[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 juillet 1791.J 34 Messieurs, De croyez pas que cette lenteur ait pour cause la négligence de M. le commissaire, c’est l’homme le plus laborieux et le mieux intentionné que je connaisse, c’est M. Archambaud. Il s’abstient, par son travail, de toutes récréations; il retranche sur son sommeil et sur ses repas ; il est tout entier à sa besogne ; mais il était chargé concurremment d’autres instructions très urgentes, très importantes à l'ordre et à la sécurité publique. Il menait ces instructions de front avec celle des faux assignats. Cette lenteur ne peut dater qu’à compter du 28 juin jusqu’au 16 juillet, parce que c’est à cette époque que le commissaire-instructeur a repris l’information ; voilà, Messieurs, les faits. Maintenant, je vous demande si dans cette affaire je puis être responsable et réputé coupable de la négligence, surtout assez coupable de négligence pour rendre mon zèle suspect, pour me faire soupçonner de prévarication, car s’il en faut croire les journaux qui ont rendu compte de vos séances d’hier et d’avant-hier, j’ai été soupçonné, j’ai été accusé de prévarication. Puis-je être réputé coupable de lenteur, s’il n’a pas été en mon pouvoir de hâter la marche de l’instruction, si les lois ne m’ont donné aucune voie coercitive pour contraindre le commissaire-instructeur à aller plus vite ? S’il y a quelque loi sur cet objet, je l’ignore ; mais s-il nfy en a pas, je crois pouvoir en conclure qu’il est impossible de m’imputer en aucune façon la lenteur qui a eu lieu dans la marche de cette instruction. Dans le fait, peut-on me blâmer d’avoir donné la préférence aux recherches sur une affaire tout aussi grave que celle de la fabrication des faux assignats à celle du 21 juin. Puis-je être réputé coupable, parce que j’aurais donné la préférence à cette affaire, dans laquelle je sentais que les connaissances particulières que j’avais étaient individuellement nécessaires, tandis que mon intervention était inutile dans l’affaire de la fabrication des faux assignats. Voilà, Messieurs, ma conduite dans cette affaire, je la soumets avec confiance à votre jugement. Maintenant, je devais deux mots sur les deux autres affaires ; pour celle de Londres, je crois devoir, avant de vous en parler, vous faire la même observation que j’ai faite au ministre de la justice en lui en rendant compte. Celle-là est jusqu’à présent dans un état d’inaction forcée. La cause de cette inaction n’est pas de mon fait, et j’ai observé au ministre de la justice qu’il pourrait y avoir de grands inconvénients à divulguer la cause de cette inaction ; si l’Assemblée nationale n’y en voit pas, je suis prêt à lui en rendre compte sur-le-champ ; si elle v en voit, je n’en parlerai pas. ( Non ! non I) Je passe à la troisième qui est celle de Limoges. Les pièces de conviction dans cette affaire sans lesquelles il m’était impossible de rendre plainte et de faire un pas n’ont été remises au tribunal que mardi dernier 26 juillet. Mon plus grand empressement a été d’examiner ces pièces de procédure et, dès jeudi matin, j’ai été assez instruit sar cette affaire pour annoncer à mon tribunal que la plainte rendue à Limoges contre ces accusés, que l’information, que 1 interrogatoire, que tous les actes d’instruction étaient frappés de nullité radicale,; que, par conséquent, il fallait commencer par déclarer la nullité de cette procédure et me donner acte de la plainte que je rendrais pour recommencer cette procédure. En conséquence, dès jeudi matin, avant de savoir que l’Assemblée nationale s’occupait de moi, dès jeudi matin, j’avais demandé au tribunal un comité extraordinaire pour aujourd’hui, dans lequel on devait déclarer la nullité de la procédure faite à Limoges, me donner acte de la plainte que je donnais et me permettre d’ioformer. J’ose croire que, d’après les faits mieux connus, d’après l’explication que je viens de donner, l’Assemblée nationale sera assez satisfaite de ma conduite pour révoquer le décret affligeant qu’elle a rendu hier ; mais si elle se déterminait à le maintenir, je lui demanderais de nommer promptement un tribunal pour instruire sur l’accusation contre moi. Si je suis coupable, s’il reste quelque doute sur la pureté de mes intentions, s’il faut un grand et prompt exemple aux magistrats prévaricateurs, je serai la première victime, mais nommez promptement un tribunal, faites prononcer promptement mon jugement. Mais si je suis innocent, Messieurs, j’ose vous dire que vous devez quelque promptitude à la reconnaissance de cette innocence. Je suis proclamé dans tout l’Empire comme un magistrat prévaricateur, je ne puis pas et vous ne devez pas souffrir que je dorme sur une accusation de cette espèce ; si vous croyez voir mon innocence, prononcez. (Vifs applaudissements.) M. le Président répond : L’Assemblée nationale, constamment occupée du bonheur public, doit veiller, avec une attention particulière, au maintien et à l’exécution des lois ; elle voudrait ne jamais trouver des citoyens, et surtout des magistrats, en faute : elle a entendu votre justification, elle la pèsera avec une exactitude scrupuleuse. Vous pouvez vous retirer. M. Polverel se retire. M. Christin. Je fais la motion que le décret d’hier soit rapporté. M. d’André. Je ne trouve pas l’accusateur public absolument lavé des reproches qu’on lui a faits. En effet, il est certain qu’il s’est écoulé plus de 8 jours pendaDt lesquels il n’a été fait aucune poursuite. L’accusateur public dit qu’il n’a pas de moyens coercitifs ; il a les moyens qui sont entre les mains de tout poursuivant, des requêtes, des actes aux tribunaux pour poursuivre. Mais les témoignages honorables que lui donne le tribunal me paraissent prouver qu’il a péché plutôt par erreur que par mauvaise volonté. D’après cela, Messieurs, je crois que l’Assemblée doit non pas révoquer purement et simplement son décret d’hier, mais révoquer la suspension, parce qu’en effet la suspension n’a été que provisoire; parce que, d’après ce que vous voyez, il est certain qu’il n’y a point de mauvaise volonté, mais de l’erreur dans le fait de l’accusateur. (Murmures.) Plusieurs membres : Le rapport du décret! M. d’André. Je ne demande pas mieux. M. Darnandat. Je sais combien il est doux de céder au cri de l’humanité et de la justice, et combien il nous serait doux de trouver go [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.] M. Polverel plutôt innocent que coupable ; mais pour la dignité de l’Assemblée nationale il faut maintenir son décret. Vous l’avez suspendu hier de ses fonctions ; et si vous ordonnez le rapport du décret, ce sera une leçon bien terrible pour l’Assemblée nationale. (Murmures.) Plusieurs membres : Aux voix, le rapport du décret 1 M. Darnaudat. Je suis autant et plus que ces Messieurs porté à justifier M. Polverel ; mais je déclare que cette manière de le justifier ne lui convient même pas, et encore moins à la dignité de l’Assemblée. (Murmures.) Aucun des faits avancés par M. Camus ne se trouve contrarié par la défense de M. Polverel, c’est sur le récit de ces faits que vous l’avez suspendu. Ces faits existent encore, et afin que Je même empressement qui vous a porté hier à Je suspendre, ne vous fasse pas mal juger aujourd’hui, je demande que, par le comité des rapports ou par un membre pris dans l’Assemblée, il soit rendu compte dans l’instant à l’Assemblée et de la défense de M. Polverel et des faits qui sont avancés. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angèly) . Vous avez suspendu provisoirement hier, l'accusateur public, parce que vous ne saviez pas quel emploi il avait fait de son temps qu’il devait tout entier à la chose publique, et parce que la lettre qu’il vous a écrite ne vous donnait pas le détail qu’il vous a donné lui-même aujourd’hui. Maintenant que vous avez entendu M. Polverel, qu’il vous a rendu compte de sa conduite, l’affaire a changé de face : vous ne pouvez vous dispenser de lever la suspension prononcée contre lui, mais je crois intéressant que le décret que vous allez rendre contienne vos motifs. Je proposerais donc de le motiver ainsi : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu l’accusateur public du tribunal du premier arrondissement, et sur le compte qu’il lui a rendu de l’emploi de son temps, des diligences qu’il a faites dans l’affaire des faux assignats, et dans plusieurs autres qui ont occupé ses moments, notamment dans la recherche des faits relatifs au départ du roi, décrète que la suspension prononcée contre l’accusateur public du premier arrondissement est levée, d’après les nouveaux éclaircissements qui opèrent sa justification. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Camus. Je demande que dans le plan que doit vous présenter le comité de Constitution sur la manière de poursuivre les accusateurs publics qui se rendraient coupables de négligence dans l’exercice de leurs fonctions, on comprenne une disposition donnant aux accusés et aux parties intéressées les moyens de faire cesser les lenteurs dont ils auraient à se plaindre de la part de la justice. Je crois que cela est nécessaire; voici le projet de décret que je propose: « L’Assemblée nationale décrète que dans le projet de loi que le comité de Constitution présentera sur la manière de forcer l’accusateur public, le comité présentera également les moyens qui seront ouverts aux accusés et aux parties intéressées, pour faire cesser les lenteurs et les négligences dont ils auraient à se plaindre contre les accusateurs publics et contre les juges. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Buzot. Messieurs, je viens de voir dans le tableau de l’ordre du jour la lecture d’une instruction pour l’envoi de commissaires de V Assemblée nationale dans les départements. Je ne crois pas qu’on doive en ce moment-ci dégarnir l’Assemblée de 30 ou 40 patriotes. Je crois d’ailleurs que cette mesure est parfaitement inutile, alors surtout que nous recevons de tous les départements les nouvelles les plus satisfaisantes ; elle serait même, à mes yeux dangereuse, en ce que la présence des commissaires dans les départements affaiblirait nécessairement, anéantirait même la responsabilité des ministres. Mais une raison déterminante, selon moi, c’est que nous approchons du moment où nous allons nous occuper de la révision des décrets et qu’il est important que tous les députés patriotes, tous les membres de cette Assemblée, qui ont montré le plus de zèle à maintenir et à perfectionner les principes de l’acte constitutionnel, soient ici à leur poste. Je veux dire que cette révision ne présenterait pas d’inconvénients sans les bruits qu’on se plait a répandre ; 290 membres surtout peuvent nous donner à ce sujet des inquiétudes. Il est nécessaire que tout le monde soit ici lorsqu’il s’agira, par exemple, de déterminer si le décret sur la noblesse sera constitutionnel ou réglementaire.... (Murmures.) M. Martineau. A l’ordre, Monsieur Buzot! M. d’André. Il ne sera jamais question de cela: ce sont des calomnies dont on se sert depuis longtemps pour troubler l’ordre. M. Buzot. J’avais des inquiétudes que les murmures de l’Assemblée tranquillisent ; mais il est essentiel que la séparation des articles constitutionnels et réglementaires soit parfaitement faite. C’est là où l’on reconnaîtra si l’Assemblée était digne de la confiance de la nation ( Murmures ) : je n’en doute pas, Messieurs, si les députés patriotes sont ici. Je conclus, Messieurs, et je demande l’ajournement de l’instruction et de l’envoi des commissaires jusqu’après la Constitution et la révision consommées. M. d’André. Le préopinant aurait bien pu se dispenser de sa motion et s’épargner la peine de jeter des doutes sur les intentions de l’Assemblée, car il était déjà convenu et toute l’Assemblée sait que le décret dont il est question, concernant l’instruction et l’envoi de commissaires, devait être ajourné après la fin de la Constitution. Je remarque que nous devons tous être réunis pour la révision et qu’on devrait bien cesser de jeter la trouble et la désunion dans l’Assemblée en supposant toujours qu’il s’élèvera des réclamations contre les décrets constitutionnels. Non! nous ne le souffrirons pas. (Fi/s applaudissements.) 11 y a assez longtemps que l’on se sert de ces moyens-là, que l’on publie qu’il y a parmi les membres de cette Assemblée, qui n’ont signé aucune protestation, des gens qui cherchent à revenir contre ce décret sur la noblesse. Eh bien! Messieurs, l’Assemblée a assez fortement prouvé qu’elle ne permettait point qu’on parlât contre les décrets constitutionnels ; et nous prenons tous ici l’engagement, ou du moins je le prends pour moi...