304 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1791.] effets terribles qui pourraient résulter d’une telle négligence, on conçoit la nécessité de cette sévérité. Je demande si cet article détruirait celui du Code pénal de la marine, par exemple, qui inflige la peine de mort à l’homme qui aurait incendié un vaisseau, sauf les précautions requises par les ordonnances, et de même que ceux qui entrent dans les poudrières. M. Oarat aîné. Il me paraît inconcevable que le comité ait pu céder à cette indulgence de ne notifier à l’Assemblée qu’une peine temporaire contre un des crimes les pins graves, les plus dangereux p.mr la sûreté nationale. La peine de mort, Messieurs, elle sera trop légère encore! M. Moreau. Je demande que l’on retranche de l’article ces mots : méchamment et à dessein. En conservant ces mots, vous rendrez l’exécution de votre décret impossible. M. Martineau. J’appuie l’amendement du préopinant. Vous avez supprimé les mots : sciemment et à dessein, lorsqu'il a été question du ministère, parce que vous avez senti que c’était à l’accusé à prouver que le fait dont il est convaincu ou dont il est accusé a été commis sans dessein, et non pas à l’accusateur à prouver qu’il y avait dessein prémédité. Ici, c’est précisément la môme position. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. J’adopte les amendements et je propose la rédaction suivante : Art. 7. « Quiconque aura incendié des édifices, magasins, arsenaux ou autres propriétés appartenant à l’Etat, sera puni de mort. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Fe Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture de l’article 8 (septième du projet), ainsi conçu : « Quiconque pillera ou détruira, autrement que parle leu, les propriétés ci-dessus mentionnées, sera puni de la peine de 6 années de chaîne; et si le crime est commis avec attroupement, de 12 années de ladite peine. » M. Malouet. Un exemple vous fera sentir que cet article-là ne peut pas subsister. Oq peut détruire un vaisseau autrement que par le feu, on peut lui ouvrir une voie d’eau et faire périr l’équipage. M. Le Pelletier-Saint-F argeau , rapporteur. Monsieur, voici la réponse : c’est qu un délit moindre n’exclut pas l’accusation d’un délit plus grave. Si, par la submersion des vaisseaux, quelqu’un a péri, alors ce sera un homicide. Nous avons un article précis qni dit que l’homicide, de quelque manière et par quelque moyen qu’il ait été commis, sera puni de mort. M. Malouet. Permettez donc; mais l’accusé vous dira qu’il n’avait point l’intention de détruire l’équipage. M. Fc Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. La marine a des délits particuliers environnés de circonstances qui exigent des peines très graves à cause du grand danger qui peut résulter de ces dél ils-là ; mais je vous observe que vous avez un juré particulier de la marine. Le comité uilituire vous propose un code pénal; ainsi je crois qu’il sera bon que le comité de la marine présente nn code penal de la marine, parce que ces délits sortent absolument de là classe des délits ordinaires. M. Malouet. Il faut que vous vous accordiez relativement à ces peines avec le code de la marine. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, �[onfienr Malouet, vous avez été trompé par l’imprimé, parce que dans l’imprimé il y a le mot vaisseau; mais dans la lecture que je viens d’en faire à l’Assemblée, j’ai retranché le mot vaisseau, parce que j’ai pensé qu’il fallait un code particulier pour la marine. Au reste, voici la nouvelle rédaction : « Quiconque pillera ou détruira, autrement que par le feu, les propriétés ci-dessus mentionnées, sera puni de 6 années de chaîne, et si ledit crime est commis par plusieurs personnes réunies, la peine sera de 20 années de chaîne. » Plusieurs membres : Et le chef à la mort ! M. Martineau. Le chef d’attroupement! M. Carat aîné. Je demande que la peine de mort soit infligée dans ce cas. M. Le Pelletier-Saint-Fargean, rapporteur. Lorsqu’il y a attruupement, la loi martiale doit être exécutée. Les attroupés sont exposés à la mort et b aucoup la reçoivent. Ou ne peut donc prononcer de peine que contre ceux qui y ont échappé et la peine de 20 ans de chaîne doit paraître suffisante. M. Boutteville-Dnmetz. Je crois très difficile que l’Assemblée ne se détermine pas à appliquer la peine de mort à un fait aussi funeste pour la chose publique. Vous avez toujours îe désir de graduer vos peines, et rien n’est aussi sage. Mais, remarquez qu’il y a, pour ainsi dire, impossibilité à trouver toujours une giadation telle que vous appliquiez à certains délits une peine qui convient; si vous voulez toujours redescendre avec les nuances, que vous apercevez dans le fond, vous finirez par punir tiès légèrement des crimes encore très graves. Je crois donc qu’il faut respecter, autant qu’il est possible, voire principe de gradation; mais je crois que le principe à respecter est celui d’appliquer une peine réprimante à un crime très dangereux pour la chose publique. Je prie donc Monsieur le rapporteur de réfléchir. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Ici on suppose que l’attroupement a été repoussé, qu’il n’est pas arrivé un seul accident ; c’est pour cela qu’ou ne vous propose pas la peine capitale. M. Boutteville-Duinetz. Si vous laissez l’article tel qu’il est, vous donnez au chef ia faculté de se retirer. M. Prieur. Je demande la question préalable sur l’amendement. M. Malouet. Je donne ici un exemple. Que 305 [Assemblée oalonale.) AP»CHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 179l.j les approvisionnement d’une campagne arrivent dans la rade de Brest sur des bateaux; que toutes les provisions de vivres et munitions qui doivent servir à l’approvisionnement d’une campagne de 40 vaisseaux, se trouvent tout à la fois dans la rade de Brest : supposez un homme ui ait été payé richement par l’ennemi pour étruire tous les bateaux vivriers autrement que par le feu, il n'a pas besoin� d’attroupement; 5 ou 6 personnes lui suffisent; il n’a qu’à faire des voies d’eau à tous les bâtiments chargés de vivres et de munitions; ils peuvent tous clans une nuit être coulés à fond, et on ne peut faire la campagne. Je demande si un pareil crime est suffisamment puni par 6 années de chaîne : non. Mais cependant il y a UDe distinction à faire entre l’action de pilier et celle de détruire : je propose donc d’appliquer la peine de 6 années de chaîne au pillage et la peine de mort à la destruction. A gauche : Bravo 1 M. Duport. Quant à l’observation qui a rapport aumutj9ilZa£c,jevous prie, Messieurs, de vous fixer sur une réflexion qui a été généralement faite sur les anciennes lois criminelles : vous aviez une loi qui condamnait à mort et à la roue l’homme qui volait sur le grand chemin, qu’il eût assassiné ou non : et tout le monde a remarqué que cette loi encourageait à l’assassinat, car rhomme qui volait avait un avantage évident à assassiner puisqu’il s’ôtait un témoin. Eh bien ! Messieurs, c’est la même chose qu’on vous propose de faire. Car, il est dit que, lorsqu’il y aura des hommes attroupés, ils seront condamnés à 20 années de chaîne, ce qui est une peine très forte. On vous dit de les condamner à mort, eh bien ! que h rez-vous à ceux qui auront commis des meurtres ou violences dans cet attroupement? Si vous ne réservez pas une peine plus forte pour ces derniers, alors vous êtes précisément dans le cas de l’ancienne loi, où l’assassin était puni comme le voleur, et où les voleurs devenaient par là assassins. Il faut au moins que ceux qui ont deux crimes à commettre ne soient pas invités à commettre le plus fort. Je demande donc, Monsieur le Président, que l’on supprime de l’article le mot piller , parce que d’abord il ne peut pas aller avec le mot détruire. Je demande ensuite que l’on applique 10 années de chaîne à ceux qui auront attaqué des propriétés de l’Etat. Quant à la motion de M. Malouet relativement au vaisseau, cela regarde le Gode pénal de la marine. Ainsi, que l’Assemblée se tranquillise, elle n’a qu’à en décréter le renvoi au Gode pénal de la marine. Je demande enfin, Messieurs, que vous respectiez la vie des hommes et, pour cela, je demande qu’un réserve la peine de mort pour ceux qui auront commis des meurtres dans l’attroupement ; et que, dans le cas qui nous occupe actuellement, on applique la peine de 20 années de chaîne. M. lie Pelletier-Saint-Fargeau , rapporteur. J'adopte la proposition de M. Duport. (L’Assemblée consultée décrète, après une épreuve douteuse, qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements de MM. Boutteville-Dumetz et Malouet.) lr# Série. T. XXVI U M. l