SÉANCE DU 5 FRUCTIDOR AN II (22 AOÛT 1794) - N08 28-29 363 Citoyens, Le règne de l’erreur et celui de la royauté sont passés. Autrefois, dès que l’homme parois-soit à la lumière, les prêtres cruels s’en saisis-soient comme d’une proie et le gouvernement monarchique comptoit déjà un esclave de plus. Les ténèbres du fanatisme qui déroboient aux yeux des hommes le véritable aspect de la divinité ont fui de l’atmosphère de la France. Mais en soufflant sur ces innovations sacerdotales, la République reconnoît le dogme primitif, l’existence d’un Etre suprême. Cultiver dans le cœur de son fils l’aveu de la divinité gravé par la nature dans toutes les âmes est donc le premier devoir d’un père citoyen. C’est à l’Etre suprême qu’il doit présenter son enfant dès qu’il sort des entrailles de son épouse. Ce Dieu est le dieu de la patrie, il est le dieu des hommes libres et le principe de la vertu. Il doit donc lui demander d’imprimer en traits ineffaçables dans l’âme de ses enfans l’amour de la patrie, de l’égalité, de la justice. L’autel de la divinité chez un peuple libre doit être en même temps l’autel de la patrie. Et c’est sur ce même autel que le républicain doit présenter son fils naissant au peuple après l’avoir offert à la divinité. Etre des êtres, Dieu de l’égalité et de la vertu, toi qui créas la liberté pour tous les hommes, toi qui les as faits bons par leur nature, ne permets pas que l’enfant que nous venons aujourd’hui présenter sur tes autels soit jamais le sujet d’un roi ou l’esclave du vice. Imprime dans son cœur naissant l’amour de la République. S’il aime la République il sera la terreur du crime, le défenseur de l’innocence, il sera l’ami de la bonne foi, de la frugalité, ses mœurs seront pures et même un peu austères; la cupidité dévorante, l’infâme vénalité ne dessécheront, n’aviliront jamais son cœur. A son tour il sera ami fidelle, bon père et bon époux, il sera l’ami du pauvre, le défenseur des droits du peuple, son cœur sera l’asile de toutes les vertus; il sera digne de toi, tu seras fier de ton ouvrage s’il est républicain. Et si quelque audacieux osoit, quand il sera grandi, attenter à la souveraineté du peuple ou se mettre au-dessus des lois, grand Dieu, imprime dès aujourd’hui dans son âme la volonté, et bientôt donne à son bras la force de poignarder ce traître. Si des tyrans coalisés armoient de nouveau contre la République pour rétablir un trône anéanti, fais que la France compte dans lui un Scévola de plus. Qu’il soit ambitieux de la gloire fondée sur la vertu et que ses cendres soient vénérées par nos derniers neveux au sein du Panthéon. Peuple, accepte l’offrande que je te fais de cet enfant républicain et reçois le serment solennel que je prête en son nom. Je jure fidélité à la République, une, indivisible et démocratique, horreur implacable à la tyrannie, respect, amour pour la vertu. Grand Dieu, s’il devoit un jour trahir ce serment, qu’il périsse au moment où je parle ! Nous voulons qu’ils soient les amis de l’égalité, nos enfans, ou nous invoquons sur leur tête la vengeance du peuple, s’ils trahissent sa cause. 28 Le représentant du peuple Berlier offre, de la part d’un citoyen de Dijon (1) qui veut rester inconnu, 300 livres. Mention honorable, insertion au bulletin (2). 29 La société populaire de Silly (3) et les 6 communes de ce canton applaudissent à l’énergie et aux travaux de la Convention, et font passer le produit d’une souscription volontaire pour la marine, montant à 2 300 livres. Mention honorable, insertion au bulletin (4). [La sté popul. de Sully-sur-Loire et les 6 comm. de ce con; 22 therm. II] (5) Le conseil général de la commune de Sully et tous les citoyens qui composent ce canton, réunis dans la salle destinée aux séances de la société populaire, assurent la Convention qu’ils ont toujours pour elle et pour la République un attachement inviolable; ils la félicitent des mesures vigoureuses qu’elle vient de prendre contre les conspirateurs, et l’invitent à rester dans son poste jusqu’à ce qu’elle aît amené le vaisseau de l’Etat dans le port du bonheur et de la paix; les glorieux succès de nos armées et les sublimes travaux de la Convention nous font espérer que cette époque n’est pas éloignée, Catilina n’est plus. Mais comme les vrais républicains ne se contentent pas d’une stérile admiration, les citoyens de Sully et de tout ce canton, désirant contribuer aussy à la gloire et la prospérité de notre marinne, ils ont ouvert une souscription volontaire dont le produit monte à la somme de 2 289 livres 9 sols, qu’ils se hâtent d’envoyer à la Convention pour luy donner ce nouveau témoignage de leur patriotisme et de la confiance entière qu’ils ont dans la sagesse de ses décrets. Et au moment de l’envoye on y a joint 11 livres pour completter la somme de 2 300 livres (6). Pignon ( secrét .), Chevallier ( vice-présid .), G. Brillard (secrét.), E. Fleury ( vice-se - crét.) (7). (1) Côte-d’Or. (2) P.-V. , XLIV, 60. Orig. dans C 318, pl. 1291, p. 28. Seule différence, la mention marginale suivante : Reçu les 300 livres le 6 fructidor. Signé Ducroisi. (3) Sic pour Sully-sur-Loire, Loiret. (4) P.-V., XLIV, 60. J. Fr., n° 698. (5) C 318, pl. 1291, p. 26; Moniteur (réimpr.), XXI, 566. (6) Indication portée d’une autre encre et d’une autre main. (7) Mention en fin de texte : Déposé sur le bureau, à la barre de la Convention, ladite somme et offrande de 2 300 livres 5 fructidor II. Séguy, député de Sulli-sur-Loire.