[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] frère, aucun neveu contre son oncle, aucun pupille contre son tuteur, pendant trois ans, depuis la tutelle finie et réciproquement, qu’après avoir nommé des parents pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différend, et qui, après les avoir entendus, et avoir pris les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée. » M. Lanjuinals. Le délai fixé à trois ans pour le pupille tend à établir qu’il ne sera majeur qu’à 27 ans. M. Audler-Massillon. Il paraît qu’il y a plu' sieurs additions à faire à l’article. Il faut que l’obligation de nommer des parents pour arbitres soit commune au demandeur et au défendeur ; que la nomination des arbitres soit contrainte entre les deux parties, et que la décision équivale à un jugement en première instance, et soit portée, par appel et en dernier ressort, au tribunal de district. Il me semble, au contraire, convenable d’ajouter à ces mots : aucun pupille contre son tuteur, ceux-ci : à raison de la tutelle. M. de Follevlllc. C’est parce que j’honore infiniment l’institution qui vous est proposée, que je demande des moyens d’xécutmn. On pourrait dire que, dans le cas où les parties ne s’accorderaient pas sur le choix des arbitres, elles s’adresseraient aux juges qui en nommeraient d’office parmi les parents. M. Thévenot. Il serait possible que l’une des parties, ou que toutes les deux, n’eussent pas un nombre suffisant de parents ; il faut alors lais er la liberté de choisir parmi les voisins et les amis communs. M. Lavenue. Le nombre des arbitres n’est point fixé par l’article ; on pourrait décréter que les parties conviendront d’un nombre égal de parents, et que, dans le cas de partage, le sur-arbitre sera un ami commun, nommé par les parents arbitres et non par les parties. M. Ifiobespterre. Je demande la question préalable sur les amendements et sur l’article. La disposition qui en résulterait serait : 1° évidemment contraire à tous les principes ; 2° impraticable. 1° Vous voulez que le frère, plaidant contre son frère, soit jugé comme les autres citoyens ; vous voulez que le jugement soit également impartial. L'institution qu’on vous propose renferme tous les germes de la partialité; les jugements ne seraient plus rendus suivant la justice, mais suivant l’affection des juges pour les parties ; 2° comment espérez-vous que toutes les familles seront assez nombreuses pour fournir des juges? L’Assemblée décide, à une très grande majorité, qu’il y a lieu à délibérer sur les amendements et sur l’article. Le comité adopte tous les amendements. Ils sont décrétés, sauf rédaction, ainsi que l’article qui est le suivant : Art. 12. « S’il s’élève quelque contestation entre mari et femme, père et fils, frères et sœurs, neveux et oncles, ou entre alliés aux degrés ci-dessus, comme aussi entre les pupilles et leurs tuteurs, pour choses relatives à la tutelle, les parties seront tenues de nommer des parents, ou, à leur défaut, des amis ou voisins pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leurs différends, et qui, après les avoir entendues, et pris les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée. » M. Thouret, rapporteur , lit l’article 13 qui est adopté, sans changement, ainsi qu’il suit : Art. 13 « Si un père, ou une mère, ou un aïeul, ou un tuteur a des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d’un enfant, ou d’un pupille, dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra porter sa plainte au tribunal domestique de la famille assemblée au nombre de huit parents les plus proches, ou de six au moins, s’il n’est pas possible d’en réunir un plus grand nombre, et, à défaut de parents, il y sera suppléé par des amis ou des voisins. » Art. 14 « Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que l’enfant ou pupille, s’il est âgé de moins de 20 ans, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d’une année, dans les cas les plus graves. » Plusieurs membres demandent que l’âge soit étendu jusqu’à vingt-cinq ans. (On demande la question préalable sur cet amendement.) (L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer.) M. Le Chapelier. Le tribunal de famille ne doit prononcer que sur le jeune homme que la loi n’aperçoit pas encore; mais, à 20 ans, l’homme est déjà capable de connaître la loi, d’être connu par elle ; il paraîtrait extraordinaire que celui que vous admettez à la prestation du serment civique, à ce premier pas vers la dignité du citoyen, ne fût pas affranchi des liens qui retiennent l’enfance . M. Caitjuinais. Pour le bien de l’Etat, pour celui des familles, pour celui de l’individu même, l’amendement doit être adopté. M. Barnave. En faisant une Constitution libre, vous voulez créer des hommes capables de sentir cette Constitution; or, je ne connais rien qui avilisse plus les hommes que de lesasservir dans un âge où la raison se développe, où le caractère se forme, à une autre puissance que celle de la loi. Vous avez retardé la majorité politique plus que les autres peuples qui ont une Constitution : dans l’Amérique Septentrionale, où la nature du climat rend plus tardives les facultés physiques et morales, les hommes sont appelés à l’âge de vingt-un ans à l’exercice des fonctions politiques. Vous avez bien fait, sans doute, en ne suivant pas cet exemple; mais peut-être ferez-vous sagement encore en fixant à vingt ans le terme du pouvoir du tribunal de famille sur la liberté d’un citoyen; se trouvant soumis à la responsabilité personnelle pour ses propres actions, l’homme de vingt ans se préparera à la responsabilité de la chose publique; hamtué à voir la loi dominer sur sesactious, il apprendra à la respecter; il apprendra à en réclamer un jour l’exécution. Si vous étendez à vingt-cinq ans le terme fixé par l’article, le jeune citoyen passera immédiatement de l’état d’enfance à la gestion des affaires publiques ; il représentera, sans caractère, dans cette importante carrière : le caractère ne se forme pas par le temps, mais par la responsabilité de sa propre chose, de ses propres intérêts. Je demande donc, soit pour la gloire de l’espèce humaine, soit pour l’intérêt de la Constitution, que l’article du comité soit adopté. ( Une partie de l'Assemblée applaudit.) 622 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [b août 1T90,] M. Eioys. Ce n’est pas de 20 à 25 ans que la jeunesse est la moins impétueuse; c’est aiors qu’elle est sujette aux mouvements, aux agitations les plus déplorables. L’autorité du tribunal de famille ne peut dégrader l’homme, puisque c’est l’autorité de la nature. Dans un siècle de dépravation, les législateurs ne sauraient rechercher .avec tropdesoin les moyensde rappeler les mœurs, ou de s’opposer à leur perte totale; l’amendement de 25 ans est un de ces moyens; il ne peut être dédaigné. M. Tbouret.Je regrette que la disposition où je me trouve ne me permette pas de vous présenter le développement du projet de votre comité; je dirai seulement que quand un homme a 20 ans, il est temps qu’il réponde à la loi. M. lie Chapelier. Vous avez fixé à 21 ans le premier acte politique; je demande qu’on fixe à 21 ans la cessation du pouvoir du tribunal de famille. (Ce sous-amendement est mis aux voix. — La première épreuve est douteuse. — A la seconde, M. le Président pense que le sous-amendement est admis; trois de MM. les secrétaires sont du même avis; deux croient qu’il y a du doute ; un autre, qu’il est rejeté. — Le côté droit réclame l’appel nominal. — On y procède. — Le résultat donne 313 voix pour rejeter le sous-amendemeut, et 338 pour l’admettre.) M. le Président met aux voix l’article 14. Il est adopté dans les termes suivants ; Art. 14. « Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que l’enfant, s’il est âgé de moins de 21 ans accomplis, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d’une année, dans les cas les plus graves. (La séance est levée à trois heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-L’ABBÉ GOUTTES, EX-PRÉSIDENT. Séance du jeudi 5 août 1790, au soir (1). M. l’abbé Gouttes, ex-président, occupe le fauteuil. Il ouvre la séance à six heures du soir. Des députés de la commune et de la garde nationale de la ville de Remiremont, admis à la barre, font lecture d’une adresse qui exprime la plus vive indignation, contre l’auteur du journal intitulé; Patriote français, lequel, dans le n° 332, a osé calomnier de la manière la plus atroce leur patriotisme et leur dévouement à la chose publique. Tous les citoyens s’empressent de renouveler leur serment civique entre les mains de l’Assemblée, et sollicitent sa justice contre le feuilliste, leur vil calomniateur. (Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.) M. le Président accorde aux députés l’honneur de la séance. Il est également fait lecture des adresses suivantes : (I) Getto séance est incomplète uu Moniteur. Adresse du conseil général de la commune de Rennes, qui représente à l’Assemblée que le décret qui porte d’un district à l’autre les appels judiciaires, opérerait la ruine entière de cette ville, si l'Assemblée ne daignait lui accorder un secours extraordinaire : ce conseil demande qu’après la formation des tribunaux de districts, la cour provisoire établie à Rennes continue d’exister pendant le temps nécessaire pour terminer les procès, qui, à cette époque, se trouveront portés devant elle, ou que, du moins, le tribunal de district soit autorisé à juger toutes les affaires dont le présidial se trouvera saisi. Adresse des administrateurs du district de Lille, département du Nord, qui présentent à l’Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Procès-verbal de ce qui s’est passé à Estissac, le 14 juillet dernier, à la célébration de la fête de la confédération générale de France. La motion est faite et décrétée qu’il sera fait mention de ces deux pièces au procès-verbal. M. de Kyspoter, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de ce jour, au matin. Il est adopté. Les comités des rapports et de Constitution réunis présentent un projet de décret sur la formation du corps administratif du département des Landes. Ce décret est adopté, saris discussion, ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, d’après l’avis de ses comités de Constitution et des rapports réunis, « Décrète ; 1° que l’assemblée du département des Landes se tiendra, conformément à son décret du 15 février dernier, en la ville de Mont-de-Marsan ; « 2° Que les électeurs, après avoir formé le corps administratif, se retireront en la ville de Tartas, pour y délibérer sur la faculté qui leur a été laissée de proposer un alternai, s’ils le jugeaient convenable aux intérêts du département ; « 3° Que, dans le cas où les électeurs jugeraient convenable de proposer un alternat, cet alternat ne pourrait avoir lieu qu’entre la ville de Mont-de-Marsan et une autre ville de ce département : « Ordonne que son Président se retirera incessamment par devers Sa Majesté, pour la prier de faire exécuter le présent décret. » M. Ce Chapelier, appuyé par tous les députés de lu ci-devant province de Bretagne, réclame contre une procédure qui s’instruit dans les départements d Ille-et-Vilaine et de la Loire-Inférieure, sur les désordres que les paysans ont commis, il y a six mois. Ces désordres, assurément très condamnables, n’ont pas été portés en Bretagne aux mêmes excès que clans plusieurs provinces de la France. xNul homme n’en a été la victime; deux maisons ont été brûlées. Sous prétexte d’informer aujourd’hui, après un silence de six mois, ou arrache aux travaux pressants de la moisson, on traîne dans les cachots de malheureux paysans dont quelques scélérats égaraient la crédulité, en leur disant que ces désordres étaient commandés par le roi et l'Assemblée nationale. M. Le Chapelier demande que ces poursuites soient discontinuées au criminel, mais