220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de confiscation ou déshérence : tous ces objets seront réunis dans le projet de décret. On a proposé de faire procéder à la liquidation des affaires de la Compagnie des Indes par le gouvernement : les comités ont discuté cet avis; ils l’ont cru contraire aux intérêts de la République. Si les actionnaires de la Compagnie des Indes avaient cessé tout commerce à l’époque du 3 avril 1790, s’ils avaient remis au gouvernement les établissements dont il leur avait concédé la jouissance, ou s’ils avaient fait timbrer et viser leurs actions, acquitté le droit d’enregistrement à chaque mutation, et porté le cinquième de leurs bénéfices; s’ils avaient remis aux agents de la République tout ce qui revenait au trésor public par droit de confiscation, le gouvernement serait étranger à la liquidation, ses préposés y interviendraient seulement comme créanciers des droits acquis, mais ils n’y interviendraient que comme simples particuliers. La conduite qu’ont tenue les actionnaires n’a pas changé la nature de leur établissement. La Compagnie s’était maintenue comme association en commandite; le décret du 26 germinal l’a absolument supprimée; elle n’a pas fait la remise de ses établissements : on le lui demandera; elle a déguisé les transferts de ses actions; elle s’est soustraite au droit du timbre : on en poursuivra le payement; elle n’a pas acquitté sa contribution : elle y sera contrainte; un grand nombre de ses actions est acquis à la République : ses agents exerceront les droits de ceux à qui elles appartenaient. Aucune des circonstances n’a fait que l’association substituée à la Compagnie des Indes, privée par sa nature, soit devenue un établissement public. Les scellés ont été apposés en vertu d’un décret; mais c’est là une simple précaution, c’est un acte conservatoire, et non pas une prise de possession. Si le gouvernement procédait lui-même à la liquidation, il ne le ferait qu’à grands frais; ses agents deviendraient comptables envers les autres actionnaires; et s’il arrivait que ceux-ci ne retirassent pas tout ce qu’ils ont espéré, ils demanderaient peut-être qu’on prît leur sort en considération. L’intérêt de la République, d’accord avec son droit, conseille ici de confier la liquidation de ce qui lui est dû à des surveillants responsables : les comités réunis proposeront seulement de confier aux mêmes agents l’examen et le travail des différents chefs de demande, afin qu’il y ait plus d’ensemble dans l’opération, et qu’elle parvienne plus facilement et plus promptement à son terme. Les comptes à régler se diviseront naturellement en deux parties : La première contiendra le calcul de ce qui est dû à la République. La seconde sera relative à ce que la Compagnie aura à répéter pour le prix de ses marchandises, de ses vaisseaux, et des fonds dont il est prétendu qu’elle a fait l’avance à quelques préposés de la République au delà du cap de Bonne-Espérance . Il est difficile de prévoir à combien se portera le résultat de l’opération; elle est de nature à ne pouvoir être terminée que par son décret; le projet en sera soumis à la Convention nationale lorsque les comptes auront été arrêtés. Elle veillera suffîsament aux intérêts qui lui sont confiés, en ordonnant que tous les fonds provenant de la liquidation seront versés jusqu’à l’apurement et au partage, dans la caisse des dépôts. L’importance des sommes dues à la République, le grand nombre d’actions qui lui appartiennent, l’avantage même des autres actionnaires se réunissent pour que ce dépôt soit effectué. La liquidation peut être terminée dans trois mois : le décret définitif autorisera les parties intéressées à retirer la portion qui leur reviendra : il ne pourra s’élever aucun débat à cet égard. Les marchandises auront été vendues, les comptes auront été arrêtés par les agents même de la Compagnie, les préposés de la République les auront surveillés; les droits de toutes les parties intéressées seront ainsi garantis et conservés. Les dispositions réglementaires n’ayant besoin d’aucun développement préalable, on s’empresse de présenter le projet de décret (67). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des Finances, de Salut public et de Sûreté générale, sur le mode de liquidation à régler, en exécution de l’article V du décret du 26 germinal, relativement aux sommes dues à la République par la ci-devant nouvelle compagnie des Indes. Décrète ce qui suit : ARTICLE PREMIER. Dans les dix jours de la publication du présent décret, la commission des revenus nationaux et celle du commerce et l’approvisionnement nommeront, la première sous l’approbation du comité des Finances, et la seconde sous celle du comité de Commerce, chacune deux commissaires-vérificateurs. Ces commissaires seront chargés de prendre connaissance de l’actif et du passif de la ci-devant nouvelle compagnie des Indes, de calculer les sommes par elle dues à la République, et de celles à répéter, s’il y a lieu, du trésor public; de se faire remettre les vaisseaux, et d’exercer le droit de préhension sur les marchandises et effets de la compagnie qui peuvent être utiles à la nation. II. Les deux commissions réunies enverront deux de ces commissaires au port de Lorient; les autres resteront à Paris. Ils termineront leurs opérations avant le premier nivôse prochain, à peine de les continuer sans rétribution. Leur traitement sera de 500 L par mois, indépendamment des frais de voyage réglés à 6 L par poste. III. Les directeurs, syndics et préposés de la ci-devant compagnie des Indes se réuniront aux commissaire-vérificateurs pour leur rendre les comptes de la compagnie, et (67) Rapport imprimé, C 318, pl. 1282, p. 38. Moniteur, XXI, 669-670. Débats, n° 713, p. 293-297. SÉANCE DU 17 FRUCTIDOR AN II (3 SEPTEMBRE 1794) - N°* 41 221 vérifier ce qui est dû à la République, ou à répéter du trésor public. Ceux qui sont en état d’arrestation obtiendront à cet effet leur élargissement provisoire sous la surveillance d’un garde pour chacun d’eux. IV. Les comptes des directeurs, syndics et préposés de la compagnie seront présentés à la discussion et approbation d’une assemblée générale des actionnaires, convoquée en la forme prescrite par les statuts et règlements. Les commissaires-vérificateurs y auront séance pour y défendre les intérêts de la République, à raison des actions qui lui sont échues. V. Les commissaires-vérificateurs, réunis aux agents et préposés de la compagnie, procéderont à la levée des scellés, sans qu’il soit nécessaire de faire inventaire des effets sur lesquels ils sont apposés. VI. Les commissaires-vérificateurs rendront le compte de leurs opérations au comité des Finances. La partie de la comptabilité sera divisée en trois chapitres. Le premier contiendra l’état des sommes dues à la République : 1°. Pour le triple droit dû pour les mutations des actions de la compagnie, et les inscriptions au livre des transferts effectuées sans que le droit d’enregistrement ait été acquitté. 2°. Pour le timbre des actions qui n’ont pas été soumises à la prestation de ce droit. 3°. Pour le quart des bénéfices et dividendes revenant à la République à titre de contribution, en exécution de l’article XXII de la loi du 27 août 1792. 4°. Pour les dividendes déjà échus et revenant aux actions acquises à la République. 5°. Pour les loyers des établissements nationaux dont la compagnie a conservé la jouissance depuis le 3 avril 1790. VII. Le second chapitre contiendra l’état des actions acquises à la République par défaut de visa ou de transcription sur le livre des transferts, par confiscation, déshérence ou autrement. VIII. Le troisième chapitre contiendra la mention, appuyée de pièces justificatives, des sommes que la compagnie se croira en droit, s’il y a lieu, de répéter du trésor public; les marchandises prises par droit de préhension, seront estimées sur le pied du dernier maximum; les vaisseaux, d’après le rapport des experts nommés par la commission de la marine, sous l’approbation du comité de la Marine. IX. Les mêmes commissaires-vérificateurs procéderont à la visite de l’état des lieux concédés en France à la compagnie, et à leur réception, après qu’ils auront été remis dans l’état prescrit par l’arrêt du conseil du 14 avril 1785. Les locaux situés au-delà du Cap de Bonne-Espérance, seront vérifiés et reçus par les commissaires-civils de la République, qui en constateront l’état. X. Les agents et préposés de la compagnie procéderont, en présence des commissaires-vérificateurs, à la vente de toutes les marchandises et effets qui ne seront pas pris pour le compte de la nation. Le produit en sera versé, ainsi que tout l’actif de la compagnie, à la trésorerie nationale pour faire fonds à la liquidation. XI. Le même versement de fonds à la trésorerie nationale aura lieu à l’égard de toutes les sommes confiées à la garde des préposés, sauf la déduction des sommes dues aux employés pour leur traitement échu ou à écheoir jusqu’au premier nivôse prochain. Il en sera usé de même à l’égard de toutes les sommes dues à la compagnie; les débiteurs ne pourront se libérer verbalement qu’à la trésorerie nationale. XII. Le résidu des sommes qui resteront à la trésorerie nationale prélèvement fait de ce qui est dû : 1°. à la République pour les objets mentionnés dans l’article VI ci-dessus; 2°. aux créanciers légitimes de la compagnie, sera partagé entre les intéressés, et distribué sans retenue au marc la livre des actions. La part et portion de la République, pour les actions qui lui sont échues, sera réglée sur la même proportion et au même rang. XIII. La distribution ordonnée par l’article précédent ne sera effectuée que lorsque les sommes dues à la République auront été reconnues et fixées par un décret ultérieur. Le rapport des commissaires-liquidateurs sera remis, à cet effet, au comité des Finances avant le premier nivôse prochain. XIV. Les agents et préposés de la compagnie joindront à l’effet de l’actif et du passif la liste de ses créanciers, avec la mention des sommes qui leur sont dues : ceux-ci et tous autres prétendant droits seront tenus de se faire connaître et de produire leurs titres entre les mains des agents, préposés et commis saire s -vérificateurs , avant le premier nivôse prochain, à peine de déchéance. XV. Il sera sursis au paiement de toutes les sommes dues par la compagnie jusqu’au premier nivôse prochain; ce délai passé, et après le décret à rendre ultérieurement sur la fixation des sommes revenant à la République, le paiement des sommes légitimement dues sera effectué sans délai et sans retenue : les parties non-réclamées seront acquises à la République, comme représentant les créanciers en retard (68). 42 Les artistes de l’Opéra-Comique national, rue Favart, se présentent à la barre pour offrir le produit d’une de leurs représentations, se montant à 1 751 L pour soulager (68) P.V., XLV, 27-32. C 318, pl. 1282, p. 38. Décret n° 10 698. Rapporteur : Ramel. Moniteur, XXI, 670. Débats, n° 713, p. 297; Gazette Fr., n° 977; J. Fr., n° 709; Rép., n° 258, 259; Ann. R.F., n° 275; Ann. Patr., n° 611; C. Eg., n° 746; M. U., XLIII, 291-293. J. Mont., n° 127; J. Pans, n° 612.