U [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 décembre 1789.] sans que jamais ces pensions puissent être plus fortes que 2,000 livres. Art. 3. L’Etat sera chargé de pourvoir à l’éducation et au placement des enfants de celui qui aura été tué au service de la patrie, et qui n’aura pas laissé, à sa mort, une fortune suffisante pour les élever. Art. 4. Aucune pension ne sera réversible aux femmes ni aux enfants. Art. 5. U sera formé un comité, composé d’un député de chaque province, qui sera chargé d’examiner l’état des pensions, qui jugera celles qui doivent être supprimées ou diminuées, et portera son travail à FAsssemblée, qui prononcera définitivement. Art, G. Tout pensionnaire, pour quelque cause que ce soit, qui aura une pension affectée sur une recette publique quelconque, sera obligé d’apporter, dans deux mois, son titre au comité des finances, qui y mettra son visa, et en tiendra registre. Les pensionnaires qui sont en Amérique, auront un an pour rapporter leurs titres ; ceux qui sont dans l’Inde auront deux ans : passé ces époques, tout pensionnaire qui n’aura pas rempli cette formalité, sera déchu de sa pension. Art.7.Tout pensonnaire qui sera expatrié, ne jouira de sa pension que lorsqu’il sera de retour dans le royaume. Ceux qui seront employés par le gouvernement seront seuls exceptés. » Plusieurs membres réclament l’impression de la motion de M. de Montcalm. L’impression est ordonnée. M. le baron Félix de Wissspfen (1). Messieurs, je lisais, dans un ouvrage nouveau, que l’excès dans les dons devait nécessairement produire l’excès dans les restitutions, lorsqu’on me remit l’état des pensions. Aussitôt je fermai le livre pour jeter un coup d’œil sur la liste des enfants de la patrie. J’en trouvai quelques-uns que la patrie reconnaît aussi dignes des bienfaits que de son estime. Elle n’en doit point avoir d’autres. Cependant j’y rencontrai les noms d’une foule Je personnes, qui ne sont que les enfants gâtés de la fortune, et que Infortune même n’eût jamais adoptés; encore moins gâtés, si elle n’étàit pas aveugle, car c’est presque toujours en raison inverse de leur utilité, qu’elle choisissait ses favoris. Mais hélas! ce qu’on emprunte de la fortune et des hommes, est inconstant et passager comme eux. Aujourd’hui qu’instruits par l’expérience, fille tardive du temps et de la souffrance, vous allez donner des yeux à la fortune française, permet-tez-moi de ne pas me borner à la motion de M. Camus, qui tend à suspendre le paiement des pensions, tandis que celles de 1788 sont encore arriérées, et qu’il me paraîtrait barbare de condamner à la plus profonde misère d’anciens serviteurs de l’Etat, parce qu’on s’est plu à confondre, sous le même nom de pension, le faible dédommagement d’une longue carrière de privations, de dangers et de douleurs, avec les récompenses que l’orgueil accorde à la bassesse. * Je vais donc, Messieurs, me renfermer dans les pensions purement militaires, qui sont toutes susceptibles d’être tarifées avec la plus grande équité en prenant pour base les grades de Ta hiérarchie militaire et les services utiles, le nombre des campagnes de guerre qu’aura fait chaque pensionnaire, additions qui ne vous ruineront pas. Après m’avoir entendu, Messieurs, vous penserez peut-être que ce tarif est également applicable* à la marine, même aux affaires étrangères, parce qu’un envoyé, un ministre, un ambassadeur, peuvent se tarifer aussi bien qu’un colonel, un brigadier, un général, et qu’en nommant un comité ad hoc, pour cet objet, vous simplifieriez et allégeriez infiniment votre travail, et établiriez un tel ordre de choses, qu’il serait à jamais impossible que la nation payât une seule pension qui ne fût pas méritée; au lieu qu’en tranchant à tort et à travers, vous vous exposeriez à faire le contraire de ce que vous vous êtes proposé: car, avant tout, Messieurs, vous voulez être équitables et votre intention n’est certainement pas de donner à vos grandes opérations des ennemis fondés en raisons, dont les justes clameurs prêteraient trop de force aux ennemis du bien public. Vous n’ignorez pas, Messieurs, qu’il est des officiers de tous grades, qui n’ont pour toute ressource que leur pension de retraite; vous n’ignorez pas davantage que les officiers particuliers actuellement au service, surtout dans l’infanterie, sont de la classe la moins aisée; et si,. comme je le pense, la vraie, la bonne politique est toujours d’accord avec l’exacte justice, nous devons, à double titre éviter de répandre dans Farinée une inquiétude qui pourrait la détacher de la révolution, et lui faire désirer le retour de l’ancien gouvernement. Il est donc de la vraie politique et de l’exacte justice, Messieurs, de commencer par rassurer une classe qui mérite d’autant moins d’être inquiétée, que ce ne sont pas les faveurs dont elle jouit, qui ont obéré le Trésor royal. Si, dans ce que je vais avoir l’honneur de vous proposer, je trouvais un contradicteur, qui prétendrait me réfuter par des comparaisons tirées des services étrangers, où le tarif est infiniment plus fort que celui que j’ai conçu, je ne lui répondrais que par un mot que voici: — Il est bien different de servir un maitre ou de servir une patrie. Pour réussir, l’esclave doit avoir des vices à commandement, et ces vices lui doivent être payés; mais le citoyen n’a jamais trop de vertus. Ce n’est pas que j’ignore que nous sommes trop policés pour être si vertueux; que nous ne sommes ni à Sparte ni à Saint-Marin; que d’ici à ce que nous soyons sevrés de nos vieilles habitudes tous les genres de zèle veuillent encore être soutenus par un composé de différents ingrédients; que des législateurs doivent transiger avec les passions, les mœurs, les préjugés et les abus; que les exceptions ne sont proposées pour règle que par des esprits vertueusement exaltés, qui, dans leur vœu, chimère de la morale, se flattent de réaliser la république de Morus ou de Platon. C’est parce que je sais tout cela, que je me détermine pour le medium du sage, que je trouve dans des récompenses d’autant plus flatteuses qu’elles portent leurs titres avec elles, et que leur tarif s’oppose à tout moyen de corruption. Car ne nous y trompons point, la récompense arbitraire équivaut à la contrainte, et notre liberté est trop jeune pour ne pas la tenir en lanière. En conséquence de ce que je viens d’établir, je vous propose, Messieurs, le décret suivant; « L’Assemblée nationale a décrété et décrète: 1° que tous les officiers, depuis les sous-lieutenants jusqu’aux lieutenants colonels inclusivement, actuellement retirés avec des pensions de retraite, continueront d’en jouir comme par le passé; 2° Que les colonels, brigadiers des armées dœ Roi, maréchaux de camp, lieutenants généraux (1) Ce discours est incomplet au Moniteur.