[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790. J 103 auteurs de l’exposition n’ont-ils pas prononcé leur jugement, lorsqu’ils ont dit (page 17) que les évêques doivent être prêts à se déposer eux-mêmes pour éviter les scissions et maintenir l'unité ? Ils appréhendent, disent-ils, le danger de la scission; ils l’annoncent, et ils demeurent évêques ! Ils craignent qu’on ne les appelle déserteurs de leurs églises : mais ce n’est pas déserter son église que de lui donner la paix. La désertion est un crime : la renonciation à des fonctions qu’on ne peut plus exercer avec fruit, est un devoir. Que la conduite des évêques nous les montre embrasés de la charité pour les âmes qui avaient été confiées à leurs soins; qu’ils nous procurent la paix, ou qu’ils se reconnaissent indignes de conserver le nom de pasteurs. Camus. Plusieurs curés, membres de l’Assemblée nationale, qui s’étaient fait inscrire pour avoir la parole, les vendredi et samedi 26 et 27 novembre dernier, n’ayant pas pu l’obtenir, parce que la discussion a été fermée avant qu’ils fussent entendus : Nous soussignés, prêtres -curés, députés à l’Assemblée nationale, témoins de l’opinion de M. Camus, dans la séance de l’Assemblée nationale du 27 novembre, et après en avoir lu le dé=- veloppement, déclarons reconnaître dans les principes qu’ils a établis pour base de son opinion, ainsi que dans les conséquences qu’il en a déduites, des vérités exactes, conformes à la foi catholique, à la discipline reçue dans la primitive Eglise; et y adhérer. A Paris, le 6 décembre 1790. Jos. Lancelot, recteur de Retiers, secrétaire do l’Assemblée nationale. Rigouard, curé, député de Toulon. Mougins dit Roquefort, curé de Grasse, députe'. Latyl, prêtre de l’oratoire et député du département de la Loire-Infcrieure. Gouttes, curé d’Argilliers. J.-P. Saurine, prêtre, député du département c}es Basses-Pyrénées. J. Julien, curé d’ Arrosés, député. Dillon, curé du Vieux-Pouzauges. Lecesve, curé de Saint-Triaize de Poitiers, député. Pocheron, curé, député du Charollais. Delabat, curé de Saint-Léger. Bouillotte, curé d’Àrnay-le-duc, député d'Auxois. Aubry, curé de Véel. De Launay, député de Bretagne. Gardiol, curé, député do Draguignan. Bourdon, curé d’Evaux. Gassendi, curé de Barras, député des Basses-Alpos. Rangeard, curé d’Andard. Nolff, curé à Lille. Monnel, curé de Val-de-Lancourt. Estin, prieur de Marmoutier. Le Breton, prieur de Redon. Joubert, curé d’Angoulème. Ballard, curé du Poyré. Brouillet, curé d’Avise. Massieu, curé de Cergy, député du département de Seine-et-Oise. Guixo, député, curé. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 27 NOVEMBRE 1790. LETTRE DE M. Mathias, curé d' Eglise-Neuve , en Auvergne , député à l’ Assemblée nationale , à M. Bourdon, curé d'Evaux , son co-député, ou réfutation de l'opinion de M. Camus, sur le serment à prêter par les évêques, etc. Monsieur, j’ai lu, avec toute l’attention dont j’étais capable, un écrit ayant pour titre : Développement de l'opinion de M. Camus, ... dans la séance du 27 novembre 1790; et auquel cet avocat a joint l’approbation de vingt-sept curés de l’Assemblée. Affligé de voir dans ce nombre votre nom, je prends le parti de vous adresser mes observations sur cet ouvrage. Je m’estimerais très heureux si leur lecture vous inspirait le regret d’une adhésion, qui, sans doute, vous a été surprise. J’aurai du moins suivi les mouvements de ma conscience, en révélant ce que cet écrit contient de faux et de captieux, et en mettant nos commettants à portée de l’apprécier. L’attention de l’Assemblée, dit M. Camus, a été portée sur trois points : 1° l’autorité de la nation, que l’Assemblée représente, pour porter les lois qui existent aujourd’hui sur la constitution du clergé; 2° la question de savoir si l’on devait attendre on non, pour exécuter ces lois, une décision du pape; 3° l’exactitude ou l’inexactitude des principes établis par les évêques dans leur exposition du 30 octobre dernier. C’est sur ces trois points, continue M. Camus, que je m’expliquerai successivement. PREMIÈRE QUESTION. L’Assemblée nationale avait le droit d’admettre ou de ne pas admettre la religion catholique, et par conséquent elle pouvait imposer à ses ministres les conditions qu’elle jugeait à propos. Ils étaient, à son égard, dans le cas où des missionnaires demandent à être reçus dans un état pour y porter les lumières de l’Evangile. La religion étant dans l’Etat et non l’Etat dans la religion, tout ce qui n’est que de discipline est sujet aux modifications exigées par l’Etat; et s'il n’est pas au pouvoir des puissances de la terre de changer les dogmes de la vraie religion, il n’en est pas de même de sa discipline et de ses pratiques extérieures. La juridiction n’est autre chose que le pouvoir d’exercer les fonctions attachées au caractère, pouvoir qui est transmis par l’ordination. Ce pouvoir est illimité , sa circonscription n’est qu’une loi de police, que la volonté du souverain temporel peut faire cesser quand il lui plaît. L’Assemblée pouvant s’affranchir des formes qui existaient précédemment pour la suppression et réunion de titres, la réduction des évêchés n’est qu’un avancement extérieur soumis à la volonté de la nation qui exerce la souveraineté. Voilà, monsieur, si je ne me trompe, l’analyse exacte de l’opinion de M. Camus, sur le premier des trois objets sur lesquels il nous a promis de s’expliquer successivement. L'Assemblée nationale avait, dit M. Camus, %n-I contestablement le droit de déclarer quelle serait S la religion qu'elle maintiendrait. £04 jAsseuiblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.J A-t-il donc oublié que les représentants de la nation étaient liés, à cet égard, par le vœu impérieux de leurs commettants; et quelques alternatives qu’ait éprouvées, dans l’Assemblée, la doctrine des mandats impératifs, tour à tour admise ou rejetée, suivant qu’elle favorisait ou contrariait les projets, ce vœu des commettants n’en exprimait pas moins la volonté générale. Ils ont voulu conserver la religion catholique, parce qu’ils y croyaient et qu’ils la professaient; et quelqueindélinisque l’on suppose les pouvoirs donnés par eux aux représentants de la nation pour régler la Constitution civile de l’Empire, ce serait le comble du délire d’imaginer qu’ils en ont accordé aussi d’illimités, à l’effet de déterminer ce que nous devons croire ou pratiquer. S’est-on jamais avisé de transiger sur sa foi et sur ses principes, en donnant à ses fondés de procuration des pouvoirs généraux et indéfinis ? D’ailleurs, étant presque tous catholiques, et tenus d’opiner d’après leur conscience, les représentants de la nation pouvaient-ils se dispenser de maintenir la religion qu’ils professent eux-mêmes ? Dira-t-on qu’un législateur, en sa qualité d’homme public, peut, sans blesser sa conscience, voter pour admettre dans l’Etat une religion qui n’est pas la sienne, si les circonstances impérieuses du bien public l’exigeaient ? mais (sans vouloir fixer ici les limites qui séparent cette conscience, en quelque sorte publique du législateur, de sa conscience privée et de sa conviction intime), quelles peuvent être les circonstances dans un Empire qui professe une religion vraie, faite pour le bonheur des hommes, une religion dont la morale est pure, sociale et propre à tous les gouvernements ; une religion enfin adoptée depuis quatorze siècles, par tous ou presque tous les citoyens de l’Empire, et à laquelle aucune puissance ne pourrait en substituer une autre qu’en se détruisant elle-même, et entraînant avec elle-même la ruine de la chose publique ? Enfin, l’Assemblée avait délibéré plusieurs fois sur la religion, avant qu’elle s’occupât de la constitution du clergé. Lors du décret du 2 novembre 1789, elle s’était chargée des frais du culte et de l’entretien des ministres; et l’on n’a cessé depuis d’opposer à nos réclamations, que par ce décret tout seul, la religion catholique était suffisamment déclarée la religion nationale, la seule religion d’Eiat. On ne veut donc pas dire qu’au moment où on s’est occupé de donner au clergé une constitution, V Assemblée nationale était exactement dans le cas où des missionnaires catholiques entrent dans un Etat et demandent à y être reçus, puique, dans cette hypothèse, fa religion catholique ne serait, ni de droit, ni de fait, la religion de cet Etat. On a observé à M. Camus, lorsqu’il parlait à la tribune, que nous étions baptisés; et Von en concluait , dit-il, à ce qu’il ma paru , que nous ne pouvions plus , dam cette position, délibérer sur la religion. Il faut voir dans l’ouvrage même de ce député, comme il se tire de ce pas glissant. « C’est sans doute un grand bienfait de Dieu de vouloir se contenter des promesses de nos parents pour nous inscrire au nombre des croyants, mais quand notre raison le développe, il demande alors de nous un autre hommage... une obéissance rai-sonnabl . » D’où il conclut que les Français, quoique déjà chrétiens, ont dû s'occuper delà religion. Si par s’occuper il entend délibérer , il croit donc qu’il pourrait faire usage du droit qu’il prétendait avoir de ne pas admettre la religion catholique : mais alors que devient son amour de la religion et son attachement sans partage à la foi de ses pères. S’il prend ce mot dans son acception ordinaire, le principe sur lequel repose son. opinion est évidemment faux, puisque le droit de s’occuper de la religion n’est pas celui de l’admettre ou de ne pas l’admettre (1). Aussi M. Camus avoue-t-il qu’il était du devoir de l’Assemblée de conserver la religion catholique. Si c’était là son devoir, elle ne pouvait pas faire autrement, et, dès lors, que devient cette assertion que l’Assemblée nationale pouvait déclarer quelle serait la religion qu’elle maintiendrait. Que veut-il donc dire avec son malheureux pouvoir qu’il reconnaît dans V Assemblée de préférer toute autre religion à la religion catholique. Ce pouvoir est-il un droit? mais il vient de dire lui-même qu’il était du devoir de l’Assemblée de conserver la religion catholique, et on n’a pas droit de faire une chose, lorsqu’on est obligé, par devoir, de ne pas la faire. Entend-il, par ce pouvoir, celui que donne ta force ? Mais alors l’Assemblée aurait le pouvoir de faire tout ce qui lui serait physiquement possible. Quelle pitié de comparer le royaume très chrétien, dont le roi est le fils aîné de l’Eglise, qui ne renferme dans son sein que des chrétiens, qui est en quelque sorte tout couvert des monuments que la piété de nos ancêtres éleva à la religion, à une nation livrée aux superstitions de l’idolâtrie, à qui des missionnaires annonceraient pour la première fois la religion de Jésus-Christ, et ces missionnaires, quel rapport ont-ils avec cette ancienne et respectable Eglise des Gaules, dont le ministère remonte aux siècles les plus reculés, et touche presque aux temps apostoliques? Mais je ne vais pas plus loin, monsieur, et je prétends que, soit que la religion catholique soit déjà établie, soit qu’elle s’établisse dans un Etat, on ne peut point la contraindre ou exiger d’elle qu’elle reçoive de l’autorité civile une constitution qui règle sa discipline, et détermine l’usage qu’elle doit faire de sa juridiction. Pourquoi? parce qu’il est contradictoire de dire que l’Etat reconnaît ou qu’il veut reconnaître la religion catholique, tandis qu’il la dépouille d’une autorité qui lui appartient essentiellement, sans laquelle elle ne peut ni s’établir, ni se conserver, et qu’aucune autorité humaine ne peut suppléer; ce qui m’amène naturellement à examiner les principes de M. Camus, sur la discipline ecclésiastique et sur la juridiction. Les destinées de la religion catholique n’ont pas été toujours et ne sont pas partout les mêmes. Elle est, ou protégée par les souverains temporels, et alors elle prospère ordinairement, ou seulement tolérée par eux; auquel cas, elle doit naturellement languir, ou même quelquefois être en butte aux persécutions; ce qui est un temps d’épreuves fâcheux sans doute, et qui peut néanmoins contribuer à sa gloire et à son utilité. Mais il n’est point pour elle, si j’ose le dire, un autre mode d’exister ; et si on cherchait à l’asservir sous prétexte de la protéger, elle se verrait forcée de regretter l’indifférence ou même l’intolérance des gouvernements. (1) Si quis c]ixerit hujusmodi parvulos baptisatos, cùm adoleverint, intcrrogandos csso an raluin habero velint quod patrini, eorum nomme, dùm baptisarentur, poli-tici sunt.... anathema sit. ( Concil . Trül., sess. 7, can. 14.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.[ J’ignore jusqu’où s’étendra cette protection qu’on nous fait espérer pour la religion catholique (1), et peut-être les représentants d’une nation, connue pour sa loyauté, auraient-ils du la déclarer nationale avec vp*us franchise qu'ils ne l’ont fait. Quoi qu’il en soit, telle est sa nature, et, si je puis m’exprimer ainsi, son caractère ; que si elle est paralysée dans l’usage qu’elje doit faire de son pouvoir législatif, qu’elle n’ait pas toujours une autorité active et vivifiante, qui règle son culte, les pratiques extérieures, le mode de son enseignement, son administration, la distribution des pouvoirs hiérarchiques, l’organisation de ses assemblées catholiques, etc.; car ce n’est plus la religion catholique tant qu’elle n’est pas dans toute son intégrité. Que fait la puissance civile, lorsqu’elle s’empare de tous ces objets et les règle à sa fantaisie ? D’abord, ses décrets n’ont plus la dignité qu’empruntaient de l’Eglise les lois ecclésiastiques. Elle ne peut pas, comme 1 Eglise menacer les réfractaires des peines qu’il ne lui appartient pas d’infliger. Elle est forcée de négliger des objets souvent très importants, mais qui ne lui paraissent pas tenir d’assez près à l’ordre extérieur et public. Parmi ces objets, il en est plusieurs aussi qui, n’ayant rien d’extérieur et de sensible, ne peuvent pas être la matière d’une loi. D’ailleurs elle porte nécessairement dans la confection du code ecclésiastique, ses idées et ses sentiments politiques, tandis qu’elle ne devrait consulter que les traditions canoniques , d’où il arrive que la législation de l’Eglise se trouve exposée à la mobilité de toutes les idées et à la fluctuation de toutes les opinions. Dans ces circonstances, n’est-il pas à craindre que les peuples s’accoutument insensiblement à regarder leurs chefs civils et politiques comme dépositaires de l’autorité même rtdigieuse; et jusqu’à quel point cette opinion ne pourrait-elle pas les égarer ! L’univers, suivant l’expression énergique de saint Jérome, fut étonné de se trouver Arien ; et la France peut-être, sans s’en apercevoir, se trouverait sous l’empire d’une religion dégénérée, qui ne serait que l’ouvrage des hommes. Gomment pourrait-on contester à l’Eglise le droit qu’elle a de se gouverner elle-même. Répandue dans tous les points de l’univers, et destinée à durer jusqu’à la fin des siècles, tantôt négligée, tantôt persécutée par les gouvernements civils, était-ce d’eux qu’elle devait emprunter sa force ou sa vie ? Et ceux-ci même qui doivent la protéger, par la différence de leurs institutions et les révolutions que doivent subir toutes les choses humaines, n’étaient-ils pas hors d’état de la régir et de lui garantir jusqu’à la tin des siècles la stabilité de ses lois et la perpétuité de sa discipline? L’Eglise a donc reçu de Jésus-Christ tout ce qui lui est nécessaire *pour former un gouvernement complet et éternel , et c’est ce qu’explique, avec sa précision ordinaire, M. Fleury (2). L'Eglise a , par elle-même , le droit de décider de toutes les questions de doctrine , soit sur la foi, soit sur la règle des mœurs. Elle tient ce droit de Jésus-Christ, lorsqu’il a dit à ses apôtres et à (1) Voyez le rapport de M. Durand de Maillane, sur les empêchements dirinants et les motions faites incïdem-ments à l’Assemblée sur le divorce, le célibat des prêtres, l’habit ecclésiastique, etc. (2) Instit. ecclésias, page 3. 105 leurs successeurs : allez, enseignez toutes les nations. Enntes docete... (1). Elle avait droit d’établir des canons ou règles de discipline pour sa conduite intérieure. Elle usa de ce droit dans le premier concile de Jérusalem, et saint Paul visitant le-églises, leur ordonnait d’observer les préceptes des apôtres et des prêtres (2). Elle a droit d'en dispenser en quelques occasions particulières , et de les abroger quand le bien de la religion le demande. Il est de principe que c lui qui peut faire une loi peut aussi en dispenser, ou même l’abroger. Elle a droit d'établir des pasteurs et des ministres. M. Fleury en donne la raison : pour continuer l'œuvre de Dieu jusqu'à la consommation des siècles. Elle a droit de corriger ses enfants , leur imposant des pénitences salutaires. Ce droit est une suite de celui qui lui a été donné de remettre et de retenir les péchés. Enfin , l'Eglise a droit de retrancher de son sein les membres corrompus. Saint Paul usa de ce dro't, en livrant à Satan, llyfmmée et Alexandre (3), et il traita avec une égale sévérité l’incestueux de Corinthe (4). « Voilà, continue M. Fleury, les droits essentiels de l’Eglise, dont elle a joui sous les empereurs payens , et qui ne peuvent lui être ôtés par aucune puissance , quoiqu’on puisse quelquefois, par voie de fait et par force majeure, en empêcher l’exercice. » Je reviens à M. Camus ; et après avoir montré, Monsieur, la fausseté de ses principes sur l’autorité de l’Église en matière de discipline, je vais examiner s’il est plus exact dans les notions qu’il nous donne de la juridiction ecclésiastique. Cette juridiction, suivant lui, n’est autre chose que le pouvoir d’exercer les fonctions attachées au caractère épiscopal, pouvoir qui est transmis par l’ordination (5). Ce pouvoir ne peut être limité; l’évèque possède par toute la terre le pouvoir universel qu'il a reçu, etc., etc. Ce langage a été proscrit d’avance par les saints canons (6). « Parce que la nature et l’idée d’un jugement demande qu’une sentence ne soit portée que sur ceux qui sont sujets. On a toujours été persuadé dans l’Eglise de Dieu, et le concile de Trente assure que c’est une vérité incontestable que l'absolution n’est d’aucun poids, lorsqu’un prêtre la prononce sur celui sur lequel il ri’a point de juridiction, ni ordinaire, ni subdélégué. » (Sess. XXIV, c. 7.) Les saints canons défendent expressément, et sous des peines graves, à tout évêque d’exercer les fonctions épiscopales dans un diocèse étranger sans la permission de l’évêque de ce diocèse. « Qu’il ne soit permis, dit le concile de Trente, à aucun évêque (7) d’exercer les fonctions épiscopales dans le diocèse d’un autre, si ce n’est avec la permission de l’ordinaire du lieu, et à l’égard seulement des personnes soumises au même ordinaire; et que s’il en arrive autrement, (1) Math., XXVIII, 18. (2) Actes, XV, 28, 41. (3) / Tint-., I, 20. (4) 1 Cor., III, 5. (o) Il s'exprime ainsi : La juridiction s’acquiert par le titre, elle se transmet par la délégation do celui qui a une juridiction eu vertu de son litre. (6) Concil. Trid., sess. 14, De pœnit. cap. VII. Si quis dixerit. . . . eos qui ab ecclesiasticâ et canonicâ poteslate rite ordinati, nec missi suul, sed aliundo veniunl logitimos esse, verbi et sacramentorum ministres, anathema sit. ( Concil . Trid., sess. 23, can. 7. (7) Sess. 6, De refor , cap. V. 106 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. l’évêque et ceux qui auront ainsi été ordonnés, soient, de droit, suspens, celui-là des fonctions épiscopales, celui-ci de l’exercice de leurs ordres. » Or, le concile de Trente n’a fait que confirmer à cet égard, l’ancienne discipline de l’Eglise (1). L’Eglise ne communique donc pas à ses pontifes, au moment de leur consécration, une juridiction indéfinie et celle qu’elle leur attribue est déterminée à tels lieux nommément, individuellement et exclusivement à tous autres. Ce prétendu pouvoir universel ne serait propre qu’à mettre ia confusion dans l’Eglise; et voudrait-on l’accorder dans l’ordre civil, aux différents agents de la puissance publique? Jusqu’où ne conduit pas l’amour des paradoxes et n’est-ce pas une singularité remarquable que, tandis qu’on prétend dépouiller les évêques, dont on supprime les sièges, de la juridiction qu’ils avaient sur leur territoire, on soit forcé, pour pallier cette conduite, d’étendre cette juridiction et de iui assiguer d’autre bornes que celle de l’univers ! Voici le lieu, monsieur, d’examiner ce que dit M. Camus, au sujet de la division des diocèses qui a été ordonnée par l’Assemblée. Je déclare d’abord à M. Camus que les évêques ne réclament, pour opérer d’une manière canonique la réduction des diocèses, que l'intervention de l’Eglise. Or, cette intervention n’est pas une de ces formalités dont l’Assemblée elle-même puisse s’affranchir; de sorte que tout ce qu’on lit à cet égard dans l’ouvrage de M. Camus est étranger à la question. Je lui déclare encore qu’il n’est aucun évêque d’après les assurances positives qu’ils en ont données, qui ne soit disposé à quitter son siège, lorsque l’autorité spirituelle aura délié le nœud sacré qui l’attache à son église. Je lui déclare en outre que Je clergé s’empressera d’adopter la nouvelle division, qui n’a rien de vicieux en elle-même, pourvu qu’elle soit faite par une autorité compétente. M. Camus se joue donc de ses électeurs, lors-qu’affectant de leur dissimuler le véritable état de la question, il répète, presque à chaque page, qu’un plus grand ou un moindre nombre d’évêchés n’intéiesse pas la religion. Ce qui intéresse la religion est que les nouveaux métropolitains et les nouveaux évêques aient une mission légitime et canonique ; que ceux qui sont conservés acquièrent une extension de juridiction pour le nouvel arrondissement de leurs diocèses; que les évêques, dont les sièges sont supprimés, soient dépouillés légitimement de la juridiction qui leur avait été confiée, et qu’enlin tout cela se tasse par l’autorité spirituelle, puisque donner la juridiction spirituelle ou Coter sont des actes de la juridiction spirituelle. « Vous êtes, dit Je grand évêque de Meaux, un peuple, un Etat, une société, mais Jésus-Christ qui est votre roi, ne tient rien de vous; son autorité vient de plus haut, vous n’avez pas plus le droit de lui donner des ministres, que de l’établir lui-même votre prince. Ainsi ses ministres qui sont vos pasteurs viennent de plus haut, comme lui-même; et il faut qu’ils viennent par un ordre qu’il ait établi. Le royaume de Jésus-Christ n’est pas de ce monde, et la comparaison que vous pouvez faire entre ce royaume et ceux du monde est caduque... Vous n’avez aucun droit que ceux que vous trouverez (1) Concil. Nicem. 1, cap. 38; Concil. Constanti, can. 2 ; Sardicense, 347, can. 13 ; Aurelian. 538, can. 15, etc. [27 novembre 1790.] dans les coutumes immémoriales de votre société : or, ces coutumes immémoriales, à commencer par les temps apostoliques, sont que les pasteurs déjà établis établissent les autres. Avant de passer à la seconde partie de l’ouvrage de M. Camus, il me reste à examiner ce qu’il dit de l’admission du christianisme eu Angleterre. M. Fleury raconte (1) que le roi de Gant (Etbel-berl) donna à saint Augustin, apôtre de l’Angleterre, dans sa capitale, un lieu convenable pour établir un siège épiscopal avec des biens suffisants. Il dit aussi que saint Grégoire avait indiqué Yorck pour le siège d’une métropole, et Londres pour le siège d’une autre; et que néanmoins Augustin ayant fixé son siège à Canlorbery, ou le roi l’avait établi, le projet du pape ne fut point exécuté. J’avoue que je ne vois pas ce que M. Camus peut conclure de ces faits. Ethelbert donna uu lieu convenable pour y établir un siège; mais où est-il dit qu’il l’établit lui-même de son autorité? Le projet de Grégoire, concernant l’élection de deux métropoles, ne fut point exécuté; mais est-ce le roi qui traversa ce projet; ou plutôt, n’est-ce pas Augustin lui-même qui, dépositaire à cet égard, de tous les pouvoirs de l’Eglise, crut q ’ i 1 était à propos de placer son siège métropolitain ailleurs que dans le lieu qui lui avait été indiqué par Grégoire (2)? DEUXIÈME QUESTION. La seconde question que se proposait d’exa-r miner M. Camus, était de savoir si l’on devait attendre ou non, avant d’exécuter les lois concernant l'organisation du clergé, la réponse du pape. Le clergé alléguait pour justifier la nécessité de ce recours au chef de l’Eglise, que dans cette organisation prétendue civile, étaient compris des objets purement spirituels, auxquels, par consé� quent, ne pouvait aiteindre une autorité civile et politique; que, dans ces circonstances, il n’y avait qu’un moyen d’aplanir toutes les difficultés et de calmer toules les inquiétudes : c’était de recourir immédiatement au Saint-Siège, ressource unique qui resta au clergé de France, lequel tOU»- jours attaché aux libertés de son Eglise avait sollicité inutilement la convocation d’un concile national. Cette mnnière de se défendre était franche et précise; elle méritait peut être une sérieuse d}§-= cussion. Que fait M. Camus? Il commence par nous pliquer ce que c’est que le pape ; il reconnaît en lui le centre de l’unité ; il avoue qu’il a reçu nue mission spéciale de surveillance et d’exhortar tion, mas il s’explique d’une façon ambiguë sur sa primauté de juridiction. Il y a loin de la surveillance et des exhortations d'une juridiction proprement dite qui appelle des parties devant elle , qui statue , etc. (3). (1) Ilist. ecclésiast., liv . 36. (2) Voici la lettre de saint Grégoire au moine Augustin, citée par M. Camus; elle est de 601. « Nous vous accordons l’usage du pallium ..... à la charge d'établir douze évêques qui vous seront; soumis..,, Vous enverrez pour évêque à Yorck celui qqe vous jugerez à propos ; à condition ..... qu’il ordonnera aussi j douze évêques et sera métropolitain.... Nous voulons qu’il soit soumis à votre conduite, etc.,... (Fleury, ibid.) » 1 (2) Desinimus sanctam apostolicam sedepi et roniq-i num pontifîcem in universum orbem tenere priqcipafqpi, * et ipsum pontifîcem romanum sucçe§so('em pss§ bftati [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.) $07 Ce décret fat porté en présence de l'empereur et du patriarche de Constantinople, et des évêques de l’Eglise grecque, députés au concile de Florence. Il cite ensuite saint Cyprien et saint Jérôme, dont les apôires prouvent, ce qu’on ne conteste pas, qu'il n’y a qu’un seul épiscopat, et que chaque évêque en possède une part solidaire. Il se permet une épisode sur les changements arrivés dans notre discipline, à l’occasion des décrétales, etc. Je crois qu’il eût mieux fait de se renfermer dans le second objet; sur lequel il avait annoncé vouloir s’expliquer. L’organisation du clergé est-elle purement civile ou bien s’étend-elle à des objets véritablement spirituels? Dans ce second cas, vous conviendrez, Monsieur, de la nécessité de l’intervention de l’Eglise. Quels sont donc les objets de cette organisation ? Elle dépouille le pape de la possession dans laquelle il était de confirmer les évêques nouvellement nommés ou élus, et des autres droit s spirituels que l’usage ou la concession de l’Eglise avait attaché à son siège. Elle défend de reconnaître l’autorité d’un évêque ou d’un métropolitain dont le siège serait établi sous la domination d’une puissance étrangère. Elle ne veut plus connaître la juridiction des évêques ou métropolitains supprimés, et la suppose dans les évêques ou métropolitains des nouveaux diocèses ou nouvelles métropoles. En prononçant l’extinction des enlises cathédrales, elle transfère le droit qu’elles avaient d’exercer la juridiction épiscopale, pendant la vacance du siège, au premier, et, à son défaut, au second vicaire de l’église cathédrale. Elle prononce que l’évêque ne pourra faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse, qu’après en avoir délibéré avec ses vicaires. Elle nomme vicaires de plein droit les curés des paroisses qui seront réunies à la paroisse épicopale. Elle donne enfin aux curés le droit de se choisir des vicaires parmi les prêtres ordonnés ou admis dans le diocèse par i’evêque, sans qu’il soit besoin de son approbation. Demander si ce sont là des objets spirituels, c’est demander si, à l’époque de l’organisation du clergé, le pape, les métropolitaines, les évêques, les curés, les chapitres, pendant la vacance du Saint-Siège, exerçaient une juridiction spirituelle? C’est demander si les évêques nouvellement élus, ainsi que ceux qui sont conservés, ont besoin, pour le gouvernement des nouveaux diocèses ou pour le nouvel arrondissement des anciens, d’une juridiction spirituelle? C’est demander si les actes de juridiction émanés des évêques délibérant avec leurs vicaires, seront des actes de juridiction, si les vicaires des curés rempliront à l’avenir des fonctions spirituelles? C’est demander si baptiser, confesser, absoudre, prêcher, infliger des peines canoniques, conduire Je sûmes dans les voies du salut, sont des objets spirituels? Enfin, c’est demander si la juridiction spirituelle est ou n’est pas une chimère, et s’il n’y a dans Pétri principis apostotorurn, et verum Christi esse vica-rium, totius que ecclesûe caput, et omnium christiano-rum patrern et doctorem existere, et ipsi in beato Pctro pasccndi.et regendi et gubernandi universalem Eeclesiam à D. N. J. plenam potestatem traditam esse. ce monde qu’une seule puissance qui concentre tous les pouvoirs temporels et spirituels? Et qu’on ne dise pas que, l’organisation du clergé étant conforme à la discipline des premiers siècles, l’Assemblée nationale avait droit de la décréter; et qu'en ramenant le clergé aux anciens canons, elle ferait même un bon usage de son autorité. Je suis bien éloigné, Monsieur, de convenir de cette conformité; mais je veux bien me prêter à cette supposition. « Quand il s’agirait (1) de faire revivre des canons anciens, il faudrait toujours que la puissance ecclésiastique intervînt, soit parce que l’acte de faire revivre d'anciennes lois, abrogées depuis longtemps par d’autres qui sont en vigueur, est un acte de puissance dans le même genre que celui de porter les lois ; soit parce que c’est à l’Eglise qu’il appartient d’examiner si le bien de la religion demande à retourner à l’ancienne discipline, s’il ne peut pas en résulter de grands inconvénients, etc. » D’ailleurs, Monsieur, comment serai-je assuré que les canons qu’on veut que j’observe sont précisément ceux qui étaient en vigueur dans les premiers siècles de l’Eglise ? Les monuments qui nous transmettent la foi et la morale ne sont-ils pas aussi dépositaires de notre discipline? La discipline n’est-elle pas liée au dogme, puisqu’elle sert à le défendre contre les assauts de l’hérésie (2)? Qui m’apprendra à séparer ce qui appartient à la foi, de ce qui n’est que de pure discipline? On n’a qu’à se persuader que dans les premiers siècles de l’Eglise on n’adorait point l’Eucharistie, qu’on ne bapiisait point avant l’âge de raison, qu’on ne rendait aucun culte aux saints, que le pape n’était qu’un simple évêque, etc., etc., et nous voilà, sous prétexte de retour à l’ancienne discipline, calvinistes, anabaptistes, protestants, schismatiques, etc. Quel aveuglement de ne pas voir que le dogme et la discipline se soutiennent réciproquement, et que, puisqu’on ne conteste point à 1 Eglise le droit d’enseigner elle a aussi celui d’adopter la discipline qu’elle juge la plus convenable! Quelle inconséquence de reconnaître dans l’Eglise des premiers siècles, le droit de faire des lois et de refuser aujourd’hui, à cette même Eglise, celui de modifier ou de changer celles qui sont faites, comme si l’Eglise n’avait point hérité, pour tous les temps, des prérogatives qu’elle reçut de son divin fondateur, et qu’elle ne fût plus son épouse chérie. Sans doute que la discipline des premiers siècles mérite tous nos respects, qu’il faut même s'en rapprocher autant que les circonstances des temps, des lieux et des personnes peuvent le permettre. Mais des lois propres à une Eglise qui ne faisait que de naître; qui commençait à peine à jeter les fondements de sa grandeur future ; qui toujours aux prises avec des ennemis implacables, n’en triomphait que par sa patience et l’héroïsme de ses martyrs, peuvent-elles toutes convenir à cette môme Eglise depuis que, remplissant ses glorieuses destinées, elle s’est répandue sur toute la terre, qu’elle a triomphé de tous les obstacles, et qu’elle est protégée de ceux-làmêmequi furentautrefoisses persécuteurs! Voudrait-on, pour nous ramener à l’ancienne discipline, faire observer dans toutes ses parties le décret du premier concile de Jérusalem (3) ou (1) Lettre sur le serment exigé de tous les fonction ~ v aires publics. (1) August. con Ira Pelagianos. (3) Act. apos., cap. XV, v. 29. 108 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27 novembre 1790.] assujettir les pécheurs à la pénitence publique qui a été si longtemps en usage dans l’Eglise universelle ? « Enfin (1), si la puissance séculière pouvait, de sa seule autorité, changer le gouvernement de l’Eglise, sous le spécieux prétexte de faire revivre la discipline des premiers siècles, bientôt on ne reconnaîtrait plus cette uniformité dans les points principaux du gouvernement de l’Eglise. » On oublie en effet que l’Eglise de France n’est qu’une partie de l’Eglise universelle, et que toutes les parties de ce vaste empire doivent correspondre entre elles par l'unité de législation (au moins dans les choses essentielles) comme parcelle de la doctrine. TROISIÈME QUESTION. Le troisième objet dont devait s’occuper M. Camus, était l'exactitude ou l' inexactitude des principes établis par les évêques dans leur opposi-sition du 30 octobre dernier. Pourquoi cette opposition n’est-elle signée que des évêques ? Pourquoi y trouve-t-on un plan combiné de doutes et d’incertitudes ? Tels sont les premiers reproches que fait M. Camus à l’exposition des principes. Il accuse ensuite les évêques de mauvaise foi dans leurs citations; ils avaient dit que l’élection des curés n’avait jamais été donnée au peuple. M. Camus prétend avoir cité des exemples qui prouvent le contraire. Enfin, il entreprend de prouver que les prêtres n’ont pas besoin, pour confesser, de l’approbation de leur évêque. Reprenons, l’une après l’autre, ces différentes inculpations ; et puisque M. Camus est si amer dans sa censure, voyons si, au moins, elle sera juste. L’exposition, dit M. Camus, est signée de trente évêques, et elle nest signée que par des évêques... serait-ce donc là encore un reste des idées ambitieuses, etc.? Pourquoi attribuer ce défaut de signatures de MM. les curés et autres ecclésiastiques de l’Assemblée, à des idées ambitieuses de la part des évêques ? comme si ce défaut ne pouvait pas avoir d’autres causes ou comme si des raisons de prudence ne pouvaient pas les avoir engagés à en retarder la publication. N’était-il pas naturel, au surplus, que les évêques se montrassent les premiers, puisqu’ils avaient à défendre la juridiction spirituelle, dont ils ont la plénitude? Un second reproche à faire à V exposition des principes , continue M. Camus, c'est le plan combiné de doutes d'incertitudes qui règne dans toutes les parties de ï exposition et dans son ensemble. Il regrette de ne pas y trouver la clarté et la précision de celle que fit M. Bossuet lorsqu’il exposa la doctrine catholique ..... qui ne voit que la matière de l’exposition des principes était moins susceptible de cette clarté et de cette précision, et qu’un ton plus dogmaiique eût été déplacé dans les circonstances où se trouve le clergé. Mais enfin, de l’aveu même de M. de Mirabeau, on trouve quelquefois, dans l’exposition des principes, le langage de la raison et de la sagesse. A ces deux reproches qui sont, comme l’on voit, d’une grande importance, succède une discussion qui présente un peu plus d’intérêt. Les évêques avaient dit, dans leur exposition, que les capitulaires des rois de France ont établi dans les synodes, avec le concours des chefs de l’Eglise, les métropoles et les diocèses des régions infidèles et conquises. Est-ce bien de bonne foi, s’écrie M. Camus, que les évêques traduisent par le mot concours, le terme consilium ? Est-ce bien de bonne foi que M. Camus affecte de garder le silence sur le capitulaire de Louis Ier, où se trouve le mot consensus (consentement, concours) (1)? et une interprétation des capitulaires, puisée dans les capitulaires mêmes, ne vaut-elle pas celle qu’il va chercher, on ne sait pourquoi, dans les procès que les évêques ont eu avec leurs chapitres, pour réduire les droits de ceux-ci, dans l’administration commune des diocèses, au simple conseil, en les excluant du concours. Est-ce volontairement ou involontairement, s’écrie encore M. Camus, « que les évêques ignorent que les capitulaires de nos lois étaient faits dans des assemblées de peuple et non dans les synodes ecclésiastiques? » J’invite M. Camus à lire la réponse à la lettre de M. Treilhard, en date du 30 juin. Il y verra que les assemblées de 742 et de 744 étaient de vrais conciles; « qu’en supposant même que les capitulaires dont il s’agit aient élé l’ouvrage du sénat de la nation, il ne s’ensuit pas qu’ils n’aient pas été revêtus du sceau de l’autorité épiscopale; puisque, ainsi que l’attestent Hincmar et Reginon, les diètes de cette époque, partagées en deux chambres, traitaient séparément des choses ecclésiastiques et séculières (2). » Les évêques avaient avancé qu’on ne trouvait point d’exemple d’élection à une cure faite par le peuple. M. Camus prétend qu’on en a cité ailleurs; et c’est M. Camus lui-même qui a cité ces exemples : on lui avait pourtant prouvé qu’il n’est pas heureux en citations. M. Camus cite en preuve du contraire, Gohard, Traité des bénéfices. Eh bien, ouvrez cet auteur, tome 2, à l’endroit cité par M. Camus, et vous verrez, dans les deux seuls passages de Gohard, qu’il n’y est nullement question d’élection. Le premier est une décrétale de Léon IV, en 853, qui ne parte point de choix, mais de simple consentement du peuple. Le second est un canon d’un concile de Rome, en 826, sous Eugène II, qui exclut textuellement le peuple de l’election, et qui la réserve au clergé seul, sauf ensuite l’assentiment du peuple. Voyons si M. Camus est plus heureux en raisonnements qu’en citations : Les apôtres ont laissé au peuple le choix des diacres; donc le peuple doit avoir aussi le choix de ses curés. M. Garni us connaît très bien les droits, les prérogatives des curés, ainsi que les fonctions qu’ils doivent remplir; et je le prie de relire, dans le sixième chapitre des actes des apôtres ce qui y est raconté sur l’objet de l’établissement des diacres (3) ; et quant à ce (L) Voici ce capitulaire que M. Camus s’est bien gardé do citer ; et par quelle fatalité arrive-t-il qu’après avoir fait ailleurs des doubles emplois ou le trouve ici coupable d’une réticence? « Statuimus unà cum consensu ecclesiastico. . . . Assistenlibus quoque et specialiter consentientibus. . . . episcopis à quibus jam dictæ paro-chiæ partes à nobis sibi olim commendatas recipimus. (2) Ego Karlomannus. . . . anno 742. . . . episcopos qui in regno meo sunt eum præsbiteris, ad concilium et synodum congregavi. In plenà synodo, anno 744.... unà cum consensu episcoporum sive sacerdotum vel servorum Dei consi-lio, sive comitum et optimatum Francorum colloquiis, apud Suossiouis civitatem, synodum vel concilium fa-cere decrcvimus. (3) Convocalis autem duo decim... non est œquum nos... ministrare mensis : Considerate ergô. . . . quos constitua-mus super hoc opus. (1) Lettre sur le serment. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27 novembre 1790.] 109 qu’il dit des patrons laïques, cette difficulté avait été résolue d'avance dans l’exposition des principes. « L’Eglise, en admettant une exception en faveur des patrons et fondateurs, n’a point abandonné le principe des droits des évêques, parce que l’exception même est émanée de leur consentement (1). Ma tâche sera bientôt remplie, Monsieur, et il me reste à examiner ce que dit M. Camus au sujet de l’approbation. Les trente évêques, parmi les pièces justificatives, avaient cité deux textes du concile de Trente, l’un de la quatorzième, l’autre de la vingt-troisième session (2). Il faut savoir, dit M. Camus, que ces deux textes qu’on a rapprochés, parlent de deux objets absolument différents, et que celui qui commence par ces mots persuasum, semper, etc., n’a aucun rapport à l’approbation, il a rapport au défaut de juridiction : or, approbation et juridiction ne sont pas synonymes. Eh ï qu’importe qu’on ait rapproché ces textes, ou qu’on les ait séparés. Le premier ne prouve-t-il pas que, pour pouvoir exercer les fonction pastorales, il est néce.'Saire d’avoir une juridiction, soit ordinaire, soit déléguée; quant au second texte, il établit que, pour pouvoir confesser, il ne suffit pas d’être ordonné ou admis dans le diocèse; mais qu’il faut encore être approuvé de l’évêque. Je n’examinerai point ici si les curés, en leur qualité d’ordinaires, ont le pouvoir radical de déléguer leur juridiction; mais au moins est-il certain que, dans l’usage actuel de l’Eglise, ils ne le peuvent pas : et s’il a été jugé autrement, il a été mal jugé; puisque ce serait une contravention, et aux lois du royaume, et à la pratique de l’Eglise (3). M. Camus convient lui-même qu’on a pu réserver aux évêques la réconciliation des pécheurs publics ; et la juridiction épiscopale n’est-elle pas restreinte à son tour par la réserve des cas pontificaux (4)? Je finis, Monsieur, en vous indiquant une inexactitude et une erreur échappées à M. Camus, l’une à l’occasion du concile de Trente, et l’autre au sujet de l’édit de 1695. Il dit : 1° <« que le concile de Trente n’étant pas reçu en France, les évêques n’ont pu s’assujettir, en vertu de son décret, les prêtres à la loi de l’approbation. » Il est vrai que le concile de Trente, reçu en France, quant au dogme (5), ne l’est point quant à la discipline, ce qui n’empêche pas que le décret dont il s’agit, n’ait été adopté parmi nous, par huit conciles provinciaux, par la pratique de l’Eglise gallicane, et les ordonnances de nos rois. Le décret de ce même concile sur les mariages clandestins, a-t-il été reçu autrement? S’est-on jamais avisé de révoquer en doute la nécessité (1) Page 27. Les autres exemples rapportés par Goliard ne sont point une suite du droit commun, et rentrent dans l’exception dont parlent les Evêques. (2) Persuasum semper in ecclesiâ Dei fuit, otc. (Voy. la première partie de cette lettre). Quamvis presbyteri in suâ ordinatione, à peccatis ab-solvendi potestatem accipiant ; decernit tamen sancta synodus nullum, etiam regularem, posso concessiones, secularium etiam sacerdotum audire, nec ad idoneum reputari, nisi aut parochiale beneficium aut ab epis-copis per examen.... approbationem obtineat. (cap. 2). (3) Declar. de Charles IX, 1562. Ordonn. de Louis XIII , 1619. Edit, de 1695. (4) Sess. XIY, De pœnit., cap. 7. (5) Voyez la lettre de Bossuet à M. Leibnits, sur le concile de Trente. de la présence du propre prêtre, pour la validité du mariage, sous prétexte que le concile de Trente n’a pas été reçu, parmi nous, quant à la discipline? 11 dit : 2° que la nécessité de l’approbation n’est devenue une loi que depuis 1695 (1). « Or, continue-t-il, nous le demandons a tout esprit juste et impartial : si Louis XIV a pu soumettre par un édit les prêtres à la nécessité de l’approbation, comment l’Assemblée nationale n’a-t-elle pas le pouvoir d’abroger cette loi? » M. Camus n’ignore pas (ce que je viens de dire) que, longtemps avant l’édit de 1695, l’autorité civile et ecclésiastique avait adopté le décret du concile de Trente, quamvis presbyteri; il n’ignore pas qu’un règlement de la chambre ecclésiastique, adopté par les Etats généraux en 1614, porte : que nuis prêtres ne s’ingéreront de prêcher ou de confesser, sans l’examen ou l’approbation de l’évêque diocésain et le consentement des curés; il connait aussi la déclaration de Louis XIV du 9 juillet 1646; enfin, il sait très bien que ce prince n’a pas prétendu porter une nouvelle loi; et il ose invoquer l'équité q t l'impartialité de ses lecteurs... Je crois, Monsieur, n’avoir omis ni déguisé rien de ce qui pouvait faire quelque impression dans l’ouvrage de M. Camus, lia fallu, sans doute, que la cause qu’il avait à soutenir fût bien mauvaise, pour qu’un avocat si exercé et si zélé pour faire triompher les nouveaux principes qu’il a adoptés, eût recours à des moyens aussi faibles, où règne tant de mauvaise foi, et qui sont perpétuellement en contradiction avec ce qui a été de tout temps enseigné, pratiqué dans l’Eglise et avoué des souverains eux-mêmes. J’ai gémi de voir à la fin de cet ouvrage plusieurs de mes confrères déclarer qu’ils ont reconnu dans les principes qu’il a établis, ainsi que dans les conséquences qu’il en a tirées, des vérités exactes, conformes à la foi catholique, à la discipline reçue dans la primitive Eglise, et qu’ils y adhèrent. Je les conjure, au nom de la vérité, de la religion, du ministère sacré dont nous rendrons compte un jour, eux et moi, de ne pas se laisser séduire par des raisons spécieuses, mais de s’en tenir invariablement aux traditions anciennes et à l’enseignement constant de toute l’Eglise et de tous les temps : de ne pas se laisser ébranler par des autorités humaines toujours trompeuses et nulles en matière de religion; mais de se tenir attachés à la colonne inébranlable de la vérité, à la seule autorité qui ne peut égarer celle des premiers pasteurs réunis avec le chef de l’Eglise : de s’élever au-dessus de la chair et du sang, pour n’écouter que la vérité et la conscience : de se placer en ce moment devant le tribunal du souverain juge, pour juger comme Dieu même, et régler leur conduite sur les règles d’après lesquelles Dieu lui-même les jugera. Pour moi (je le déclare à mes commettants et mes confrères), tels sont mes sentiments et mes principes. Je me croirais indigne d’eux et de leur confiance, indigne du caractère sacré dont je suis honoré, si je m’en départais jamais. Les décrets de l’Assemblée sur la constitution du clergé me paraissent, ainsi qu’à tout ce que je connais de plus éclairé et de plus sage, une usurpation évidente sur la discipline et la juridiction de l’Eglise. En exigeant le nouveau serment, on veut nous for-(1) Nous avons bien voulu réunir dans un seul edit les principales dispositions de tous ceux qui ont été faits jusqu’à présent, touchant la juridiction ecclésiastique. Préambule de l'édit de 1595. 110 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 novembre 1190.] cer à consacrer, par notre adhésion, cette usurpation inouïe, criminelle, elle-même, et effrayante dans ses conséquences. Je sais ce que je dois à Dieu. Soumis à la puissance temporelle dans tout ce qui est temporel, je dois l’être à la puissance spirituelle dans tout ce qui est spirituel. Pour régler ma conduite, j’attends la décision du souverain pontife et des évêques; ils sont mes guides et mes oracles dans tout ce qui regarde la religion. En les suivant, je ne puis errer : Ego cathedrœ Pétri consocior : super illam Petrani œaificalam esse ec-clesiam scio (Suint Jérôme, ép. xiv.) Je suis, etc. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH. Séance du dimanche 28 novembre 1790. La séance est ouverte à onze heures et demie du matin, par la lecture des procès-verbaux des deux séances d’hier. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Pezous, député du département du Tarn, demande et obtient un congé de six semaines pour vaquer à des affaires de famille. M. Vieillard, député de Coutances, membre du comité des rapports , rend compte d’une pétition des administrateurs du département du Lot, tendant à obtenir que les six commissaires nommés pour exercer provisoirement les fonctions municipales dans la ville de Montauban, soient chargés des dites fonctions, et la ville autorisée à renouveler la moitié des officiers municipaux, conformément aux décrets de l’Assemblée nationale. Il propose, en conséquence, un projet de décret, qui est adopté dans les termes suivants: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la pétition des au-ministrateurs du département du Lot; « Considérant que lorsque, par son décret du 26 juillet dernier, elle a auturisé le directoire du département à nommer six commissaires pour remplir provisoirement les fonctions municipales dans la ville de Montauban, elle n’a pas entendu priver cette ville des avantages accordés par la Constitution aux municipalités, de procéder à l’époque indiquée par la loi, au renouvellement de la moitié des membres qui doivent les composer, ni proroger les fonctions desdits commissaires au delà du temps auquel la commune de Montauban pourrait être représentée par des membres qu elle aurait élus, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Aussitôt après la notification du présent décret, les commissaires exerçant à Montauban les fonctions municipales, feront, en leur présence, tirer au sort, et indiqueront ensuite ceux des anciens officiers municipaux et notables que le sort aura désigné devoir être remplacés. Art. 2. « Celui desdits commissaires, chargé des fonctions de procureur de la commune, fera aussitôt convoquer la communauté des habitants pour procéder, le dimanche d’après la convocation, au renouvellement de la moitié des officiers municipaux et notables, et à la nomination d’un substitut du procureur de la commune. Art. 3. « Lors de l’élection, aucun des membres suspendus de leurs fonctions par le décret du 26 juillet dernier, ne pourra être élu. Art. 4. « La nomination faite, le pouvoir attribué aux commissaires par le directoire du département du Lot, cessera. Art. 5. « Les officiers municipaux nouvellement élus, remplaceront lesdits commissaires; le premier nommé fera provisoirement les fonctions de maire. Art. 6. « Les notables qui auront été élus formeront provisoirement le conseil de la commune, sans le concours d’un plus grand nombre. Art. 7. « Le substitut du procureur de la commune exercera aussi provisoirement les fonctions de procureur de la commune. » M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de judicature sur les précautions à prendre pour ce qui regarde la liquidation des offices. M. Gossin, rapporteur. Le comité de judicature, constamment animé du désir de répondre à la confiance dont vous l’avez honoré, s’occupe sans relâche des mesures nécessaires pour remplir la tâche que vous lui avez imposée. Vous avez adopté pour la liquidation des offices des hases qui assurent sa marche ; mais il est essentiel aussi que vous daigniez prendre des précautions pour épargner aux officiers et à leurs créanciers tous les frais qui ne seront pas indispensablement nécessaires pour que la liquidation soit légalement et irrévocablement consommée. Tel est l’objet des observations sommaires et du projet de decret que nous allons avoir l’honneur de vous soumettre. Vous avez confié au garde des rôles, par votre décret du 30 octobre, le soin de recevoir les oppositions qui seraient formées au remboursement des offices, et quoique, relativement à une situation nouvelle et imprévue, vous fussiez strictement les maîtres de choisir, vous avez été déterminés par la considération que les gardes des rôles étaient déjà dépositaires d’un grand nombre d’oppositions; que l’article 18 deVédit de 1771 les appelait en première ligne pour les recevoir, et que par conséquent il était naturel de leur en accorder la suite. Mais l'intérêt de ces officiers n’a pas été le seul motif de votre détermination, et vutre objet essentiel, en indiquant les gardes des rôles et en leur attribuant le droit spécial de recevoir les oppositions, avait été de faire que les créanciers sur offices n’eussent qu’une seule opposition à former, et les titulaires liquidés qu’un seul certifh at à présenter au Trésor public pour toucher leurs remboursements. Cette décision, en contrariant l’ancien état des choses, a donné heu à des difficultés que nous avons cherché à concilier ; nous nous flattons