640 [Assemblée nationale.} cette surveillance des détails intérieurs de laquelle dépend si souvent la réussite des plus grandes entreprises; mais elle dépend surtout, Messieurs, dans les circonstances présentes, d’un v ti table accord de toutes les volontés : réunissons-nous pour procurer promptement, par ce nouveau numéraire, à toutes les parties de l’empire, le soulagement qu’elles réclament, et, pour ainsi dire, la nouvelle existence qu’elles attendent. Celles de nos provinces qui repoussaient les billets de la caisse d’escompte, attendent sans répugnance le papier national; plusieurs grandes villes le demandent ; les négociants qui pouvaient hésiter encore, reconnaissent maintenant que, sans un prompt changement dans l’état actuel des choses, il sera impossible de recevoir plus longtemps du papier sur Paris, parce que sa perte s’accroît tous les jours. Nous avons entre tes mains des adresses revêtues des signatures les plus recommandables des manufacturiers et des commerçants, qui réclament un nouveau numéraire. Vous n’avez point, oublié cette adresse éloquente et patriotique des négociants de Bordeaux, de cette cité si célèbre dans les fastes du commerce ; elle a adopté l’une des premières la circulation des assignats ; son exemple sera suivi de toutes ses rivales, ainsi que de toutes les villes qui ne peuvent prétendre à l’être. Elle a envoyé son adhésion anticipée à celle des opérations de finances qui vous paraîtrait la plus adaptée aux circonstances; ses commerçants réunis l’ont appuyée d’un serment solennel. Bientôt la circulation des assignats deviendra la plus libre des opérations, puisqu’elle sera secondée des efforts et des volontés de tous. La capitale, écrasée par un papier dont elle ne peut se servir habituellement pour acquitter lu prix des consommai ions qui forment tous les jours sa dette vis-à-vis des provinces, recevra surtout avec reconnaissance un numéraire plus actif pour elle, et j’ose ajouter, plus digne de vous. Votre comité des finances vous parlerait peut-être avec moins d’assurance, s’il s’agissait de répandre pour la première fois un numéraire fictif : mais les choses ne sont plus entières à cet égard. Il en existe un, qui est au-dessous d’un numéraire fictif, puisque, si j’ose m’exprimer ainsi, il n’est pas un numéraire effectif, et que rien ne deviendrait plus contradictoire en administration, qu’un papier concentré dans une seule ville; il ne peut alors avoir aucun des avantages du papier circulant, et il n’en conserve que les inconvénients, ün peut encore moins s’arrêter à l’idée d’un papier municipal, qui varierait suivant la situation des immeubles ou des municipalités qui les auraient acquis; ce serait revenir à peu près à cette ancienne et absurde diversité des monnaies des anciens grands vassaux de la couronne. Votre comité ne vous propose donc que de remplacer un numéraire imparfait, par un numéraire doué de tous les caractères qu'aucun papier connu n’a offerts jusqu’à nos jours, puisque maigre son heureuse mobilité, sa base repose sur un immeuble réel, sur une hypothèque spéciale-, et quand il sera bien apprécié comme il doit l’être, il ne tardera pas à remporter sur l’argent même. Enfin, une dernière considération doit être sans cesse présente à votre esprit, au moment de votre délibération : c’est que cette grande et puissante pératiou va lier tous les citoyens à la chose publique. Tous les possesseurs des assignats, quels qu’ils soient, habitants des campagnes ou des villes [9 avril 1790.] auront entre leurs mains le gage de l’aliénation des immeubles domaniaux et ecclésiastiques; ils désireront rapprocher l’époque de cette aliénation. De toutes les cl as -es de citoyens s’élèveront des voix qui accéléreront les ventes; et vous savez, Messieurs, que le désir de tout un peuple laisse à peine entrevoir l’intervalle qui sépare l’acte de sa volonté, de l’effet rapide et surtout infaillible de sou exécution. PROJET DE DÉCRET proposé par le comité des finances. A compter de la présente année, les dettes du clergé sont réputées nationales : le Trésor public sera chargé d’en acquitter les intérêts et les capitaux. La nation déclare qu’elle regarde comme créanciers de l’Etat tous ceux qui justifieront avoir légalement contracté avec le clergé, et qui seront porteurs de contrats de rentes assignées sur lui. Elle leur affecte et hypothèque, en conséquence, toutes les propriétés et revenus dont elle peut disposer, ainsi qu’elle le fait pour toutes ses autres dettes. Les biens ecclésiastiques qui seront vendus et aliénés en vertu des décrets des 19 décembre 1789 et 17 mars dernier, sont affranchis et libérés de toute hypothèque de la dette générale du clergé, dont ils é aient ci-devant grevés, et aucune opposition à la vente de ces biens ne pourra être admise de la part desdits créanciers. Art. 3. 11 sera pourvu très incessamment au remplacement des dîmes, et à toutes les dispositions nécessaires pour assurer, au plus tôt, de la manière la plus juste et laplus solennelle, les frais du culte, l’entretien des ministres, les pensions des religieux ou religieuses, et les droits des titulaires actuels des biens du clergé. Ce sera l’objet de plusieurs décrets particuliers. Art. 4. Les assignats créés par les décrets des 19 et 21 décembre 1789, auront cours de monnaie dans tout le royaume, et seront reçus comme espèces sonnantes dans toutes les caisses publiques et particulières. Art. 5. Au lieu de 5 0/0 d’intérêt par chaque année, qui leur étaient attribués, il ne leur sera plus alloué que 4 1/2 0/0, à compter du 15 avril de l’année présente; et les remboursements, au lieu d’être différés jusqu’aux époques mentionnées dans lesdits décrets, auront lieu successivement par la voie du sort, aussitôt qu’il y aura une somme d’uu million réalisée en argent sur les obligations données par les municipalités pour les biens qu’elles auroilt acquis, et en proportion des rentrées de la contribution patriotique des années 1791 et 1792. Si les paiements avaient été faits en assignats, ces assignats seraient brûlés publique ment, ainsi qu’il sera dit ci-après, et l’on tiendra seulemeut registre de leurs numéros. Art. 6. Les assignats serontdepuis LOOOjusqu’à 20ü livres. L’intérêt se comptera par jour. L’assignat de 1,000 livres vaudra deux sols six deniers par jour; celui de 300 livres, neuf deniers; celui de 200 livres, six deniers. Chaque mois comptera pour trente jours. Art. 7. L’assignat vaudra chaque jour son principal, plus l’intérêt acquis; et on le prendra pour cette somme. Le dernier porteur recevra au bout de l’année le montant de l’intérêt, qui sera payable à jour fixe par la caisse de �Extraordinaire, tant à Paris que dans les différentes villes du royaume. A ROUTES PARLEMENTAIRES. 611 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. }9 mti 1 179».} Art. 8. Pour éviter toute discussion dans les paiements, le débiteur sera toujours obligé de faire 1 appoint, et par conséquent de se procurer le numéraire d’argent nécessaire pour solder exactement la somme dont il sera redevable. Art. 9. Les assignats seront numérotés; il sera fait mention, en marge, de l’intérêt journalier, et leur forme sera réglée de la manière la plus commode et la plus sûre pour la circulation, ainsi qu’il sera ordonné par l’Assemblée nationale. Art. 10. En attendant que la vente des biens domaniaux et ecclésiastiques, qui seront désignés, soit effectuée, leurs revenus seront versés, sans délai, dans la caisse de l’Exlraordinaire, pour être employés d’autant, et déduction faite des charges, aux paiements des intérêts des assignats. Les obligations des municipalités, pour les objets acquis, y seront déposées également ; et à mesure des rentrées des deniers par les ventes que feront lêsdites municipalités des biens-fonds, ces deniers y seront versés sans retard et sans exception, leur produit et celui des emprunts qu’elles devront faire, d’apres les engagements qu’elles auront pris avec l’Assemblée nationale, ne pouvant être employés, sous aucun prétexte, qu’à l’acquittement des intérêts desdits assignats et à leur remboursement. Art. 1t. Les assignats emporteront avec eux hypothèque, privilège et délégation spéciale, tant sur le revenu, que sur le prix desdits biens ; de sorte que l’acquéreur qui achètera des municipalités aura le droit d’exiger qu’il lui soit fégafe-ment prouvé que son p-dement sert à diminuer d’autan t les obligations municipales et à rembourser une �omme égale d’assignats: à cet effet, les paiements seront versés à la caisse de l’Extraordi-naire, qui en donnera son reçu à valoir sur l’obligation de telle ou telle municipalité. Art. 12. Les 400 millions d’assignats seront employés premièrement à l’échange des billets de la caisse d’escompte jusqu’à concurrence des sommes qui lui sont dues par la nation, pour le montant des billets qu’elle a remis au Trésor public, en vertu des décrets de l’Assemblée nationale. Le surplus sera versé successivement au Trésor public, tant pour éteindre les anticipations à leur échéance, que pour rapprocher d’un semestre les intérêts arriérés de la dette publique. Art. 13. Tous les porteurs de billets de la caisse d’escompte feront échanger ces billets contre des assignats de même somme, à la caisse de l’Ëxtra-orüinaire, avant le 15 juin prochain; et à quelque époque qu’ils se présentent dans cet intervalle, l’assignat qu’ils recevront portera toujours intérêt à leur profit, à compter du 15 avril : mais s’ils se présentent après l’époque du 15 juin, il leur sera fait décompte de leur intérêt, à partir du 15 avril, jusqu’au jour où ils se présenteront. Art. 14. L’intérêt attribué à la caisse d’escomnte sur la total tté des assignats qui doivent lui être délivrés cessera à compter de ladite époque du 15 avril, et l’Etat âe libérera avec elle par la simple restitution successive qui lui sera faite de ses billets, jusqu’à concurrence de la somme fournie en ces billets. Art. 15. Les assignats à 50/0 que la caisse d’escompte justifiera avoir négociés avant la date du présent décret, n’auront pas cours de munnaie, mais seront acquittés exactement aux échéances. Quant à ceux qui se trouveront entre les mains des administrateurs de la caisse d escompte, ils seront remis à la caisse de l’Extraordinaire, pour être brûlés en présence des commissaires qui seront nommés par l’Assemblée nationale. Art. I§. Le renouvellement des anticipations sur les revenus ordinaires cessera entièrement du jour où les assignats leur seront substitués ; et ceux-ci serout donnés en paiement aux porteurs desdites anticipations, à leur échéance. Art. 17. Il sera présenté incessamment à l’ Assemblée nationau* par le comité des finances, un plan de régime et d’administration de la caisse de 1 Extraordinaire, pour accélérer l’exécution du présent décret. Art. 18. L’Assemblée nationale s’occupera aussi des moyens de satisfaire à ce qui est dû pour l’arriéré des départements, pour le remboursement des effets publies, des traitements suspendus, et autres objets d’une égale considération, en écoutant, àcet effet, lesdiverses propositions qui pourront lui être faites par son comité. M. Anson fait ensuite lecture d’une adressedes députés du commerce qui demandent le prompt établissement des assignats. M. l’abbé Maftry se présente à la tribune pour parler sur le projet de décret qui vieut d’être proposé par le comité des finances. L’ajournement de la discussion est demandé et prononcé afin d entendre un nouveau rapport. M. Cliasset, au nom du comité des dîmes, fait le rapport suivant sur le remplacement des dîmes (1). Messieurs, votre comité des dîmes, formé parla réunion d’un nombre de commissaires tirés de quatre autres comités (2), n’a pu examiner eette contribution, sans considérer les rapports qu’elle a naturellement avec les parties dont ces quatre comités sont chargés. Elle tient en effet à la religion, parce qu’elle a servi pendant des siècles à satisfaire àcette partie des dépenses publiques, désignées sous le nom de frais du culte. L’agriculture se ressentant de sa très funeste influence, etréclamant depuis longtemps contre cet impôt, commecontre un de ses fléaux les plusaeca-blants, ordonne impérieusement' qu’on l’en délivre sans différer. Les finances, de leur côté, demandent qu’on n’abandonne pas ce revenu public, sans leur en faire part, ou, au moins, sans leur donner une plus grande latitude pour étendre sur les terres les moyens d’élever la recette au niveau de nos dépenses nécessaires. Enfin, le comité des impositions se tient en observations, pour qu’on ne fasse sur la dime rien qui puisse déranger l’équilibre qui doit exister entre les contributions publiques, soit territoriales, Soit de touie autre nature. C’est dans ces défilés différents qui se croisent, et dans lesquels on se perd, pour ainsi dire que, votre comité des dîmes a été obligé de marcher pour arriver à un résultat avantageux aux peuples et à la chose publique, fondé en même temps sur des principes justes et constitutionnels ; enfin, à un résultat eu grand qui, se liant avec les autres ressources delà nation, pour subvenir à ses dépenses, puisse calmer nos inquiétudes, tranquilliser les créanciers de l’Etat, en leur présentant la plus immense, la plus libre, la plus sûre hypothèque qu’aucuue nation puisse offrir. (!) Le rapport de M. Chasset est incomplet au Moniteur. (2) Celui ries finances, celui des affaires ecclésiastiques, celai de l’agriculture et du commerce, et celui des impositions.