£60 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.1 ANNEXE N" 3. Adresse des citoyens catholiques de la ville d' JJ%ès et adhésion de la municipalité de ladite ville pour demander la conservation du siège épiscopal et des autres établissements ecclésiastiques. Du 16 février 1790. Les citoyens catholiques d’Uzès, assemblés sous le bon plaisir et de l’agrément de MM. les maire et officiers municipaux, dans la chapelle St-Lau-rent de ladite ville, en aussi grand nombre que le lieu a pu le permettre, Considérant que les régénérateurs d’un empire chrétien ne peuvent manquer d’écouter avec une pieuse attention les supplications religieuses de tout ce qui vit sous l’étendard de la croix ; Que la suppression annoncée de deux évêchés dans le département d’Uzès, Mais et Nîmes, doit faire craindre également, à chacune de ces trois villes, la perte de son siège épiscopal ; Que celles de Nîmes et d’Alais ont déjà mani-festé leurs sollicitudes chrétiennes et leurs saints désirs à cet égard ; Que la ville d’Uzès ne saurait, dans un silence impie, rester seule indifférente, en apparence, à un événement duquel dépendent à la fois le bonheur spirituel de ses habitants et sa prospérité politique ; Que, comme Nîmes et Mais, elle renferme dans son sein, à concurrence environ du tiers de sa population, des citoyens dont la croyance erronée nécessite la fréquence des exemples habituels et locaux dont l’Etre suprême peut se servir pour les ramener à son Eglise, ainsi que des instructions capables de les éclairer sur le vice de leurs principes en matière de foi ; Que par une fatalité qui tient à la faiblesse humaine, ces instructions, ces exemples, font plus d’impression lorsqu’ils partent d’une personne constituée en dignité, lors surtout qu’ils sont plus rapprochés de ceux auxquels ils doivent profiter ; Que tout ressort s’énerve en s’éloignant du point de sa détente, comme la lumière s’affaiblit a une certaine distance de son foyer ; Que si cette vérité 3entie, lorsque le diocèse d’Alais fut pris sur celui de Nîmes, parut un motif pressant, seul capable de déterminer ce démembrement, elle veille aujourd’hui pour la conservation d’une église cathédrale dans les villes où il s’est établi deux cultes : le génie créateur et le génie conservateur ont l’un et l’autre le même principe, le même but ; Que la présence d’un prélat et d’un chapitre cathédral est d’une nécessité sensible dans les villes ainsi mi-parties, soit pour raffermir dans la foi les catholiques , et maintenir l’Eglise romaine dans la prééminence à la religion du prince ; soit pour exciter la ferveur des âmes chancelantes, toujours tentées de préférer un culte dont la pratique facile et commode se prête à leur répugnance pour l’acte le plus humiliant à la fois, et le plus consolant de notre religion ; soit enfin pour tempérer le zèle des pasteurs en sous-ordre, plus propre, s’il était porté à l’excès, à aigrir les esprits qu’à les concilier ; Que la nécessité d’avoir de sages médiateurs sur un point aussi délicat devient encore plus pressante depuis que l’opinion, même religieuse, a été déclarée libre, pourvu qu’elle ne soit pas manifestée de manière à troubler l’ordre public. Le sage a besoin de toute sa prudence, de toute sa réflexion, pour déterminer le point où cette manifestation doit s’arrêter, et pour saisir les moYens possibles de la contenir dans de justes bornes ; Que la ville d’Uzès, une fois sans évêché, ne peut manquer de devenir bientôt le libre théâtre de l’erreur, au grand scandale delà religion, dont le lien sacré unit encore plus les Français à leur roi très chrétien ; Que si l’objet de la création d’un siège épiscopal à Alais fut d’y maintenir la foi contre les attaques de l’hérésie, la suppression de celui d’Uzès doit nécessairement opérer le triomphe de l’erreur dans cette ville, si l’on ne prend soin d’y conserver dans tout son éclat le flambeau de la foi ; Que les prêtres séculiers et réguliers manquent dans cette ville, loin d’y abonder, puisque M. l’évêque, le chapitre, les deux curés et six religieux y sont les seuls ministres évangéliques ; Que chaque paroisse y a son église particulière, et néanmoins vaste ; que l’église cathédrale est uniquement affectée au chapitre et au service du chœur. Par où la réunion des deux paroisses n’y exigera pas une construction nouvelle, il y aura au contraire une église de reste ; Qu’il n’y a que deux couvents de religieux, l’un des PP. Capucins, l’autre des Mineurs conventuels, constamment occupés à distribuer les secours spirituels, et une seule maison religieuse essentiellement nécessaire pour l’éducation chrétienne des jeunes personnes du sexe ; Que si, dans les villages, quoique divisés par le culte de leurs habitants, on est forcé de se contenter de la présence d’un curé, on ne peut en dire autant des villes, centre de réunion ordinaire des grands vices, et dont la population rend la surveillance des pasteurs en sous-ordre infructueuse pour la plupart; Qu’indépendamment de ces pieuses considérations, la ville d’Uzès, n’ayant ni commerce ni fabrique, ne serait plus qu’un gros lieu dans lequel l’hérésie trouverait un abri, et que, n’y ayant pas de maisons riches dont la fortune, refluant sur l’ouvrier et l’artisan, puisse venir au secours du peuple souffrant, la suppression de l’évêché et du chapitre cathédral priverait la ville de son unique ressource dans des temps de misère et de calamité ; Que l’ancienneté de l’établissement du siège épiscopal d’Uzès semble lui mériter quelques égards, puisque les historiographes les plus dignes de foi attestent que Constantin a été le premier évêque d’Uzès dont on ait connu le nom ; que l’on trouve encore, dans une église de cette ville, un monument qui dépose que la religion chrétienne y existait avant même que Constantin en eût permis le libre exercice dans les Gaules. Que le diocèse, composé de deux cent quinze paroises, exige, par son étendue, et par les difficultés des chemins, tout le temps que le prélat peut prendre pour en faire la visite ; Que la bonne qualité des grains d’Uzès, attirant aux marchés qui s’y tiennent deux fois par semaine les habitants des villes et des villages voisins, ils y traitent à la fois de leurs affaires spirituelles et temporelles, et que la partie la plus intéressante du peuple de cette contrée n’a aucune relation avec Nîmes, non plus qu’avec Alais, où l’on n’arrive qu’après cinq ou six heures de marche, par un chemin pénible et dangereux, sans aucun abri, sans aucun espoir de secours ; Que la ville est redevable à son évêque et son [17 juin 1790.] 261 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. chapitre de la fondation et dotation d’un hôpital, d’une maison de providence, des écoles d’instruction chrétienne et de tous les établissements publics, sources intarissables et nécessaires de secours de toute espèce ; Qu’à ces motifs de religion d’intérêt public, de politique et de reconnaissance, les citoyens d’Uzès se voient dans l’heureuse obligation de joindre leur vœu général pour la conservation d’un prélat dont le caractère doux, le cœur bienfaisant et l’esprit conciliant ont si puissamment contribué à la réunion des citoyens des deux cultes. Que ce troupeau, par la manière dont il est environné, ne peut se passer de la surveillance d’un premier pasteur local ; que dans un royaume chrétien, le sacerdoce et l’empire se prêtent secours et assistance ; que les lys furent toujours les remparts de la croix, et que d’aussi puissantes considérations, présentées avec un respect mêlé de confiance, sont un hommage dû à la religion et aux vertus des augustes représentants d'une nation chrétienne : Ont unanimement délibéré d’adresser à Nos seigneurs de l’Assemblée nationale, protectrice de la foi, les vœux de la catholicité d’Uzès, pour la conservation du siège épiscopal, ainsi que des trois maisons religieuses de l’un et de l’autre sexe, avec prière d’augmenter le nombre des religieux, s’il est possible, comme tendant à accroître l’édification publique, et améliorer l’état sprirituel des fidèles; Délibéré, en outre, que la présente adresse sera déposée pendant six jours chez M. Delafont, notaire d’Uzès, à l’effet par tous les citoyens, tant de la ville que du dehors, qui ne sont pas présents, d’en prendre connaissance et d’y adhérer librement, suivant l’inspiration de leur zèle pour la gloire de la chrétienté; passé lequel délai, elle sera présentée à MM. les officiers municipaux, avec prière d’y mettre leur attache, et de l’envoyer à nos dits seigneurs, suppliés de concilier, s’il se peut, en aucune manière, les vues générales de l’assemblée, avec le vœu particulier d’une ville, qui, grâce à la sagesse des décrets sur lesquels va reposer à jamais la félicité publique, n’ayant plus sujet de s’alarmer que sur ce qui maintient la religion dans son enceinte, a cru devoir manifester ses craintes et ses devoirs au corps respectable des législateurs, toujours ambitieux de connaître les vœux des peuples, parce qu’ils sont toujours prêts à les seconder autant qu’il est en eux. Et ont tous les délibérants signé, à l’exception, toutefois, des illettrés, formant le plus grand nombre. Signé : dampmartin, commandant pour le roi à Uzès, etc., et suivent huit pages de signatures. ANNEXE N° 4. Adhésion de la municipalité de la ville d'Uzès. Nous, maire et officiers municipaux de la ville d’Uzès, applaudissant aux vœux manifestés dans l’adresse ci-dessus, joignons nos sollicitations les plus pressantes à celles des citoyens qui l’ont signée, et dont les sentiments sont ceux d’un peuple nombreux qui les exprime dans ce moment par l’organe de ses magistrats. De quels justes regrets ne serait-il pas en effet pénétré, s’il voyait transporté dans des lieux plus favorisés le siège épiscopal établi dans ses murs depuis quatorze siècles, et tous les avantages politiques et religieux attachés à sa possession. Nous ne dirons point qu’en diminuant le nombre des premiers pasteurs de l’Eglise, en étendant le devoir de leur sollicitude sur des pays plus vastes et des peuples plus nombreux, on affaiblit nécessairement l’influence de leur zèle, toujours d’autant moins sensible qu’elle est plus divisée, et qu’on les rend étranger eux-mêmes aux fidèles confiés à leur surveillance. Ces considérations générales ont été pesées, sans doute, dans la sagesse de J’Assemblée de la nation : nous ne dirons pas non plus que s’il était irrévocablement décrété de supprimer deux des trois évêchés de Nîmes, Alais et Uzès, la ville d’Uzès serait de ces trois villes la plus centrale, et celle, par conséquent, d’où le siège épiscopal atteindrait avec plus de facilité aux différentes extrémités des trois diocèses réunis; que, dans le même cas, celui d’Uzès, égal en étendue aux deux autres, semblerait devoir obtenir de les réunir à lui, plutôt que d’être réuni à eux. De pareilles considérations présenteraient une apparence de concurrence et de rivalité qui n’est point dans nos sentiments et dans nos principes ; mais nous observerons avec les diocèses voisins, que ceux d’Uzès et d’Alais sont presque tout entiers placés dans les montagnes; qu’il résulte de cette position que leur population est extrêmement divisée, éparse, et occupe une très vaste étendue de terrain ; que si on les compare aux autres diocèses du royaume, d’après le nombre de leurs paroisses, ils ne paraîtront pas au-dessus de la grandeur ordinaire; mais que, 3i on compare leur surface, si l’on a égard à la distance des paroisses, entre elles, si l’on considère la difficulté de l’assiette du plus grand nombre, on reconnaîtra que ces diocèses sont hors de la règle commune et méritent des exceptions. Nous dirons que s’il importe autant au bien de l’Etat qu’à celui de la religion que le culte dominant conserve non seulement une supériorité d’opinion et de protection, mais une supériorité réelle et effective, fondée sur celle des forces et du nombre, de peur qu’une sorte d’égalité et de balancement ne fît naître une source perpétuelle de lutte et d’oppositions, il devient singulièrement essentiel, dans un pays dont le tiers est peuplé de calvinistes, de conserver les sièges épiscopaux, qui sont, en quelque manière, des centres de réunion, des signes de ralliement rappelant sans cesse ceux qui s’égarent, attachant plus fortement ceux qui restent fidèles. Nous dirons surtout, et nous répéterons avec l’adresse ci-dessus, que la ville d’Uzès, éloignée des grandes routes, sans manufacture importante, sans commerce, sans production même, car son territoire resserré n’offre partout qu’un sol stérile et ingrat, trouvait dans la consommation d’une partie des revenus de l’évêché, dans celle des revenus du chapitre cathédral, dans le secours que la misère obtenait de la piété des titulaires, des ressources que sa position rendait précieuses; que si on les enlève, cette ville, perdant déjà l’avantage qu’elle avait d’être chef d’un district, triple en importance de celui qui doit lui rester, verra sensiblement décroître le peu de consistance qu’elle avait obtenu, et n’aura pas même la consolation de voir ses nertes particulières tourner au profit du bien public. Nous dirons, enfin, qu’en reconnaissant la vérité des observations faites dans l’adresse au sujet des maisons religieuses qui sont dans cette ville, on peut y ajouter que la plus considérable d’entre elles, celle des Capucins, a été fondée par le duc d’Uzès; que tout ce qu’elle possède lui