[Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1790.] 413 Bretagne , pour perpétuel' la paix et rendre tous les peuples plus heureux. » (. Plusieurs fois cette adresse est interrompue par les plus vifs applaudissements.) M. Populus. Je demande qu’on en fasse une seconde lecture dans un moment où l’Assemblée sera plus complète. M. Charles de Lameth. Celte adresse révèle au monde le secret des tyrans et celui des peuples. Le discours du ministre des affaires étrangères aux six commissaires nommés par l’Assemblée, annonce une fédération des têtes couronnées contre la liberté française. C’est pour un projet impie qu’ils voudraient répandre le sangde ceux qu’ils appellent leurs sujets, et qui ne le sont pas. La France est un épouvantail pour tous les tyrans; peut-être dans leur trame abominable sont-ils secondés par ceux dont le ministère et l’autorité devraient être employés à eniretenir la paix. Les Anglais furent autrefois nos ennemis; ils aimaient la liberté, et nous ne la connaissions pas; nous l’avons conquise, et on ne nous la ravira point. Une société de généreux Anglais vient, et nous profitons de cette circonstance. Il est temps que les peuples s’entendent contre les tyrans, dans les moyens de sortir de l’esclavage. Je demande qu’on fasse parvenir une adresse aux Anglais amis de la Constitution française. Cette motion est importante, et l’Assemblée peu nombreuse. Je demande qu’on en délibère demain. M. Dupont (de Nemours ). L’Angleterre est gouvernée par un parlement et non par la société des amis de la Constitution française. Cette société n’est pas dépositaire du vœu national. Pendant que vous entretiendrez avec elle correspondance de flagornerie, vous ne prendrez aucune précaution contré le gouvernement. Ne perdons pas un seul instant le sentiment de notre dignité. (On ordonne l’ajournement à demain de la motion de M. Charles de Lameth.) La municipalité de Villeneuve-les-Avignon envoie une adresse pour protester contre une inculpation grave de M. Bouche, député de Provence, produite contre elle dans la séance de l’Assemblée nationale du 17courant. (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.) On introduit à la barre un ci-devant carabinier nommé Aude, qui prit le général Ligonier à la bataille de Lawfeld, enXlkl. M. le Président dit : « Vous avez permis au brave carabinier qui prit le général Ligonier â la bataille de Lawfeld de paraître ce soir devant vous : le voilà; il ne sait pas exprimer les sentiments dont il est plein. « La majesté du Corps législatif lui en impose; il tremble peut-être, mais c’est peut-être pour la première fois de sa vie. « Brave homme, félicitez-vous d’avoir assez vécu pour être témoin de la liberté de votre patrie; elle mettra à vos services le prix qui leur est dû. Si les représentants de la nation portent sur les abus l’inquisition la plus sévère, c’est pour être en état de récompenser dignement ceux qui, comme vous, ont fait de telles actions. « Vous pouvez assister à la séance. » M. de Toulouse-Lautrec, officier général sous lequel a servi le carabinier Aude, rend compte de l’action brillante de ce soldat; il connaît le fait d’armes parce qu’à cette époque, il était lieutenant des carabiniers. « Je crois devoir vous instruire, Messieurs, dit M. de Lautrec, des traits qui font le plus d’honneur au vieux guerrier qui est devant vos yeux. « Ce carabinier, après avoir pris le général Ligonier, lui dit de lui rendre ses armes. Lej général lui présenta ses pistolets et son épée. Alors celui-ci lui dit : Gardez vos armes et donnez-moi votre parole d’honneur; je la préfère. « Le général lui donna sa parole. « Ensuite, pendant que ce carabinier le conduisait, le général lui proposa ses diamants, sa bourse et lui offrit de lui faire sa fortune, s’il voulait passer en Angleterre avec lui; et s’il ne le voulait pas, de lui faire passer, en Hollande, ou en quelque lieu qu’il lui plairait désigner, tout l’argent qu’il voudrait. « Alors le carabinier lui répondit qu’il ne faisait pas la guerre pour de l’argent, qu’il ne la faisait que par honneur. « C’est le général Ligonier lui-même qui a répété tous ces détails au maréchal de Saxe, qui en rendit sur-le-champ compte au roi. » (L’Assemblée donne de grands applaudissements au carabinier Aude et renvoie son affaire au comité des pensions.) M. Moreau de Saint-Méry présente une pétition des officiers de fortune du régiment de la Martinique, qui ont passé par tous les grades. Ils demandent qu’il soit sursis à nommer aux emplois militaires jusqu’à ce que l’organisation de l’armée soit décrétée. M. Alexandre de Lameth. Le renvoi demandé ne tend à rien autre chose qu’à donner aux ministres la possibilité de faire des nominations à leur gré, et à é tourner des emplois ceux qui, au lieu d’intrigues, ont de longs et importants services : ce que je dis n’est pas sans motifs; le régiment de Flandre vient d’être donné, au mépris de vos principes qui consacrent les récompenses à ceux qui s’en sont rendus dignes, vient, dis-je, d’êtredonnéàM. de Montmorin, major en second de ce régiment, dont l’âge ne permet pas d’être porté au commandement d’un régiment qui, sans ci tte nomination, eût été probablement la récompense d’un lieutenant-colonel. Voici, en conséquence, le projet de décret que je vous présente : « L’Assemblée nationale décrète que le roi spra supplié de surseoir à la nomination de tous les emplois militaires, jusqu’au momenttrès prochain où l’Assemblée aura arrêté les dispositions relatives à l’avancement militaire; décrète, en outre, que le président se retirera par-devers le roi, pour porter à la sanction le présent décret. » (Le décret est adopté.) Les députés de V administration du département de l'Hérault, admis à la barre, l’un d’eux dit ; « que le corps administratif de ce département profite des premiers moments de son existence politique pour venir offrir à l’Assemblée nationale Uhommage de son admiration et de l’adhésion la plus entière à tous ses décrets ». M. le Président répond : Messieurs, l’Assemblée nationale reçoit toujours avec une nouvelle satisfaction les adhésions à ses décrets que s’empressent de lui offrir les députés des divers départements et les gardes natio- [Assemblée nationale. j ARCHlYp� jJ�RLEMENTAlRES. [29 juillet 1790.] Haies du royaume. Cette unanimité dp sentiments ââns’ tof|à1.èé:,lieux, d'âns tous jëd’ëtâra et1 Métis tous1 les âges, offre le�pëcteele le plus doux 'àüx amis de la liberté, comme elle offrirait' le spectacle je pltis ‘imposant à tous cèui qui pourraient être tentëè‘:dè! trQubler'nô's: opëtatio'fiS. " V ‘L* Assemblée nationale prendra vbs demandes en�onsidetâtiôn, et "vous perfnét d’assister à sa së'anpe. » ' ‘ ' ' '' ' Les députés de l'assemblée administrative du district de . Montpellier, admis également à la barre, par l’organe de l’un d’eux, expriment les mêmes sentiments de patriotisme et d’adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. M. le Président leur répond : « Messieurs, f Assemblée nationale examinera yqs pétitions et les pèsera dans sa sagesse : ej le est bien persuadée de la sincérité d e yos sep piments patriotiques et de votre empressement à en donner des preuves dans toutes lés occasions. « Vous pouvez assister à sa séapce. » M. le Président apnopçe que M-de Bonne-Sa-vardin a été 'arrêté à Ckàtoris�sur-Marne , et, avec lui, IjtM. l'abbé de'Barmodd, députe’ à t Assemblée nationale, et Eggss, député de la garde nationale d'Obernheim. On fa|t lecture d’une lettre de M. l’abbé (jeBar-ipônd; ep date dû 28 juillet'.1 ' « Messieurs, j’ai été arrêté aujourd’hui dans la ville dé Ciiâiôns-sur-ftjârhe, ayant' dans ina voilure M* lè 1 chevalier 'de” Bonpe-Savardin et un garde ' national d’Obernheim. ' Je conçois sur-je-champ combien de soupçons peuvent s’èïever sur moi : je proteste qu’ils sont fous faux. C’est à ta seule sensibilité que M."’de BôAne y” dû cet asile, qu’il' m’âvàit demandé jusqu’à Sirasboprg seulement. Je le liii ai ' d�bord refusé1, tentant combien je me codproiiiettàis, en accueillant sa demande. Je lui ai' dit enfin gué' "ma voiture était toujours ou’verte, que je ne l’en chasserais point. Le motif qui m’a déterr/iiné est simple. M.de Bbnne n’était plus entré lés ‘màjns dii' comiVé des rèçhërchès. Le' proôufëbr 'dé là coriimuh’è avait îâij? sa (|ën'onçiâtiqri' 'au Châtelet. Ii 'n’esf pàs ç'iièore'aü CMtèlërituisq’ue lé procureur du roi rf'avajt bas co'nclü à le décréter, mais à uné sim-plê ïnforïhaiiôn : ainsi, dans la rigueur des principes, M-de Boéne était ljb \q. J’ai été fauché de son sort : qui ne l’eùt pas été a nia place ? Je déclaré sur mon honneur , et j'ai (je crois) prouvé cômbien Il m'était cher , que je n’âvais jamais entendu parler de M. de Bonne, avant qu’il S’adressât à moi pour cëjt objet. Best, dans cette' affaire, mille détails dont une féttre n’est pas susceptible.' 'J’ai demandé à la mu'nicipàïité që mé remettre sür-le-èha'mp à l’Assemblée nationale, pour' lui rendre compte d'une conduite qui lui manifesterait des sentiments dignes d’être avoués, bien loin d’être porro.ropus. On a refusé nia demande avant que l’As-feëmbtëe Aût pr’brto'nce. JélàsUpplié de mè ihaiider auprès “d’elle; j’irai avec le couràgë (le V innocence , non pas me justifier (je me suis réellement' compromis), mais dissiper' des nbages incompatibles avec la générosité, motif de ‘ mon Action� "J’attendrai avec impatience cette grâce que j’ai le droit de demander comme votre collègue. Il est encore un objet que je vous prie de ne pas perdre de vue. Le nommé Eggss, qui a été arrêté avec moiVignôfait parfaitement quel était son troisième compagnon de voyage. Il vint me demander une place dans ma voiture, pour retourner cljez lui : c’était la première fois qu’il venait à Paris. Il était membre de là fédération� à ce 'litre, et à la recommandation de M: ' l’abbé d’Eymâr, ntèmbre de l’Assemblée, j'è métis un plaisir de la lui offrir; jn me fais un devoir de le défendre, quelque singulier qu’il puisse paraître à un accusé de deVeuir l’avocat d’un autre;1 Sa 'position doit vous intéresser : je ne puis que rendrè justice à la manière dont la municipalité s’est cbn-cluite à mon égard, sauf l’objet de ma réquisition, que je crois qu’elle lie pouvait pas' me 'Kéfuser ; j?ai été traité ■avec toutes - les marques de considération que je vous reporte, comme en étant le but. Je suis, etc, ' • - Signé: l’ajibé DE Barmond, député de Paris. » On lit ensuite le procès-verbal d’arrestation de MM. de Bonne,' l’abbé fie Barmond et Êggss. « Le 28 juillet, jls ont été arrêtés sur la poursuite de ft|. Julien, aide ‘ de camp de M. de La-fayètte. Il rendorifra ja voiture' 'cl e l’abbé de Bar-mon'd sur lé chemin de Châlôns-sur-Marne; il pria lé maître des postes de né donner de Chevaux 'à aucune voiture, jusqu’à ce qu’il eût çu le temps de prévepir la municipalité. Bientôt1 la voiture arriva aux relais ; sur le refus cjé fournir des chevaux, les trois voyageurs s’acheminèrent vers l’hôtel de ville pour en porter leurs ‘plaintes à ja municipalité. Mais, aùmjlieù dèieur roijte, î]s furent tous trois arrêtés par ja garde nationale qui les enveloppa. En effet, Paidè’de camp pn avait obtenu l’ordre dans cet intervalle� Ils furent conduits à l’hôtel de ville et interrogés. Perquisition fut faite de leurs papiers : il ne s’est trouvé que peux paquets, l’un ficelé, contenant, suivant")è‘ dire cfe M. de Barmond, trois volumes d’une histoire de voyages; le second, des lettres et papiers destinés à M. le cardinal de Rohan. M. Eggss était dépositaire de ce dernier paquet. « Il résulte encore des déclarations de M. de Mestre, que depuis Tévasion de âj. de Bonne des priions de l’�bbaye, arrivée je 13 juillet, il s’éjàit retiré à une maison de campagne près Paris. M. l’abbé de Barrtiond l’y avait envoyé chercher avec sa voiture pour le ramener dans sa maison, .Vieil lë-Ruë-du-Tem p le. M. de Bonne y est fésté plusieurs jours sous le plus grand secret. Il ne parlait à personne, pas même aux frères de M. l’abbé, qui veillait spul’a sa subsistance, “faut de mystères donnèrent dès soupçons dans Je voisinage. M. de Bonne fut aperçu à travers une jalousie, sans néanmoins être parfaitement reconnu. M. de Mestre fit part à l'aide de camp de M. de Lufayeite de ses inquiétudes; Dès ce moment, M. de Bonne eût été arrêté, si M. Julien eût été muni de pouvoirs suffisants. A ce moyen, M-l’apbé eut le temps de partir de Paris. MÏ 'Julien le suivit avec M. de Mestre, qu’il laissa derrière la voiture lorsqu’ils l’eurint rencontrée. M. JûlieiV marcha devant pour arriver, comme il le fit, a ja poste de phâloris, tandis que M. de Mestre ne perdait pas de vue les voyageurs.�» ' A M. l’abbé d’Eymar. Je demande à dire ce que je sais dans cette affaire. Je déclare, sûr mon' honneur, n’avoir jamais ni vu, ni entendu M. de Bonne-Savardin. Quant au sieur Eggss, c’es*t un jeune homme qui m’a été adressé par M. le cardinal de Rohan lui-même, en me priant de le loger dans l’hôtel où je loge moi-mêmè. Je n’ai eu d’entretien avec lui que sur la route qu’il devait prendre. M. Barnave, Je fais la motion que les trois