[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1791.] 3 M. Camus, au nom du comité des assignats. Messieurs, on vous a rendu compte hier de la falsification d’assignats de deux mille livres; voici la rédaction des articles que vous avez renvoyés au comité : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités des rapports, des finances, et de l’extraordinaire, décrète : Art. 1er. « Toute personne à qui l’on présentera en payement un assignat suspect de faux, notamment un des assignats de 2,000 livres, suspects d’après les caractères qui ont été rendus publics, sera tenue d’aller aussitôt en faire sa déclaration à Paris, au comité de police de sa section ; hors Paris, à la municipalité du lieu dans lequel on lui aura offert ledit assignat. Art. 2. « Le porteur de l’assignat suspect de faux qui l'aura offert en payement, sera tenu d’accompagner la personne à qui il aura offert ledit assignat, de faire sa déclaration de la personne de laquelle il a reçu l’assignat suspect, s’il la connaît, et de remettre l’assignat suspect, après l’avoir paraphé, pour qu’il soit envoyé à la caisse de l’extraordinaire, où il sera vérifié. Il y restera en dépôt, s’il est reconnu faux ; si l’assignat est reconnu bon, il sera remis au propriétaire. Art. 3. « Lorsque des assignats suspects seront présentés en payement dans les caisses publiques, les trésoriers ou caissiers feront conduire sur-le-champ les personnes qui les présenteront, soit au comité de police de la section, soit à la municipalité, ainsi qu’il est dit en l’article précédent pour que leur déclaration y soit reçue, l’assignat paraphé et déposé. Art. 4. « Dans le cas où celui qui aura présenté un assignat suspect de faux refuserait de se rendre au comité de police de la section ou à la municipalité, et d’y représenter l’assignat qu’il avait offert en payement, le commissaire de police, ou l’un des officiers municipaux chargés de la police, seront autorisés à se transporter au domicile du porteur de l’assignat [suspect, à faire dans ses papiers telle perquisition qu’ils croiront nécessaire, et à saisir, soit les assignats suspects qu’ils y trouveront, soit tous autres papiers qui pourraient être relatifs à une fabrication d’assignats. « Le présent décret sera imprimé et envoyé à tous les départements. » M. Roussillon. Il n’est peut-être pas suffisant d’autoriser les personnes auxquelles on présentera de faux assignats à en citer et faire traduire les porteurs devant les officiers de police; il conviendrait encore de les autoriser aussi à saisir les billets pour en faire par elles-mêmes le dépôt ou la déclaration. M. Camus, rapporteur. Cette disposition exposerait les personnes intéressées à des contestations qu’il est bon de prévenir ; elle pourrait donner lieu à des rixes journalières et même à des friponneries, en substituant par exemple un faux assignat à celui qui serait présenté. M. Rœderer. L’observation de M. Roussillon est très juste dans lè fond et il me semble qu’elle serait praticable en la sous-amendant de cette manière : « si mieux n’aime le porteur consentir l’annihilation et le bâtonnement de l’assignat faux ». M. Tuaut de Ca Rouverte. Cet objet est très important : je demande le renvoi de la proposition au comité. M. Roussillon. J’y consens. M. Camus, rapporteur. La disposition proposée par M. Roussillon rendrait plus difficile, peut-être même impossible la découverte de la contrefaçon. Je ne m’oppose cependant pas au renvoi au comité, les différentes observations présentées pouvant très bien être prises en considération dans d’autres temps et suivant les circonstances. (L’Assemblée ordonne le renvoi au comité des propositions de MM. Roussillon et Rœderer et adopte le projet de décret de M. Camus.) M. Camus, rapporteur. Messieurs, le succès du décret que vous venez d’adopter serait encore plus certain si vous vous déterminiez à faire retirer les assignats de 2,000 livres émis par des décrets antérieurs, en en facilitant l’échange contre des assignats de cinq cents livres. Il faudrait pour cela ordonner une nouvelle fabrication de papier et autoriser soit le commissaire du roi, soit le commissaire de l’extraordinaire à faire fabriquer du papier de 500 livres lorsqu’il paraîtra utile. M.Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Je crois qu’il vaudrait mieux que les commissaires ne pussent faire faire du papier que d’après un décret de l’Assemblée. C’est le seul moyen de faire taire les calomnies des malveillants dont nous sommes environnés. M. Rrillat-Savarin. Je demande qu’il soit fabriqué pour cent millions d’assignats de 500 livres pour échanger les assignats de 2,000 livres. M. Camus. Voici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fabriqué du papier pour l’impression des assignats de 500 livres pour produire en assignats de la dite qualité la somme de 30 millions de livres, lesquels seront destinés et uniquement employés à retirer, par la voie de l’échange, à la caisse d’escompte, des assignats de 2,000 livres. » (Ce décret est adopté). M. Camus, au nom du comité central de liquidation. Messieurs, lorsqu’on vous a présenté un décret particulier relativement aux créanciers de M. d’Artois, il vous a été observé que vous ne deviez pas faire une loi particulière pour les créanciers de M. d’Artois; que l’on devait en faire une générale pour les créanciers des personnes absentes. Vous avez voulu priver ces personnes absentes, des payements qu’elles avaient sur l’Etat tant qu’elles ne seraient pas enFrance; mais vous n’avez pas entendu priver les créanciers qui auraient des droits légitimement acquis, surtout lorsque ces droits seraient antérieurs au 24 juin dernier. Ayant l’époque du 24 juin en effet, si l’Etat avait payé exactement à l’époque de l’échéance, [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1791.) ces sommes auraient été touchées ; vous n’aviez pris aucune mesure à cet égard. 11 n’est donc pas possible que la disposition du décret du 24 juin fasse aucun tort aux créanciers des personnes absentes. Relativement aux créanciers de M. d’Artois et de Monsieur, indépendamment de la règle générale, il a bien fallu entrer dans des détails particuliers à raison de la position où ils se trouvent. Par le décret sur la liste civile, vous avez suspendu à statuer sur le remboursement des offices et charges des maisons de Monsieur et de M. d’Artois, ainsi que sur toutes les charges de la maison du roi, de manière que, dans l’état actuel, Monsieur et M. d’Artois ne peuvent pas supprimer ces charges et les rembourser, si vous ne décidez qui payera le remboursement de ces charges. Dès lors, il faut qu'ils continuent à avoir ces officiers, et si tous ces officiers subsistent, leurs gages et leurs appointements leur sont dus, et c’est pour pourvoir à ce payement que vous avez assigné un million de traitement annuel, indépendamment de la recette apanagère. Les créanciers de M. d’Artois demandent à être payés sur ses revenus de ce qui peut leur être dû. Il reste à dire un mot sur Mesdames. Mesdames, tantes du roi, n’ont point de traitement sur la Trésorerie, mais il y avait différentes parties d’arriérés qui avaient été liquidées à leur profit, arriérés qui étaient échus avant le 24 juin dernier. Ces arriérés étaient destinés à payer des fournisseurs, des entrepreneurs, des ouvriers. Ces créanciers de Mesdames demandent pareillement à être payés sur les arriérés. Tels sont les motifs qui ont déterminé le projet de décret que j’ai l’honneur de vous présenter. La première partie du projet concerne le payement des créanciers qui ont des droits à faire valoir sur les sommes dues par l’Etat aux Français émigrés ; voici les articles relatifs à cet objet: « L’Assemblée nationale, ouï le rapport du comité central de liquidation, décrète : Art. 1er. Les créanciers porteurs de titres ayant une date certaine antérieure au 24 juin dernier, et rendus exécutoires, suivant les formes légales, contre les personnes absentes du royaume, ainsi que les ouvriers et fournisseurs qui justifieront de travaux et fournitures faites pour les absents avant la même époque, et qui auront fait prononcer par jugement sur leurs demandes, seront payés de leurs créances sur les sommes dues par l’Etat à leurs débiteurs, et échues avant la dite époque du 24 juin 1791, pour cause autre que pour pensions ou traitements postérieurs au 1er janvier 1790. Art. 2. « Les créanciers mentionnés en l’article précédent ne pourront être payés que sous les conditions suivantes : « 1° Ils seront tenus d’affirmer leur créance sincère et véritable devant le tribunal du district du lieu où ils se trouveront; « 2° Ils justifieront que les impositions et la contribution patriotique à la charge de leur débiteur, ont été acquittées ; et dans le cas où cette justification ne serait pas faite, il demeurera, par forme de nantissement, entre les mains des trésoriers et payeurs de l'Etat, un dixième des sommes échues et à payer. Le dixième réservé sera remis lorsqu’on justifiera du payement des impositions et des contributions; « 3° Les créanciers qui voudront être payés, justifieront individuellement qu’ils ont satisfait aux conditions requises par les décrets des 24 et 27 juin dernier. Art. 3. « Le trésorier de la maison de Mesdames, tantes du roi, est autor isé à toucher l’arriéré liquidé ou à liquider pour les différentes parties dues à la la maison de Mesdames, échues avant le 24 juin dernier, et à distribuer lesdites sommes aux ouvriers et fournisseurs, et aux diverses personnes employées dans les états de la maison de Mesdames ; lesdites personnes étant actuellement en France. Art. 4. « A l’égard des créanciers de Monsieur et de M. d’Artois, les trésoriers desdites maisons continueront à recevoir à la Trésorerie nationale les sommes ordonnées par le décret des 20 et 21 décembre dernier, et l’emploi desdites sommes sera fait de la manière suivante : « La somme de 500,000 livres par année, attribuée aux créanciers de Monsieur, et le fonds annuel des rentes viagères, accordé aux créanciers desdites rentes sur M. d’Artois, seront employés au payement desdits créanciers, aux termes dudit décret. La somme d’un million attribuée à chacun de Monsieur et de M. d’Artois, à titre de traitement annuel, sera employée spécialement au payement des officiers et domestiques desdites maisons étant actuellement dans le royaume, tant que leurs charges ne seront pas supprimées. « La somme d’un million, attribuée à chacun de Monsieur et de M. d’Artois à titre de rente apanagère, sera employée à payer les créanciers de Monsieur et de M. d’Artois, qui seraientporteurs de titres de la nature mentionnée dans l’article 1er, ainsi que les ouvriers et fournisseurs ; les-dits créanciers, ouvriers et fournisseurs étant dans le royaume. Elle sera aussi employée à payer les objets de dépense courante et d’entretien des maisons de Monsieur et de M. d’Artois dans le royaume. Art. 5. « L 'strésoriers desdites maisons, etles séquestres ordonnés par les décrets des 20 et 21 décembre établis pour le payement des créanciers de Monsieur et de M. d’Artois, justifieront chaque mois aux commissaires de la trésorerie nationale et aux commissaires du comité des finances chargés de la surveillance de la Trésorerie, des payements qu’ils auront faits en conformité de l’article précédent; ils seront responsables des payements qu’ils auraient faits en contravention audit article, et chaque mois ils rapporteront à la Trésorerie nationale les sommes qu’ils y auraient reçues pendant le mois, et qui n’auraient pas pu être payées conformément aux dispositions du présent article. Art. 6. « Les oppositions que les créanciers de Mesdames, de Monsieur et de M. d’Artois auraient formées ou formeraient entre les mains des conservateurs des hypothèques et finances, et des payeurs des rentes, tiendront entre les mains des trésoriers, séquestres et agents desdites maisons. Tous créanciers pourront également former les oppositions�pourla conservation de leurs droits,