297 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (21 mai 1791.] service particulier; mais que dans le cas où il croirait devoir s’en passer, alors ces invalides réformés seront traités par la nation, chacun suivant leur grade, sur le même pied que s’ils étaient à l’hôtel. Votre comité vous propose encore la suppression des compagnies d’invalides employées à l’hôtel, parce qu’il croit que la police doit en être confiée à la garde nationale parisienne, de même que la surveillance administrative sera confiée à la municipalité, sous les ordres du directoire du département. Voici le projet de décret que nous vous proposons : PROJET DE DÉCRET. TITRE Ier. Art. 1er. L’Assemblée nationale considérant que par son décret du 24 mars, elle a eu l’intention de traiter plus favorablement qu’ils ne l’ont été jusqu’ici les invalides qui ont des droits acquis à l’hôtel, décrète qu à l’avenir 5,000 officiers et soldats du nombre de ceux qui ont obtenu des récompenses militaires, sous quelque dénomination que ce soit, seront inscrits sur le registre de l’hôtel, comme faisant partie des habitants dudit hôtel, et qu’il leur sera offert de venir y passer le r> ste de leurs jours ou de recevoir chez eux, chacun suivant son grade, les traitements décrétés le 24 mars dernier pour ceux qui demeurant ci-devant à l’hôtel ont préféré en sortir. Art. 2. Le nombre des invalides entretenus sur les fonds de I’hôiel ne pouvant précisément être déterminé à 5,000, l’administration prendra pour base : 1° la somme fixe de 2 millions qui y seront annuellement employés, compris les frais d’e itretien, d’administration de l’hôtel, et de retraites aux agents actuels qui en sont susceptibles; 2° la remise des anciens traitemenis dont jouissaient précédemment les invalides qui seront susceptibles du bénéfice accordé par l’article premier du présent décret (1). (1) L’hôtel contenait à l’époque du 24 mars 2,888 hommes, savoir : 8 lieutenants-colonels, 20 commandants de bataillon, 144 capitaines, 260 lieutenants, 165 maréchaux des logis, 485 sous-officiers et 1806 soldats. Si tous ces militaires eussent pris la pension décrétée suivant leur grade pour se retirer dans leurs familles, la dépense pour la nation eût été de 927,064 1. 19 s. : c’est à raison de 321 livres par tête. En suivant cette proportion, 5,000 hommes coûteraient la somme de ....................... 1,605,000 liv. Les fonds ci-devant appliqués aux dépenses de l’hôtei montaient à ...... En ajoutant la remise des traitements ci-devant accordés aux 2,112 hommes de plus que ceux ci-devant entretenus à l’hôte], et qui se trouveront compris dans la nouvelle répartition ; et en supposant que ces invalides, officiers ou soldats, n’eussent obtenu précédemment que 100 livres par tète, c’est encore ............... Total pour l’entretien de 5,000 hommes, soit dedans soit dehors de l’hôtei, et sans augmentation de la dépense qui était ci-devant appliquée. 2,211,200 liv. Supposons maintenant que sur ces 5,000 individus, un quart veuille habiter l’hôtel ; il en résultera que Art. 3. Sont appelés à concourir aux mêmes avantages tous les officiers, sous-officiers et soldats tant des troupes de terre que de la marine et gendarmerie nationale, qui jouissent de pensions de retraite, ou qui en mériteront par la suite, conformément aux décrets précédemment rendus. En observant d’accorder toute préférence aux plus âgés de ceux qui auront été mutilés à la guerre, jusqu’au dernier, et ensuite aux plus âgés de ceux qui ne seront pas mutilés, et par rang d’ancienneté de service. Art. 4. Il sera dressé à cet effet une liste, qui sera imprimée chaque année, des individus composant l’hôtel des invalides, présents ou censés présents, avec l’état de leur âge, leurs blessures et leur ancienneté de services. A cette liste sera joint un état dans le même ordre de 500 aspirants destinés à remplacer ceux qui mourront dans le cours de l’année, lesquels aspirants entreront en jouissance à dater du jour de la mort de leurs prédécesseurs. La liste sera faite par l’administration de l’hôtel, sous l’inspection du département de Paris, et envoyée à tous les districts du royaume, lesquels feront parvenir, soit les réclamations, soit les demandes particulières des invalides de leur arrondissement, par le directoire de leur département, à l’administration de l’hôtel, pour y faire droit. Ces états seront remis chaque année sous les yeux du Corps législatif, et distribués à chacun de ses membres pour obtenir le décret d’exécution. Art. 5 Seront compris parmi les 5,000 invalides désignés ci-dessus, ceux qui étaient présents à l’hôtel lors du décret du 24 mars, quels que soient le genre et l’ancienneté de leurs services; mais ii en sera fait également mention dans la liste : en conséquence, les registres de l’hôtel seront sur-le-champ remis par l’administration au directoire du département pour former cette liste, la compléter suivant les bases indiquées article 2. Art. 6. Ne seront point considérés comme invalides présents à l’hôtel ceux qui y seront entrés depuis le décret du 24 mars, à moins qu’ils ne justifient qu’ils sont dans la classe de ceux qui y ont des droits acquis de préférence, conformément à l’article 2. Art. 7. Les droits des invalides détachés dans les compagnies restant en activité, qui désireront obtenir l’hôtel, conséquemment à l’article 1er, seront évalués concurremment avec ceux des invalides retirés dans les départements, à raison de leurs services, soit dans les troupes de ligne, soit dans les compagnies détachées. Art. 8. Il ne sera rien ajouté ni diminué au sort des officiers, sous-officiers et soldats invalides retirés dans les provinces, ni aux soldes, demi-soldes et récompenses militaires, traitements des grenadiers à cheval et gendarmerie réformée, jusqu’à ce que, aux termes des articles 2 et 3 du présent décret, ils soient susceptibles d’être classés parmi les 5,0Ü0 invalides, qui 3,750 pensionnés à 321 livres chacun pour tous les grades, ainsi qu’il a été calculé, coûteront. 1,203,750 liv. Cette somme étant à déduire de celle de 2,211,200 livres, il reste sur les fonds ci-devant appliqués à l’hôtel, 1,007,450 livres ponr l’entretien des 1250 hommes qui auraient préféré le séjour de l’hôtel, et pour tous les frais d’administration. Cette somme est plus que suffisante pour atteindre, avec une sage économie, le but que le comité militaire s’est proposé. 2,000,000 liv. 211,200 298 [Assemcfée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] seuls sont censés avoir des droits présentement acquis à l’hôtel. Les récompenses accordées aux officiers, sous-officiers et soldats suisses retirés dans leur patrie, continueront d’être payées comme par le passé. . Art. 9. L’Etat-major de l’hôtel des Invalides étant supprimé par le décret du 24 mars, et les invalides qui dorénavant viendront habiter l’hôtel ne pouvant être que mutilés ou caducs, cet établissement ne sera plus soumis au régime militaire: en conséquence, la police en sera confiée à la garde nationale parisienne, et l’administration en sera inspectée par la municipalité de Paris, sous les ordres du directoire du département. Art. 10. Tous les fonds payés par différentes caisses pour les invalides, soldes, demi-soldes, pensions et récompenses militaires sont supprimées; les indemnités sur les fermes générales et les pensions d’oblats, sont supprimées également. Les 2 millions placés sur l’Etat sont censés acquittés; les terrains ci-devant en location au profit de l’hôtel des Invalides seront vendus ou loués au profit de la nation; et en remplacement de tous ces objets, il sera formé une caisse (qui sera exercée par l’administration des pensions) d’une somme de 5,500,009 livres pour l’exécution de tous les articles portés au présent décret et satisfaire à tout ce qui concerne l’hôtel des Invalides, les invalides détachés, les pensions sur les invalides, soldes, récompenses militaires; le tout conformément aux décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi, et dont toute autre caisse sera déchargée. L’Assemblée nationale charge son comité des pensions de lui présenter incessamment un projet de décret sur les retraites à accorder à l’Etat-major des invalides et aux anciens agents de l’administration. Art. 11. Les trois administrateurs en chef seront choisis par le roi. L’administration de l’hôtel sera composée : 1° D’un intendant général a vie, choisi parmi les commissaires ordonnateurs des guerres, en activité de service depuis 24 ans au moins, lequel occupera l'hôtel avec un traitement de .............................. 12,000 liv. 2° D’un économe choisi parmi les administrateurs de département, avec un traitement de ...... . ........... 6,000 3° D’un caissier comptable choisi parmi les quartiers-maîtres trésoriers de l’armée, avec un traitement de ............................... 5,000 4° D’un conseil composé de 24 personnes choisies parmi les invalides de tout grade, dont les deux tiers soldats; le choix des 24 membres du conseil sera fait par des électeurs nommés par les invalides habitants de l’hôtel, sans distinction de rang, en présence de deux commissaires du directoire du département de Paris; le traitement des membres composant le conseil sera une gratification de la valeur de celle qui est accordée par mois pour chaque grade ; il sera renouvelé par moitié chaque année, et nul ne pourra être renommée qu’après deux ans de cessation d’exercice. L’Assemblée renvoie au direcloire du département de Paris tous les articles de détail concernant l’administration de la police de l’hôtel, pour lui en rendre compte et recevoir son approbation. Art. 12. Les invalides demeurant à l’hôtel recevront pour leurs menus besoins, indépendamment des fournitures ordinaires, savoir: Les lieutenants-colonels, chaque mois ............ 25 livres ou par an 300 livres. Art. 13. S’il se trouve parmi les invalides, soit à l’hôtel, soit dans les départements, quelque officier qui ait eu le grade de colonel dans les troupes de ligne ou la maison du roi pendant deux ans, il lui sera accordé 2,400 livres de traitement annuel, s'il ne veut pas habiter l’hôtel. Art. 14. Les gendarmes du ci-devant corps de la gendarmerie, retirés à Lunéville dans un hospice militaire, seront considérés comme habitant l’hôtel des Invalides, conformément à l’article 1er. En conséquence ils seront traités, savoir : Les maréchaux-des-logis commelieutenants-colonels, les brigadiers comme capitaines, et les gendarmes comme lieutenants; le < hirurgien-major obtiendra la retraite à l’hôtel, et le portier-invalide celle de maréchal-des-logis de la classe intermédiaire; en conséquence, l’hospice de Lunéville est supprimé. Art. 15. Tout officier, sous-officier et soldat invalide qui voudra continuer à vivre dans ses foyers sera payé de sa pension mois par mois, par le receveur du disirct, sur un certificat de vie délivré par le juge de paix le plus voisin de son habitatiou, et ce mois sera toujours payé d’avance. TITRE II. Des compagnies d’invalides détachées. Art. 1er. Toutes les compagnies d’invalides détachées dans dt s forts ou places de guerre seront conservées provisoirement avec le traitement dont elles jouissent. : L'Assemblée renvoie à la prochaine légis'ature à statuer sur le sort de celles qui lui paraîtront inutiles. Art. 2. Les compagnies invalides détachées resteront composées comme elles le sont et feront à l’avenir partie de l’état militaire, sous l’inspection immédiate du ministre delà guerre; elles seront payées sur le même pied quMIes Pont été jusqu’à présent, mais sur les fonds qui ont été déterminés article 10 du titre premier; ceux qui passeront dans ces compagnies seront en activité de service, tant pour l’avancement aux grades (1) Ces gratifications, qui améliorent singulièrement l’état du soldat invalide, qui ne recevait ci-devant que 15 sous par mois, ont été établies à raison du quart du traitement pécuniaire qui leur appartiendrait hors de l’hôtel ; mais il paraîtrait juste de laisser aux lieutenants-colonels et commandants de bataillon actuellement résidant à l’hôtel, le traitement dont ils jouissent, ui est de 30 livres pour les lieutenants-colonels, et e 24 livres pour les commandants de bataillon. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mai 1191.] m dans lesdites compagnies, que pour la décoration militaire, et le droit d’entrer à l’hôtel ou d’obtenir les pensions relalives. Art. 3. Conformément à l’article 7 du titre premier du présent décret, les compagnies porteront des numéros c rame tous les régiments français à commencer par le numéro 1, et prendront la dénomination de vétérans de l’armée. Art. 4. Tout militaire qui désirera entrer désormais dans ces compagnies sera tenu de justifier au ministre de la guerre, par des certificats de ses supérieurs et de son inspecteur, qu’il a 24 ans de service, conformément aux décrets sur l’armée et la gendarmerie nationale, et qu’il est hors d’état de continuer son activité dans les troupes de ligne. Art. 5. Les compagnies rouleront sur elles-mêmes pour l’avancement : la moitié des places de lieutenants appartiendra aux sous-officiers par rang d’ancienneté; l’autre moitié sera au choix du roi; mais ce choix ne pourra s’exercer que parmi des lieutenants ou sous-lieutenants de la ligne, ou de la gendarmerie nationale ; le premier lieutenant de chaque compagnie, en cas de vacance par mort, ou de démission, deviendra capitaine. Art. 6. Les compagnies employées ci-devant à l’hôtel des Invalides, à l’Arsenal, à la Bastille, à Vincennes, à l’Ecole militaire, sont supprimées : et le sort des individus qui les composent sera réglé sur le même pied que s'ils étaient résidant à l’hôtel. Art. 7. L’Assemblée nationale déclare que les compagn ies o u détachements d’invalides employés à la garde des maisons, ou à celles des frères du roi, seront désormais à la charge de la liste civile, comme faisant partie de la maison du roi. Le roi est prié de faire connaître ses intentions à ce sujet ; et tous ceux de ces invalides ainsi employés qu’il ne jugerait pas à propos de conserver seront réformés et traités comme résidant à l’hôtel ; les officiers qui par l’effet du présent décret se trouveront réformés, et qui avaient en 1789, sur l’état de la guerre, un traitement plus convenable que les pensions ci-devant décrétées propori ion nellemen taux différents grades, conserveront le même traitement pour retraite. Art. 8. Le détachement employé à l’hôtel de la guerre est conservé dans son intégrité sur le même pied que les autres compagnies détachées; mais la paye de tous les grades de ce détachement sera d’un tiers plus forte, à grade égal, que dans les compagnies détachées hors la ville ae Paris. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du dimanche 22 mai 1791 (l). La séance est ouverte à onze heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal delà séauce d’hier au matin. M. de Bruges. Messieurs ,dans la séance d’hier, l’Assemblée a jugé quelques électeurs du département de la Lozère comme réfractaires au serment civique qui était exigé d’eux avant de procéder à l’élection de l’évêque de leur département; elle les a jugés sans les entendre : cela est injuste. Un membre : L’opinanta tort de se faire l’avocat de quelques gens qui sont ou sots, ou fanatiques, ou fripons; au reste, c’est les avoir assez entendus que de les avoir jugés sur l’acte de protestation qu’ils ont signifié à l’Assemblée électorale. (Le procès-verbal est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une adresse du directoire du département de Maine-et-Loire portant qu’attendu la répartition vicieuse de l’impôt de 1790, faite parla commission intermédiaire de l’assemblée provinciale d’Anjou, il demande d’être autorisé à répartir le remplacement de la gabelle sur les rôles de 1789. (Cette adresse est renvoyée au comité des finances.) M. lieniercier fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage de M. Eschasseriaux, intitulé : Prix d'agriculture. 11 observe que cetouvrage renferme des idées saines, des vues utiles et mérite l’attention du Corps législatif, et il en demande le renvoi au comité d’agriculture et de commerce, pour en être rendu compte à l’Assemblée. (Ce renvoi est décrété.) M.Chabroud, ex-président , remplace M. d’André au fauteuil de la présidence. M. le Président. Voici, Messieurs, une lettre des députés extraordinaires du commerce de France, dont on ne put hier vous donner connaissance : « Monsieur le Président, « Nous venons d’être informés qu’on doit lire demain des instructions destinées à accompagner le décret qui a été rendu le 15 de ce mois sur l'état politique des hommes de couleur dans les colonies. « Gomme nous aurions des observations importantes à faire sur ce décret, nous avons l’honneur de vous prier, Monsieur le Président, de consulter l’As emblée nationale sur la demande que nous formons d’être entendus à la barre. k Nous sommes, etc. » Plusieurs membres : L’ordre du jour I M. Rœderer. Les députés du commerce ne forment pas une corporation; ainsi ils n’ont pas le droit de pétition. M. Begouen, Jene puis pas concevoir que l’Assemblée veuille se refuser à entendre les députés extraordinaires qui ont été nommés par les principales villes du commerce du royaume. Ils ont été reconnus par vous, autorisés à travailler avec vo-trecomité d’agriculture et de commerce ; formés en comité, à la suitede l’Assemblée nationale, ilssont depuis deux ans les utiles collaborateurs de vos comités. (Murmures.) On a toujours reproché à l’ancien gouvernement de ne vouloir jamais entendre ni consulter le commerce; aussi s’est-on cruellement ressenti des effets de cette conduite insolente autant qu’impolitique, et a-t-on toujours vu le commerce anglais avoir la supériorité sur le nôtre. J’espère que vous ne voûtiez pas ajouter l’humiliation et la mortification d’un refus à la douleur profonde dont ces députés sont affectés (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.