m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 janvier 1790.] Madame Royale. M. le président lui a adressé le discours suivant : « Madame, « Le tribut de respect que viennent offrir les représentants de la nation, n’est plus un vain cérémonial. Vous partagez la gloire et les inquiétudes d’un roi dont les vertus sont chéries dans les deux mondes. Vous veillez sans cesse au bonheur d un prince digne à jamais de l’amour de tous les Français. Tous les citoyens savent avec quel soin vous élevez ces aimables enfants qui nous inspirent un si grand intérêt; et c’est au nom des Français, toujours sensibles et toujours fidèles, que nous vous présentons, Madame, les hommages d’un respectueux dévouement. » Sa Majesté a répondu : « Je reçois avec beaucoup de sensibilité les vœux de la députation. Je vous prie d’en assurer tous les membres de l’Assemblée nationale. » M. le Président lit une lettre du président du district des Cordeliers, qui rend compte à l’Assemblée nationale des motifs qui ont déterminé un détachement du bataillon de ce district à arrêter la voiture publique de Paris à Limoges, chargée de matières d’or et d’argent et d’espèces monnayées, en assurant l’Assemblée que les citoyens du district ont fait déposer les caisses contenant ces matières d’or et d’argent, en lieu de sûreté, pour en disposer conformément aux ordres des représentants [de la nation. Cette lettre engage la discussion suivante. M. IVaurissart demande que M. le président écrive au district pour demander qu’on rendît sur le champ les caisses ; ce qui est décrété. M. Grangier propose de déclarer, par un décret, que la circulation des métaux est libre dans l’intérieur du royaume; sur quoi l’Assem-blé3 prononce qu'il" n’y a pas lieu à délibérer. M. le B*résidemt lit une lettre que lui adresse l’administrateur général des postes, pour le prévenir qu’il lui renvoie trois lettres cachetées du sceau de l’Assemblée, sans adresse ou sans destination indiquée. M. le Président est autorisé, selon l’usage, à ouvrir ces lettres, pour les remettre à ceux qui les avaient écrites. M. le Président communique à l’Assemblée une lettre et un mémoire du contrôleur général des finances, qui demande que l’Assemblée autorise son président à écrire aux différentes municipalités, comme il l’a fait dernièrement à celle de Dreux, relativement aux difficultés qui s’élèvent en plusieurs endroits pour le recouvrement des impositions : plusieurs municipalités ne se sont conformées ni aux décrets de l’Assemblée, ni au règlement du roi pour le rétablissement des barrières et des employés des fermes; la fraude en sel et en tabac s’y fait publiquement; les villes se sont refusées jusqu’ici à user des moyens qui étaient entre leurs mains , l’incohérence des opinions et des conduites laisse régner le désordre et l’anarchie. M. le Président est chargé d’écrire à ces différentes municipalités. M. le Président. L’ordre du jour appelle la discussion du rapport du comité de jurisprudénee criminelle, mais je dois faire remarquer à l’Assemblée que ce rapport n’a pu encore être imprimé et distribué. L’Assemblée ajourne à huitaine la discussion sur cet objet. M. le Président fait part d’une adresse de la commune, qui annonce que le soldat trouvé blessé dans sa guérite ne paraissait pas avoir été assassiné; qu’il est très-probable qu’il s’est blessé lui-même, et qu’ayant été, sur ce soupçon, conduit dans les prisons de l’Abbaye, il s’est donné trois coups de couteau qui ne sont pas dangereux. La discussion sur les finances est reprise. M. l’abbé Maury. Depuis plusieurs jours j’avais demandé une commission pour la recherche de la dette publique, et que la commission proposée par le comité des finances pour s’occuper seulement de l’arriéré était insuffisante. L’on peut prendre un parti, sans prononcer le nom de suspension, parce que ce mot porte toujours avec lui une idée de discrédit qui ne convient pas à la nation. M. Duport. Je propose de faire entrer les honoraires des ambassadeurs dans la liste civile. Cette motion n’a pas de suite. M. de Caæalès. Je demande que l’Assemblée destine les mardis, jeudis et samedis aux finances. L’assemblée ne prononce rien à cet égard. M. Camus. Je me présente, non pour combattre le plan du comité des finances ni pour le discuter, parce que l’impression en a été ordonnée. Ce plan offre un vaste projet de matières séparées les unes des autres, et susceptibles d’une discussion particulière; la matière des pensions qui fait partie de ce plan a été discutée pendant deux jours consécutifs, et elle peut recevoir une décision. Je crois qu’il faut écarter tout autre objet, et se borner à la suspension des pensions, sans y comprendre les frais de l’Assemblée nationale; qu’il ne peut pas être question de l’arriéré de ces pensions, puisque le compte en a été fait; qu’il s’agit seulement de suspendre le paiement de toutes les pensions qui sont au-dessus de 1,200 liv., jusqu’à ce que la liquidation en soit faite; enfin, qu’il faut payer tout ce qui est nécessaire pour la subsistance, jusqu’à ce que l’on soit assuré de la légitimité de ces pensions. Je demande la division du plan. M. Duport. Je n’entre pas dans la discussion des objets qui ont été présentés par le comité; il s’en trouve un qui est clair, qui ne demande pas un long examen, et qui peut être décrété dans cette séance ; c’est la liste civile. 11 convient que cette liste soit décrétée dans la séance ; les dépenses des affaires étrangères n’y seront pas comprises chez nos voisins. En conséquence, je propose de décréter : « Que le Roi sera supplié de fixer lui-même la somme qu’il croit nécessaire pour sa dépense personnelle, celle de sa maison, menus plaisirs, maison de ses enfants et de ses tantes, ou d’accepter celle de 20 millions pour les mêmes objets. » M. Target. Je pense que l’on doit en venir aux [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |2 janvier 1790.] 63 pensions; que cette matière a été suffisamment discutée, et que c’est le moment de prononcer. M. le Président met aux voix la question de savoir à laquelle des deux motions la priorité sera accordée : celle de M. Camus l’obtient, et elle est ajournée. L'Assemblée passe à son ordre du jour de 2 heures et reprend la discussion sur l’affaire de Toulon. M. Ricard de Séalt annonce diverses pièces qui tendent à prouver que le calme est tout à fait rétabli à Toulon; il cherche à justifier les habitants du reproche d’avoir voulu piller l’arsenal et donne lecture de la déclaration suivante : Déclaration de MM. les officiers de la marine. Nous, officiers de la marine, ayant vu avec la plus grande indignation la manière dont plusieurs écrits publics rendent compte des événements qui se sont passés dans cette ville le 1er de ce mois, particulièrement l’article où il est dit : il parait que la garnison de Toulon a voulu abandonner le corps de la marine, attestons que rien n’est plus faux que cette assertion ; que les régiments de Dauphiné et Barrois, composant cette garnison, étaient consignés dans leurs quartiers, prêts à marcher pour faire exécuter la loi martiale dans l’insurrection, au moment où elle aurait été publiée ; mais cette loi ayant été refusée, quoiqu’elle ait été requise légalement, ces troupes se sont toujours termes à leurs postes dans les mêmes dispositions. La douleur dont les officiers et soldats furent pénétrés lorsqu’ils apprirent l’enlèvement incroyable du commandant de ce département et des principaux officiers de la marine, fait par les troupes nationales, auxquelles cecomman-dant s’était entièrement confié, égala la nôtre et se manifesta de la même manière. La justice et la vérité que nous devons à ces deux régiments, et l’estime particulière qu’ils nous inspirent, nous font envisager comme un devoir cette déclaration, les invitant d’en faire l'usage qu’ils croiront convenable. Fait à Toulon, le 17 décembre 1789, Pour les officiers de la marine actuellement en service dans ce département : Signé : LAROQUE, commandant par intérim , DELOR, chargé du détail de la majorité générale ; ÛLEXIER DE NORBEC, directeur de l'artillerie ;,BüRGUES-MlSSYESSlS ; Ruy-TER ; LE COMTE DE BOCHEMORE ; LE CHEVALIER de Sade ; Meyronet de Saint-Marc ; Beaussier de l’Isle ; Dufour ; Flotte de Mine. Pour copie conforme à l’original, Signé : DE GarmiLET, maréchal-de-camp , commandant les troupes à Toulon. i M. Delley-d’Agier. Je pense que le parti le pins sage que puisse prendre l’Assemblée est d’ajourner cette affaire et j’en fais la proposition. M. HL.. Mon intention n’est pas d’inculper les citoyens de Toulon, mais il m’a été rapporté dans une lettre venant de cette ville, que quelques effets ont été enlevés de l’arsenal où des dégâts ont été commis. M. Bouche. Je fais la motion expresse que le préopinant soit tenu de déposer, à l’instant, sur le bureau, lapièce justificative de son assertion. M, M., Je n’ai pas la lettre surmoi, maisje m’engage à la produire. M. le comte de Lévis-llirepoix. Je crois que l’occasion est favorable pour réclamer une loi générale contre les dénonciateurset je demande que M. Gaultier de Biauzat soit tenu de déposer aussi sur le bureau sa dénonciation contre M. de Ghazerat, intendant d’Auvergne. M. Gaultier de Biauzat, sans s'intimider. Je suis prêt. M. Malouet. Je ne connais personne qui ait accusé le peuple de Toulon ; je suis plus fortement que personne décidé à lui rendre justice ; mais j’ai accusé et j’accuse les auteurs de la sédition, ceux qui ont porté la main sur le commandant de la marine et sur les autres officiers. Ce n’est pas le crime du peuple ; il est bon : on l’agite, on le tourmente ; il s’agît seulement de punir les coupables pour l’ordre public et la sûreté de l’arsenal; il faut qu’il y ait des hommes exerçant une subordination active dans un lieu où une grande partie des forces navales sont réunies, où il y a 1800 forçats et des matières combustibles ; il faut rendre à l’autorité ce qui lui appartient et au peuple ce qui lui est dû. Un décret rétablira l’ordre à Tonlon ; un exemple sur les auteurs de cette sédition est nécessaire, mais les officiers municipaux ne peuvent y être compris d’aucune manière : je demande qu’il n’y ait point d’ajournement indéfini. Quant à la lettre dont on parle, je n’ai pas ouï dire que l’arsenal ait été endommagé. M. l’abbé Hlaury. J’ai beaucoup étudié l’affaire de Toulon et je crois avoir trouvé le moyen de concilier tous les partis si l’on veut bien m’écouter un instant. M. le Président. Je prie l’orateur de suspendre un moment sa discussion, afin que l’Assemblée puisse recevoir une communication que j’ai à lui taire. M. le Président lit une lettre du premier ministre des finances, qui appuie auprès de l’Assemblée les motifs d’une délibération prise par les actionnaires de la Laisse d’escompte. Ges actionnaires ayant eu des raisons de penser qu’une création de 25,000 actions qui exigeaient un capital de 100 millions, moitié en argent de billets de caisse, et moitié en effets publics, pourraitéprou-ver beaucoup de difficultés, ont préféré un appel del,600 livres par action, en échange duquel il leur sera donné une demi-action par chaque action qui aura fourni l’appel. Gette opération a été approuvée par l’Assemblée, comme assurant la rentrée de 40 millions de billets de la Caisse d’escompte et lui laissant encore la disposition de plusieurs autres moyens, à l’aide desquels il lui sera facile de retirer une quantité suffisante de ses billets pour parvenir au but si désirable de la reprise de ses paiements à bureau ouvert, au 1er juillet de la présente année. L’Assemblée revient à l 'affaire de Toulon. M. l’abbé Hlaury. Je reprends la discussion.