397 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |22 février 1791.] Un de MM. les secrétaires annonce l’hommage fait à l’Assemblée nationale, des discours civiques prononcés par MM. Lesmar, professeur de rhétorique au collège de Saint-Claude, et Rimondet, curé de Longaunois, département du Jura, avant de prononcer leurs serments. M. le Président. J’ai reçu de M. Bonne-Savardin la lettre suivante : « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous adresser une pétition dont je vous prie de faire part à l’Assemblée nationale le (dus tôt qu’il sera possible. Je ne dois pas douter de l’intérêt et de l’emures ement que vous y apporterez, lorsque vous ven ez que c’est cclle/d’un prisonnier depuis dix-huit mois, qui demande des juges. « Je suis avec un très profond respect, etc.... « Signé : BONNE-SAVARDIN. » La pétition est très courte; si vous désirez l’entendre... M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Dans cette pétition, M. Bonne-Savardin demande à être jugé. Il faut ou créer un tribunal provisoire pour juger les accusés de crime de lèse-nation, ou ordonner qu’ils attendront la formation prochaine de Ja haute cour nationale. Pour moi, mon opinion est qu’il soit formé un tribunal provisoire, en laissant toutefois aux accusés la faculté d’attendre ou de ne pas attendre l’organisation de la haute cour nationale. Plusieurs membres demandent à plusieurs reprises l’ordre du jour. M. d’André. Je prie les membres qui demandent I ordre du jour de se mettre à la (.lace des accusés qui gémis-e >t depuis six mois dans les prisons, de se mettre à la place de leurs familles, de leurs amis, et je les prie de considérer si l’Assemblée peut refuser un jugement à ces accusés. M. Bouche. Il y a déjà cinq semaines que le comité de Constitution a été chargé de présenter un projet de décret pour l'établissement d’un tribunal provisoire. La pétition de M. Bonne-Savardin n’est autre chose que la demande de la préseutaiion de ce rapport. Vous ne pouvez passer à l’ordre du jour sans manquer à votre propre décret. Je demande que le rapport soit fait incessamment. M. Prugnon . Incessamment est un mot trop vagne; si nous étions en prison, je vous demande si nous serions contents du mot incessamment. Plusieurs membres : Samedi ! (L’A-semblée, consultée, charge son comité de Consti utiun de lui présenter samedi prochain un projetée nécret relatif à l’établissement d’un tribunal provisoire pour le jugement des ciimes de lèse-nation.) M. Vernier, au nom du comité des finances , demande le renvoi, aux comités des d .maines et d’imposition réunis, de l’examen de toutes les questions relatives aux salines de Franche-Comté et de Lorraine. (Ce renvoi est décrété.) Un membre demande que l’Assemblée charge son comité d’aliénation de lui présenter demain un projet d’instruction motivée, qui facilite aux receveurs de district et aux acquéreurs des domaines nationaux la fixation des annuités. (Celle motion est décrétée.) M. Pétion de Villeneuve, secrétaire, donne lecture d’une adresse des membres du comité de commerce de la ville de Strasbourg. Cette adresse est ainsi conçue : « Strasbourg, le 17 février 1791. « Messieurs, le décret émané de votre sagesse, le 12 de ce mois, assure la liberté de la culture et de la fabrication du tabac dans toute l'étendue de notre Empire; c’est un nouveau bienfait que nous devons à votre sollicitude paternelle. « Les vrais patriotes, pénétrés de la reconnaissance la plus vive, voient, dans ce décret, un gage sûr du rétablissement prochain de la tranquillité et de l’ordre dans les départements du Rhin. Les ennemis de notre sainte Constitution y voient l'écueil de leurs manœuvres coupables, et le tombeau de l’espoir insensé qu’ils avaient conçu d’opérer une contre-révolution. Leurs projets iniques sont déconcertés, leurs ressources s’évanouissent, il ne leur reste plus que la honte et le dépit. « Vous avez, pères de la patrie, affermi pour toujours le courage des uns, et terrassé l’audace des autres. Les bons citoyens de la ville de Strasbourg savent apprécier ce nouveau triomphe de la liberté. « Vous la consolidez par les lois sages que vous dictez aux Français : ces lois protègent nos droits. Nous serons soumis à la loi jusqu’à notre dernier soupir; nous donnerons à la patrie jusqu’à Ja dernière goutte de notre sang pour la défense de la liberté. ( Applaudissements .) « Nous sommes, etc. .. . M. de Portail. Je suis chargé par plusieurs militaires de demander à l’Assemblée jusqu’à quel âge on est tenu de faire le service dans la garde nationale. A Dôie, on a contraint à monter la garde un ofticier qui a servi 48 ans, qui a fait douze campagnes de guerre, qui a 76 ans, qui est sourd et que ses services et ses infirmités mettent hors d’état de servir. Je demande que l’Assemblée détermine l’âge après lequel les citoyens ne sont plus tenus de servir. M. Ce Chapelier. Le comité de Constitution fera sous peu son rapport sur l’organisation des gardes nationales. En attendant, il est peut-être utile de décréter provisoirement que, passé l’âge de 60 ans, on ne sera pas obligé au service personnel. (L’Assemblée, consultée, renvoie au comité de Constitution l’examen de la question de savoir jusqu’à quel âge on peut être obligé au service daus la garde nationale.) M. le Président. La parole est à M. Prugnon pour présenter, au nom du comité de l’emplacement, un projet de décret concernant le directoire et le tribunal de district du département de UAriège. M. Prugnon, au nom du comité de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs. Le département de i’Ariège demande à être autorisé [22 février 1791. | [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. à acquérir la maison de l’abbaye du ci-devant chapitre de Saint-Voluzien, pour y fixer sou établissement, et y placer eu même temps le tribunal de district. 11 se détache de tout ce qui est luxe, et se renferme dans les termes de vos décrets, dictés par une sévère, mais indispensable économie. Il observe même qu’une partie de ce bâtiment lui devient inutile, et qu’elle pourra être achetée par la municipalité, attendu que la maison commune cesse d’être habitable, et de lui convenir. Ainsi, dans une circonstance locale, le rapport finirait là; mais les administrateurs proposent de loger leur imprimeur, et annoncent même que déjà il est établi dans ce bâtiment. Leurs motifs sont que cela est plus commode pour le service, et que l’appartement occupé par l’imprimeur ne leur est point extrêmement nécessaire. Votre comité pense que le principe doit être inexorable, et qu’en ce genre surtout, il faut être avare de transactions, parce qu’elles mènent toujours où l’on ne croit et où l’on ne veut pas aller. Vous avez décrété, contre le vœu de votre comité, que les secrétaires même ne seraient pas logés; pourquoi un imprimeur le serait-il? Les principes sont domine les ressorts d’une machine, on ne peut leur donner trop d’élasticité et d’énergie en les formant, parce que le temps finit toujours par les affaiblir et par les détruire. Le calcul de la commodité doit disparaître.- et c’est en tout sens qu’il faut donner une éducation un peu dure à la liberté, si l’on veut qu’elle ait un jour une santé d’athlète. Enfin, il vaut mieux qu’un appartement soit vide, qu’un principe violé: et il faut tenir à cette vérité-là avec une espèce de superstition. Quand donc cet imprimeur serait un Elzévir, un Barbou, un Didot, encore votre comité serait-il d’avis qu’il faut l’inviter à retourner chez lui: et comme l’économie des paroles est aussi une de celles que voire comité professera et tâchera de pratiquer toujours, il se hâte de vous soumettre son projet de décret : «L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de l’emplacement des tribunaux et corps administratifs, autorise les administrateurs du département de l’Ariège à acquérir, aux frais des administrés, la maison de l’abbaye de Saint-Voluzien, pour y placer tant le directoire de l’administration du département que le tribunal de district, en observant les formalités prescrites par les décrets de l’Assemblée nationale, pour l’aliénation des biens nationaux. « L’Assemblée nationale décrète qu’aucun des administrateurs, juges, greffiers, archivistes, ingénieurs, sous-ingénieurs, secrétaires ou commis, ni imprimeurs, ne pourront y être logés: excepte de l’acquisition ci-dessus permise, les potagers, jardins et autres terrains, lesquels seront vendus séparément en la manière prescrite et accoutumée ; excepte, en outre, remplacement destiné pour la maison commune, lequel pourra être acquis par la municipalité, en observant aussi les formes exigées par les décrets. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité des pensions. Messieurs, vous chargeâtes hier votre comité des pensions de vous présenter ce malin un projet de décret relativement aux personnes qui ont de nouveaux mémoires à présenter pour obtenir des pensions. Voici en conséquence notre projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète: « 1° Les personnes qui, étant dans les cas prévus par la loi du 23 août dernier, pour des services rendus à l’Etat antérieurement à l’époque du 1er janvier 1790, n’auraient pas été récompensées, remettront, si fait n’a été, leurs mémoires au comité des pensions, conformément à l’article 16 du titre III de ladite loi. « 2° A l’égard de ceux qui prétendraient avoir droit à des pensions ou gratifications pour des actions faites postérieurement au lor janvier 1790, ou à raison de leur retraite postérieure à la même époque, ils se pourvoiront dans la forme prescrite par les articles 22, 23, 24 et 25 du titre Ier de ladite loi. La liste nominative, qui doit être dressée aux termes des mêmes articles, sera présentée à l’Assemblée au mois d’avril prochain, pour, sur le rapport qui lui en sera fait, être décrété, à cette époque, ce qu’il appartiendra. 3° Les personnes blessées devant Nancy, les veuves et enfants de ceux qui ont été tués dans cette action, et autres, dont l’Assemblée nationale, par son décret du 16 janvier dernier, a renvoyé les demandes à son comité pour qu’il lui en fît incessamment son rapport, demeurent exceptés de l’article précédent. (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la 3e suite des articles proposés par le comité féodal sur la suppression des droits féodaux (l). M. Merlin, au nom du comité féodal, donne lecture des articles proposés par le comité : Art. 22. (A intercaler entre les articles 5 et 6.) « Dans les pays et les lieux où les dots sont aliénables du consentement des femmes, si le rachat des droits ci-devant seigneuriaux ou fonciers dus à une femme mariée, n’est point fait eu sa présence ou de son consentement, le mari ne pourra le recevoir qu’en la forme et au taux prescrit par le décret du 3 mai 1790, et à la charge d’en employer le prix. Le redevable qui ne voudra point demeurer garant du remploi, pourra consigner le prix du rachat, lequel ne pourra être délivré au mari qu’en vertu d’une ordonnance du tribunal de district, rendue sur les conclusions du commissaire du roi, auquel il sera justifié du remploi. » {Adopté.) Art. 23. « Tous les droits honorifiques et toules les distinctions, ci-devant attachés tant à la qualité de seigneur justicier qu’à celle de patron, devant cesser respectivement par la suppression des justices seigneuriales, prononcée le 4 août 1789, et par la constitution civile du clergé, décrétée le 12 juillet 1790, les ci-devant seigneurs justiciers et patrons seront tenus, dans les deux mois de la publication du présent décret, et chacun en ce qui Je concerne : 1° de faire retirer des chœurs des églises et chapelles publiques les bancs ci-devant patronaux et seigneuriaux qui peuvent s’y trouver; 2° de faire supprimer les litres et ceintures funèbres, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des églises et des chapelles publiques; 3° de faire démolir les fourches patibulaires et piloris ci-devaut érigés à titre de justices seigneuriales. » (1) Voyez Archives parlementaires, tome XXII, séances des 30 janvier et 3 février 1791, pages 582 et 721. — Voyez egalement ci-dessus, séances des 9, 14 et 15 février 1791, pages 76, 172 et 191.