[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j �nïvembre ira" 567 Lecoints-Puyraveau. Il a fait son devoir. Amar. Je demande s’il a fait. . . — - Oui, oui, s’écrie-t-on de toutes parts, il a fait son devoir. Amar. Nous sommes détestés par l’aristo¬ cratie et par les mauvais citoyens, parce que nous déjouons les contre-révolutionnaires. — Continuez, continuez, s’écrie-t-on. — La salle retentit d’applaudissements. On demande que la consigne soit levée. La Convention le décrète. II. Compte rendu du Mercure universel (1). Amar, AU nom du comité de sûreté générale, demande que personne ne puisse sortir de la Convention. (Décrété.) Il fait lecture d’une lettre de Rouen, adressée sous le nom de Lecointe-Puyraveau, dans la-âuelle un mouvement est annoncé, et beaucoup e lettres initiales de sous-entendus font con¬ naître une sorte de complot ou de conspiration. Lecointe-Puyraveau. La certitude que j’ai de mon innocence va me faire parler fermement. Je n’ai jamais écrit à Rouen; je n’y connais personne. J’ai souvent reçu les lettres d’un homme qui se nomme comme moi, je les lui ai renvoyées. Je n’y ai jamais aperçu de traces de conspiration ni d’incivisme. L’Assemblée peut décider; mais, quelle que soit sa décision, je suis sûr d’être déclaré innocent. Basire. Je connais peu Puyraveau. Il n’y a personne de nous qui puisse être exempt d’ac¬ cusation, s’il est ainsi mis en arrestation. Quel est son accusateur? Un chiffon de papier qui le conduirait au tribunal révolutionnaire? Un papier sans signature, sans authenticité. Où est l’aristocrate qui, voyant l’un de nous mis en arrestation sur un pareil soupçon, ne se flattera pas de faire arrêter 60 représentants des plus patriotes? Il est temps enfin que la vie des hommes publics ne soit plus aussi exposée, car, par cette sévérité, vous comprimez tous les élans du patriotisme, tous ses moyens de défense en¬ vers l’aristocratie, et la stupeur saisit tous les citoyens. Je demande la question préalable sur le projet de votre comité qui porte l’arrestation de Puyraveau. L’Assemblée rejette le projet de décret du comité et, sur l’observation d’AMAR, elle approuve la conduite de son comité de sûreté. III. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires (2). Amar. Je viens, au nom du comité de sûreté générale, vous demander pour première mesure que personne ne sorte de la salle. (Décrété.) (1) Mercure universel [18 brumaire an II (ven¬ dredi 8 novembre 1793), p. 124, col. 2]. (2) Annales patriotiques et littéraires |n° 311 du 18 brumaire an II (vendredi 8 novembre 1793) p. 1444, col. 2]. Je demande un décret d’arrestation oontre Lecointe-Puyraveau. Cet acte de rigueur est provoqué par une lettre que la section des Halles a déposée à votre comité et qui était adressée à Lecointe-Puyraveau. Le rapporteur donne lecture de cette lettre, conçue en demi-phrases, en termes équivoques, en expressions hiérogly¬ phiques et dont voici la première ligne : « Mon ami, je n’ai que le temps de te dire deux mots; le bruit a commencé hier à Rouen... » Lecointe-Puyraveau. La certitude que j’ai de mon innocence me fera parler avec fermeté. Je ne connais personne à Rouen; je n’y ai jamais écrit une seule lettre. J’en ai reçu plu¬ sieurs de cette ville et, après les avoir décache¬ tées, j’ai vu qu’elles étaient pour Leeointre, de Versailles, et je n’ai remarqué dans ces lettres, que je lui ai remises, rien que de conforme aux principes de la liberté et de l’ égalité. Je de¬ mande que l’original de la lettre dont il s’agit soit apporté ici, qu’on en examine le timbre, les accessoires, et vous jugerez si j’ai cessé un seul instant de mériter la confiance du peuple. Basire s’oppose au décret d’arrestation. Il fait valoir avec beaucoup de sagacité et d’éner¬ gie les inconvénients attachés à ce décret. « Bientôt, dit -il, la Convention sera dissoute et la contre-révolution organisée si, sur une lettre anonyme, sur de misérables chiffons de papier, qui ne sont que l’ouvrage des ennemis de la chose publique, vous alliez bannir de votre sein les meilleurs patriotes, les plus intrépides défen¬ seurs des droits du peuple. Il est temps que la vie des hommes publics ne soit pas exposée aux machinations perfides de l’aristocratie. Voyez comme ce système de terreur enchaînerait toutes les idées, étoufferait les efforts les plus généreux et arrêterait la marche de notre Révolution. Je demande la question préalable. La Convention adopte l’avis de Basire. IV. Compte rendu du Journal de la Montagne (1). Amar interrompt eet enthousiasme {celui pro¬ voqué par l'abjuration de Gobet, évêque de Paris). Il demande au préalable que les portes de la salle soient fermées. (Décrété.) a Le comité de sûreté générale, continue-t-il, m’a chargé de vous demander un décret d’arres¬ tation contre Lecointe-Puyraveau, sur la lec¬ ture d’une lettre adressée à ce dernier, et qui a été déposée au comité révolutionnaire de la section de la Halle-aux-Blés. Elle est datée du 16 brumaire. Elle porte entre autres choses ; « Mon ami, le bruit a commencé hier à midi à Rouen. On va marcher en force du côté delà Vendée... Les affaires vont bien. TVsais l’his¬ toire arrivée à... Prends garde.., R... n’oublie pas N..., etc. » Lecointe obtient la parole. Il assure ne con¬ naître personne à Rouen et n’y avoir jamais écrit. « Il y a ici, ajoute-t-il, erreur ou malveil¬ lance, et je demande que l’original de la lettre soit apporté pour que vous puissiez démêler (1) Journal de la Montagne [n° 159 du 18e jour du 2e mois de l’an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 1171, col. 2]. 068 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, \ V brumaire an H 1 ■* (7 novembre 1793 laquelle des deux a pu surprendre votre co¬ mité. » Basire s’oppose au décret d’arrestation sur un pareil indice. « Où en serions-nous, s’écrie-t-il, si notre liberté dépendait d’une lettre ano¬ nyme? S’il suffisait d’accuser sans se rendre res¬ ponsable, les plus sincères patriotes seraient-ils à l’abri de l’injustice, ou plutôt la contre-révo¬ lution ne serait-elle pas opérée? Je demande la question préalable sur le projet du comité. » (Adopté à V unanimité.) ANNEXE N° 3 A la séance de la Convention nationale du -t 9 bru¬ maire an IK (1). (Jeudi, 9 novembre 9 993.) DÉPARTEMENT DE PARIS Procès-verbal de la séance du conseil GÉNÉRAL DU DÉPARTEMENT DE PARIS DU 17 BRUMAIRE, L’AN II DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE UNE ET INDIVISIBLE, JOUR DE LA Raison (2). Le conseil général du département de Paris s’est assemblé extraordinairement, vers une heure, conformément à son arrêté en date d’hier. Ont assisté à la séance : les citoyens Momoro, Garnier, Dubois, Pierre Bourgain, Santerre, Concedieu, Gomé, Lemit, Leblanc, Peyrard, Maillard, Cauconnier, Bezot, Reverand, Pel-fresne, Dumoulin, Lemoine Houzeau, Damoye, Margotin, Bruchet, administrateurs ; Lulier, procureur général syndic; Dupin, secré¬ taire. Le citoyen Momoro a présidé l’Assemblée. Une députation du conseil général de la com¬ mune de Paris, composée des citoyens Pache, maire; Chaumette, procureur de la commune; Dorât -Cubières, secrétaire greffier, et de plu¬ sieurs officiers municipaux, s’est rendue à l’ou¬ verture de la séance. Le citoyen Bourdeaux, curé de Vaugirard près Paris, se présente au conseil général; il déclare qu’il ne peut résister davantage à l’im¬ pulsion de sa conscience et de la raison qui se révoltent contre les vils préjugés dont il fut trop longtemps le ministre; qu’il vient solennelle¬ ment abjurer ses erreurs, et renoncer pour ja¬ mais à un métier qui n’a que la fraude et la tromperie pour principe et pour objet ; qu?il va déposer à la Convention nationale ses lettres de Erêtrise, et sacrifier sur l’autel de la patrie ces ochets du fanatisme et de l’imbécillité. Cette déclaration est accueillie par les plus vifs applaudissements. Ils sont interrompus par l’arrivée du citoyen Gobet, évêque métropolitain de Paris. Admis dans le sein de l’assemblée, il déclare que sou¬ mis à la voix de la philosophie, à la volonté du peuple français qui ne permet plus aucune reli¬ gion dominante, il vient abjurer, avec ses vi-(1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 553 : 1° la lettre par laquelle les autorités constituées de Paris sollicitent leur admission à la barre; 2° la note n° 3, p. 554. (2) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise), in-4°, t. 38, n° 14. caires, le caractère de prêtre et déposer ses lettres de prêtrise dans le sanctuaire des lois. Le citoyen Labrosse, vicaire de la paroisse Saint -Paul de Paris, fait la même déclaration. A ce triomphe éclatant de la raison, tous les citoyens présents à la séance témoignent leur joie par les plus vifs transports. La salle retentit de longs applaudissements et des cris de : Vive la République ! Les vicaires métropolitains qui ont partagé avec leur évêque cet acte de vertu, sont les ci¬ toyens Denoux, Voisard, Gênais, Laborey, Dherbès, Priqueler, Lambert, Bouillotte, Des¬ landes, Delacroix, Tournaire et Telmont. Chaumette prend la parole. Il dit que le jour est enfin arrivé où la religion romaine, cette religion d’erreur et d’esclavage, par qui les rois enchaînèrent les peuples, par qui le globe entier fut encroûté de sang humain, va faire place au culte de la nature et de l’éternelle vérité. Il de¬ mande que ce jour heureux, si longtemps désiré, soit consigné dans les registres des administra¬ tions sous le nom de Jour de la Raison. Donnant ensuite un juste tribut d’éloges aux prêtres qui viennent enfin de s’élever à la dignité d’homme, il demande que l’on prenne des me¬ sures pour qu’ils ne soient point punis de cet acte de vertu, et du glorieux exemple qu’ils ont offert au monde; qu’il soit demandé à la Convention nationale que la République leur assigne des moyens d’existence qu’ils n’ont pu se procurer. Ces ( deux propositions sont arrêtées sur-le-champ. Le conseil charge le président et le procureur général syndic du département, le maire et le procureur de la commune de Paris, de présentèr au comité de Salut public des observations à ce sujet, pour qu’il soit conservé un traitement aux prêtres qui abjureront leur métier, et dépo¬ seront leurs lettres de prêtrise; et pour que, rede¬ venus citoyens, ils recouvrent tous leurs droits politiques. Le conseil général arrête qu’il se transportera sur-le-champ à la Convention nationale, avec la députation de la municipalité, pour lui pré¬ senter le citoyen Gobet et tous les patriotes qui ont suivi son exemple; et il adopte, ainsi qu’il suit, le projet de discours à prononcer par son Président, à la barre de la Convention nationale. « Citoyens législateurs, « L’évêque du département de Paris, et plu¬ sieurs autres prêtres, conduits par la raison, viennent dans votre sein se dépouiller du carac¬ tère que leur avait imprimé la superstition. Ce grand exemple, nous n’en doutons pas, sera imité de leurs collègues. C’est ainsi que les fau¬ teurs de la superstition en deviendront les des¬ tructeurs; c’est ainsi que dans peu la Répu¬ blique française n’aura d’autre culte que celui de la liberté, de l’égahté et de la vérité, culte puisé dans la nature et qui, grâce à vos tra¬ vaux, deviendra bientôt le culte universel. » Chaumette observe que le citoyen Socrate Damours, président du département de la Nièvre, présent à la séance, est digne par son civisme, sa philosophie, et les services qu’il a rendus à la République, d’accompagner la dépu¬ tation à la Convention nationale. Le conseil général arrête cette proposition. Socrate Da¬ mours s’ avance, �exprime au conseil général, au