SÉANCE DU 14 VENDÉMIAIRE AN III (5 OCTOBRE 1794) - N° 50 319 ver sa pension de 1 800 L et le traitement attaché à son grade, il ne balance pas de renoncer à cette pension, qui était toute sa fortune, et dont il pouvait jouir tranquillement au sein de sa famille, pour concourir avec ses frères d’armes à la défense de sa patrie. Depuis 1789 Dupuy s’est trouvé à plusieurs combats, et les certificats les plus authentiques prouvent qu’il s’y est conduit avec distinction. Mais, citoyens, malgré le zèle qu’il a mis dans l’exercice de ses fonctions, et quoiqu’il ait toujours été éloigné de toute espèce d’intrigues et de vues ambitieuses, il n’a pu échapper aux traits de la calomnie. Son amour extrême pour le bon ordre et la discipline militaire devaient nécessairement lui faire des ennemis; aussi, après le déblocus de Landau, place importante, où il a été chargé de missions de confiance, dont il s’est acquitté avec bien de l’intelligence, il a été arrêté et conduit à la maison d’arrêt de Pélagie, le 18 nivôse, et il y est resté oublié jusqu’au 23 thermidor. Il n’a pu encore parvenir à connaître les motifs de cette injuste détention, quelques démarches qu’il ait faites à cet égard : tout ce qu’il peut soupçonner avec quelque fondement, c’est que, témoin pendant le blocus de Landau, de bien des menées de beaucoup de perfidie, les auteurs de tant d’intrigues avaient un intérêt sensible à le tenir en chartre privée pour le forcer au silence. Mais, citoyens, une chose qu’il est bien essentiel de connaître pour l’entière justification du citoyen Dupuy, c’est que ses dénonciateurs, ceux-là même qui avaient provoqué son arrestation, ceux-là même qui avaient le plus à redouter les éclaircissements qu’il était dans le cas de donner sur la conduite des chefs de la garnison de Landau, ceux-là même, citoyens, ont été forcés de rendre justice au brave Dupuy. Il est essentiel que je donne lecture à la Convention nationale des certificats des généraux Laubadère et d’Auxon... Cependant, citoyens, malgré tant de preuves de bonne conduite, telle est l’affreuse position où se trouve Dupuy. Il ne possède plus sa pension de 1 800 livres, à laquelle il a renoncé si généreusement, pour voler au secours de la patrie en danger; Il se trouve destitué par le fait de son arrestation. Il demande à être employé de nouveau pour servir encore dans les armées de la république, ou bien il redemande sa pension; mais, en attendant, il est de la justice nationale de venir au secours de ce brave homme (75). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Jean-Mathieu Dupuy, de la commune de Dax, département des Landes, qui a servi dans les armées françaises pendant trente-quatre ans, avec autant de courage que d’intelligence, décrète ce qui suit : (75) Moniteur, XXII, 162-163. Article premier. - Sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera au citoyen Jean-Mathieu Dupuy, la somme de 1 200 L, à titre de secours provisoire. Art. II. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspon dance (76). c La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Henri Grégoire, maître canonnier de fusils, père de quatre enfants en très-bas âge, et que le travail excessif qu’il a fait dans les ateliers de la République, a mis dans un état de maladie, tel qu’il y a danger pour sa vie, décrète ce qui suit : Article premier. - Sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera au citoyen Henri Grégoire la somme de 300 L, à titre de secours. Art. II. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (77). d La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Hébert, habitant de la commune de Vaux, district de la Montagne-du-Bon-Air [Seine-et-Oise], déjà père de six enfans, et dont la femme vient d’accoucher de trois autres, décrète ce qui suit : Article premier. - La Trésorerie nationale fera passer sans délai à l’agent national provisoire du district de la Montagne-du-Bon-Air la somme de 300 L, pour être remise, à titre de secours, au citoyen Hébert, de la commune de Vaux. Art. II. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (78). e La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen (76) P.V., XLVI, 291. C 321, pl. 1331, p. 12, minute de la main de Menuau, rapporteur. Bull., 15 vend, (suppl.). (77) P.V., XLVI, 292. C 321, pl. 1331, p. 13, minute de la main de Menuau, rapporteur. Bull., 16 vend, (suppl.). (78) P. V., XLVI, 292. C 321, pl. 1331, p. 14, minute de la main de Menuau, rapporteur. Bull., 16 vend, (suppl.); Ann. Patr., n° 643 ; Ann. R. F., n° 14; C. Eg., n° 778; J. Fr., n° 740; M. U., XLIV, 217. 320 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Lorrain, de la section des Droits-de-l’Homme [Paris], déjà chargé d’un enfant, et dont la femme vient d’accoucher de deux autres ; décrète que, sur le vu du présent décret, il sera payé par la Trésorerie nationale audit citoyen Lorrain la somme de 200 L, à titre de secours. Le présent décret ne sera inséré qu’au bulletin de correspondance (79). f La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition de Marie-Anne Desnorens, veuve Monteil, de la commune d’Angoulême, dont le mari est mort à Saint-Domingue, avec le grade de lieutenant-colonel d’un des bataillons de la Charente, qui est passé en Amérique pour combattre les ennemis de la République, décrète ce qui suit : Article premier. - La Trésorerie nationale fera passer, sans délai, à l’agent national provisoire du district d’Angoulême, département de la Charente, la somme de 600 L, pour être remise, à titre de secours provisoire, à la citoyenne veuve Monteil. Art. II. - Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (80). 51 Un autre rapporteur du même comité [PAGANEL] propose, et la Convention décrète ce qui suit : La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics sur la pétition de la citoyenne Cheret, veuve de Lebrun, ex-ministre; décrète qu’au vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera à la citoyenne Cheret, veuve Lebrun, la somme de 600 L, à titre de secours. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (81). (79) P.-V., XLVI, 293. C 321, pl. 1331, p. 15, minute de la main de Menuau, rapporteur. Bull., 15 vend, (suppl.); Ann. Patr., n° 643; C. Eg., n° 778. (80) P.-V., XLVI, 293. C 321, pl. 1331, p. 16, minute de la main de Menuau. Décret anonyme selon C* II 21, p. 5. Bull., 15 vend, (suppl.) (81) P.-V., XLVI, 294. C 321, pl. 1331, p. 17, minute de la main de Paganel, rapporteur. Bull., 16 vend, (suppl.); J. Fr., n° 740; J. Perlet, n' 742. 52 PAGANEL : Citoyens, je viens, au nom du comité des Secours publics, appeler de nouveau votre attention sur les veuves et les enfants des victimes que La Fayette immola à la tyrannie dans la journée du Champ-de-Mars. La citoyenne Besse, veuve d’un de ces premiers martyrs de la liberté, vous a demandé que sa pension, liquidée à 125 livres d’après les bases fixées par le décret du 25 décembre 1792, fut portée à 300 livres. Sa pauvreté est constatée; elle n’a que sa modique pension pour fournir à sa subsistance et à celle d’un enfant en bas âge. Aucun décret n’autorise le comité des Secours à traiter les parents des citoyens massacrés au Champ-de-Mars comme ceux des autres citoyens morts pour la cause de la liberté. Il vous demande aujourd’hui cette autorisation, au nom de la patrie reconnaissante. Que manque-t-il aux martyrs du Champ-de-Mars pour acquérir à leurs veuves, à leurs enfants infortunés, un droit entier à la bienfaisance nationale? La journée du Champ-de-Mars n’est-elle pas comptée parmi les plus belles de la révolution française? n’a-t-elle pas accéléré sa marche et préparé les courages au combat immortel du 10 août? Quel était le voeu des citoyens rassemblés au Champ-de-Mars? l’anéantissement de la tyrannie; le jugement du féroce Capet. Quels étaient ces citoyens ? des sans-culottes. Eh quoi ! le dévouement volontaire d’hommes inarmés, bravant les satellites du despote, défiant la perfidie connue de La Fayette, consacrant les droits du peuple par un acte solennel, et tombant martyrs de la liberté, pour prix de leur courage et de leur amour pour la patrie ; un tel dévouement ne les associe-t-il pas au mérite de tous ceux qui sont morts et meurent encore pour elle ? Si leur gloire est la même, laisserez-vous exister une différence dans la distribution des bienfaits que la reconnaissance nationale décerne aux veuves et aux enfants de toutes ces généreuses victimes de la liberté? Votre comité pense que vous les ferez disparaître, et que vous étendrez sur les parents des citoyens massacrés au Champ-de-Mars les dispositions du décret qui assimile ceux des victimes du 10 août aux parents des défenseurs de la patrie qui sont morts en combattant pour elle. Je suis chargé de vous proposer le projet de décret suivant (82). La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics, décrète : Article premier. - Les veuves et les en-fans des citoyens massacrés dans la journée du Champ de Mars sont assimilés aux veuves et aux enfans des défenseurs de la patrie, et leurs pensions seront liquidées sur les bases et d’après les formalités prescrites par le décret du 21 pluviôse. (82) Moniteur, XXII, 161-162; Débats, n 745, 241-242.