270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] « Et sera, Sa Majesté, suppliée de sanctionner incessamment le présent décret et d’en ordonner la plus prompte exécution. » M. le Président. J’ai reçu du ministre des finances une lettre dont je donne lecture : « Paris, le 25 novembre 1789. « Monsieur, M. le marquis de Bouillé, commandant à Metz, ayant appris qu’on avait cherché à répandre dansl’Assemblée nationale qu’il s’exportait des graiDS par les frontières delà province des Trois-Évêchés, a cru devoir m’adresser les différentes attestations qu’il a reçues des municipalités de toutes les villes, bourgs et villages répandus sur la frontière où il a placé, depuis longtemps, un cordon de troupes destiné à surveiller l'exportation des grains, et il m’a prié d’avoir l’honneur de vous les communiquer. Je le fais d’autant plus volontiers qu’elles vous mettront à portée de juger que le service des détachements qui composent ce cordon paraît se faire avec toute l’exactitude désirable. « Je suis avec respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur, « Signé : NECKER. » « Vous voudrez bien, monsieur, mettre aussi sous les yeux de l’Assemblée nationale les renseignements ci-joints, qui m’ont paru devoir également tranquilliser sur les exportations qu’on avait dit avoir lieu par Dunkerque et par les frontières de la Flandre. » M. Lebrun. Des citoyens ont fait, au bureau des finances, des déclarations à raison des sommes qu’ils disent leur être dues par le gouvernement, et qui pour la plupart ont été examinées par le ministre et par des commissaires du conseil. Ils s’adressent à l’Assemblée pour éviter toute décision ministérielle, et ils demandent à être jugés par elle, ou qu’il leur soit assigné un tribunal ad hoc. Le comité n’entre pas dans l’examen du mérite de ces réclamations; il se rappelle que vous avez reconnu la compétence du conseil des dépêches, qui est ordinairement chargé de juger ces réclamations, et il en propose le renvoi au pouvoir exécutif. M. Duport. Vous auriez en vain rétabli l’ordre dans les finances, s’il restait toujours une masse de dettes inconnues, consistant dans des réclamations qu’il est impossible de prévoir. Je propose, en conséquence, que dans le délai d’un an pour ceux qui habitent en Europe, et de deux ans pour ceux qui demeurent hors d’Europe, toutes les personnes qui ont des réclamations à faire seront tenues de rapporter les titres sur lesquels elles seront fondées, sans quoi elles en seront déchues. M. le comte de Custine. Le préopinant propose une manière très-sûre de multiplier les réclamations, tandis que sans cette invitation il y en aurait beaucoup qui ne seraient jamais faites. Je pense qu'il serait dangereux de délibérer sur cette motion. M. de Lachèze. Il ne convient pas à une nation noble et généreuse de payer ses dettes par des fins de non-recevoir. J’appuie la question préalable. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Duport. M. Camus. La proposition du comité des finances doit être ajournée et renvoyée au comité que vous avez chargé d’examiner la juridiction du conseil. M. Eréteau de Saint-Just. Cet ajournement doit être attendu jusqu’au moment où le comité des finances aura fini son travail et présenté des plans, dans lesquels entreront nécessairement des dispositions relatives aux réclamations en finances. M. le Président consulte l’Assemblée qui prononce l’ajournement de la motion. M. Rabaud de Saint-Etienne a proposé de faire imprimer les listes des divers comités avec l’indication du lieu de la séance de chacun d’eux. — Cette proposition est adoptée. M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet présenté par le premier ministre des finances, pour convertir la Caisse d’escompte en Banque nationale . M. Bouchotte (1). Messieurs, je sens combien il est difficile de lutter contre l’opinion d’un ministre porté et rappelé à la direction des finances par la confiance publique; d’un ministre conservé dans ce poste difficile, et pendant des temps orageux, par cette même confiance; d’un ministre que l’estime des citoyens console dans ses revers, que leurs regrets suivent dans ses retraites, et dont la joie annonce le retour à l’administration. Aussi vous avouerai-je que, sije n’étais convaincu que les plans les plus simples sont les meilleurs, que souvent ils échappent à ceux qui les cherchent avec le plus d’ardeur et de moyens, je ne me permettrais pas d’attaquer celui présenté, ni d’en proposer un, et que si je ne regardais pas celui que je soumets à votre considération comme propre à remplir le but que s’est proposé le ministre, j’embrasserais le sien , en regrettant de ne pouvoir l’adopter sans avoir à craindre de très-graves inconvénients; je dis très-graves, parce que ses lumières et son expérience, du moins je le pense, ne pourront trouver de sûrs moyens pour arrêter leurs progrès, et en prévenir les suites. Si ces inconvénients, après avoir été bien démontrés, sont écartés du plan que je vous offre, et que cependant je parvienne aux mêmes résultats, j’aurai rempli mon devoir, votre but, celui du ministre et le mien. Celui du ministre des finances est de trouver au plus tôt les fonds nécessaires pour faire face aux dépenses extraordinaires de l’année 1789 et de la suivante, sans anticiper sur les revenus des années postérieures. Je tends aussi à ce but, et je désire même qu’il soit tellement réalisé, que dans peu de temps les revenus publics de l’année courante puissent être affectés aux dépenses de l’année suivante. Le ministre a besoin, pour venir à bout de ce qu’il propose, d’un crédit qui lui produise : 1° 90 millions pour les besoins de cette année; (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du discours de M. Bouchotte.