[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juillet 1790.] 39 M. Frétean. La sévérité que le comité a été obligé d’adopter dans la rédaction de cet article lui a été extrêmement pénible ; mais si vous voulez bien rechercher les motifs de sa conduite, vous les trouverez dans les dettes de l’Etat ; dans le chiffre assez restreint des pensions qu’on peut distribuer ; enfin, outre le fonds proposé, il y aura encore quatre millions destinés à subvenir à l’indigence extrême des personnes ayant droit à des récompenses. (La discussion est fermée sur l’article 7.) Le rapporteur modifie les termes de la rédaction et l’article est adopté ainsi qu’il suit . Art. 7. « Aucune pension ne sera accordée à qui que ce soit, avec clause de réversibilité ; mais dans le cas de défaut absolu de patrimoine, la veuve d’un homme mort dans le cours de son service public, pourra obtenir une pension alimentaire, et les enfants être élevés aux dépens de la nation, jusqu’à ce qu’elle les ait mis en état de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance. » M. Palasne, rapporteur , donne lecture de l’article 8, qui est adopté, sans discussion, en ces termes : Art. 8. « Il ne sera compris dans l’état des pensions que ce qui est accordé pour récompense de service. Tout ce qui sera prétendu à titre d’indemnité, de dédommagement, comme prix d’aliénation ou autres causes semblables, sera placé dans la classe des dettes de l’Etat, et soumis aux, règles qui seront décrétées pour la liquidation des créanciers de la nation. » M. Palasne, rapporteur. Le comité a modifié la rédaction primitive de l’article 9. La rédaction nouvelle que nous vous proposons est toute de forme et porte : Art. 9. « On ne pourra jamais être employé sur l’état des pensions, qu’en un seul et même article. Ceux qui auraient usurpé, de quelque manière que ce soit, plusieurs pensions, seront rayés de la liste des pensionnaires et privés des grâces qui leur auraient été accordées, » L’article 9 est adopté sans opposition, ainsi que les articles 10 et 11 qui suivent : Art, 10 « Nul ne pourra recevoir, en même temps, une pension et un traitement. Aucune pension ne pourra être accordée sous le nom de traitement conservé et de retraite. » Art. 11 « Il ne pourra être concédé de pensions à ceux qui jouissent d’appointements, gages ou honoraires, sauf à leur accorder des gratifications s’il y a lieu. » M. Palasne, rapporteur. L’article 12 s’exprime ainsi : Art. 12. « Un pensionnaire de l’Etat ne pourra recevoir de pension d’aucune autre personne. » M. de Firfen. Quelques explications données par le comité sur cet article sibyllin ne me paraîtraient pas hors de propos. M. Palasne. Je crois, en effet, que l’article n’est pas suftisamment clair. Je propose d’en restreindre les dispositions aux pensions qui pourraient être accordées par la liste civile ou par des puissances étrangères. M. Fréteau. J’appuie l’article ainsi limité, car le roi doit se borner à encourager les talents naissants avec sa liste civile et c’est à la nation à récompenser ensuite tous les services publics. M. Garat atnê. Je ne puis admettre l’article, même avec les restrictions que vient d’y apporter M. Palasne. Dans la dernière guerre, où les couronnes de France et d’Espagne avaient la même cause à défendre, il a été rendu des services communs aux deux Etats. Est-il juste, par exemple, d’empêcher le roi d’Espagne de récompenser un officier français qui a. bien servi les deux pays? D’ailleurs, la disposition sur la liste civile est absolument illusoire; si l’on ne peut faire de pensions ostensiblement, on en fera clandestine� ment. M. Rewbell. Il est de principe que personne ne peut servir deux maîtres. Si vous permettez aux fonctionnaires français de recevoir des pensions et gratifications des puissances étrangères, il se produira ce qui est presque toujours arrivé, que l’homme une fois pensionné en France, ira prendre du service à l’étranger dans l’espoir d’une nouvelle récompense; c’est ce que je considère comme très dangereux. M. de Hoailles. La question de savoir si l’on défendra aux Français de recevoir des pensions des nations étrangères me paraît hors de doute. Les officiers français qui vont s’instruire au service des autres puissances savent refuser toutes les places, toutes les dignités, tous les honneurs qui pourraient enchaîner leur liberté et ne veulent se distinguer que par des actions mémorables. Je puis citer, comme exemple, M. Roger de Damas qui a précisément rempli envers l’empire de Russie toutes les vues de désintéressement dont je viens de parler. M. de Custine. J’ajoute une considération en faveur de l’article. Vous avez le devoir de défendre la liste civile contre des obsessions qui ne manqueraient pas de la ruiner. Plusieurs membres réclament de nouveau la question préalable sur l’article 12. La question préalable est ensuite mise aux voix et rejetée. L’article 12 est ensuite décrété ainsi qu’il suit : « Art. 12. Un pensionnaire de l’Etat ne pourra recevoir de pensionf ni sur la liste civile, ni d’aucune puissance étrangère. » M. le Président. Je dois suspendre l’examen des autres articles du projet pour soumettre une difficulté relative au décret concernant les cérémonies de la fédération. Je n’ai point porté à la sanction les articles qui ont été décrétés dans la séance d’hier, parce que j’ai appris que plusieurs membres réclamaient contre la rédaction du second article, relatif à la place que le président doit occuper à la fédération. 11 porte ces mots : à la fédération du 14 juillet, le président de l'Assemblée nationale... Plusieurs membres prétendent qu’il a été décrété : dans toutes les cérémonies publiques , le président de l'Assemblée nationale. .. Plusieurs membres soutiennent cette dernière rédaction ; d 'autres attestent le procès-verbal, et la rédaction du rapporteur lui-même. (Quelques minutes se passent dans le tumulte.) M. le Président. La discussion a été fermée hier sur cette matière. L’intention de l’Assemblée n’est certainement point de la recommencer ; je . mets donc aux voix. Que ceux qui sont d’avis 40 [Assemblée nationale.] ARCHIVES [PARLEMENTAIRES.* [10 juillet 1T90.] que le procès-verbal reste ainsi qu’il a été .rédigé, veuillent bien se lever. La délibération se passe au milieu des cris redoublés de plusieurs membres de la partie gauche, on crie à la surprise; on demande que M. le président soit rappelé à l’ordre. M. Cottln en fait la motion expresse. M. le Président remercie l’opinant de ce qu’il a pris un parti modéré, et de ce qu’il n’a pas demandé sa destitution. Il descend du fauteuil pour que l’Assemblée le juge. — Quelques membres applaudissent; mais le vœu le plus général l’invite à reprendre sa place ; il obéit au milieu des applaudissements. M. Charles de Lameth rappelle l’état de la délibération, les principes de M. de Delley, auteur de la motion, et il soutient que l’article a été décrété constitutionnellement. — Je sais, dit M. Charles de Lameth, qu’il a été proposé par amendement de dire seulement, à la fédération du 14 juillet; mais j’en appelle à la bonne foi de l’Assemblée, a-t-on statué sur cet amendement ? je dis que non. Je propose donc que la question soit ainsi posée : que ceux qui pensent que l’amendement ait été adopté veuillent bien se lever. On s’oppose à cette manière de poser la question. M. Rœderer atteste que le décret a été porté ainsi qu’il est dans le procès-verbal ; que M. Le Chapelier l’a lu plusieurs fois dans les mêmes termes, et qu’il n’a été fait aucune réclamation. M. Rœderer est appuyé par la majorité de l’Assemblée. Enfin, après de longs et de tumultueux débats, le calme se rétablit. La priorité est refusée à la manière de poser la question proposée par M. de Lameth. L’Assemblée décide que le procès-verbal restera ainsi qu’il a été rédigé. « Art. 2. A la fédération du 14 juillet, le président de l’Assemblée, etc. » (La séance est levée à quatre heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. C.-F. DE BONNAY. Séance du samedi 10 juillet 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie. M. le Président. Vous avez décidé ce matin que les députés à la fédération présenteraient à la fois leur billet de confédéré et celui d’entrée à l’Assemblée nationale, pour être admis dans les tribunes. Gomme cette disposition ne pouvait être appliquée cette après-midi, j’ai donné l’ordre que les tribunes fussent ouvertes aux gardes nationaux députés qui se sont trouvés présents. M. Arthur Dillon. Vous désirez tous que les députés à la confédération retournent dans leurs départements, contents les uns des autres. Ce sentiment me garantit le succès d’une observation que je vais vous présenter. Les députés des gardes nationales sont au nombre de 18 mille; ceux des troupes de ligne sont au nombre de 1,100. Les membres de cette Assemblée, chargés (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. de distribuer les billets, pourraient ne pas con" naître un grand nombre des députés des troupes de ligne, qui dès lors se trouveraient, contre votre intention, privés d’assister à vos séances. Cette circonstance pourrait donner lieu à des mécontentements particuliers, que vous éviterez en ordonnant que chaque jour 60 billets soient remis aux troupes de ligne par un des commis de vos bureaux. (Cette proposition est adoptée.) M. de Foucault. J’ai aussi une proposition à faire qui satisfera tout le monde. Il y a toujours deux cents places vacantes de notre côté; il faut les donner aux députés confédérés ; comme ils seront en uniforme, ils ne jetteront ni embarras, ni incertitude dans les délibérations. M.de Noailles, député de Nemours. Je suis prêt à soumettre à l’Assemblée le travail du comité militaire sur l’organisation de l’armée. Il serait intéressant pour les députés des troupes de ligne d’assister en plus grand nombre à vos séances et je demande qu’on leur donne des billets en conséquence. M. Rœderer. Cette proposition doit être confondue avec celle que vous venez d’adopter ; il n’y a pas lieu de délibérer de nouveau. M. Populus, secrétaire , donne lecture du procès-verbal du vendredi matin 9 juillet. M. de Mirabeau, aîné. Il y a dans le procès-verbal une inconvenance d’expressions que je demande à relever. Le décret sur les cérémonies de la fédération, dit : A la gauche du roi et à la suite du président; il faudrait mettre : A la gauche du roi et à la droite du président.. (Ce changement est décrété.) M. de Roîs-Roovraye, député de Château-Thierry , admis à la séance de vendredi matin, à la place de Graimberg, prête son serment civique. Une députation des citoyens des Etats-Unis d'Amérique, qui se trouvent actuellement à Paris, et parmi lesquels est M. Paul Jones , est admise à la barre. M. William-Henry Vernon, au nom de cette députation, prononce le discours suivant (1) : Messieurs, frappés d’admiration à la vue du développement et de l’extension de leurs propres principes dans cet heureux pays, les citoyens des Etats-Unis de l’Amérique, qui se trouvent à Paris, sollicitent ardemment la faveur d’approcher du saint autel de la liberté, et de témoigner à l’Assemblée nationale cette vive reconnaissance et le profond respect que méritent les pères d’un grand peuple et les bienfaiteurs du genre humain. L’étoile d’Occident, quides bords éloignés répandait son éclat-, réunit ses rayons à ceux du soleil glorieux qui verse des torrents de lumière sur l’Empire français, pour éclairer, enfin, l’univers. La force de la vérité est irrésistible, et la célébrité de ses progrès est au-dessus de tout calcul. Nous avons cru, et nous le souhaitons sincèrement, que les bienfaits de la liberté seraient un jour appréciés ; que les nations sortiraient de leur (1) Ce discours est inexactement reproduit au Moniteur.