliation du dernier ressort des consulats. Art. 5. Prohibition de tous arrêts de surséance, sans l’avis préalable des consuls. Défense d’en accorder plus d’un. Art. 6. Renouveler les lois les plus sévères contre les banqueroutiers. Art. 7. Tarif particulier des frais de procédure au consulat. Art. 8. Suppression de tous droits de contrôle pour tous actes de commerce sous seing privé. Art. 9. Le prêt à intérêt permis aux taux de la loi, sans aliénation du capital. Art. 10 Interdiction de tout privilège exclusif pour quelque branche de commerce que ce soit, notamment celui de la Compagnie des Indes ; le gouvernement récompensant les découvertes utiles et encourageant de plus en plus les manufactures. Art. 11. Interdiction du commerce de vinaterie dans tout le royaume, et surtout en Bretagne à toutes compagnies de fermiers et de traitants. Plus de trois mille familles vivaient honorablement en cette province à l’appui de ce commerce, et sont actuellement sans ressources. % Art. 12. Assujettir tous les marchands colporteurs et juifs à se fixer un domicile connu, où ils prouveront qu’ils concourent aux impositions publiques, aux charges et conditions qu’ils ne pourront séjourner plus de trois jours francs dans chaque ville, par trois mois. Il n’est que trop prouvé que cette espèce de marchand emporte (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire.