[o févior 1791.] 761 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. toyens doivent avoir la faculté d’être élus aux fonctions de jurés ; 2° que les électeurs du peuple doivent élire seuls ceux qui doivent être élus aux fonctions de jurés. En conséquence je propose l’idée suivante: je propose que les électeurs de chaque district nomment tous les ans les 30 citoyens qui doivent former la liste des jurés. Si les assemblées vous paraissant devoir être trop longues, vous pouvez ics diviser en sections. Dans tous les cas, les incommodités, les longueurs, ne peuvent jamais vous appeler à sacrifier les intérêts de la liberté et les droits les plus sacrés. Lorsqu’il se_ présentera des affaires dans les cas déterminés par le comité, on tirera au sort, sur les 30 sujets choisis par les électeurs, ceux qui doivent composer le juré d’accusation. Le juré de jugement se formera avec la même simplicité et sans qu’il soit besoin de procéder à de nouvelles élections. On réunira dans une liste les jurés qui auront été nommés par les districts et dans les époques aussi déterminées par le comité et voisines des moments où il faudra faire les procédures criminelles. Alors le président du tribunal tirera au sort pour nommer les jurés. M. Duport, rapporteur. Votre comité se trouve obligé de répondre à deux objections d’un genre entièrement opposé. Je dirai d’abord que je crois que l’avant-dernier opinant a très bien démontré l’impossibilité physique qu’il y a que des jurés qui n’auraient pas au moins la présomption des facultés nécessaires pour pouvoir se transporter dans les lieux où ils doivent exercer leurs fonctions, où ils doivent demeurer un temps quelconque, ne pourraient pas être jurés. Quand ou veut faire une institution on doit vouloir tous les moyens qui concourent à l’établir ; et il est évident que ne pas établir les jurés serait préférable à former cette institution de manière que l’opinion publique la repoussât. Je sais très bien qu’il faut que l’opinion publique l’adopte. Les législatures suivantes pourront lui donner toute la perfection que l’opinion publique lui désignera, mais dans ce moment il faut regarder que tout ce qui est physiquement impossible à établir ne doit pas être établi. À présent je n’ai plus qu’à répondre à M. de Gazalès. Il a reproché au comité d’avoir dit qu’en plaçant les jurés dans la classe de ceux qui payent 50 livres, c’est-à-dire le marc d’argent exigé pour l’éligibilité à l’Assemblée nationale, nous appelions celte classe celle des gens riches. Ce n’est pas là ce que nous avons dit, ou ce que nous avons voulu dire ; mais seulement que dans cette classe se trouvent aussi ceux qui payent davantage, et que les hommes riches et puissants auraient dans cette classe, ainsi bornée, une prédominance considérable : certes , s’ils avaient tous 50 livres, ils seraient dans la classe mitoyenne de la société, celle que nous paraissons tous désirer ; mais ils ne forment pas cette classe, ils la bornent seulement. Je pense donc que si l’Assemblée veut simplifier ses opérations et la discussion sur cet objet, elle doit d’abord examiner quelles seront les qualités de ceux qui seront appelés à être jurés. On vous a dit qu’il était plus naturel de faire élire les jurés par les citoyens : je ne sais pas si on entend bien ce qu’on veut dire lorsqu’on parle d’élection de jurés, cela ne me présente à moi qu’un mot vide de sens. Que sont les jurés? Ce sont des citoyens par opposition aux fonctionnaires publics, ils sont chargés de remédier à l’abus des fonctionnaires publics. S’il fallait procéder à des élections, il serait plus simple de laisser les juges qui sont élus, juger et le fait et le droit. M. Malouet. Je pense, comme le comité, que les jurés ne peuvent pas être élus par le peuple; car cette fonction devant être alternativement partagée par tous les citoyens que la loi n’en déclare pas incapables, il n’y a pas lieu à élection, mais seulement à désignation. Je ne vois pas non plus d’inconvénient à laisser à un officier public la désignation de la liste du juré ; mais je ne trouve pas que M. le rapporteur ait détruit les observations très sages de M. de Cazalès sur les qualités exigibles pour être juré. La grande majorité des petits propriétaires est infinie en comparaison de celle des gens véritablement riches. De là résulte la nécessité d’appeler des propriétaires dont la fortune et l’éducation soient une sorte de garantie, et aux yeux du public, et aux yeux de l’accusé. Je crois, Messieurs, que si vous avez déjà réduit au marc d’argent l’éligibilité pour la législature, il me semble que vous ne pouvez, sans de grands inconvénients, affranchir de cette condition ceux qui seront appelés à prononcer sur la vie des citoyens. J’exige, de plus, qu’aucun ne puisse être élu juré, même dans la classe de ceux qui payent 50 livres, s’il est actuellement en instance et poursuivi pour dettes exigibles par corps, encore qu’il n’y ait point de condamnation prononcée. M. le Président résume la discussion et pose les deux questions suivantes : La liste sera-t-elle de 30 citoyens ? Par qui sera formée la liste des citoyens éligibles ? M. de Cazalès. Je propose, par amendement, que ceux qui payent 50 livres de contribution directe, c’est-à-dire ceux qui sont éligibles au Corps législatif, puissent seuls être forcés à accepter les fonctions de jurés et qu’on ne puisse pas y forcer les autres. Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements. M. Duport, rapporteur. Je demande que l’amendement de M. Malouet ne soit pas mis aux voix, ni rejeté par la question préalable, parce que c’est là le cas de récusation. Or, si le procureur syndic, l’accusateur public et l’accusé n’ont pas jugé à propos de récuser, je ne vois pas qui pourrait récuser. Ainsi, je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur cet amendement. (L’Assemblée rejette les amendements par la question préalable et adopte l’ordre du jour sur celui de M. Malouet.) L’article 2 du titre X du projet de décret est mis aux voix et adopté comme suit : TITRE X. De la manière de former le juré d'accusation. Art. 2. « Cette liste sera composée de 30 citoyens éli- 762 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 février 1791.] gibles aux administrations de district et de département. » M. Duport, rapporteur. Nous revenons maintenant à l’article 1er qui est ainsi conçu : « Art. 1er. Le procureur syndic de chaque district formera tous les 3 mois la liste des citoyens qui doivent servir de jurés dans les accusations ; elle sera envoyée à chacun des membres qui en fera partie. » M. Pétion. Je demande que la liste des citoyens qui doivent former le juré soit faite annuellement par les électeurs du district et renouvelée par la voie du sort. M. Fanjuinais. Il ne faut pas de choix ni de désignation ; U faut s’en tenir au rôle des contributions sur lequel on prendra les citoyens éligibles pour lejuré. M. desRoyes. Il estdangereux déconcentrer un esprit de parti et de coalition dans un directoire de district; je demande que chaque municipalité présente un ou deux sujets pour la formation du juré. (Ges amendements sont rejetés par la question préalable.) M. llougins. Je crois, Messieurs, que vous ne devez pas donner au seul procureur syndic du district le droit de former la liste des citoyens qui doivent composer le juré; je crois que vous devez confier ce soin aux membres des directoires de district et de département. M. d’André appuie cette motion. M. Duport, rapporteur. Je pense que des fonctions aussi délicates sont mal confiées à des corps; mais si l’Assemblée trouve que nous donnons trop d’influence à un seul homme, on peut fondre t’amendement, en donnant au procureur syndic la formation de la liste, de concert avec les membres dn directoire de district. J’ajoute toutefois que ce n’e3t nullement mon opinion et l’expérience vous prouvera un jour que c’est une faute. L’article 1er serait doue ainsi conçu ; Art. 1er. « Le procureur syndic et les membres du directoire de chaque district formeront, tous les 3 mois, la liste des citoyens qui doivent servir de jurés dans les accusations; elle sera envoyée à chacun des membres qui en fera partie. « (Adopté.) L’Assemblée, ayant adopté l’article 2, passe à l’article 3 qui est ainsi conçu : Art. 3. « Le tribunal de district indiquera celui des jours de la semaine qui servira à l’assemblée du juré d’accusation. » (Adopté.) Art. 4. « Huitaine avant ce jour, le directeur du juré fera tirer au sort, en présence du commissaire du roi et du public, 8 citoyens sur ia liste des 30, pour en former le tableau du juré d’accusation. » (Adopté.) Art. 5. « S’il y a lieu d’assembler le juré d’accusation, ceux qui doivent le composer seront avertis, 4 jours d’avance, de se rendre au jour fixé, sous peine de 30 livres d’amende, et d’être privés du droit d’éligibilité et de suffrage pendant 2 ans. » M. de Folle ville. Je demande s’il y aura cumulation dans les amendes; c’est-à-dire si, étant sur ia liste pour 3 mois, et étant appelé 5 fois par exemple, j’encours l’amende 5 fois par mon absence et si je dois payer 150 livres et être privé pendant 10 ans de mon droit d’éligibilité? M. de Choiseul-Praslin. Toutes les fois qu’un citoyen est privé du droit de citoyen actif pour 2 ans, de ce moment-là il ne peut plus être nommé juré une seconde fois; par conséquent il n’encourra pas plusieurs amendes. (L’article 5 est décrété.) Art. 6. « Lorsque les citoyens inscrits sur la liste des 30, formée par le procureur syndic et le directoire, prévoiront pour l’un des jours d’assemblée du juré quelque obstacle (fui pourrait les empêcher de s’y rendre, s’il arrivait qu’ils y fussent appelés par le sort, ils en donneront connaissance au directeur du juré, 2 jours au moins avant celui de la formation du tableau des 8 pour lequel ils désirent d’être excusés. (Adopté.) Art. 7. « La valeur de cette excuse sera jugée, dans les 24 heures, par le tribunal de district. (Adopté.) Art. 8. « Si l’excuse est jugée suffisante, le nom de celui qui l’a présentée sera retiré du nombre de ceux sur lesquels le tableau des 8 sera tiré au sort. Si elle est jugée non valable, son nom sera soumis au sort. » (Adopté.) Un membre propose par amendement à l’article 9 qu’il soit dit que la signification sera faite au juré avec copie laissée à sa personne ou à son domicile. L’amendement est adopté et l’article rédigé comme suit : Art. 9. « S’il est du nombre des 8 désignés par le sort, il lui sera signifié, avec copie laissée à sa personne ou à son domicile, que son excuse a été jugée non-valable, qu’il est sur le tableau des jurés, et qu’il ait à se rendre au jour fixé pour l’assemblée. » (Adopté.) Art. 10. « Tout juré qui ne se sera pas rendu sur la sommation qui lui en aura été faite, sera condamné aux peines mentionnées dans l’article 5. Sont exceptés de la présente disposition ceux qui seraient retenus pour cause de maladie. » M. Prieur. Indépendamment de l’absence et de la maladie, il peut y avoir une cause d’excuse légitime; mais il ne faut rien laisser à l’arbitraire. Je demande qu’on ajoute ces mots: pour causes légitimes constatées par la municipalité de son domicile. Un membre : Dans le jour que je devrais partir pour me rendre à l’assemblée du juré, il est pos-