SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 42 195 la situation du citoyen Hardy, et qu’il ne s’applique naturellement qu’aux propriétaires de créances qui, en exécution de la loi du 12 février, dévoient déposer leurs titres aux directoires de districts, et non aux titulaires d’offices qui, en exécution de la loi [mots illisibles ] leur production à la direction générale, et uniquement à la direction. Certes, s’il étoit permis de faire une exception à la règle, celui-là devroit en jouir qui s’est désaisi de ses titres au premier avis qu’il en reçu de la loi, et qui les a déposés entre les mains d’une autorité constituée. S’il étoit permis de pardonner à une erreur, l’indulgence devroit être toute entière pour celui qui, en la commettant, a néanmoins rempli l’esprit de la loi; pour celui dont la conduite, malgré l’erreur, prouve son respect et sa soumission à la loi; pour celui, en un mot, à qui la même loi offroit deux dispositions, et qui a suivi celle qui ne lui étoit pas applicable. Mais une exception de cette nature, l’exception la mieux méritée, ne sauroit procéder que de la Convention nationale elle seule; c’est à elle de peser les circonstances; et de juger entre l’acte et le devoir. Quant à votre comité, esclave des principes, il ne connoît de droit que celui d’en faire une application sévère. La loi vouloit que le citoyen Hardy déposât ses titres à la direction générale de la liquidation. Ce dépôt, au contraire, le citoyen Hardy l’a fait au directoire de son district. La loi n’a pas été religieusement observée; elle ne doit aucun secours au citoyen Hardy. Je vous propose le projet de décret suivant. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Bordas, au nom] de son comité des Finances sur la demande du citoyen Hardy Lévaré pour être admis à la liquidation de son office de receveur particulier des finances en l’élection de Laval [département de la Mayenne], décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera inséré au bulletin (73). 42 Rapport et projet de décret, sur la liquidation des compagnies financières, connues sous le nom de Caisse-d’escompte, Assurance sur la Vie et Assurance contre les Incendies, présentés par CAMBON, député par le département de l’Hérault, au nom du comité des Finances, séance du 25 fructidor an II de la République, une et indivisible. Imprimé par ordre de la Convention nationale (74). (73) P.V., XLV, 270-271. C 318, pl. 1286, p. 32. Décret n° 10 886, minute de la main de Bordas, rapporteur. Bull., 29 fruct.; Moniteur, XXI, 773. (74) C 318, pl. 1286, p. 33. Débats, n° 725, 477-481; Moniteur, XXI, 774-775; J. Mont., n08 139 et 141; J. Fr., n° 723; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n° 274; J. Perlet, n° 723; Ann. R. F., n° 288; J. Paris, n° 624. L’agiotage avoit épuisé tous les moyens pour jouer sur les fonds publics; vous avez déjà anéanti les effets au porteur et les délégations sur les rentes viagères; il vous reste à vous occuper pour la dernière fois des actions au porteur, dont les propriétaires sont aussi les créanciers indirects de la République. Ce sera le dernier chaînon de l’ancien agiotage dont vous aurez à vous occuper. Il s’étoit établi des compagnies financières qui, pour se procurer des fonds, avoient émis des actions au porteur : les propriétaires de ces actions devenoient associés dans l’entreprise : ces actions se vendoient à la bourse; et, par leur hausse et leur baisse, le plus souvent combinées avec des fausses nouvelles et des mouvemens ministériels, elles alimentoient l’agiotage et procuroient des fortunes rapides et scandaleuses à ceux qui suivoient ces opérations, et presque toujours au détriment du pauvre. Ces compagnies avoient calculé l’intérêt de l’argent, combiné avec la probabilité de la durée de la vie humaine; elles avoient acquis des rentes viagères; elles en recevoient annuellement l’intérêt; elles payoient à leurs associés une dividende qui varioit, et la différence qui se trouvoit entre le montant de cette dividende et l’intérêt viager qu’elles recevoient, servoit à rembourser le capital qu’elles avoient emprunté ou qu’elles s’étoient procuré par l’émission de leurs actions au porteur. Il en résultoit que les actionnaires étoient des créanciers indirects de la Nation, qui, quoique propriétaires de rentes viagères, avoient combiné leur placement, de manière à recevoir leur remboursement de leurs capitaux à des époques déterminées et un intérêt annuel; ils avoient en outre la probabilité la plus complette de trouver dans leur placement un bénéfice considérable en sus de leurs débours, ainsi qu’il a été établi dans le rapport de votre comité des Finances sur les rentes viagères. Vous avez décrété, le 17 du premier mois, la suppression de toute ces compagnies, et vous avez ordonné qu’elles seroient obligées de se liquider avant le 1er janvier 1794 (vieux style). Leur liquidation n’a pas pu s’effectuer complètement, jusqu’à ce que vous eussiez décrété la liquidation des sommes qui leur étoient dues en viager. Par la loi du 23 floréal, vous avez renvoyé à vos comités des Finances et de Salut public, afin d’examiner s’il ne seroit pas d’une injustice rigoureuse de diminuer les capitaux qui seront liquidés en faveur des compagnies de finances, propriétaires de rentes viagères, d’après une proportion combinée sur le temps de leur jouissance, le taux de l’intérêt viager qui leur a été payé, et l’âge des têtes sur lesquelles ces rentes sont constituées. Ce renvoi a donné lieu à plusieurs pétitions; toutes ces compagnies vous ont représenté que ce seroit donner à la loi un effet rétroactif; que les actions au porteur ayant changé de propriétaire dans un temps donné, ceux qui étoient hier associés, ne le sont plus 196 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE aujourd’hui, et que si la réduction avoit lieu, elle seroit supportée par ceux qui n’ont pas joui. Toutes vous représentent que le nombre des propriétaires actuels des actions au porteur est très considérable. En effet, par la division à l’infini de cette nature de propriété les riches ont mis les pauvres à leur place, et beaucoup de pères de famille se trouvent aujourd’hui intéressés dans ces opérations. Cette dernière assertion est sur-tout fondée pour les compagnies d 'assurances à vie et d’assurances contre les incendies, dont les actions étant d’une petite valeur, se trouvent en grande partie entre les mains des artisans ou d’anciens domestiques, que les agioteurs ont mis dans ces affaires. Cette dernière considération, jointe aux in-convéniens qui résultent de l’effet rétroactif des loix, qui ne doit avoir lieu que lorsque les principes de liberté et d’égalité ont été blessés, a décidé votre comité de ne faire d’autre différence entre la liquidation des compagnies financières et des autres créanciers, que celle de les priver de l’option de conserver du viager, condition que vous avez consacrée par votre loi du 23 floréal : cette différence est fondée sur la considération que les actionnaires, qui s’étoient intéressés dans ces entreprises, n’a-voient fait leur placement que de manière à recevoir un intérêt non viager et annuel : ainsi leur sort ne sera pas changé. Cette question ainsi décidée, il ne reste qu’à régler la liquidation de ces compagnies, et de prendre des mesures pour qu’elle ne traîne pas en longueur, et que les intérêts de la République ne puissent pas être lésés. La nation a acquis par la révolution d’immenses propriétés souvent inconnues, qui proviennent des biens des émigrés, condamnés ou déportés. Partie de ces traîtres étoient intéressés dans les compagnies de finances : leur nom peut être ignoré; il en est certains qu’on ne parviendra à connoître que par leur non-présentation. La nation est devenue propriétaire de plusieurs actions au porteur, par la résistance que certaines personnes ont apportée à l’exécution de la loi du 27 août 1792, en ne faisant pas viser leurs actions qui, par ce fait, sont devenues propriété nationale. La nation a des réclamations à faire en exécution de la loi du 27 août 1792, pour le triple droit dû pour les mutations des actions, pour le timbre des actions, pour le quart du bénéfice ou dividende qui lui est dû. La nation doit prendre des précautions afin que les arrérages non réclamés lui soient connus, que les comptes de ces compagnies soient sévèrement examinés, enfin que les sommes qu’elle a à réclamer soient exactement acquittées. Ce sont ces diverses considérations qui vous ont fait décréter, pour la compagnie des Indes, que tous les fonds lui appartenans seroient déposés à la Trésorerie nationale, qui demeure chargée d’acquitter ce qui sera dû à la Nation, aux créanciers et actionnaires de cette compagnie. Ce sont les mêmes principes que nous avons adoptés pour les compagnies connues sous le nom de caisse d’escompte, assurances sur la vie, assurances contre les incendies; elles seront tenues de déposer, dans quinzaine, à la Trésorerie, les sommes et effets qu’elles ont entre leurs mains, les titres de créance qu’elles ont sur la République, les certificats des payeurs constatant les arrérages qui leur seront dus et leur quittance pour les dits arrérages. Le montant de tous ces objets sera versé dans la caisse des dépôts; ainsi la nation en deviendra dépositaire. Les compagnies dresseront des états de répartition des sommes leur appartenant, dans lesquelles elles distingueront ce qui sera dû à la nation, à leurs créanciers ou associés. Ces états seront visés par la commission des revenus nationaux, qui veillera à ce que les intérêts de la République y soient conservés. La Trésorerie prélèvera sur les sommes déposées, celles qui seront dues à la nation, et le restant sera payé aux créanciers et associés portés sur les états, en présentant un certificat de la compagnie, indiquant la somme qui lui sera due. La nation ayant intérêt dans cette répartition comme représentant les actionnaires émigrés, condamnés, déportés ou à tout autre titre, la commission des revenus nationaux recevra, pour son compte, ce qui lui reviendra en cette qualité. Les sommes qui seront liquidées, provenant de la dette consolidée ou viagère, seront portées sur le livre de la dette consolidée, au compte des créanciers ou propriétaires qui y auront droit. Votre comité a pensé que ce transfert devoit être fait sans frais, n’étant pas juste que des co-associés, qui sont obligés par la loi à se faire partager une propriété commune, fussent assujettis au paiement de 2 pour cent. S’il se trouve des citoyens qui, par la réunion de leurs diverses créances sur la Nation, ne puissent pas former une inscription de 50 L, on les remboursera à bureau ouvert; mais comme ces propriétaires, qui en général doivent être peu fortunés, et qui, à ce titre, méritent l’attention de la Convention, pour-roient être embarrassés du placement de leur petit capital, votre comité vous propose de leur permettre de le convertir en rente viagère; cette exception est dans vos principes, puisqu’elle est favorable à l’indigence. Tous les créanciers et actionnaires seront tenus de se faire connoître d’ici au premier nivôse, à peine de déchéance; cette disposition, que vous avez adoptée pour la liquidation de la compagnie des Indes, est conforme aux mesures que vous avez prises pour la liquidation de la dette publique; la Nation doit profiter de toutes les sommes qui ne seront pas réclamées; les circonstances où nous nous trouvons devant faire préjuger qu’elles appartiennent à des émigrés, déportés ou condamnés inconnus que la Nation représente. SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 42 197 La commission des revenus nationaux assistera à toutes les assemblées des actionnaires, pour y faire valoir les intérêts de la République, et examiner les comptes qui seront rendus; elle en rendra compte au comité des Finances, qui a la surveillance de toutes ces opérations. Ces mesures adoptées par votre comité, assurent et une prompte liquidation, et le paiement au propriétaire qui n’aura aucuns frais à supporter. Ceux qui auront éludé l’exécution des lois, supporteront la peine qu’ils ont encourue. La Nation sera assurée que les sommes qui lui sont dues, lui seront exactement payées, puisqu’elle en est dépositaire. Les actionnaires pourront faire valoir leurs droits, puisqu’ils liquident eux-mêmes, sous la surveillance de la commission des revenus nationaux, les intérêts qu’ils peuvent avoir dans leur entreprise. Enfin, vous parvenez d’une manière positive, à assurer la liquidation de ces compagnies, ordonnée par la loi du 17 du premier mois. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Cambon, au nom] de son comité des Finances, décrète : Article premier. - Les compagnies financières connues sous le nom de caisse d’escompte, d’assurances sur la vie et d’assurances contre les incendies, dont la suppression et la liquidation ont été ordonnées par le décret du 17 du premier mois, seront tenues de déposer dans quinzaine, à la Trésorerie nationale, les sommes et les effets non réclamés qu’elles ont entre leurs mains, appartenant à leurs créanciers, associés ou actionnaires, sous peine d’une amende d’une somme double de celle qui n’aura pas été déposée. Art. II. - Elles remettront aussi à la Trésorerie nationale, dans le même délai et sous la même peine, tous les titres de créance qu’elles peuvent avoir sur la République, avec les pièces qui sont nécessaires pour les appuyer, ensemble les certificats des payeurs, constatant les arrérages qui pourront leur être dus, et leur quittance du montant desdits arrérages. Art. III. - La Trésorerie nationale portera en dépense le montant desdits arrérages : elle les versera dans la caisse des dépôts, avec les sommes et effets qu’elle recevra en exécution du présent décret; elle le portera en recette au compte des dépôts, au crédit des compagnies auxquelles ces sommes appartiendront. Art. IV. - Lesdites compagnies dresseront deux états des répartitions, indiquant en détail les sommes qu’elles devront à la nation, et celles qui appartiendront à chacun de leurs créanciers, associés ou actionnaires; elles les remettront sans délai à la Trésorerie nationale. Art. V. - Un de ces états comprendra la distribution des sommes et effets qui seront versés dans la caisse des dépôts. L’autre sera relatif à la répartition des capitaux qui proviendront de la liquidation de la dette consolidée ou viagère, qui pourra leur être due par la nation. Art. VI. - Ces états seront visés par la commission des revenus nationaux, qui veillera à ce que les intérêts de la nation y soient conservés : 1°. Pour le triple droit dû pour les mutations des actions et les inscriptions au livre des transferts, effectuées sans que le droit d’enregistrement ait été acquitté; 2°. Pour le timbre des actions qui n’ont pas été soumises à la prestation de ce droit; 3°. Pour le quart des bénéfices et dividendes revenant à la République, à titre de contribution, en exécution de l’article XXII de la loi du 27 août 1792; 4°. Pour les actions acquises par la République, par défaut de visa ou de transcription sur le livre des transferts, par confiscation, déshérence ou autrement; 5°. Pour les dividendes échus ou à écheoir, revenant auxdites actions; 6°. Pour tout ce qui pourra être dû à la République. Art. VII. - La Trésorerie nationale se concertera avec la commission des revenus nationaux, pour retirer de la caisse des dépôts et porter en recette les sommes qui seront dues à la nation à tout autre titre qu’en qualité d’actionnaire ou d’associé. Art. VIII. - Les sommes déposées qui resteront en caisse après le prélèvement de ce qui sera dû à la nation, seront réparties à bureau ouvert, sans retenue, par la Trésorerie nationale, aux créanciers, associés et actionnaires desdites compagnies, qui seront portés sur les états, en fournissant un certificat de la compagnie, indiquant la somme qui leur reviendra et l’état où ils seront portés; ils seront aussi tenus de fournir les certificats de résidence, non-émigration, etc., exigés par la loi du 14 messidor dernier. Art. IX. - Les sommes provenant de la liquidation de la dette consolidée ou viagère seront portées sans frais au crédit du compte des créanciers, associés ou actionnaires qui y auront droit d’après les états de répartition, en fournissant un certificat de la compagnie qui indiquera la somme qui leur reviendra, et l’état où ils sont portés. Art. X. - Si les créanciers, associés ou actionnaires ne peuvent pas former une inscription montant à 50 L sur le livre de la dette consolidée, par la réunion de toute leur créance non-viagère sur la nation, ils seront remboursés à bureau ouvert de ce qui leur reviendra; si mieux ils n’aiment convertir leur capital en une rente viagère sur leur tête, d’après les