[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 août 1790.] 148 beur pour le consoler ;que j’ai parcouru toutes les prisons d’Êtat; que je suis descendu dans tous les cachots ;que jamais en vain l’infortune n’a devant moi répandu des larmes. On verra combien j’ai l'ait de mémoires pour amollir l’autorité, pour solliciter la justice. J’ai quelquefois réussi, et mon succès a été le seul prix de mes travaux, le seul que désirât mon cœur. On a osé dire que l’affaire S résente a rapport avec l’affaire du 6 octobre. ui, j’v ai pris part; j’ai donné asile à des gardes du corps, à un membre de cette Assemblée. Ma maison est te temple du malheur. C’est ma religion, en est-il aucune qui n’ait son fanatisme? Voilà les détails que je devais présenter à l’Assemblée. Il me reste un devoir précieux à remplir : je dois à M. Mestre et aux officiers de la garde nationale qui ne m’ont pas quitté, des témoignages de reconnaissance pour leurs soins, pour leurs égards, pour l’ordre qu’ils ont mis dans ma marche. Cent mille personnes ont entouré ma voiture et mon . passage n’a occasionné aucun trouble. Partout on était sous les armes, partout j’ai vu l’image de cette union, de cette force, la sauvegarde puissante des empires. Je publierai mon voyage, et en présentant cet intéressant tableau, je rendrai sans doute un signalé service à la chose publique. Je dois un hommage à la ville de Châlons ; sa tranquillité profonde, due à l’accord de deux citoyens respectables, du maire et du commandant de la garde nationale, a fait de cette ville un modèle à présenter à toutes les cités de la France. Quant à moi, j’indiquerai un seul exemple : Un pair d’Irlande était accusé d’avoir enlevé un criminel de haute trahison ; il parut au parlement : il demanda s’il était un seul membre de l’assemblée qui pût résister au sentiment qui l’avait conduit , et le parlement décida qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. Je réduis à une seule question toute cette affaire. Le signalement de M. de Bonne-Savardin a été publié. Est-il un jugement ? Si c’est un j u-gement, je suis coupable. Je demande qu’on instruise devant un tribunal. Jusqu’au décret je demande ma liberté provisoire. Je sollicite en même temps celle de M. Eggss; il adroit à des dédommagements : je les lui offre, tels qu’il les jugera convenables. Je donnerai ma parole d’honneur, si vous l’exigez, de ne pas m’éloigner de Paris. M. le Président. Retirez-vous, Monsieur, dans la salle voisine ; l’Assemblée vous fera connaître ses intentions. (M. l’abbé Perrotin se retire.) M. le Président. Je recommande le silence le plus profond pendant cette délibération. M. Perrotin est là, il vous entend, vous le jugez ; le moindre mouvement ne serait pas digne de vous. M. Voidel. Je suis encore vivement affecté de la sensibilité que m’a inspiré le discours touchant de M. l’abbé Perrotin ; mais je dois oublier cette affection et remplir mon devoir, et comme membre de cette Assemblée et comme membre du comité des recherches. Ce comité a eu connaissnce de l’interrogatoire fait àMM.deBonne et Eggss; mais ne coyant pas devoir s’expliquer en ce moment, votre comité demande que vous nommiez des commissaires ou que vous l’autorisiez à interroger M. l’abbé Perrotin, sur les faits qui le concernent dans les dispositions de MM. Eggss et de Bonne. M. l’abbé Maury. Ce n’est pas la sensibilité, l’humanité, c’est la raison, c’est l’intérêt public, qui doivent être les guides des législateurs. La grande affaire qui vous occupe en ce moment appelle toute votre attention sur des principes généraux et des considérations particulières : il n’y aura jamais de liberté pour aucun peuple, tant qu’il renfermera dans son sein des prisons non légales; en Angleterre, il n’y a qu’une seule prison par comté; elles sont multipliées à Londres à cause de l’immense population de cette capitale. Il n’est pas un Anglais qui ne crût la constitution renversée, la liberté anéantie, si un individu pouvait être mis en prison sans qu’il eût le droit d’exercer la loi salutaire habeas corpus. L’abbaye Saint-Germain n’est pas une prison, c’est une chartre privée, c’est une Bastille, car il n’existe en France aucun juge qui puisse ni ouvrir, ni fermer les portes de l’abbaye Saint-Ger-main-des-Prés; donc ce n’est pas une prison légale. Serait-elle une prison, il n’y aurait pas de bris de prison, le seul délit qui, dans cette affaire, pourrait être reconnu parles lois. Je soutiens que l’évasion d’un homme détenu n’est, quant à cet homme, que l’exercice d’un droit naturel; que l’extraction purement matérielle, et sans circonstances coupables, d’un citoyen détenu, n’est pas un délit public : tels sont les principes généraux. Quantaux circonstances particulières, lorsqu’un peuple amoureux de la liberté est effrayé chaque jour par les intentions prétendues de prétendus ennemis, on peut ne pas s’en tenir à la sévérité des lois, parce que le salut du peuple est la suprême loi... Par zèle pour l’innocence de M. l’abbé de Bar-mond, pour son intérêt, pour sa sûreté, pour la réparation qu’il a droit d’attendre, je vous propose des conclusions sévères; je demande que l’Assemblée, pour procéder avec la dignité qui lui convient, ordonne au dénonciateur de M. l’abbé de Barmond de rendre compte de sa dénonciation dans le plus court délai, pour qu’elle soit portée, ou au tribunal que vous avez chargé de l’examen des crimes de lèse-nation, ou à tout autre, ou à un tribunal que vous créerez, ou à un tribunal existant. Peu importe; cequi importe c’est qu’un citoyen ne soit pas privé de sa liberté injustement; c’est que l’Assemblée soit instruite du prétendu projet de contre-révolution ; c’est que les citoyens ne soient pas exposés au jugement d’un peuple égaré; ce qu’il importe, c’est d’éclairer si parfaitement la conduite de M. de Barmond, qu’on ne puisse douter si elle a une relation avec l'affaire de M. de Bonne. S’il y a apparence de complicité, j’invoque la justice la plus sévère; je dégraderais le caractère de député, dont M. l’abbé de Barmond est revêtu, si je demandais sa liberté provisoire ; non, je veux le voir sous la main de la loi; je veux qu’il n’ait sa liberté que lorsque son innocence ne trouvera plus un seui contradicteur : il est dans les mains de la nation; qu’il en sorte pur comme un vrai représentant, ou bien qu’il monte sur un échafaud. Je conclus et je demande que M. de Barmond soit reconduit par sa garde, que l’Assemblée ordonne à son dénonciateur de se nommer dans trois jours, que cette dénonciation soit portée à un tribunal; et que, dans le cas où il ne se présenterait pas de dénonciateur, M. de Barmond soit remis en liberté. M. Duport. Lorsque M. Perrotin vient, sur des faits anterieurs à la circonstance présente, prier des membres de cette Assemblée qui en avaient connaissance d’attester ces faits, aucun ne s’est