494 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]3 décembre 17y0.] nicipaux un entreposeur de tabac, et observe qu’on ne doit pas ranger les entreposeurs de tabac dans la classe des percepteurs des impôts indirects déclarés inéligibles; il demande que l’élection soit confirmée. M. Démeunier, membre du comité de Constitution, dit que, sur le compte qui fut rendu au mois de mars à l’Assemblée, elle déclara qu’elle n’avait entendu comprendre ni les contrôleurs des actes, ni les entreposeurs de tabac parmi les percepteurs d’impôts indirects; il propose un décret, qui est nus aux voix et adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale déclare qu’on ne peut attaquer l’élection de l’un des officiers municipaux de Moulins , à raison de sa qualité d’entreposeur de tabac. «L’Assemblée se réserve d’examiner incessamment si l’inéligibüité que les circonstances ont prescrite à l’égard des percepteurs des impôts indirects est une disposition reglementaire ou si on doit l’insérer dans le code des lois constitutionnelles. » M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de l'imposition sur la proposition d’imposer les rentes dues par le Trésor public (1). M. Rœderer donne lecture du rapport en ces termes : Messieurs, dans la séance du 22 octobre dernier, un membre a demandé que le comité de l’imposition fût chargé de faire , à jour fixe, un rapport à l’Assemblée sur la portion d’ imposition que doivent supporter lesrentes viagères constituées sur le Trésor public. L’Assemblée nationale a décidé que le comité de l’imposition ferait ce rapport dans huitaine. La motion sur laquelle vous nous avez demandé un rapport, suppose, Messieurs, que les rentes viagèies constituées sur le Trésor public sont incontestablement imposables, et qu’il ne s’agit plus que de régler le taux de leur imposition. Or, nous n’avons pas cru pouvoir admettre cette supposition; nous ne croyons même pas que vous ayez entendu l’admettre. Nous ne vous ferons donc pas de rapport sur la portion d'imposition que doivent supporter les rentes dont il s'agit; nous vous demanderons, au contraire, de fixer votre attention sur l’idée meme d’imposer les rentes d’une manière quelconque. Nous avons regardé cette idée comme contraire à la justice, à l’intérêt public, au texte précis d’un de vos plus mémorables décrets. Nous croyons qu’il est nécessaire d’empêcber qu’elle ne se propage, qu’eLe ne se reproduise; nous pensons qu’il vous convieut ne déclarer qu’il n’y a lieu à délibérer sur aucune proposition tendant à imposer les rentes viagères dont le Trésor public est chargé. De courtes réflexions vont justifier le projet de déciet que nous avons l’honneur de vous proposer. Il nous semble d’abord qu’il ne serait qu’une conséquence nécessaire ne celui du 27 uout 1789. Par le décret du 27 août 1789, l’Assemblée nationale déclare que, dans aucun cas et sous aucun prétexte, il ne pourra être fait aucune nouvelle retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique. Le sens de ce décret est fort clair, il embrasse toute la dette publique constituée. A l’époque du décret comme aujourd’hui, cette dette était divisée en deux parties : celle des rentes viagères, celle des rentes perpétuelles; tout le monde sait que, dans l’origine, les rentes viagères ont toutes été exemptées de retenues; mais qu’à la suite quelques-unes ont subi d< s rédactions en vertu d’actes du pouvoir arbitraire; que toutes les rentes perpétuelles, quoique soumises en grande partie à des retenues par le titre de leur création, l’ont encore été par la force qui se jouait de tous les titres, et que tous ces faits étaient un des objets des réclamations générales à l’époque ou l’Assemblée nationale a été convoquée ; le but du décret du 27 août a donc été de fixer la condition des rentes, de la rendre désormais immuable, d’assurer leur tranquillité, de garantir la foi publique. Ainsi, l’Assemblée nationale ne pourrait aujourd’hui, sans se rendre contraire à elle-même, sans détruire son propre ouvrage, sans se rendre coupable de cette versalité de principes qu’on reprochait à l’ancien gouvernement, et dont elle n’a jusqu’ici donné aucun exemple, malgré l’immense étendue et ta prodigieuse diversité de ses travaux; elle ne pourrait, dis-je, sans se dégrader, unposeraujonrd’hui, soit une nouvelle retenue sur les rentes perpétuelles déjà assujetties à une retenue, soit une retenue sur les rentes viagères qui, jusqu’à préseni , en ont été absolument exemptes, et pour lesquelles conséquemment cette retenue serait encore bien plus nouvelle que pour les autres. Ainsi, proposer à l’Assemblee nationale de délibérer sur une motion qui suppose une imposition de rentes viagères, c’est lui proposer de contredire ce qu’elle a dit, d’ébranler ce qu’elle a consolidé, de défaire ce qu’elle a fait. La motion renvoyée à votre comité doit donc ne pas être écoutée, elle doit être repoussée de toute délibération. On espère obtenir pour elle la discussion, en disputant sur les sens du décret du 27 août. On doit soutenir devant l’Assemblée nationale qu’t lie n’a entendu proscrire par ce décret que les réductions des capiiaux, que les retenues sur les capitaux, et qu’elle n’a rien décidé relativement aux rentes : mais, Messieurs, ce n’est là qu’une misérable argutie. Guaque partie de la dette publique constituée le subdivise en deux parties, les rentes ou intérêts, d’une part; les capiiaux, de l’autre. Le mot de réduction s’applique aux capitaux; le mot de retenue s’applique aux rentes. Ou a toujours appelé réduction l’altération des capitaux ; on a toujours appelé nouvelle retenue l’altération des rentes stipulées par les conventions de l’emprunt. Jamais ce mot n’a été appliqué aux capitaux ; doue le sens qu’on prétend donner au décret du 27 août est évidemment et absurdement faux. Au tond, Messieurs, quelle a été la cause immédiate actuelle de la sollicitude qui a dicté ce décret à l'Assemblée nationale en faveur des créanciers de l’Etat ? C'est qu’au meme instant, et par une première disposition de ce décret, l’Assem biée nationale volait on emprunt de quatre-vingts millions tel qu'il lui avait été proposé par le premier ministre des finances , c’est-a-dire à 5 0/0, exempt de toute retenue (i). Vous n’avez sans doute pas ounlié, Messieurs, que le premier ministre des finances, en vous proposant un emprunt de 5 0/0 sans retenue, vous avait au-(1) Voyez le procès-verbal du 25 août au matin, et le mémoire de M. Necker, p. 6. il) (A rapport est incomplet au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 décembre 1790.| noncé que l’emprunt ouvert par vous à 4 1|2 n’avdit pas réussi, principalement parce que vous n’aviez pas voulu le porter à cinq. Il n’avait donc pu vous proposer, pour srppléer a un emprunt à quatre et demi exempt de retenue, un emprunt à cinq soumis à une retenue qui eût porté le taux de l’intérêt encore au-dessus de quatre et demi. Si donc la première partie du décret du 27 août votait un emprunt à 5 0|0 exempt de retenue; si cette exemption de retenue était évidemment une condition essentielle au succès de l’emprunt, il ne peut pas être douteux que la disposition finale du décret qui déclare qu’il ne pourra être fait de nouvelle retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique, ne s'entendît alors d'une nouvelle retenue sur les intérêts et rentes dues par le Trésor publie, d’une retenue arbitraire, d’une retenue contraire aux conditions originaires de l’emprunt. Le succès de l’emprunt était très important à la cho� publique: le salut de Ja chose publique tenait donc en ce moment à une exemption de retenue; par cette raison, vous avez dû vouloir et vous avez voulu que toute stipulation d’immunité de retenue fût sacrée: c’est donc celte volonté qu’exprime votre décret : le sens du mot retenue ne peut doue être équivoque pour quiconque aura gardé quelque souvenir des circonstances dans lesquelles vous avez fait ce décret. Ce n'est pas encore tout, Messieurs; entre la lecture du mémoire du premier ministre des linances et votre deliberation, plusieurs orateurs ont été entendus. J’ouvre le discours de celui qui vous a proposé le décret que vous avez adopté avec quelques modifications, et là je trouve les motifs qui vous ont déterminés. Le crédit est perdu, disait M. l’évêque d’Autnn, et il l’est par deux causes priori, aies : la diminution des revenus publics, et l'inquiétude qui s’est répandue sur les principes de U Assemblée nationale , relativement aux engagements publics. Il faut, ajouta ît-i i : 1° qu’un comité soit chargé d’indiquer les moyens d’établir l’équilibre entre les dépenses et les revenus; il faut: 2° décider eu ce moment si l’on doit maintenir dans Imir intégrité les engagements puolics, et si la situation des finances nVxige pas, ne légitime nas une réduction de la det'e oubli que par des retenues SUR LES RENTES et les effets royaux. Remarquez, Messieurs, Ces dernières paroles. M. i’evè-que d’Autuu, après avoir ainsi présente la question, pose en principe que le Litre des créanciers de l Etat présente une propriété inattaquable, MÊME PAR UN IMPÔT (page 5 de la motion de M. l’évêque d’Antuii) que toute lmposition sur LES RENTES SERAIT UNE VIOLATION MANIFESTE DES ENGAGEMENTS DE LA NATION. (Ibid. p. 9). Vlngt-ciuq pages de discours sont employées à prouver Cotte proposition : tels étaient les motifs de lu motion de l’évêque d Autun, sur laquelle a été rendu votre décret. Il paraît assez clair, Messieurs, qu’en adoptant le fond de la motion de M. l’évêque d’Autuu, vous avez consacré ses principes. Entiu, Messieurs, il est si vrai que l’esprit du décret fut d’exempter les rentes de touLe contribution qu’il a été déposé sur le bureau et annexé au procè -verbal de la séance du 27 août une déclaration MM. d’Auiraiuues, Madier et aunes, dans laquelle ils disent qu'il ne leur est pas accordé le pouvoir d'affranchir les créanciers de l'Etat des charges publiques , et qu'il leur est ex-1 95 pressément enjoint de requérir qu'ils y fussent soumis. 11 était donc entendu. Mais, Messieurs, tous ces rapprochements, tous ces pénibles commentaires pour expliquer un décret très clair, et constater un sens très notoire, sont bien superflus, dès qu’on nous accorde que ce décret proscrit toute red notion des capitaux. 11 est ansolument égal que l’Assemblée ait garanti les rentes sans les capitaux, ou les capiiaux sans les rentes, pourvu qu’elle ait garanti les unes ou les autres. Le sort des premières est inséparable de celui des seconds; ce que la loi fait pour celles-ci, elle le fait pour ceux-là. 11 est impossible de baisser la renie par un moyen quelconque, sans réduire proportionnellement le capital, ou de réduire le capital sans baisser la rente. Certainement un contrat de 5,000 livres de rentes net sur l’Etat, qui aura coûté 160,000 livres de capital, ne se vendra demain que 80,000 livres, si la rente est aujourd’hui réduite à 4,000 livres. Si donc les défenseurs du système d’imposer les rentes nous passent que l’Assemblée ne peut toucher aux capitaux, il est évident que leur système est dénué de sens, qu’il n’est qu’un jeu de mots, ou plutôt qu’un misérable balbutiement, qui, pour ainsi dire, ne porte pas même un son net aux oreilles. Ainsi, dans leur système même, le decret du 27 août écarterait leur proposition. Ainsi leur système lui-même appelle la question préalable. St pourtant ce décret pouvait ne point vous paraître décisif, ou s’il pouvait vous causer quelque regret, nous vous demanderions de vous r -tracer les principes de justice qui le rendent sacré ; de vous représenter les cun.-ndérations d’intérêt national qui Tout rendu non seulement légitime, mats encore nécessaire; car ici, comme pariout, l’utilité s’est trouvée à côté de la justice, comme pour la recommander à l’intérêt particulier. Les rentes uont il s’agit ont toutes été déclarées exemples d'impositions par le Etre qui eu ordonne la création; c’est sous cette condition qu'elles ont été acquises par les prêteurs, et qu’elles ont reçu l’existence. L’immunité des impositions fait dune partie d’une convention passée entre l’Etat et ses créanciers ; celte immunité est dune i révocable. La justice commit ir és : sti bleui eut à cette cunsé juence ; et elle semble prescrire de s’y rentèi mer. Cependant, Me-sh urs, c’est ici que co umence sérieusement l’atiaque des pariisa .s de l’mi;ôt sur les rente.-. Selon eux les lois qui ont créé des exemptions de retenue ont eu cela créé des privilèges et les privilèges sont abolis ; sacriticz-les, diseu t-ils aux préteurs, du resie votre propriété vous est garantie, et dos conventions sont sacrées. Voire comité, Messieurs, pense que rien ne ressemble moins à un privilège que ITmmuiiité dont i! s’agit; il n’y voit qu’une eonditioa d’un marché régulièrement contracte. Un privilège est un avantage exclusif concédé par un acte de la puissance publique. L'exemption ue retenue dont il s’agit, n’est que l’effet d’uu contrai réciproque passe sous l’autorité de la loi: car, uans tout emprunt public, il faut disti guer la loi qui eu i ègle les conditions et le contrat qui l’efievtue. Louer un capital est un acte de la vie civile, comme vendre ou acheter un bien; inuer un capital au prix de la loi, c’est faire un marché aussi régulier que de vendre à la taxe une Ueu-ree taxée. Ainsi, quand le prix de la loi pour le loyer ue l’argeut pfèté à l’Etat, est le taux courant de i’mierét entre particuliers, et, de plus 196 [Assemblée nationale.] l’exemption de retenue, c’est un marché très régulier, que de louer avec exemption de retenue, il n’y a pas là de privdège. L’exemption de ret nue n’est pas en elle-même une immunité, puisque, entre particuliers, elle a toujours pu être stipulée, pourvu que l’intérêt ne passât pas 4 0/0, et qu’aujourd’hui elle peut être stipulée même l’intérêt étant à 5 0/0. Parce qu’une loi lixait ci-devant le taux courant de l’intérêt entre particuliers à 5 0/0 à charge de retenue, il ne faut pas croire que les lois, qui ont ordonné des emprunts publics, aient accordé une faveur extraordinaire, et surtout une faveur gratuite aux prêteurs publics, en leur ordonnant l’exemption de retenue. Il n’est pas dans la puissance des lois de fixer le taux de l'intérêt rie l’argent, il leur est seulement possible de suivre et de déclarer celui auquel l’a porté pour un temps la libre concurrence des offres et des demandas dans un genre d’affaires qui comportent toutes une égale sûreté, c’est-à-dire les placements hypothécaires. Le commerce, dont tous les placements se font de confiance, et n’ont pas une sûreté qui puisse être soumise au calcul, le commerce s’est affranchi du taux légal, et il loue tous les jours 1 argent à des prix différents. Le taux légal des rentes hypothécaires même a varié cent fois en France. Si donc, Messieurs, l’autorité publique, en réglant l’intérêt, ne fuit que déclarer le cours de la concurrence libre, si elle est réduite, non seulement à laisser libre le taux du commerce, mais même à ne point le déclarer, par l’impossibilité de suivre ses vaccinations, il parait évident que quand elle fixe l’intérêt des emprunts publics, elle ne fait que reconnaître l’impossibilité où est l'Elat d’emprunter à de meilleures conditions; elle ne fait que déclarer le taux auquel les préteurs trouveront à lui prêter un avantage équivalent ou faiblement supérieur à celui de tout autre placement. Si donc elle offre 1U Ü/0 d’intérêt, c’est parce qu’elle sait que le capitaliste aurait intérêt de préférer d’autres emplois à 8, à 6 peut-être. Ainsi, dans l’hypothèse même où la loi de l’emprunt offre un intérêt fort supérieur à l’intérêt légal, elle n’offre qu’un avantage équivalent ou faiblement supérieur à uu autre placement; elle ne donne donc pas de privilège. Si une nation qui décrète un emprunt à un intérêt bien plus fort que l’intérêt legal entre particuliers ne donne pas de privilège, elle n’en donne pas non plus, lorsque, emprunta, it au taux ordinaire, elle ne fait qu'exempter des impositions. Exempter dans ce cas des impositions ce n’est pas faire autre chose que hausser l’intérêt du montant de ces impositions, c’est comme si, chargeant la rente de la retenue, elle avait demandé en sus du taux ordinaire le montant de l’imposition. Emprunter à 5 0/0 sans retenue du dixième, ou emprunter à 5 1/2 avec retenue du dixième, c’est absolument la même chose. Il n’y a doue plus de privilège dans uu eus que dans l’autre. Allons plus loin : dès que la loi qui offre l’exemption de retenue ne fait que déclarer l 'impossibilité de remplir l’emprunt sans donner ect avantage, c’est comme si elle disait qu’en n’ae-coidant pas celui-là, il faudrait eu donner uu équivalent. Il est doue évident que le prêteur qui se contente de 1 exemption de retenue achète cetie exemption par le taux de l’intérêt pour lequel li cornent de prêter, et paye réellement l’impôt d’avance. Il n’acquiert doue pas de privilège. Ce qui olTe-sque 'es adversaires des rentiers, c’est [3 décembre 1790.] ladifféreneequise trouve entre lerevenu desfonds territoriaux et celui des capitaux placés sur le Trt tsor public. Mais cette différence se trouve au-si entre les placements commerciaux et les placements hypothécaires ; et elle est bien rachetée dans tous les cas. L’avantage de certains placements n’est jamais le prix des inquiétudes et des risques qni y sont attachés, et dont les autres sont exempts. Messieurs, une partie de vos emprunts sont remplis par des étrangers. On ne peut pas dire que, pour cette classe de prêteurs, l’exemption de retenue soit un privilège; l’impôt n’était pas une charge commune à cet étranger et au régnicole ; le capital du premier n’était pas soumis à l’impôt avant d’être attiré dans le royaume par l’exemption même de l’impôt. Dira-t-on à cet étranger que son immunité de retenue sera supprimée comme contraire à l’égalité? Non, sans doute, Messieurs, vous la respectera comme une convention; eh bien! cette circonstance suffit seule pour préserver les prêteurs nationaux de toute atteinte. Non seulement il serait impossible de les discerner, les prêteurs régnicoles des étrangers, en imposant par voie de retenue; mais même il serait impossible de les distinguer dans le droit et en face delà justice; si l'exemption de retenue n’est pas un privilège pour l’etranger, elle n’en est pas un pour le régnicole, car celui-ci était aussi libre que le premier de placer ou de ne pas placer ses fonds sur le Trésor public; ce que l’un n’a fait qu’eu vertu d’une convention libre, l’autre ne l’a fait qu’au même titre; si donc elle est sacrée pour l’uri, elle doit l’être pour l’autre. Encore une fois, Messieurs, un emprunt public est nécessairement composé de deux actes fort distincts : la loi qui le décrété, le contrat qui le consomme. Pour qu’une nation pût emprunter sans contrat, et par une simple loi, il faudrait qu’elle pût ordonner, non seulement l’emprunt, mais encore le prêt; or, commander un prêt, contraindre à un prêt, ce ne serait pas emprunter, ce serait prendre; à la vérité, ce serait prendre avec la promesse de rendre, mais en manifestant le pouvoir de ne pas rendre, car il est bien plus facile de retenir ce qu’on a pris que de prendre. Il est donc de l’essence d’au emprunt public d’être composé d’une loi et d’un contrat. S’il est nécessaire de distinguer, dans un emprunt, la loi et le contrat, il faut pareillement distinguer la nation quand elle fait la loi, de la nation quand elle fait le contrat. Quand elle fait la loi, elle exerce la puissance souveraine; quand elle passe le contrat, elle n’est qu’un particulier agissant sous l’autorité et sous la garanlie de la loi; obligée de s’y conformer comme un aube, rebelle et coupable comme un aube quand elle s’eu écarte. Elle ne diffère d’un particulier que jiar la certitude qu’elle a de l’impunité dans ses écarts; privilège bien affaibli sans doute par la boute qu’il y aurait pour elle à s’en prévaloir. Si la loi ne peut suppléer au contrat pour effectuer un emprunt, une loi postérieure à uu emprunt légal, ne peut pas déroger au contrat, ni ie détruire. Si une nation ne peut contraindre par une loi à prêter au Trésor public, une loi postérieure ne peut changer les conditions d’un pi êt volontaire, et le contracter ainsi en prêt forcé. Si une nation n’a pu emprunter en vertu de la seule souveraineté, et qu’elte ait été obligée de descendre à constater de pair à pair avec les prêteurs, elle ne peut pas, eu vertu de sa souveraineté, se délier des engagements qu’elle a pris comme particulier, elle ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 décembre 1790.] 497 ne peut passe délier, parla loi de l’impôt de la gêne qu’elle s’est imposée en vertu de la loi de l'emprunt. La faculté de rompre parune loi des conventions faites sous la garantie l’une loi antérieure, serait plus redoutable que celle de forcer, par une seu'e loi, à faire ce qu’on n’a obtenu que d’une convention. La premièrede ces facultés ne serait que le pouvoir d’opprimer. La seconde serait le pouvoir d’opprimer et de tromper. Ainsi, Messieurs, quand une loi a autorisé une rente exempte de retenue, et qu’un contrat l’a constituée, on ne peut charger cette rente d'une retenue sans violer toute, justice, et abdiquer toute pudeur. Le prêteur, qui serait menacé d’une infraction à son traité, serait en d'oit de dire à ceux qui la lui feraient craindre : <• Vous n’a-« viez pas le droit de me contraindre à vous •' prêter à charge de retenue : or, ce droit que « vous n’aviez pas avant notre contrat, vous « n’avez pu l’acquérir depuis; après que je vous « ai confié mon argent, vous n’avez pas le droit « de m’imposer des conditions que vous ne pou-« viez pas m’imposer avant de l’avoir. Si vous ne « pouviez m’extorquer un prêt aux conditions « que vous dictez aujourd’hui, vous ne pouvez « me les imposer après avoir surpris mes fonds. « La force aidée de la perfidie n’a pas plus de « droit sans doute que n’en avait la force toute « seule. Je finis, Messieurs, par une observation tirée de l’intérêt même des finances nationales. Le moment approche où la Constitution affermie, la paix établie partout, les impôts exactement perçus, la force publique sagement dirigée, et doucement énergique, doivent rétablir le crédit public. Le moment venu, vous pourrez reconstituer la dette; vous pourrez, par des transactions libres, en réduire l’imérêt à 4 0/0, alors donc vous pourrez faire plus qu’arracher quelques millions à des créanciers reconnus légitimés en imposant les rentes, vous pourrez soulager la France de 50 millions d’impôts. C’est à cette grande et salutaire opération que vous devez tendre, Messieurs. L’honneur d exécuter peut appartenir à vos successeurs immédiats; ainsi la nation n’en attendra pas longtemps les fruits. Mais pour assurer l’abondante récolte qui s’offre à la nation dans un avenir très prochain, il faut vous refuser au grapdlage qu’on vous propose aujourd’hui, il faut manifester de nouveau votre respect pour les engagements nationaux, rejeter avec une indignation civique une proposition qui tendrait à détruire sans retour la confiance des créanciers de l’Etat. Le comité insiste sur la proposition de décréter qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion qui lui a été renvoyée parle décret du 22 octobre dernier. Au comité de l’imposition, le 2 décembre 1790. Rœderer, La Rochefoucauld, Dupont (de Nemours), Defermon. (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport lu par M. Rœderer.) M. le Président fait lecture de la liste des personnes qui ont demandé la parole pour ou contre la motion d’imposer les rentes. (Ou demande à aller aux voix.) M. Duport. C’est pour une observation d’ordre que je prends la parole. S’il y avait lieu à délibérer sur la proposition qui vous a été faite, si la discussion s’engageait sur le fond, vous porteriez un grand coup à votre crédit. (On applaudit). La confiance que l’on a dans un négociant porte sur sa orobite. Eli bien ! le crédit des nations se compose des mè ne éléments : pour gagner 22 millions vous vous priveriez de toute ressource. Supposons que nous soyons obligés de faire la guerre ; il nous faudra nécessairement des secours extraordinaires. Eli bien ! qui voudra nous fournir de l’argent si nous donnons uu exemple de mauvaise foi, et si, dans cette circonstance im oortante, revenant contre nos décrets, nous manquons aux engagements que nous avons contractés? (On applaudit et on demande à plusieurs reprises à aller aux voix .) M. Favenue. Je répondrai à l’observation d’ordre du p cojiinant que dans l’ordre naturel j’aurais du présenter d’abord ma motion, et qu’alors il ne se serait pas élevé une motion incidente de délibérer, coin me par acclamation, qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Alors, à la vérité, vous n’auriez pas eu à applaudir à ces grands mouvements d’éloquence qui ne sont bons qu’à égarer des Fiançais quand on leur parle d’honneur et de probité. S’il y a nécessité à accueillir ma motion, il y aura de l’honneur à l’adopter, et vous u’aurez pas compromis le bien de la nation entière. C’est la totalité de la nation que vous représentez; c’est sur les intérêts de toute la nation que vous statuez (On applaudit) une grande question de laquelle dépeud l’imposition de 20 ou 30 millions de plus. M. Rœderer. Quand on a demandé à M. La-venue à combien s’élèverait l’imposition des rentes, il a dit 12 millions. M. Fa venue. La grande question qui vous occupe, c’est de savoir si vous imposerez les rentes sur l’Etat comme les autres biens. Celte grande question, dis-je, est puisée dans la plupart des cahiers ; elle ne peut être écartée par la question préalable. M. Fréteau. J’appuierai la motion de M. Duport par une considération très forte, la loyauté.. . (Il s’ élève des murmures à droite.) L’Assemblée ne peut revenir sur ses decrets des 17 juin, 27 juillet et de la lin d’août 1789. Nous devons payer ce que l’E'at a emprunté , nous l’avons pro nis. La seule manière, j’osai le dire au roi, et l’on sait quelles furent pour moi les suites de l’expression libre de ma pensée (On applaudit), la seule manière de faire tomber un imerèt désastreux, c’est d’être fidèles à nos engagements; les pères de famille, les bons citoyens traiteront avec nous à un intérêt modéré; ils nous prêteront à 4 0|0 en rentes perpétuelles, à 8 0|0 en viager, pour faire cesser ces intérêts onéreux. (On applaudit.) Je maintiens qu’il serait indigne de l’Assemblée nationale de croire que les habitants des campagnes ne payeront pas des impôts qui n’ont été décrétés que pour attendre le moment où l’on pourra diminuer la masse d’imposition qui porte sur la nation. M. de Mirabeau. J’appuie la mution de M. Duport, et je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit par lui et par M. Fréteau; cependant il est une observation que je ne puis me dispenser de faire. On veut jeter de la défaveur sur la proposition de M. Duport en disant qu’il est étrange qu’une aussi grande discussion soit écartée par la question préalable; eh bien 1 elle est repoussée par trois décrets invincibles comme la raison, nobles