SÉANCE DU 15 VENDÉMIAIRE AN III (6 OCTOBRE 1794) - N08 45-49 351 45 La citoyenne veuve du chef de brigade Legros, inhumainement fusillé par l’ordre de Cobourg, dépose dans le sein de la Convention nationale ses larmes sur le sort de son époux, et réclame des secours. Renvoyé au comité des Secours publics, pour faire un rapport demain (76). Citoyen président, La citoyenne veuve du chef de brigade Legros, fusillé inhumainement par l’ordre du barbare Cobourg, te demande l’admission à la barre selon ta promesse. Ton collègue Laurent a eu la bonté de lui promettre de rendre justice à la vérité des faits qu’elle a à avancer. Salut et fraternité Veuve Legros (77). LAURENT : Legros est digne des regrets de la Convention, il est mort en vrai républicain. Ceux qui exécutaient l’ordre de Cobourg tremblaient; il leur dit : « Tirez, ne tremblez point; je ne crains pas la mort ». Il ne voulut point qu’on lui fermât les yeux. « Un républicain, dit-il, sait mourir les yeux ouverts ». L’assemblée applaudit, et renvoie la pétition au comité des Secours pour en faire un rapport demain (78). 46 La société philanthropique de Paris annonce à la Convention nationale qu’elle s’est empressée d’obéir au décret qui la supprime, et que sa liquidation est terminée. Elle dépose sur le bureau la somme de 1 320 L, formant le reste des fonds de sa caisse, et une pétition tendante à assurer le recouvrement d’un legs de 500 L fait à cette société par le citoyen Joly, ancien chirurgien-major de la garde de Paris. Elle demande enfin la décharge d’une année de loyer de l’emplacement qu’elle occupait par bail dans la maison nationale des ci-devant Grands-Augustins. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoyé au comité des Secours publics (79). La Société Philanthropique de Paris, supprimée par le décret rendu le 29 prairial dernier, sur la bienfaisance pubbque, vient à la barre faire acte de son obéissance à la loi, rendre compte de l’achèvement de sa Hquidation et déposer sur le bureau son fonds de caisse. (76) P.V., XLVI, 330. Moniteur, XXII, 170; J. Fr., n 741; J. Mont., n 160. (77) C 322, pl. 1351, p. 35. (78) Moniteur, XXII, 170; J. Paris, n” 16; J. Mont., n" 160. (79) P. V., XLVI, 330. Elle rappelle sa naissance en 1782, ses faibles commencements et ses accroissements progressifs. « Douze philanthropes, unis sous le seul statut de l’égahté, et n’assistant d’abord que douze pauvres octogénaires, ont vu successivement leur Société s’étendre au point de secourir ensuite annuellement plus de douze cents citoyens de tout âge; les bienfaiteurs ne faisaient avec les indigents pensionnés qu’une seule famille de pères et d’enfants, une seule famille de frères. La Société Philanthropique a été heureuse tant qu’elle a existé : elle faisait du bien; le suffrage et les bbéralités de ses concitoyens n’ont cessé d’encourager ses travaux; elle leur rend grâces de son existence. Elle vous rend grâces à vous, citoyens représentants, de sa suppression; elle est heureuse encore à son dernier jour, puisque c’est celui où la bienfaisance nationale a été fondée et organisée avec la grandeur digne d’un peuple bbre, et où vous avez décrété à la fois qu’il n’y aurait plus ni pauvres, ni esclaves dans la république. » (80) 47 Le citoyen Lamouche, sexagénaire, ancien serviteur de la patrie, sollicite un secours provisoire pour s’en retourner à Ossay terminer ses jours dans le sein de sa famille. Renvoyé au comité des Secours publics (81). 48 Le citoyen Boudeville, capitaine au huitième bataillon de Paris, armée de l’Ouest, expose que, dans la guerre contre les brigands de la Vendée, il a reçu une blessure qui lui ôte pour toujours l’usage d’un bras. Il réclame les secours que la loi accorde aux défenseurs de la patrie estropiés en combattant pour sa défense : néanmoins, il préféreroit, dans une des villes de la République, un poste qui pût le faire subsister avec sa famille. Renvoyé aux comités de la Guerre e£ des Secours publics (82). 49 Un membre [GRÉGOIRE] informe la Convention nationale que plusieurs colons viennent de lui adresser une lettre, dans (80) Moniteur, XXII, 241-242. (81) P. V., XLVI, 330. (82) P.-V., XLVI, 331. 352 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE laquelle ils lui déclarent qu’ayant plaidé la cause des hommes de couleur, il ne peut être membre de la commission chargée de l’examen de l’affaire des colonies, et qu’en conséquence ils le récusent. Il demande que la Convention juge si, en vertu de cette lettre, il doit donner sa démission. La Convention passe à l’ordre du jour (83). 50 La société populaire de Réunion-sur-Oise [ci-devant Guise], département de l’Aisne, applaudit à l’énergie de la Convention nationale, l’invite à rester à son poste, et à maintenir le gouvernement révolutionnaire dans sa vigueur. Elle rappelle à sa justice que les cantons de Nouvion, Was-signy et ceux de la partie du nord du canton extérieur de Réunion, se sont levés en masse lors de l’envahissement d’une portion du département du Nord par l’ennemi, et qu’ils ont essuyé de sa part des vengeances cruelles. Elle demande pour eux l’indemnité qu’ils ont méritée par leur dévouement à la République. Renvoyé au comité des Secours publics (84). [La société populaire de Réunion-sur-Oise à la Convention nationale, s. d .] (85) Citoyens représentans, Vos glorieux travaux ont, dans tous les temps, excité notre admiration et notre reconnoissance ; nous vous l’avons témoigné chaque fois que vous avez anéanti les factions qui s’étoient élevées contre la représentation nationale, contre l’unité et l’indivisibilité de la République. Soyez inébranlables à votre poste ; maintenez le gouvernement révolutionnaire dont l’énergie peut seule conduire à l’exécution de l’acte constitutionnel, quand nos ennemis du dedans et du dehors seront terrassés; le peuple se ralliera toujours à vous, et sera votre soutien. Nous réclamons votre justice en faveur de nos malheureux frères des cantons de Nouvion, de Wassigny et de ceux de la partie du Nord du canton extérieur, dont l’ennemi a incendié un très-grand nombre d’habitations, et pillé leurs meubles et effets. Ces infortunés habitans des campagnes ont d’autant plus droit à la bienfaisance nationale, que, placés sur l’extrême frontière lors de l’en-vahissement d’une partie du département du (83) P.-V., XL VI, 331. Ann. R. F., n" 15; J. Fr., n” 741 ; F. de la Républ., n° 16; Gazette Fr., n° 1009; J. Mont., n” 160; J. Perlet, n" 743; Mess. Soir, n 779; M. U., XLIV, 234-235; Rép., n” 16. Voir séance du 16 vendémiaire, n° 61. (84) P.-V., XLVI, 331. Gazette Fr., n 1009; J. Perlet, n° 743 ; Mess. Soir, n° 779. (85) Débats, n’ 745, 250-251. Nord par les satellites des despotes, ils ont encouru la vengeance de ces brigands, en se levant en masse contre eux à la fin d’août 1793 (vieux style) : ces braves républicains, secondés des autres du district de Vervins, ont contenu seuls (avant l’arrivée de nos troupes dans ces contrées) l’ennemi pendant douze jours; il ne se sont repliés que quand ils se sont vus accablés par cette horde d’esclaves enrégimentés, après en avoir tué et blessé plusieurs dans dif-férens combats. La société populaire de Réunion croit, ci-toyens-représentans, qu’il suffit de vous rappeler ce motif d’acharnement de l’ennemi contre de courageux habitans des campagnes, pour que vous leur accordiez l’indemnité qu’ils ont méritée par leur dévouement à la cause de la Hberté. Suivent les signatures. Gossuin a appuyé la mention honorable sur ce que les habitans de Réunion-sur-Oise s’étoient portés sous les murs de Landrecies lorsque nos armées assiégeoient cette place pour aider à la reprendre, et qu’on avoit oublié d’en faire mention lors du rapport sur la reprise de cette place. Mention honorable et insertion au bulletin. 51 Une députation de la section du Mont-Blanc [Paris] est admise à la barre. Elle exprime son dévouement à la République une et indivisible, et dépose sur le bureau une somme de 11 136 L 7 s. 6 d., produit d’une souscription que cette section a ouverte dans son arrondissement, et qu’elle destine à la construction d'un vaisseau. Mention honorable, insertion au bulletin (86). Citoyens représentans, La section du Mont-Blanc, toujours jalouse de donner des preuves de son patriotisme, et voulant prouver qu’elle n’est pas la dernière à contribuer à défifendre la République une et indivisible, et à combattre les ennemis intérieurs et extérieurs qui oseroient prétendre à la souveraineté du peuple, tant sur mer que sur terre, a arrêté à l’unanimité qu’il seroit fait une souscription dans son arrondisement. Elle se monte à la somme de dix mille neuf cents quatre vingt trois livres deux sols six deniers, pour aider à la construction d’un vaisseau qui servira à ensevelir les ennemis de la Liberté et de l’égalité, elle les dépose entre vos mains. Vive la République, la Convention (87). (86) P.-V., XLVI, 332. Moniteur, XXII, 171; C. Eg., n° 779; J. Fr., n” 741; Gazette Fr., n° 1009; J. Mont., n” 160; M. U., XLIV, 234. (87) C 321, pl. 1341, p. 8. Moniteur, XXII, 171, donne la même somme que cette pièce.