£2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 janvier 1791.] La chose en elle-même est très grave; et quoique nous soyons tous d’accord sur la simplicité, la pureté du ministre qui vient de nous raconter les faits, il n’en est pas moins vrai que vous devez prendre l’une ou l’autre de ces précautions : la première est de faire insérer dans le procès-verbal et de donner la plus grande publicité à la lettre de M. le garde des sceaux; la seconde est de décréter qu’aucun esprit, aucun titre, aucun résumé ne sera mis en tête des lois, à moins qu’il ne soit délibéré dans l’Assemblée même. Une loi est une chose sacrée à laquelle personne ne doit toucher. M. lie g ssaml (de Saint-Jean-d'Angély). Une loi, si on l’affiche sans titre, ne sera ni vue, ni lue. M. Malouet. Je demande alors qu'il y ait une commission du Corps législatif, pour faire le titre et que le titre des lois soit lu dans le procès-verbal. M. SSegnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Je suis (i’accord avec le préopinant sur l’importance d’une commission ; mais je ne suis point d’accord avec lui sur le titre des lois, et voici mon motif : nous savons tous combien il est important qu’une loi soit bien publique et bien connue, et souvent ce qui engage à la lire, lorsqu’elle est affichée ou promulguée, ce qui arrête les regards du peuple, c’est le titre de celte même loi. U ne faut pas, parce que dans ce titre il s’est glissé des erreurs, il ne faut pas le supprimer; il faut supprimer l’abus, et pour cela, je demande que les secrétaires de l’Assemblée nationale soient chargés, lorsqu’on porte les lois à la sanction, d’en mettre l’intitulé. Cela se fait déjà; car, remarquez que, quand on porte les décrets à la sanction du roi, on en fait une espèce de liste et on dit : décret sur tel objet. Il faut alors que cet intitulé soit rédigé par vos secrétaires et que le ministre qui présente les lois à la sanction n’y mette pas d’autre titre que celui qui y était. Voilà à quoi je réduis et comment j’amende la motion de M. Malouet. M. Malouet. Un titre n’est point un sommaire. M. d’André. Personne n’a combattu la première partie de la motion de M. Malouet. 11 me paraît qu’elle est avouée généralement de l’Assemblée : c’est d’insérer la lettre de M. le garde des sceaux dans le procès-verbal. Il y a une seconde motion qui est qu’il n’y ait plus de sommaire à la tête des décrets. Cette motion-là, je l’appuie, parce que si vous ordonnez que les secrétaires fassent eux-mêmes le sommaire des lois, il en résultera tous les jours des débats dans l’Assemblée. Les uns entendront le soremaire d’une manière, les autres d’une autre; et je ne vois pas pourquoi on prétend que cela importe à la loi. Tout citoyen doit lire la loi, et non pas un extrait de la loi. On lit la loi au prône, on la publie tout entière. Il faut se contenter de mettre sur le titre la désignation de l’objet; par exemple, en tête du décret du 27 novembre, il suffisait de mettre : Décret concernant te serment des ecclésiastiques.... Je demande donc : 1° Que la lettre de M. le garde des sceaux soit insérée dans le procès-verbal, imprimée et envoyée aux corps administratifs ; 2° qu’il soit décrété qu’il ne sera plus mis de sommaire à la tête des lois, mais seulement un titre énonciatif de leur objet. M. Malouet. Je retire la motion que j’avais proposée pour l’adopter dans les termes de M. d’André; et j’insiste pour que la lettre de M. le garde des sceaux soit envoyée dans les départements. L’Assemblée, consultée, décrète ce qui suit: « L’Assemblée nationale décrète qu’à l’avenir le titre qui sera mis en tête de chaque loi en indiquera simplement l’objet ; que la lettre de M. le garde des sceaux sera inscrite dans le procès-verbal et envoyée dans les départements. » M. l’abbé ....... J’avais deux observations à proposer à l’Assemblée : la première concernait la crainte que dans les départements il ne fût envoyé des expéditions de la loi du 27 novembre. La lettre de M. le garde des sceaux obvie à celle-là. La seconde forme un léger amendement que je propose à la motion d’hier de M. Barnave. Vous avez décrété, Messieurs, que le président serait chargé de se retirer vers le roi pour la prompte exécution du décret du 27 novembre ; mais vous n’avez pas fixé le temps. Je propose que ce soit dans le jour et voici les motifs qui appuient mon opinion. Vous n’ignorez pas, Messieurs, avec quelle profusion les protestations des évêques, les expositions de leurs principes et les instructions prétendues pastorales ont été répandues dans les provinces, ont circulé de diocèse en diocèse ; mais vous ne savez peut-être pas à quel point les lenteurs apportées par votre modération à la sanction du décret ont produit le «funeste effet de laisser séduire et exciter le clergé, en donnant un libre cours aux libelles séditieux. Vous ignorez encore que déjà quelques curés ont déclaré une résistance ouverte aux ordres des municipalités et aux arrêtés des directoires de districts. Eu lisant des instructions qui ne tendent qu’à inspirer l’inexécution de vos décrets, le désir de la paix et de l’ordre m’oblige à réclamer la prompte exécution de vos lois. Peu de personnes ignorent l’empire que la conduite des pasteurs obtient sur leurs paroissiens. Je l’ai dit plus d’une fois, les curés pourraient être les soutiens de la religion; et ne doivent-ils pas être aussi celui des lois ? Il est donc temps d’exiger des uns le silence ; il est temps défaire sortir les autres d’une inertie qui deviendrait coupable. Il est temps enfin de faire cesser l’opposition et d’inspirer la modération dans les départements et dans le peuple. Un autre motif aussi pressant pour l’exécution de votre décret, Messieurs, c’est que nous approchons du terme où les évêques sont dans l'usage de disposer, par des mandements, leurs diocésains à l’observation des lois de l’Eglise et des institutions pieuses. Il est nécessaire de les prévenir et de s’assurer, par la prestation du serment, de la manière de penser des pasteurs de campagne. D’un côté, le respect pour les opinions religieuses; de l’autre, le zèle pour la paix ne nous en font-ils pas un devoir? Je demande donc, par amendement au décret qu’a proposé hier M. Barnave, que ce soit dans le jour que M. le président se retire vers le roi. M. de Bois-Elouvray. Je m’oppose à ce qu’on ne change rien au décret d’hier. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]5 janvier 1791.] 23 M. Bion. Les faits qui viennent de vous être énoncés par le préopinant ne sont que trop vrais et, depuis même la sanction du décret du 27 novembre, de nouveaux mandements, de nouvelles instructions pastorales ont été envoyés dans les diocèses. Dans le mien, notamment, le 1er janvier, le mandement d’un membre de l’Assemblée a été remis avec une lettre aux prêtres à l’hôtel de ville, avec ordre de le publier à l’instant. Il n’y a eu qu’un seul curé à qui il soit parvenu assez à temps pour pouvoir le lire au prône où il en a commencé la lecture : mais le lendemain, la municipalité a arrêté cette lecture. Les décrets de l’Assemblée y étaient désignés d’une manière outrageante et je ne doute pas, Messieurs, qu’incessamment vous ne receviez la dénonciation précise de ce fait. J’appuie donc la motion de porter dans le jour à la sanction le décret d’hier. M. l’abbé Gouttes. En appuyant la motion, je demande que le président soit chargé en même temps de prier le roi de faire exécuter la loi de la résidence. C’est de Paris ou d’un pays étranger, lorsqu’ils sont absents de leurs diocèses, que les évêques envoient leurs mandements; c’est en abandonnant la résidence, qui est de droit divin, qu’ils résistent à la loi civile qui est de toute justice. Ils violent la loi divine, parce que l’autorité civile les invite à l’exécuter. {On applaudit.) M. d’André. Je loue le zèle du préopinant; mais je prie l’Assemblée de me permettre de lui observer que ce serait faire un exemple bien dangereux que d’envoyer le président devers le roi pour lui demander de faire exécuter les décrets. Le devoir du pouvoir exécutif est de le faire; nous ne devons pas avoir besoin d’envoyer chez le roi pour faire exécuter un dé-cret.Les ministres sont responsables; s’ils ne font pas exécuter les décrets, il faut les poursuivre, et j’en suis d’avis; mais je vous prie de remarquer de quelle conséquence il serait que vous envoyassiez pour demander au roi de faire exécuter un décret. Si jamais les ministres pouvaient être dans le contresens de la Révolution, il s’ensuivrait de là que toutes les fois que le président n’aurait pas fait une seconde visite au roi, on s’imaginerait que l’exécution n’est pas pressée, qu’on pourrait la différer. Il ne doit pas y avoir d’arrangement avec la loi; la loi existe quand la sanction est portée; c’est aux ministres, au pouvoir exécutif à lafaire exécuter. Nous n'avons pas d’autre manière à prendre que de poursuivre les ministres quand ils ne le feront pas. Ainsi je vous prie de croire que le Corps législatif ne doit jamais s’écarter des principes qu’une première démarche fausse peut en entraîner de très dangereuses; et je n’ai pas besoin de vous exposer ici tous les inconvénients qui peuvent en résulter. Je m’oppose donc à la motion, non que je ne désire très fort qu’on demande pourquoi le décret n’e3t pas exécuté. Qu’on le demande, en mandant le ministre à la barre, mais pas en envoyant au roi; c’est une démarche inconstitutionnelle, j’ose le dire. M. le Président. Dès que les extraits des procès-verbaux seront achevés, je promets que je ne perdrai pas un instant pour me rendre chez le roi. Si mon zèle ne rassure pas suffisamment, je vais mettre la motion aux voix. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. l’abbé Simon. Je demande si l’Assemblée nationale veut insérer dans son procès-verbal l’explication que je lui ai donnée lundi dans mon serment civique. Je déclare à l’Assemblée nationale. . . Plusieurs voix : L’ordre du jour! (Une grande agitation se produit du côté droit.) M. l’abbé Simon quitte la tribune et porte un papier au bureau. Le secrétaire le rejette. M. de Bois-Rouvray. Je demande si un secrétaire a le droit de jeter un papier au nez d’un membre de l’Assemblée. On réprime la personnalité; je demande si les voies de fait ne sont pas plus punissables; on sera obligé de se faire justice soi-même. M. le Président rappelle M. de Bois-Rouvray à l’ordre. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Je viens de recevoir une lettre signée par M. l’abbé Pous, curé de Mazamet, ainsi conçue : « Je déclare que je n’ai fait mon serment que dans l’intention énoncée par M. l’évêque de Clermont; si l’Assemblée l’a pris d’une autre manière, ce n'est pas ma faute, et je le rétracte dans ce sens. » {Il s'élève des murmures.) Plusieurs membres ecclésiastiques se disposent à venir prêter le serment. Plusieurs voix à droite : Non ! non ! M. Forest de Masmoury, curé d'Ussel , demande à faire une déclaration concernant le serment qu’il a prêté. M. d’André. Messieurs, je m’oppose très formellement à ce qu’on donne la parole à qui que ce soit lorsqu’il ne sera pas dans l’ordre du jour. L’ordre du jour est la discussion sur les jurés ; je demande que cette discussion commence. Il y a dix décrets de l’Assemblée qui disent que l’on ne peut interrompre l’ordre du jour, qu’on n’intercalera rien à l’ordre du jour. Comme il peut y avoir des fonctionnaires publics qui aient envie de prêter leur serment, je demande qu’avant de monter à la tribune, ils aillent vous déclarer à vous, Monsieur le Président, s’ils veulent donner leur serment purement et simplement; dans lequel cas, vous leur donnerez la parole; dans tout autre cas, vous la leur refuserez. Et je vous observe que vous ne devez point mettre aux voix ce que j’ai l’honneur de vous dire, parce que c’est l’exécution des décrets et que le président est spécialement chargé de veiller à leur exécution. Je demande, Monsieur le Président, que vous veuilliez bien appelersur-le-champ,et sans aucune interruption, le premier qui a la parole sur les jurés. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur l'institution des jurés. Plusieurs voix : A l’ordre du jour ! M. de Follcville. Tout le monde a été témoin