5Q0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES Pj de laisser tomber l’espèce de dénonciation que j’avais faite de cette lettre; mais j’accepte absolument la proposition faite par M. de Gouy. Je suis porteur d’une lettre de l’assemblée générale de la Guadeloupe et j’offre de prouver qu’elle vient à l’appui de la dénonciation de la lettre de M. de Gouy. M. Popnlus. Pour qu’on ne dise pas que ce dernier amendement n’est pas appuyé, je l’appuie. M. de Gouy d’Arsy. Il y a six mois qu’on a présenté dans cette tribune un papier imprimé, qui était censé avoir été imprimé d’après une lettre de moi. M. Madier de Montjau. Vous ne l’avez point nié. M. de Gouy d’Arsy. Vous n’avez pas oublié que le 20 septembre dernier, à l’occasion d’un décret rendu contre l'assemblée de Saint-Marc, M. de Curt dénonça un imprimé collationné, disait-on, sur une lettre privée que j’avais adressée à un colon. Je déclarai alors que je ne pouvais, sans imprudence, avouer ni désavouer les expressions de l’extrait isolé d’une prétendue lettre écrite depuis 6 mois. Depuis cette époque 6 autres mois se sont écoulés et mon accusateur a gardé un profond silence; je l’aurais rompu pour demander justice contre lui, si je ne m’étais fait scrupule de dérober, pour une si misérable affaire, des moments précieux aux travaux importants de l’Assemblée. Mais aujourd’hui, puisqu’à l’occasion de l’assemblée de Saint-Marc, on en reparle encore, je suis bien aise de rendre compte publiquement, que j’ai cru me devoir à moi-même d’écrire à Saint-Domingue pour prendre des éclaircissements sur cet objet. D’après ces éclaircissements récemment arrivés, je déclare formellement que j’avoue bien hautement l’écrit dont l’extrait a été présenté à l’Assemblée ; que ma main l’a tracée tel qu’il a été produit; que je me glorifie du passage dont on a fait une application maligne et que, dans tous les cas semblables, j’écrirai toujours dans le même sens. D’après cet aveu, la calomnie disparaît, l’accusation commence et la justification complète ne tardera pas; elle ne saurait m’embarrasser. J’appuie donc de toutes mes forces la motion qui renvoie cette affaire aux 3 comités désignés ; je demande seulement, par amendement, qu’on y adjoigne le comité des recherches et que mon accusateur siège au nombre de mes juges. M. Robespierre. Je demande la question préalable sur la proposition d’ajoindre 3 comités au comité colonial et que l’ai faire soit décidée contradictoirement entre le comité colonial et le contradicteur entendu à la barre, comme elle a été commencée. M. Arthur Dillon. Je demande que le comité de Constitution, qui sera joint aux autres comités pour faire le nouveau rapport qui vous sera présenté, consacre le principe que l’Assemblée nationale a entendu et entend décréter que les corps administratifs des colonies seront traités de la même manière que le corps administratif de France. (Murmures.) lLEMENTAIRES. [5 avril 1791.] M. liecouteulx de Canteleu. Pour la satisfaction d’un membre de l’Assemblée, je demande que l’écrit que j’ai déposé au bureau soit remis aux comités auxquels M. Barnave demande que l’affaire soit renvoyée (L’Assemblée adopte cette motion.) (La première partie de la motion de M. Barnave, rapporteur du comité colonial est décrétée. — La question préalable demandée par M. Robespierre sur la seconde partie est rejetée. — L’Assemblée décrète cette seconde partie.) M. deCart. J’observe à l’Assembléeavecquelles précautions j’eus l’honneur de lui présenter une lettre qui m’était parvenue et que l’on attribuait à M. de Gouy, Ce n’était point une dénonciation que je faisais, c’était le désir de témoigner à l’Assemblée combien il m'était douloureux d’apprendre l’espèce de soupçon que l’on cherchait à jeter sur mon compte à 2,000 lieues de moi. Depuis ce temps-là, j’ai vu distribuer dans le public une lettre de M. de Gouy, en réponse à M. de Bressot, dans laquelle rappelant cette lettre, mais ne me nommant pas, M. de Gouy avait l’airde défier l’auteur de l’espèce de dénonciation qu’il dénonçait lui -même à son tour au public. J’avais à cette époque dans mon portefeuille une lettre de rassemblée générale de la Guadeloupe, qui parlait de cette même lettre en des termes que je n’ai pas voulu mettre sous les yeux de l’Assemblée. Mais aujourd’hui, présenté comme un homme qui a pu jeter en avant une espèce de dénonciation qu’il ne pouvait pas soutenir, je supplie l’Assemblée d’ordonner que la lettre que M. de Gouy vient d’avouer et que celle qui in’a ôté adressée par l’assemblée générale de la Guadeloupe, seront remises sous les yeux des comités réunis et, à cet effet, je dépose la lettre de l’assemblée générale de la Guadeloupe, qui donnera les plus grandes instructions sur l’influence qu’a eue la lettre de M. de Gouy sur tout ce qui s’est passé à la Guadeloupe. (Applaudissements.) Je déclare d’ailleurs que, comme membre du comité colonial, je m’abstiendrai de prendre part à toute délibération relative à cet objet. M. de Gouy d’Arsy. J’adopte en entier la proposition du préopinant. Je demande seulement, par amendement, l’adjonction du comité des recherches. (Rires.) (La discussion est fermée. — L’Assembléeadopte les motions de MM. de Gurt et de Pampelonne tendant au renvoi de la lettre de M. de Gouy, et de celle de l’assemblée de la Guadeloupe, et rejette tous les autres amendements.) En conséquence l’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que les comités de Constitution, de marine et d’agriculture et de commerce seront adjoints au comité colonial pour examiner les instructions sur l’organisation des colonies, dont la rédaction a été ordonnée parle décret du 29 novembre dernier. « 2° Que les mêmes comités seront pareillement adjoints au comité colonial pour examiner les moyens de justification présentés parles pétitionnaires, membres de la ci-devant assemblée colo-loniale de Saint-Domingue, relativement à leurs intentions, et au jugement de leurs personnes, réservé par le décret du 12 octobre dernier, et pour proposer à l’Assemblée nationale leurs vues sur cet objet ; à l’effet de quoi l’Assemblée leur renvoie la pétition prononcée à la barre par les- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 avril 1791.] 597 dits citoyens de Saint-Domingue, ainsi que l’écrit qui lui a été dénoncé à la séance du 31 mars dernier. « 3° Que les mêmes comités prendront connaissance de la lettre de M. de Gouy, ainsi que de celle écrite à son sujet par l’assemblée de la Guadeloupe, et qu’ils en rendront compte à l’Assemblée nationale. » M. le Président lève la séance à onze heures-ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRONCHET. Séance du mercredi 6 avril 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin, qui est adopté. M. de Cernon, au nom du comité d'agriculture et de commerce , parle sur la nécessité d’accélérer la reddition du compte général des anciens droits de traites, qui éprouve un retard nécessité par la difficulté de faire rapporter les acquits à caution déchargés, lesquels restent entre les mains du commissaire, et propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale , après avoir entendu le rapport de son comité d’agriculture et de commerce sur la nécessité d’accélérer la reddition du compte général des anciens droits de traites, décrète que les acquits à caution délivrés pour empêcher la fraude des droits de traites à la circulation, sont annulés, et les soumissionnaires déchargés des soumissions par eux fournies. Demeurent également déchargés les fournisseurs de la marine, de rapporter les passe-porls qui n’avaient pour objet que l’affranchissement des mêmes droits de circulation. »> (Ce décret est adopté.) M. Gossln, au nom du comité de Constitution , parle contre la délibération du directoire du département des Vosges, relativement au remplacement du sieur Garnier, nommé commissaire du roi, et propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, « Déclare nulle l’élection du sieur Quinot, comme suppléant du tribunal du district de Neuf-château ; <> Déclare, en outre, comme non-avenue la délibération du directoire du département des Vosges, qui arrête que le sieur Quinot doit remplacer le sieur Garnier, nommé commissaire du roi; « Et décrète que le sieur Floriot, suppléant, obtiendra des lettres patentes en qualité de juge de ce tribunal, à la place dudit sieur Garnier. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité central de liquidation , présente le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, décrète que les porteurs des billets des ci-devant administrateurs des domaines, qui font partie de l’arriéré de la dette de l’Etat, seront tenus, pour en obtenir le payement, de les rapporter au bureau des ci-devant administrateurs, pour y être vus et timbrés avant d’être présentés dans les bureaux du commissaire du roi, à l’administration de la caisse de l’extraordinaire. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les successions (1). M. Prugnon. Messieurs, un père aura-t-il ou n’aura-t-il pas le droit de tester en faveur d’un ou de plusieurs de ses enfants, et où s’arrêtera cette faculté? Voilà la principale question qui est soumise à votre délibération. Une vérité qui, comme la lumière, se voit sans qu’on la regarde, c’est que le père est le premier magistrat de sa famille, c’est que cette magistrature aussi ancienne que le monde, et sur laquelle la pensée s’arrête avec tant de douceur, doit être modérément armée du droit de punir et de récompenser. Il ne lui faut sans doute ni hache, ni licteurs; mais un frein pour contenir dans ses limites le fils qui serait tenté d’en sortir ; mais un prix à donner à celui qui a soigné et consolé sa vieillesse que ses autres enfants ont négligée. Nul danger à le revêtir de ce pouvoir, non seulement parce que l’amour paternel est le plus profond et le plus délicieux sentiment de la nature; mais parce que le père s’aime lui-même dans son fils, et qu’en général pour les enfants, le lien de l’espérance est aussi fort pour le moins, que celui de la reconnaissance. Qu’il donne de son vivant, répondra-t-on d'abord, et je conviendrai volontiers que la vraie libéralité est la donation entre-vifs. Mais plus d’un père se trouve dans une situation trop étroite pour pouvoir s’imposer des privations, et le priverez-vous du droit d’être libéral et juste, précisément parce qu’il n’est pas riche. Plus d’une expérience a appris aux vieillards que l’on était un peu négligé lorsque l’on avait donné tout, et ils sont assez généralement pleins de cette idée : ainsi dépouiller un père du droit de tester, c’est le priver de la prérogative la plus précieuse et la plus utile aux moeurs, puisque ce serait évidemment affaiblir le pouvoir paternel; et une loi qui lui ravirait ce droit, aurait contre elle l’autorité de la raison universelle appuyée de 40 siècles; car si c’est Solon qui a introduit les testaments dans Athènes, ce n’est sûrement pas lui qui les a inventés. Quatre objection s’élèvent contre ce droit en lui-même. La première est la crainte de l’abus, même de la part d’un bon père, qui n’est pas après tout sans passions, et qui peut malheureusement tester dans un moment où elles l’agitent. La deuxième est l’existence connue de quelques mauvais pères. La troisième est le danger d’environner la vieillesse d’intrigants qui spéculent sur l’instant où ils pourront faire signer un testament qu’ils combinent avec un notaire. La quatrième enfin est que c’est donner à l’homme le droit de commander après sa mort. La première est, dans mille occasions, une calomnie contre la nature ; et à qui se liera-t-on, grand Dieu! si l’on se défie d’elle. Mais d’ailleurs (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (1) Voyez ci-dessus, séance du 5 avril 1791, page 562.