04 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [12 août 1790.] de toutes parts l’attention de l’Assemblée nationale, il en est -un qui devait intéresser spécialement sa sollicitude; c’est l’assistance du malheureux dans les différentes positions où l’infortune peut le plonger. Il faut que l’indigent soit secouru, non seulement dans la faiblesse de l’enfance et dans les infirmités de la vieillesse, mais même lorsque, dans l’âge de la force, le défaut de travail l’expose à manquer de subsistance. Il faut aussi que l’accusé, dont l’ordre public exige la détention, n’éprouve d’autre peine que la privation de sa liberté; et, par conséquent, il faut pourvoir à la salubrité, autant qu’à la sûreté des prisons. Ce n’est pas seulement à la sensibilité de l’homme, c’est à la prévoyance du moraliste, c’est à la sagesse du législateur, que ces devoirs se recommandent. Pénétrée de cette vérité, l’Assemblée nationale veut adopter un système de secours que la raison, la morale et la politique ne puissent désavouer, et dont les bases soient irrévocablement liées à la Constitution. Un comité est spécialement chargé de lui proposer un plan qui puisse réaliser ses vues bienfaisantes; mais ce travail, qui doit être mûri par des combinaisons profondes, doit encore être préparé par la connaissance de quelques faits sur lesquels les administrations peuvent seules fournir des renseignements dignes de confiance. C’est pour les obtenir au plus tôt qu’il vient d’être envoyé aux départements un tableau où sont énoncées différentes questions essentielles relatives à la mendicité, et qu’il y a été joint une instruction propre à faciliter les réponses : on attend du zèle des directoires de département qu’ils ne négligeront rien pour que ces réponses parviennent promptement à l’Assemblée nationale. Il est plusieurs autres points dont la connaissance devra être procurée successivement au Corps législatif, et qu’il est utile d’indiquer à ces administrations, afin qu’elles soient en état d’en préparer, dès à présent, les renseignements et qu’elles puissent les transmettre au Corps législatif aussitôt qu’elles se les seront procurés. Les directoires de département s’occuperont donc de former l’état des hôpitaux et hôtels-Dieu situés dans leur territoire; de la destination de ces hôpitaux et hôtels-Dieu; du nombre des malheureux qui y sont assistés et des officiers et employés qui les desservent; de la masse et de la nature de leurs revenus, ainsi que de leur administration. Les directoires en useront de même pour tous les fonds affectés dans chaque département aux charités, distributions et secours de toute espèce, fondés ou non fondés. Ils feront connaître les diverses natures de ces fondations, si elles portent ou non des clauses particulières et à quelles charges elles sont soumises. Ils instruiront le Corps législatif, s’il se trouve dans leur ressort des biens appartenant à des maladreries, aux ordres hospitaliers et à des pèlerins; ils en indiqueront la nature et la valeur. Ils rendront compte de l’état des maisons de mendicité, de celui des prisons, de leur grandeur, de leur solidité, de leur salubrité et des moyens par lesquels elles pourraient être rendues saines et commodes, si elles ne le sont pas; enfin, ils recueilleront soigneusement toutes les notions qui pourront conduire à des améliorations utiles dans le régime de la mendicité, des hôpitaux et des prisons. Au surplus, l’instruction adressée par ordre du roi aux départements indique, pour l’état actuel des choses, des vues sages et des règles de conduite auxquelles l’Assemblée nationale ne peut qu’applaudir, et dont elle s’empresse de recommander l’observation. En terminant cette instruction, l’Assemblée nationale doit prévenir les assemblées administratives qu’elle n’a point entendu tracer un tableau complet de leurs devoirs. Il est une foule d'autres détails que leur sagacité suppléera facilement, et dont, par conséquent, l’énumération et le développement étaient superflus. C’est sur le zèle des corps administratifs, c’est sur leurs lumières et leur patriotisme, que l’Assemblée nationale fonde ses plus grandes espérances. Une vaste carrière s’ouvre devant eux. Que leur courage s’anime à la vue des importantes fonctions qui leur sont confiées ; que la sagesse guide toutes leurs démarches; qu’une vaine jalousie de pouvoir ne leur fasse jamais méconnaître les deux autorités suprêmes auxquelles elles sont subordonnées; qu’ enfin, leur régime binfaisant prouve au peuple que le règne de la liberté est celui du bonheur; et la Constitution, déjà victorieuse des ennemis du bien public, saura triompher aussi des outrages du temps. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 12 AOUT 1790. Mémoire pour la franchise du port de la ville ET DU TERRITOIRE DE MARSEILLE, rédigé par M. DE SlNETY, député de la ville de Marseille , approuvé par la députation etpar MM. les députés extraordinaires et députés du commerce de cetle ville (1). Messieurs, les représentants de la plus grande nation, les législateurs du premier empire de l’univers, qui, soutenus par le courage, la bienfaisance et les vertus du meilleur des rois, viennent d’établir le règne de la liberté, n’écouteront pas, sans doute, avec indifférence et sans intérêt une ville célèbre dans tous les temps par son amour pour la liberté, qu’elle vient défendre aujourd’hui dans cette auguste Assemblée. Oui, Messieurs, vous allez décider du sort d’une ville de premier ordre, des plus importantes de l’Europe, que son industrie, l’activité de son commerce et la protection immédiate et constante du gouvernement ont élevé à un degré de splendeur qui la rend toujours plus chère et plus utile à la nation; d’une ville enfin, qui fait participer toute la France aux avantages de son commerce sans borne, qui fait fleurir l’agriculture, l’industrie et les arts dans nos provinces, qui entretient, nourrit et enrichit un si grand nombre de citoyens, et qui a fourni dans tous les temps à l’Etat les plus puissants secours de courage, de générosité et de patriotisme, que nulle autre n’aurait pu lui procurer. Tel est le point de vue physique, moral et politique qu’offre la ville de Marseille, qui a si bien (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1790.] 25 mérité de la patrie, et il est bien fait pour fixer ses regards et déterminer la bienfaisance des législateurs français. Le jugement, Messieurs, que vous allez rendre sur la question qui vous est soumise de la franchise du port de Marseille, va maintenir cette ville dans son antique splendeur, et lui conserver des moyens d’être toujours utile à la nation, ou la réduire au sort le plus fâcheux en faisant profiter les ports étrangers des puissances rivales de la France de tous les avantages qu’elle a pu se procurer par un régime de la plus sage politique, "maintenu jusqu’à ce jour par son génie et par sa sagesse. Vous instruire, Messieurs, et vous éclairer sur cette importante question, est le plus sacré de nos devoirs : la prospérité de l’Empire français nous en impose la loi, plus impérieusement encore que l’intérêt particulier de notre ville. En quoi consiste donc cette franchise du port de Marseille, menacée aujourd’hui des plus dangereuses attaques ? Par le terme de port franc , nous entendons une place où peuvent s’importer toutes marchandises, tant étrangères que domestiques, et d'où l'on peut les exporter librement. Telle est la définition que donnait au terme de port franc M. de Vergennes, dans sa lettre du 29 juin 1783, aux Etats-Unis de l'Amérique. Cette franchise n’est donc autre chose qu’une liberté d’industrie et de profession, que sous le règne même du despotisme, et dans les siècles d’ignorance, le gouvernement a toujours protégée, tant il est vrai que le bien public évidemment reconnu n’échappe pas même à la surveillance d’un ministère arbitraire, et que des institutions utiles sont tôt. ou tard, consacrées par tous les gouvernements ; et lorsque les représentants de la nation, secondant les vues paternelles d’un roi chéri, si justement proclamé Restaurateur de la liberté française , en ont fixé, à jamais, les principes et les bases, on chercherait vainement à déprécier dans son sanctuaire cette liberté industrielle, qui fait fleurir les grands empires, enrichit les nations et nourrit un grand nombre de citoyens qui, peu ou point favorisés de la fortune, ont reçu de la nature en dédommagement un génie actif qui les met en état de se procurer la subsistance et quelquefois les richesses que les productions seules du sol ne peuvent fournir à tous ses citoyens trop nombreux. Le gouvernement fiscal avait étendu ses vues intéressées sur cette propriété de l’industrie, et les besoins de l’Etat avaient nécessité la perception de droits onéreux sur tous les objets de commerce, dans les temps où les administrateurs suprêmes ne savaient concilier ni l’intérêt de l’Etat, ni ceux des peuples, avec les besoins du gouvernement. Les taxes multipliées sur l’importation et l’exportation des marchandises avaient anéanti le commerce national, tandis que les puissances commerçantes de l’Europe profitaient de nos erreurs politiques; et c’est ainsi que la France a gémi longtemps sous le régime fiscal, qui avait porté ses mains avides jusque dans nos ports d’où la nature et l’intérêt de la nation les repoussaient sans cesse. Qu’était, Messieurs, la ville de Marseille dans ces temps malheureux? qu’était-elle avant cette époque? qu’avait-elle été enfin dans les siècles reculés depuis que les Phocéens y eurent fondé cette antique colonie qui a été l’école du commerce de l’Europe, l’institutrice des peuples qu’elle a policés, la fondatrice des arts et des sciences dans les Gaules et l’exemple des vertus et des mœurs? C’est d’après ce tableau des temps, des circonstances, des sages institutions et des erreurs politiques, que nous pourrons vous démontrer que la franchise du port de Marseille et la liberté du commerce qui lui est attribuée ont été établies d’après un système politique le plus sage, le plus utile à la nation, le plus essentiel à maintenir ; et qu’il ne pourrait lui être porté atteinte sans le plus grand danger pour la fortune publique et pour le bonheur des Français. En effet, si toutes les époques auxquelles la franchise du port de Marseille a été attaquée ou atténuée sont marquées par le malheur de cette ville et par la ruine de nos manufactures françaises; et si, au contraire, la prospérité du commerce national, de l’agriculture et de l’industrie a été l’effet bienfaisant et constant de la franchise du port et de la liberté du commerce, maintenue ou rendue à cette ville, pourra-t-on se refuser à cette expérience des siècles, vrai flambeau des législateurs? Marseille, que la situation la plus heureuse et le génie actif et industrieux de ses habitants portaient naturellement au commerce, ne cessa, dès les premiers jours de sa fondation, de tourner ses regards vers cette source de richesses auxquelles les empires doivent leur prospérité. Les vertus de ses fondateurs, l’urbanité de leurs mœurs, la sagesse de leur administration et la supériorité de leur génie parvinrent bientôt à policer les peuples voisins ; les contrées méridionales des Gaules lui durent les premières agrégations politiques et les plus sages institutions. Marseille devint une académie publique d’administration, d’agriculture, de commerce et de liberté. République, encore naissante, elle aspirait à établir la liberté sur les mers; ses flottes firent trembler Carthage, qui voulait dominer, et lorsque la destruction de cette superbe rivale lui permit de prendre son essor, la sphère de ses moyens s’agrandit, la masse de ses richesses s’accrut par l’étendue immense qu’elle embrassa dans ses spéculations. La stérilité de son territoire détermina ses citoyens au commerce d’économie, et ils tirèrent de tout l’univers leur subsistance, que la nature avare dans ces climats refusait même à leur sueur. Elle envoya ses vaisseaux en Espagne chercher les trésors de ses mines, et toutes les productions territoriales ; l’Italie lui fournissait les siennes ; toutes les richesses de l’Arabie, de l’Egypte et des Indes venaient se réunir dans son port; les côtes de la mer Baltique lui payaient aussi leur tribut d’échanges ; enfin, la Provence, vivifiée par le commerce de cette République, fut la première contrée du continent à jouir de ses bienfaits, mit à prolit ses plantes et ses parfums, jusqu’alors sans valeur, et lui porta le corail qu’on péchait sur les côtes de la Méditerranée, des salaisons, des laines, du drap, de l’huile, du vin, du savon. Toutes les contrées de l’univers devinrent tributaires du commerce de Marseille, qui fut bientôt le marché général de toutes les nations. Tels sont, Messieurs, le pouvoir suprême, la magie bienfaisante de l'industrie, du commerce et de la liberté. Tout prospéra dans cette heureuse contrée, qui étendit les bienfaits de ses spéculations vivifiantes dans tous les pays agricoles de la Frauce où ils purent pénétrer. Les Marseillais eurent le malheur de voir ravager leurs foyers par des guerres civiles, qui portèrent atteinte à leur liberté; et déchue, dans les (Assemblée üatibtiale.] ARCHIVES �ÂRlMÈNT AIRES. (12 août 1790-1 26 moments de troubles, de sâ splendeur, Marseille éprouva des pertes douloureuses polir son commerce, dont la Provence ressentit les funestes effets. Enfin, en passant sous la domination de nos anciens comtes, à qui cette République céda ses domaines, elle recouvra cette liberté dont elle connaissait tout le prix; elle stipula solennellement avec eux pour sa conservation, et l’industrie régénérée ramena bientôt l’abondance et la prospérité. Lors de sa réunion, avec le reste de la Provence, à la couronne, elle fut conservée avec son territoire dans la jouissance de ses antiques droits et de la liberté de son commerce. Mais les meilleurs établissements dégénèrent et se détruisent; l’intérêt personnel, qui se cache, mine sourdement les institutions salutaires. Tel fut lé sort de la franchise du port de Marseille; la finance avait étendu son empire sur tous les objets qui pouvaient tenter sa cupidité, le commerce fut écrasé sous le poids de contributions énormes. Celui de Marseille, paralysé, dans l’âge de sa plus grande vigueur, par les institutions fiscales, poison des corps politiques, et surtout du commerce, fut bientôt sans action et sans mouvement ; son état de langueur se communiqua à toutes les provinces voisines; leur prospérité, dépendant de celle de Marseille, s’évanouit, et leur commerce d’exportation réduit à cet état de léthargie, mort politique de l’agriculture et de l’industrie, fut interrompu. Ce fut à la vue de tant de maux, et pour faire revivre les avantages inappréciables qu’une sage liberté avait procurés au commerce national, que le génie du grand Colbert conçut et exécuta le bienfaisant projet de rendre à Marseille son ancien lustre, d’y faire renaître l’activité de ses opérations mercantiles, qui semblaient anéanties sous le poids des gênes et des prohibitions, et de profiter de tous les biens que la position avantageuse et unique de son port devait procurer à l’Etat. C’est d’après ces vues bienfaisantesetc.es justes principes, dont la vérité sera immuable pour tous les temps, que Louis XIV, non pour l’intérêt particulier de la ville de Marseille, mais pour le plus grand intérêt de tout son royaume, pour l'avantage de ses peuples , pour établir partout la réputation 'du nom français , rendit le fameux édit du mois de mars 1669, appelé Edit du port franc, qui déclare les port, havre , ville et territoire de Marseille francs et libres à tous marchands et négociants, et pour toutes sortes de marchandises, de quelque nature et qualité qu’elles puissent être; en conséquence, autorise les étrangers et autres personnes de toutes nations et qualités d'y aborder et entrer avec leurs bâtiments et marchandises, les y charger et décharger, y séjourner, magasiner , entreposer et en sortir par mer librement quand bon leur semblera, sans qu’ils soient tenus de payer aucun droit d'entrée ni de sortie par mer. Le même édit porte que, pour convier toujours davantage les négociants étrangers à venir s'établir à Marseille, ils seront exempts, quelque séjour qu'ils y aient fait, du droit d'aubaine et de représailles en temps de guerre, et que les étrangers, qui auraient épousé une fille marseillaise , ou fait des acquisitions, ou même commercé assidûment pendant dix années, sont censés naturels français , et répxités bourgeois de Marseille. Cet édit fut suivi d’une déclaration du même mois de mars, qui ordonna le transport hors de Marseille, et aux dernières limites qui séparent son territoire de celui de Provence, des bureaux de perception des droits du roi, où ils sont en core aujourd’hui. Celte disposition dernière, en étendant la même franchise dans toute la banlieue de la ville de Marseille, était indispensable à établir, pour faire jouir le commerce de cette ville de la liberté primitive régénérée sur ses anciens principes. L’enceinte des murs de la ville étant beaucoup trop resserrée pour l’immensité et l'étendue des spéculations de son commerce, la liberté n’eût été qu’illusoire, si elle eût été bornée à cet espace si étroit pour un aussi grand mouvement. La ville et ses faubourgs, tout vastes qu’ils sont, ne peuvent suffire aux magasins, aux établissements de commerce, aux manufactures, aux fabriques; il en est que, par précaution indispensable de police, on est forcé d’éloigner des lieux d’habitation, d’autres qui ne peuvent s’établir que dans le territoire, ou par le secours des eaux qui l’arrosent. Le commerce fait mouvoir toutes les machines nécessaires pour préparer, fabriquer, perfectionner toutes sortes de marchandises et denrées dont l’exploitation et la manipulation enrichissent l’industrie nationale. Oui, Messieurs, la nation doit l’avouer avec reconnaissance, le génie de Colbert était supérieur en combinaisons politiques, aux talents de tous les ministres de l’Europe, ses contemporains. L’édit qu’il rendit en 1669 pour l’établissement du port franc à Marseille suffirait, à sa réputation d’homme d’Etat, et ses prompts et perpétuels succès éterniseront seuls sa gloire. En effet, il existait dès lors en Italie quatre ou cinq ports francs , dont i’heureuse liberté enlevait à la France la plus grande partie du commerce que la nature semble, de tout temps, avoir réservé à Marseille, et dont elle était privée depuis l’introduction des lois et ioquisitiôns fis-cales. Quelque avantageuse que fût sa position, les étrangers en étaient repoussés par lés gênes et les exactions des fermiers; lé prôduit pour le fisc était presque nul, et ia perte pour le commerce français et pour l’industrie, la fabrication et l’agriculture nationales, était incalculable. Lës ports étrangers, au contraire, profitaient de nos erreurs et de nos maUx. Cet édit bienfaisant, fruit de là plus sage et de la plus profonde politique, eût • pour objet, Je double avantage: premièrement, d’ai tirer à Marseille toutes les productions territoriales, et des fabriques et manufactures étrangères, qui ne sont pas de même nature que les productions de nos fabriques et de l’ agriculture nationales ; ce qui devait nécessairement appeler dans sou port tous les étrangers qui, depuis lors, viennent s’y pourvoir, et procurer aux négociants français lès bénéfices immenses de ventes, échanges, commissions et autres opérations commerciales avec les étrangers, qui, auparavant, ne fréquentaient que les autres ports francs d’Italie; en second lieu, de repousser de notre port, par cette même loi, toutes les marchandises et productions étrangères, qui, en entrant en concurrence avec celles de nos manufactures et de l’agriculture nationales, en atténueraient le prix et en diminueraient la vente. Tel a été l’effet constant et salutaire de cet édit du port franc, depuis son établissement jusqu’à ce jour. Il ne laissa subsister que quatre sortes de droits, qui ne sont presque point sentis, parce que leur perception ne soumet le négociant à aucune de ces gênes et inquisitions, plus onéreuses au commerce que les impôts les plus forts. [Assemblée nationale.) ÂftÜMtÊS PÀRtÈMEM’AlftÈé. (12ioàtlmi #f Ges droits réservés sont : 1° Le droit de poids et cà�se, droit dothahial perçü sur le pesage dés marchandises vendues et achetées, droit modéré qui s’exige sans gêne, qui n’ëxfidse à aücurië inquisition et qüi sërt à maintenir la justice et la bonne foi entre le vendeur et i’acheteiir : 2° Lë droit de 20 0/0, perçu en faveur du commerce national sût lë commerce et la navigation dés étrangers vëüànt dii Levant; cë qui. forme une sorte d’acte de navigation qüi réserve exclusivement le commerce et la navigation du Levant aux nationaux et assuré à la France l’eX-piditation des deux tiers du Cotninëfcë quë font toütes les autres nations dans Cette partie du monde; 3° Les droits sur lé tabac ; 4° Les droits sur les chairs et poîssOns salés, lesquels droits tiennent aü régime dés fermés du tabac ët de la gabelle, et dont le peuple français va être soulagé par les nouvelles institutions que vous préparez. C’est ainsi qiie cë saVant ministrë sut sagement combiner, par cette loi, les intérêts du comriierce natiotial, en établissant Uné franchise ai, sans être illimitée, produit l’heUreüx effet e rendre àü port de Marseille ip commerce très important qüë les ports fparics d’Italie lui avaient ëülevé, ët la protection dtié par le gouvernement aux denrées, manufacturés ët fabrications françaises, pour encourager l'agriculture et l'industrie natidnàles, et pour àü�mëhtér le débit et l'exportation dé leurs productions. L’éVénëment justifia ces fois salutaires. À peine furënt-eliës promulguées, que les opérations de Commerce reprirent Une activité dont le génie seul de Colbert avait pu découvrir le germe soüs les débris qui la tëUaiëht cachée. Le port de Marsëille devibt l’asile de tous les peuples. Là facilité dé recevoir leÉ matières premières pour ali üië ri tër des fabriques nationales, celle de prdcutëh aiix objets, de mâüu factures un débouché plüs facilë ex pitié important, ranimèrent les effdrts làdgüissanis dé bos artistes. Les provinces méridionales éprouvèrent bieritôt les clou ces in-flUebces. dë Cette héüreüse révolution. Nos den-réës territoriales de furent plus circonscrites dàüs lés bijfnes éirbites qu’üne consommation ibca.lt; et limitée offrait à l’agricultùre. Nos champs purent lié venir fertiles ; des défrichements Considérables répandirent dans nos campagnes l’âme ët la vie qüi s’éloignaient autrefois de nos montagnes arides et de nos déserts irtcuttëS ët abandonnés. Uné augmentation subite de population, fruit saiùtaire de l’aiSâbce et d’une Sage liberté, àghtndit l’enceinte, enCbre trop resserrée, d’üne Ville dàbë iaquellë les étrangers venaient se ré-idgier comme dans l’aéiie des sciences, des arts et dit bdniièur. Tràhqüitles dans leurs foyers, libres dans leur industrie, encouragés par les süçëès, animés du patriotisme, jaloux de prbcurer à l’Empire français uilë splendeur dbnt lé germé était ën leurs mains, et de verser sur toutes les rovinces les bienfaits de leur industrie sans orbes, les Marseillais virent reluire les beaux jours oit leur patrie, rivale d’Athènes et de Gar-thâge, offrait à tous les peuples les ressources abondantes que procurent les sciences, les arts et iës richesses, jdurs piüs chers et plus précieux encore à touè leurs Concitoyens par là constante prospérité qu'ils ont procurée à l’Etat depuis plus d’un siècle. , Une institution si heureüse ét si sage n’a point été à l’abri dëà frëqUëUiës attaques du lise; mais le Cdüragë dés Marseillais et leur patriotisme lës ont toujours repoussés aVeC suebès. La constance, la vérité et le bien public, triomphent tôt ou tard de toüs iës obstacles, de tous lës intérêts, aë toutes les erreurs; ét c’est ainsi qüe la liberté de dotre commerce a résisté à toutes lës atteintes que la jalousie mal entendue, l’irttpüissance même des prétentions sans intérêt pour i’Etat, dût si souvent voulü lui porter. . En 1701 et 1703, de nouveaux édits dÜ roi renouvelèrent les franchises du commercé de Marseille; et proscrivant avec rigueur les fféquëîitëS entreprises de la finance contre son commercé, souVent opprimé par des innbvàtions fiscales, tous ces édits ont toujours réintégré le port, là villë et le territoire de Marseille ddUs cette antique franchise, qu’un moment d’ignorance ou de despotisme fiscal avait pu méconnaître * mais dont les sages principes survivent à tout. Et comment dans uû siècle de lumières, pourront-ils être détruits, lorsqu’ils ont poür base la politique, ià propriété, la liberté, et sürtdüt la prospérité de i’Etat, et qU’ils sont essentiellement déêigUés, démontrés ët déterminés par la position dë cette ville, que la nature a placée pour être l’abord de toutes les ricbessëS de l’univers, tant que les erreurs politiques des hommes et des gouvernements ne Viendront pas contrarier le vœü de la haturë, Si sagement prononcé parla situation géographique aë la ville de Marseille? Ses négociants ayant dirigé leurs spéculations vers nos colonies d’Àmériqüë, lë genre dë commerce fut alors soumis au droit du domaine d’Occident, droit qui se perçoit sur toutes les marchandises et denrées des colonies françaises, et, à cet égard, Marseille ne réclame point de franchise; elle est soumise, quant à ce, aux mêmes formalités et perceptions que les autres ports du royaume, parce qu’il ne pouvait y avoir aucun avantage pour le commerce national et poür l’Etat, dë l'excepter* à cet égard, de la loi générale. Tel est, Messieurs, le tableau politique dë la ville de Marseille et de son commerce, depuis sa fondation jusqu’à nos jours; il suffit pour vous faire sentir l’influence bienfaisante de son industrie et de sa liberté, sur la prospérité de la nation, le danger de les compromettre, et la nécessité de les maintenir. Qu’il nous soit permis de nous appuyer encore des puissants secours que Marseille et son commerce peuvent fournir à l’Etat pour l’entretien de nos forces navales, qui protègent le commerce national, et pour donner à l’Empire français la prépondérance qui lui est due. Sans vouloir remonter aux époques de l’antiquité, si glorieuse pour cette ville, à laquelle les puissances, ses alliées, ont dû les plus brillants succès, dans leurs guerres maritimes, il me suffira dë vbüs rappeler, Messieurs, les-époques modernes que j’ai eu déjà occasion de p lacet sous vos yeux eu défendant dans cette, augüste Assemblée la cause de la ville dë Marseille. Qüë! est le Français qui ignoré les anecdotes du patriotisme marseillais, lors dû siège de cette ville par Gharles-Quint et le connétable de Bourbon, de la délivrance de Marseille par Libertat, du passage du Var par, les Autrichiens, et de la prisé de Maiioti ëü 1756; les vaiSseaüx fournis àü roi en 1758 et 1782; lés secours d’argent doii-Dés par le commerce de cette ville, dans des circonstances malheureuses, aux veuves et orphelins des matelots tués dans les combats, et à ceux qui y aVàlent été biessës; les ûümbreüx bâti- (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1790]. ments armés en course pendant la guerre, par nos négociants, qui, en inquiétant le commerce de nos ennemis, couvraient en même temps nos côtes maritimes, et les défendaient ; la quantité immense de matelots et d’officiers mariniers distingués, que le commerce de Marseille élève, forme, entretient et fait subsister, et qui alimente sans cesse la marine militaire? Tous ces services importants dus à la générosité et au patriotisme du Marseillais, méritent sans doute la reconnaissance de la nation, et démontrent l’importance du bienfait de la loi qui établit la franchise de son port, et à qui seule est due la prospérité et la constante splendeur de son commerce. Il eût été dans la malheureuse impuissance de faire de si glorieux efforts, si, par l’effet salutaire de la franchise de son port, Marseille n’eût pas été le magasin général de tout ce dont l’Etat peut avoir besoin pendant la guerre, et si son industrie, privée de cette liberté et de ces franchises si justement maintenues par la plus sage politique, avait été réduite à languir dans les gênes et les prohibitions, ou forcée de s’expatrier pour porter son activité, ses talents et ses richesses dans les ports francs étrangers qui l’avoisinent. Un tableau succinct des entreprises du commerce de Marseille fortifiera encore les preuves que je vous ai données, Messieurs, de la nécessité de maintenir la franchise de son port, et la liberté de son commerce, et vous en fera mieux connaître l’importance et l’utilité. Le genre de commerce que font aujourd’hui les Marseillais est le même, quoique bien plus étendu, que celui qu’ils faisaient dans le temps où l’art de la navigation, peu développé, rendit leurs efforts plus remarquables et leurs succès plus éclatants. Marseille fait aujourd’hui un commerce d’économie et de commission ; mais ses rapports, ses correspondances, ses spéculations s’étendent sur tout le globe, embrassent toutes les parties du monde; et son industrie se propage chaque jour, et dirige ses efforts et son activité vers tous les lieux qui lui offrent des échanges avantageux à la nation, et sur tous les objets qui peuvent encourager son génie entreprenant et calculateur. Ses négociants sont réellement les agents de tous les peuples. Placée par la nature comme un asile sûr et nécessaire au milieu d’une mer souvent orageuse, où les vents, les bancs de sable, la disposition des côtes, ordonnent de toucher, Marseille voit arriver dans son port les vaisseaux de toutes les nations; elle offre à tous de quoi assortir leur chargement à volonté, de toutes sortes de denrées, productions et marchandises, en échange de ce qu’ils apportent. 11 résulte, fd’après des tableaux d’exportation faits il y a quelques années, que les habitants du Midi se chargent annuellement dans son port : De deux cinquièmes des productions de nos manufactures nationales; D’un cinquième de uos productions territoriales, D’un cinquième des marchandises étrangères venant du Nord; D’un cinquième des produits de nos possessions en Amérique. Les habitants du Nord s'y procurent, à leur tour, les quatre cinquièmes de nos productions territoriales ou de nos manufactures françaises; Un cinquième des marchandises étrangères venant du Midi. Ges exportations sont le fruit des échanges qui s’opèrent réciproquement entre les étrangers et les négociants de Marseille. Les Hollandais, les Allemands, les Portugais déposent en nos mains les fruits de leur territoire, les ouvrages de leurs manufactures, les denrées étrangères de leur commerce. Ils les échangent à leur convenance avec nos marchandises et nos denrées; les objets qu’ils nous apportent' sont bientôt revendus par nous aux Espagnols, aux Siciliens, aux Maltais, aux Italiens, qui à leur tour nous enrichissent par leurs échanges. Enfin, tous les ouvrages qui nous manquent, et que le génie de nos artistes ou la cherté de la main-d’œuvre ne peuvent nous procurer, se versent par le commerce dans nos magasins, et nos négociants les revendent, pour des sommes immenses, aux Espagnols, aux Italiens, aux Levantins, aux Barbaresques. Cette action et réaction continuelles d’un commerce aussi étendu font la richesse de l’Etat, et c’est ainsi que le port de Marseille est l’entrepôt général de tout ce qui convient le plus aux spéculations de tous les négociants du monde entier et aux besoins de tous les peuples. Quelle quantité d'individus cette heureuse et précieuse industrie ne met-elle pas en action ? N’arrache-t-elle pas à la misère, et n’enrichit-elle pas au grand profit de l’Etat? Quels bénéfices cette circulation et ces échanges ne produisent-ils pas au Trésor public, en augmentant la fortune des particuliers ? Depuis longtemps, les négociants de Nice, Gênes, Livourne, et, depuis peu, ceux de Trieste, nous disputent dans le Levant, sur les côtes d’Afrique, en Italie et en Espagne, la préférence pour la fourniture de tous les objets dont tous ces pays ont besoin. Dans cette situation de rivalité, comment, Messieurs, sous quels prétextes, attaquerait-on aujourd’hui la franchise du port de Marseille, et la liberté de commerce qui lui est attribuée? Seraient-ce quelques ports du royaume qui auraient pensé à se coaliser, pour eu opérer la destruction, et en jalouseraient-ils les avantages, sans en être susceptibles ? Serait-ce la suite d’un projet enfanté depuis longtemps, renouvelé en 1787 par M. de Galonné, pour le reculement des barrières aux extrêmes limites du royaume, qui donne aujourd’hui l’idée de repousser celles qui sont établies depuis 1669 par notre édit du port franc, au delà des limites du territoire de Marseille, jusque sur nos quais et dans notre port ? Voyons si, dans la première hypothèse , les raisons puissantes de politique et de localité ne suffisent pas pour faire sentir et rendre palpable la différence de situation du port de Marseille, eu égard à sa rivalité avec les ports étrangers, d’avec la position locale et politique des autres ports du royaume, et si les ports qui sembleraient jalouser la franchise de celui de Marseille, peuvent offrir les mêmes avantages que lui à la prospérité nationale, et les mêmes établissements nécessaires à un grand commerce. Voyons enfin si, dans le second cas, il est si utile, si important, si lucratif pour l’Etat, en exécutant le sage projet que l’on propose, et auquel la franchise du port de Marseille, telle qu’elle est établie, ne met aucun obstacle (je veux dire le reculement de toutes les barrières aux limites du royaume, pour laisser toute liberté à la circulation intérieure), voyons, dis-je, s’il est indispensable de forcer le reculement de celles établies aujourd’hui par la franchise du port, ville et ter- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1790.] 29 fitoire de Marseille, aux lieux où elles sont, pour *es repousser jusque dans notre port, et si les prétextes minutieux et mal fondés de contrebande, de frais de garde, ou la vaine et captieuse nécessité d'une uniformité inutile et nuisible peuvent entrer en comparaison avec les produits immenses Sue la franchise du port, ville et territoire de arseille, et la liberté de son commerce qui en dépend spécialement, procurent à l’industrie nationale, à l’agriculture, aux manufactures et au Trésor public. Quantaux attaques dequelques portsdu royaume contre la franchise de celui de Marseille, cette ville leur répondra qu’avoisinée de cinq ports francs étrangers et considérables, Nice, Gênes, Livourne, Messine et Trieste, lesquels, jusqu’à l’établissement de son port franc, lui avaient enlevé tout le commerce, elle est rentrée, depuis cette loi bienfaisante, dans les droits et jouissances commerciales que sa localité et la nature lui avaient réservés ; que la nation ne pourrait, sans compromettre ses plus précieux intérêts, son commerce, son industrie, ses fabriques, ses manufactures, son agriculture, et sans les exposera un entier abandon, priver Marseille de son port franc ; que, dans ce cas, si contre tout principe de politique il avait lieu, ces cinq ports francs étrangers reprendraient sur la France la prépondérance de commerce, qu’il est si important de conserver. L’expérience nous a donné, avant 1669, cette dure et utile leçon. Le savant Colbert l’a saisie, il a écouté le cri général du commerce français et de l’agriculture, il a calculé, en gémissant, les préjudices immenses que des erreurs politiques leur avaient portés ; il a combiné les avantages inappréciables de l’établissement du port franc à Marseille, il l’a considéré comme le restaurateur du commerce national, il s’est hâté d’en promulguer la loi. La France y a applaudi, nos rivaux ont vu à l’instant s’échapper de leur port les avantages qu’ils nous avaient enlevés; tout est rentré dans l’ordre que la localité offrait, et dans la jouissance des bienfaits que la nature a si sagement distribués aux hommes de tous les pays; l’Etat a prospéré, et ce n’est que depuis celte époque mémorable, que le commerce national du midi du royaume a pu prendre son essor, et que Marseille a pu se livrer aux spéculations les plus étendues, qu’aucune place de commerce du royaume puisse entreprendre dans les deux mondes. Ce que des guerres dispendieuses, longues, cruelles, et des armées toujours victorieuses, n’auraient pu faire, le génie de Colbert l’a opéré par une loi bienfaisante dont les succès se sont soutenus depuis plus d’un siècle, malgré les atteintes qui lui ont été si souvent portées par la finance. Si les autres ports du royaume ne sont pas exposés à la même rivalité des ports francs étrangers dans leur voisinage, ainsi que l’est Marseille, ils n’ont ni le même intérêt, ni le même besoin que cette ville. L’Etat ne retirerait aucun avantage à leur accorder la franchise, et s’ils se bornaient à demander la destruction de celle du port de Marseille, cette demande injuste ne pourrait que satisfaire une jalousie impolitique et mal entendue, au grand détriment de l’Etat, et sans bénéfice pour ceux qui le solliciteraient. S’il est sur les côtes maritimes de France des ports qui puissent présenter les mêmes titres que Marseille, et offrir les mêmes avantages à la nation, détruire le port franc de cette ville ne serait pas les satisfaire ; mais leur accorder une franchise à peu près semblable, ce serait leur procurer des avantages mérités, et Marseille n’aurait sûrement pas l’injustice de s’opposer à ce bienfait. Quant au reculement des barrières aux extrêmes limites du royaume, qui, dit-on, nécessite l’abolition de la franchise du port, ville et territoire de Marseille, il est facile d’y répondre. Ge projet peut pleinement s’exécuter, sans rien innover de fâcheux et de destructif contre Marseille, et contre le commerce national, qu’elle défend et qu’elle doit défendre. Partout les barrières seront portées aux dernières limites; à Marseille, elles resteront où elles sont depuisil669, et c’est bien à peu près la dernière limite, puisqu’elles sont établies à deux très petites lieues du port, qu’elles sont même beaucoup moins éloignées des autres points de la côte maritime de l’est et de l’ouest du port, et que la suite des mêmes côtes maritimes hors les termes du territoire de Marseille sont d’un très difficile et pres-qu’inabordable accès : ce qui rend le service des employés aux bureaux où ils sont aujourd’hui établis, et leur surveillance très faciles, et les réduit à la simple garde d’un cordon en demi-cercle de quatre ou cinq lieues d’étendue, dont plus de trois sont coupées par des montagnes presqu’inaecessibles. Mais un cordon d’environ cinq lieues à garder contre la contrebande, nécessite, dit-on, plus d’employés. Quand même cette assertion serait, quant à Marseille, aussi véritable qu’elle est fausse, qu’importent les frais d’entretien de quelques employés de plus, s’ils ne sont rien en comparaison des bénéfices et avantages immenses que l’établissement de la franchise du port de Marseille, telle qu’elle existe aujourd’hui, et qui ne peut exister autrement, procure au commerce national, à nos manufactures, à nos fabriques, à notre agriculture et au Trésor public ; si ces frais ne sont rien en comparaison des pertes incalculables qu’éprouveraient tous les immeubles de la ville de Marseille, de ses faubourgs et de son territoire, si industrieusement et si dispendieusement cultivé; si enfin la franchise du port et la liberté du commerce de Marseille sont nulles et illusoires, en détruisant celle de la ville, de ses faubourgs et de son territoire, ainsi que nous l’avons démontré dans le cours de ce mémoire, d’une manière évidente ? Mais je vais plus loin, Messieurs, et je nie que la garde de l’enceinte du territoire de Marseille nécessite un plus grand nombre d’employés qu’il n’en faudrait pour exercer les visites, inquisitions, exactions et opérations de tout genre de fiscalité dans le port de Marseille. Qu’on se figure, s’il est possible, l’incroyable mouvement d’un port si fréquemment abordé, constamment couvert de vaisseaux en armement et désarmement, de ses quais si fréquentés, et même trop étroits pour l’exploitation et la circulation de son commerce, et où, à toute heure du jour, une foule innombrable de citoyens, tous agents du commerce, obstruent, même presque partout, les passages. Quelle surveillance, quelle multiplicité de gardes ne faudrait-il pas pour suivre le mouvement de ce commerce, et exercer continuellement les opérations que nécessitent les lois fiscales ! Quel danger même pour la sûreté et la tranquillité publique, que l’exercice perpétuel des fonctions des employés dans ces lieux, où les étrangers abordant en foule, peuvent, pour se soustraire aux droits et aux poursuites, ainsi 30 [Assemblée national ARCHIVES J?4fiffEMENTAJRES. |12 jvu]ll790.] que nous l’avons vu souvent pour des saisies de tabac, exciter fréquemment des émeutes populaires, si dangereuses dans les grandes villes de commerce, et surtout dans les villes maritimes ! Quel danger en tin pour le commerce national, que d’être soumis à ces gênes et inquisitions fiscales, qui, mille fois plqs onéreuses aux négociants que les droits les plus forts, et qui, plus odieuses pour la liberté et l’activité du commerce, que les peines qu’imRose le lise ne le sont aux fraudeurs des droits, repoussent des villes où elles sont étahlies tout négociant et tout commerce 1 Si Jes barrières étaient reculées, et les employés établis dans le port et sur pos quais, la ville, ses faubourgs, son territoire perdant leur franchise, la valeur des biens-fonds serait cruellement réduite, et leurs revenus seraient presque annulés par les rpaux qu’éprouyerait le commerce. Qu’on veuille bien calculer, dans eptte hypothèse cruelle, la perte très importante que 'ferait le Trésor public sur les contributions de ces mêmes immeubles, qui seraient hors d’état d’en supporter. Le territoire de Marseille surtout, anpas de sables et de rocs, sec, aride et stérile par sa nature et par le climat» mais fécond par l’industrie la plus pénible et la plus dispendieuse, et qui entretient, dans un rayon de deux lieues d’étendue, plus de vingt mille habitants, sera nécessairement abandonné; sa culture ruinée réduira au désespoir ses agriculteurs précieux, et la perte toujours en dernière analyse retombera sur la masse de (a nation. Vos principes, Messieurs, sqnt ceux de la bienfaisance, surtout en faveur de l’agriculture. Elle semble aujourd’hui occuper principalement votre splücitudp; elle va, par vqs soins, par vos lois sages, sp réveiller du spmmpil léthargique dans lequel des abus et des maux de tout genre la tenaient engourdie. J’ose vous le prédire, Messieurs, vous n’aurez rien fait pour l’agriculture, si vous ne rendez pas et §j vous ne maintenez pas toujours le commerce maritime le plus florissant possible, et constamment prépondérant sur nos rivaux-Le commerce maritime seul est le protecteur de l’agriculture; c’est lui qui la vivifie, l’encourage, lui donne de l’émulation et l’enrichit; enfin, il en est l’agent nécessaire ef le Dieu tutélaire. Est-il besoin de dire ces vérités à des législateurs éclairés ? Qu’était en effet en France l’agriculture avant que tes lois qui ont protégé le commerce maritime national l’eussent pqrté au degré où il est? Le sol de la France u’ était ni moins fécond, ni moins favorablement situé, et cependant l’agri-puiture languissait. Dans les contrées où la nature prodigue versait avec profusion ses bienfaits, le superflu des denrées élait sans prix et sans vente, les terres sans yaleur; Jes cultivateurs, regorgeant dp dpnroes, ne pouvaient ge procurer l’argent nécessaire aux autres besoins de lit vie, et aux frais indispensables d’explpitation de leurs biens, faute de débit et de débouchés. Le découragement les gagnait, les biens restaient sans culture, les produits étaient insuffisants pour les frais d’exploitation et d’entretien, le supe rflu des récoltes était vilement prodigué, l'État y perdait immensppaent suite produit des impositions, et le numéraire était saps circulation, enfin je corps politique était sans vie. Dans les contrées que la nature avare avait mal traitées, l’impuissance des cultivateurs anéantissait leur industrie, et désespérait même leur pou rage; la dépopulation et l’abandpn des terres eu étaient les suites. Mais daignez, Messieurs, jeter les yeux sur ces contrées arides et stériles par leur nature, et qui avoisinent les villes d’un grand commerce maritime; fixez vqs regards sur la Provence, vous y verrez partout des rochers et des montagnes arides, escarpées, vivifiées par l’industrie, les arts et l’agriculture encouragés par le commerce de Marseille; vous y verrez les terres journeliemenf; entraînées par les orages et les torrents dans les vallons, transportées par de laborieux cultivateurs sur des coteaux escarpés, et sur le sommet des montagnes autrefois pelées, soutenues par des murailles d’appui en terrasses, et formant de la base au sommet de riches amphithéâtres pou-verts de vignes et d'oliviers, offrir enfin aux voyageurs étonnés la plus brillante décoration de’ la nature, dans ces mêmes lieux où, faute d’industrie et de commerce, la terre n’offrait que le spectacle hideux d’un squelette décharné. Ce commerce seul a pu encourager cette industrie utile et bienfaisante, ranimer ces corps morts, peupler ces rpontagnes de citoyens laborieux et heureux, et récompenser leurs travaux dispendieux et pénibles, autant qu'ingénieux. Si l’Etat cesse de favoriser cette industrie agricole, et de la vivifier par fi s lois protectrices dp commerce maritime, le découragement et l’impuissance abandonneront ces utiles travaux, les cultivateurs cesseront d’entretenir ces propriétés factices de leur industries et de Ipup surveillance journalière : et bientôt cette même mer destinée par la nature à vivifier, par les bienfaits du commerce, ces sites autrefois nus, triples et escarpés, recevra et engloutira dans spn sein leur féconde parure, fruit précieux dé l’industrie et des arts, et avec elle la fortune et la jic’hpssè des cultivateurs. L’éboufemenl successif dés terres incultes entraînées par la mer, par les orages et les torrents, formeront encore sur pos eôtps Ips banc? de sable très dangereux pour la navigation, surtout dans le yoisinage des rades et dos pprts. Ces maux, Messieurs, peuvent sè pféyoir, qpais ils ne se réparent pas, et si (ce que ie ne puis croire), vous cessiez d’envisager Marseille connue la régénératrice des arts, de f’inauètrieet cjel’agn-culture, si vous cessiez de la maintenir dqp§ tous les avantages du régiipé (le son çoqirpercp, fçjifijs peu de temps l’oeil des légis[atpu'rs flùj vpqs'sùp“ céderaient, parcourant les mêmes îièiik que flous voyons encore aujourd’hui cujtivég et heureux, ne pourraient aue gémir à leur aspect, sur les fléaux et la roisere qpe lés malheurs de Marseille auraient attifés sur nos provinces rnérjdiqnales ; sur la diminution de l’immense pppulatjon de cette ville qui, par les lois proteptrjees du commerce, s’était si étonnamment accrue; sur' la perte, epflq, de ce même commerce au ppofif, de nos rivaux : regrets d’autant plus sensibles, qu’ils rappelleraient l’antique splendeur du commerce de Marseille qui, depuis Fedit % port franc j avait eu constamment pour patrimoine le marphé général du commercé, malgré les efforts de toutes les puissances ci’Itali’e pour le lui pnlever. Le triomphe de nos rivaux serait assuré par là moindre atteinte portée à la franchisé du pôrj'de Marseille et' à son régime; et, par une conséquence physique et déplorable de la décadence du commerce, des milliers de Français, de toutes professions, réduits à l’inaction et à la misère, seraient privés des moyens de subsister. Nice, Gênes, LivQprnp, Yepige, frieste, Messine [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 août 1790.] 31 n’ont qu’à profiter de nos fautes et ouvrir leurs ports et leurs magasins aux étrangers, auxquels ils offriraient des avantages, et cette liberté qu’ils ne trouveraient plus à Marseille, si la moindre atteinie était portée à la franchise de son port; bientôt, abandonnant Marseille, ils s’y porteraient en foule; nos négociants même, dont la fortune est dans leur industrie, leur génie et leur portefeuille, et peut facilement se transporter partout où il leur est avantageux d’exister, déserteraient cette ville. Eh ! que n’avons-nous pas à craindre des efforts continuels de ces ports étrangers sans cesse en rivalité avec nous? Ces vérités immuables ont été fortement senties et exprimées par le dispositif même de la loi de 1669, qui rétablit et consacra la franchise dn port de Marseille. Ce siècle plus éclairé pourrait-il les méconnaître, après une si longue expérience des bienfaits qu’elle a produits? et les représentants d’une nation libre, occupés du bonheur du peuple, le plus industrieux et le plus actif, en ressentiraient-ils moins l’utilité et l’importance, que le gouvernement arbitraire du siècle passé ? Qu’il me soit permis de vous le faire observer, Messieurs, des erreurs politiques et d’administration font plus de maux aux grands empires, que les guerres les plus malheureuses ; et des combinaisons sagement calculées par les intérêts respectifs des différentes nations , et sur leur industrie, procurent plus d’avantages, plus de ressources, plus de prospérité aux peuples qui savent en profiter, que les 'conquêtes les plus brillantes. 11 est temps enfin, Messieqrs, que nous respections, que nous consacrions même cette sage leçon, et l’usage de ces moyens utiles aux nations, qui honorent l’humanité, dont les hommes d’Etat dans tous les gouvernements ont su se servir pour accroître leur prospérité. Il est temps que nous consolidions ces systèmes politiques de bienfaisance qui conservent à là France les heureuses ressources dont la nature a favorisé son sol plus qu’aucun autre, et que nous nous occupions des moyens d’accroître notre influence et nos conquêtes sur nos voisins et nos rivaux, par les charmes et l’attrait de la fortune, du bonheur et de la liberté, protectrice de l’industrie et des arts; en appliquant surtout les systèmes, et les lois sages qui en découlent, aux pays où la nature les appellent. Des événements physiques et désastreux, qui, quelquefois, ont bouleversé les parties du continent, pourraient seuls enlever à Marseille les avantages inappréciables que sa position heureuse, sur nos côtes maritimes, lui a donnés de tout temps, et qu’elle tient de la nature. Son port sera toujours le plus beau, le plus sûr, le plus commode de la Méditerranée, et le mieux disposé pour être l’asile du commerce et le magasin de l’Europe. Mais, Messieurs, un seul de vos décrets, surpris à votre sagesse par la jalousie ignorante et impolitique, s’il atténuait la liberté du commerce de Marseille, la franchise de son port, de la ville et de son territoire, fondées sur des principes si savamment combinés par le grand Colbert, et que vous avez vous-mêmes si sagement consacrés ; ce seul décret, dis-je, pourrait paralyser et enchaîner à l’instant cette active et libre industrie, source des richesses de l’Etat, priver la nation des avantages incalculables qu’elle lui procure, ruiner la prospérité du commerce individuel et national, réduire au désespoir les citoyens qui s’y livrent, anéantir l’agriculture et les fabriques de nos provinces méridionales et centrales, désor-donner toutes les spéculations et rapports commerciaux de celte place importante, avec tous les comptoirs de l’univers, faire pencher contre les intérêts de la France, la balance politique des puissances commerçantes, et renvoyer dans les ports des nations nos rivales, et à leur profit, nos utiles concitoyens, leur génie, leur industrie, leur activité, et avec eux les arts, les sciences, les richesses qui font prospérer les grands empires. Marseille, maintenue dans la franchise de son port, ville et territoire, consacrée aujourd’hui par l’opinion publique, et par le décret que vous allez rendre, sera à l’abri de toutes les inquiétudes et les alarmes qui, presque toujours nourries par l’autorité versatile du gouvernement arbitraire, enchaînaient les grandes vues et les vastes projets de ses négociants, qui ne peuvent être encouragés que par l’assurance constante et immuable d’un régime qui les protège. Avec quelle activité ne vont-ils pas se livrer aux élans du patriotisme, à l’inspiration et à la vivacité de leur génie, pour étendre leurs spéculations et faire de nouveaux efforts pour accroître la prospérité nationale ! Oui, Messieurs, n’en doutez pas, le caractère des Marseillais est surtout susceptible de cette activité ; son génie entreprenant et hardi, qqi tient peut-être à la nature du climat, est capable d’enfanter des projets d’une utilité inappréciable, et je ne craindrai pas de le faire pressentir, Messieurs. Sans doute, nos négociants n’auront pas plutôt ressenti les effets bienfaisants de vos nouvelles lois, et de la liberté entière que sollicite le commerce, qu’ils vont se livrer à des recherches utiles, à des entreprises importantes, qui peuvent procurer à la nation les avantages incalculables du commerce des Indes orientales, par des routes que leur industrie et leurs richesses utilement employées pourraient leur ouvrir, et qui, ne pouvant être favorablement praticables que pour les Français, rendraient la nation maîtresse du plus riche et du plus important commerce de l’univers. Ce n’est point, Messieurs, un rêve patriotique que j’enfante ; votre bienfaisance, votre justice pour la ville de Marseille, peut le réaliser; vous en recueillerez la gloire ; elle attirera sur vous la juste reconnaissance de la génération présente et de la postérité. Je me livre avec confiance à cette heureuse espérance pour ma patrie. En effet, des législateurs, qui ont fondé la liberté d’une grande nation sur les droits imprescriptibles de l’homme et du citoyen, respecteront-ils moins ces droits qui appartiennent en propriété à une agrégation utile et honorable, que ceux qui ne sont qu’une propriété individuelle, ces droits qui unissent les hommes de toutes les nations, qui civilisent les peuples, adoucissent leurs mœurs, éclairent leur génie, vivifient leur industrie, satisfont q leurs besoins, fertilisent les empires, et rassemblent sous l’égide de la liberté toutes les 'nations de l’univers par des rapports d’intérêts et de services mutuels, qui n’en font qu’un seul et même peuple? Que seraient en effet les droits du citoyen, si, respectés individuellement, ils étaient méconnus collectivement ? Hélas ! il ne resterait alors aux individus que le plaisir illusoire de dire: je suis libre ! tandis que leur profession, leurs actions, les moyens de donner l’essor à leur génie, à leurs talents, à leur patriotisme, pourraient être enchaînés par des gênes et des prohibitions 32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tyraDniques et impolitiques, proscrites jusqu’à ce jour dans Marseille par le despotisme même. Non, Messieurs, vous étendrez les bienfaits de cette liberté naissante sur cette profession utile, honorable, vivifiante, de laquelle le bonheur et l’existence de plusieurs milliers de citoyens, et la prospérité de l’Empire dépendent. Ce bienfait inestimable appellera dans nos ports l’industrie de toutes les nations; des colonies nouvelles et nombreuses, empressées d’y participer en peuplant nos contrées maritimes d'agents éclairés de la prospérité du commerce national, donneront à notre patrie une splendeur à laquelle elle a droit de prétendre, mais à laquelle elle n’a pu encore atteindre. Je suis bien loin, Messieurs, de blâmer les efforts courageux que pourraient faire des hommes libres pour obtenir en faveur des contrées auxquelles leur existence est attachée, les avantages d’une liberté industrielle qu’ils doivent préconiser et non jalouser, consacrer et non attaquer, et pour s’élever au niveau de la prospérité d’une ville contre laquelle, s’ils avaient formé des prétentions injustes, ils seraient prêts à les désavouer dans le moment. Car enfin, s’il était politiquement impossible d’accorder à tous les ports maritimes du royaume la même franchise dont jouit celui de Marseille, faudrait -il en priver celui-là, qui possède cette franchise, non à titre de concession ni de faveur arbitraire, mats à titre de situation, de convenance politique et d’utilité publique ; je dirai même, Messieurs, de nécessité, puisque Marseille est le seul port du royaume qui avoisine dans les mêmes mers, des ports étrangers où celte même franchise établie rivalise avec cette ville, et détruirait son commerce de fond en comble, si elle venait à en être privée, ou à la voir atténuée ? Franchise enfin, que je ne crains pas de dire qu’il faudrait donner à Marseille, si elle n’en jouissait pas depuis tant de siècles. Il ne m’appartient pas, Messieurs, d’entrer dans des combinaisons, d’intérêts généraux au-dessus de ma sphère, et dans des calculs de la balance du commerce des puissances de l’Europe avec celui de la France, et des lois prohibitives que ces considérations ont forcé le gouvernement de mettre sur l’exportation et l’importation. Ces combinaisons, ayant nécessité jusqu’à ce jour des lois fiscales, ont donné naissance à tous les droits dont le commerce est grevé dans certains ports. Des hommes plus versés que moi dans ces calculs (et il en est plusieurs parmi vous, Messieurs, vous donneront sur cet objet toutes les notions dont vous croirez avoir besoin ; mais si la saine politique exige que le régime de ces droits, de ces lois fiscales soit maintenu, ne serait-il pas possible d’en délivrer les ports de mer qui ont le plus de moyens de faire fleurir le commerce national, et d’en établir la perception hors de leur enceinte, comme Marseille en offre l'exemple ? Je n’ai pu approfondir, Messieurs, cette idée -, elle est au-dessus de mes connaissances : mais cette question est digne de votre sagesse. Mon but, en vous la proposant, est de faire participer, aux avantages dont jouit ma patrie, toutes les places de commerce assez importantes et assez heureusement situées, pour les mettre à profit pour l’état. Je conclus donc, Messieurs : 1° A ce que la franchise et la liberté de commerce dont jouit Marseille, à l’instar de plusieurs [12 août 1790.] ports étrangers de la Méditerranée, qui rivalisent sans cesse avec le commerce de cette ville, soient consacrées à jamais par votre décret ; 2°  ce que l’Assemblée nationale invite Messieurs les députés du commerce de Marseille et Messieurs les députés extraordinaires de la municipalité à se joindre aux représentants de cette ville à l’Assemblée nationale pour concerter ensemble les projets à vous présenter, afin d’étendre cette franchise et cette liberté déjà atténuée sur certains points, et encore gênée sur des objets très importants, autant que l’utilité publique et les iütérêts de la nation l’exigent ; 3° Que votre comité de commerce, joint au comité de finances, examine la question de savoir s’il est possible et avantageux à la nation de procurer la même franchise aux ports de commerce maritimes qui sont susceptibles de cette faveur, sans nuire aux revenus de l’État et à la balance de son commerce avec les étrangers, et qu’il vous présente, à cet effet, un plan générai. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 12 AOUT 1790. MOTION de M. Etienne Chevalier, cultivateur et membre de l’Assemblée nationale, sur les abus de la régie des aides (1). Messieurs, tandis que votre sollicitude se manifeste journellement pour secourir tous ceux de vos commettants, de vos frères, qui gémissent accablés sous le poids de l’oppression et des abus, il est une portion de Français, composant plus de trente mille familles, qui réclament votre protection et votre justice. Ce n’est point une de ces réclamations insidieuses tendant à anéantir une branche importante de revenu sans présenter les moyens de remplacement, c’est une pétition sage et raisonnable qui, en présentant la possibilité de diminuer une branche d’impôt indirect, offre en même temps les moyens d’accroître ce même impôt, en favorisant tout à la fois les habitants de Paris et ceux des campagnes, à dix lieues à la ronde. C’est au nom de plus de cent paroisses vignobles, qui toutes ont présenté leurs réclamations à vos comités des finances et d’imposition, que je vous soumets des observations conciliatoires entre les intérêts de l’État, ceux de ces paroisses, et ceux encore de toutes les pauvres familles d’habitants de Paris. Les territoires du plat pays de Paris formant un rayon d’environ dix lieues, depuis Mantes jusqu’à Lagny, sont presque tous cultivés en vignes, parce que le sol y étant généralement léger, sableux ou crayeux, est infiniment plus propre à la culture de la vigne qu’à celle du blé, dont la végétation exige une terre franche, argileuse et froide, telle que celle de la Beauce, la France, la Picardie, la Brie, le Yexin et autres. La culture de la vigne est adoptée dans les (1) Cette motion n’a pas été insérée au Moniteur .