[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juillet 1791.] Un membre : Voici, Messieurs, une adresse de la sociétés des amis de la Constitution d'Orange contenant adhésion et parfaite soumission aux décrets de l’Assemblée; ils dénoncent en outre la conduite antipatriotique du second bataillon du régiment Soissonnais qui a refusé de mettre les cravates nationales à ses drapeaux. Voici d’ailleurs le paragraphe qui a trait à cet objet et dont je crois devoir vous donner lecture : « Garder le silence, ce serait être parjure. Le second bataillon du 40e régiment, ci-devant Sois-sonnais, arriva le 10 juin dernier en celte ville. Un sentiment de surprise et d’indignation s’empara de tous les esprits à la vue d’un drapeau sans cravate nationale. Les amis de la Constitution se rassemblèrent en foule, les citoyens soldats se présentèrent à la séance et, à l’unanimité, on arrêta d’y dénoncer une conduite aussi coupable. Instruits de notre délibération, les officiers de ce bataillon tinrent un conciliabule et, feignant d’en avoir reçu l’ordre, ils arborèrent le signe sacré de la liberté. Ce n’est que la crainte qui a pu les porter à cet acte d’incivisme. » (Murmures.) Jedemandele renvoi de cette adresseaux comités des recherches et des rapports. (Ce renvoi est décrété.) Un membre fait lecture d’une adresse de la municipalité de Dunkerque , qui envoie les procès-verbaux qu’elle a dressés le 23 juin à l’occasion de l’évaûon du roi, et rend compte particulièrement de l’enlèvement, fait par les officiers, des drapeaux du régiment n° 1, de l’empressement que cet enlèvement a produit sur les soldats de ce régiment, et annonce qu’elle espère que l’Assemblée assurera une réparation éclat mtede l’in-jur e faite à tles braves militaires, qui méritent à si juste titre la reconnaissance de la patrie. (L’Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.) Un membre annonce que les commissaires envoyés dans les départements de la Meuse, de la Moselleetdes Ardennes, sont de retour, etdemande qu’ils soient entendus demain avant le rapport des 7 comités réunis sur l’évasion du roi. (Cette motion est décrétée.) Une députation des citoyens soldats composant la garde nationale de Passy, Auteuil et Boulogne est introduite à la barre. M. Henlzot, orateur de la députation, s’exprime ainsi : « Messieurs, les citoyens, gardes nationaux de Passy, Boulogne et Auteuil, toujours tidèles à leur serment, pour le soutien de vos travaux, qui touchent à leur terme, et dont le développement offre l’image de ce qu’ont pu produire, pour le bonheur d’un grand peuple, les efforts réunis du courage, du génie politique, viennent dans le sc-in de cette auguste Assemblée lui témoigner, à l’exemple de leurs frères de Paris, que leur amour pour la patrie ne redoute rien; qu’ils sont convaincus que mourir pour ce’te patrie, c’est s’immortaliser; et qu’une assemblée d’hommes libres est plus forte qu’une armée de tyrans. « Aucun trouble, aucun mouvement, excité par les ennemis du bien public et de la liberté, n’ébranlera cette fermeté calme et déterminée, que nous avons manifestée, depuis l’époque de la Révolution. Oui, dignes représentants de la nation, notre courage, celui de nos concitoyens de toute m la France, sera victorieux, parce qu’ii est consacré à la défense d’une cause juste. « L'A'Semblée nationale, voilà notre guide. » La Constitution, voilà notre cri de ralliement. (. Applaudissements .) M. le Président répond : « Braves citoyens, « L’expression de vos sentiments est une récompense bien douce des travaux de l’Assemblée na'ionale : il n’existe donc dans toute l’étendue de l’Empire, qu’un intérêt etqu’un vœu, celui de vivre libre ou de mourir : de pareils sentiments ne furent jamais trahis par la victoire. « Aussi nos ennemis n’ont-ils d’espoir que dan s nos divisions : ils osent compter sur l’excès même de vos vertus; maisvous allez jurer fidélité à la Constitution, soumission à la loi : votre parole ne sera pas vaine ». M. le Président donne ensuite lecture de la formule du serment. Les membres de la députation s’écrient : Nous le jurons ! Une députation des jeunes élèves de l'école de dessin, au nombre de près de deux cents, est introduite dansla salle, où ils entrent en marche réglée, au bruit d’une musique militaire, précédés d’un détachement du bataillon des élèves de la garde nationale, et suivis par un détachement de vétérans. L’orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, dans un moment où tous les citoyens se réunissent autour de l’autorité deJ’As-semblée nationale pour le salut de la patrie, le directeur de l’école gratuite de dessin vient vous présenter les maîtres et les élèves de cet utile établissement. « L’empressement qu’ils ont de prêter le serment d’être fidèles aux lois de la Constitution nous a fait solliciter pour eux cet honneur civi-vique. A qui devez-vous l’accorder à plus juste titre qu’aux enfants de ces hommes dont le patriotisme s’est déployé avec tant d'énergie dans les premiers jours de la Révolution, et dont les bras constamment armés depuis 2 ans protègent nos propriétés ! « Cette jeunesse, ardente héritière de leur patriotisme1, paraît devant vous, reconnaissante des bienfaits que vous avez déjà répandus sur elle, et de ceux que vous lui faites espérer. De puissants motifs l’animent à servir la cause de la liberté, mère des arts qu’elle enfanta jadis dans la Grèce, devenue l’institutrice des nations. O vou�, jeunes citoyens, dont je m’applaudis d’être l’organe, ajoutez surtout, au serment solennel que vuus allez prononcer, celui de ne jamais nuire au commerce national, par des émigrations plus désastreuses encore que la désertion militaire ( Applaudissements .) Jurez de n’aller chez l’étranger que pour perf ctionner des talents qui doivent être consacrés à l’honneur et à davantage de la patrie qui les a formés. Les élèves : Nous le jurons ! ( Applaudissements .) M. le Président répond : « Les nations n’ont jamais fait un pas vers la liberté, sans étendre aussi l’empire des arts, qui ne peuvent se perfectionner qu’avec elle. « Jeunes citoyens, qui entrez dans la carrière, 218 [Assemblée nationale.} la patrie fonde sur vous ses plus grandes espérances. Vous irez acquérir des connaissances chez les natmns étrangères : c’est là en effet la seule conquête à laquelle la France veuille aspirer aujourd’hui. Mais vous mériterez à votre tour de servir de modèle aux nations étrangères; et lorsque nos voisins viendront se reposer sur ce sol fécondé par la liberté, ils y viendront au-si admirer les productions d’un génie dégagé de toutes les entraves du despotisme. ( Applaudissements. ) « L’Assemblée nationale vous accorde l’honneur de la séance. » Une députation de la municipalité de Saint e-Menehould, accompagnée de MM. Drouet et Guillaume, est admise à la barre. L’orateur de la députation s’exprime ainsi : La ville de Sainte-Menehould, malheureusement célèbre dans les annales de la France par les calamités irréparables des guerres auxquelles elle fut longtemps exposée comme ville frontière, principalement par l’alfreux incendie qui l’a entièrement détruite en 1719, et qui renversa la fortune d’un grand nombre de ses habitants, vient d’acquérir la reconnaissance d’une nation naturellement généreuse. Cette cité a vu naître dans son sein MM. Drouet et Guillaume, au patriotisme, à la bravoure, à l’intelligence desquels la France doit son salut. « Vous eussiez applaudi sans doute au courage de notre garde nationale qui, en arrêtant le détachement de dragons qui allait monter à cheval pour voler à la suite des voitures qui conduisaient le roi et sa famille, a mis indubitablement hors de péril les jours de nos deux illustres concitoyens qui étaient à la poursuite de ces deux voitures : vous eussiez été étonnés de l’activité d’un sexe faible, de ses soins empressés dans la distiibution des munitions de guerre et de bouche, et de la contenance de quelques-unes sous l’armure guerrière. « Penne liez-no u, s aussi. Messieurs, d’espérerque vous accueillerez la pétition que nous avons l’honneur de vous faire de 6 pièces d’artillerie, d’un corps de caserne et de quelques autres objets relatifs à la tranquillité de nos habitants. C’est aux législateurs d’une nation jalouse de conserver sa liberté, et qui ne connaît d’antre soumission que l’obéissance à vos sag s décrets. de juger, si ayant à défendie la patrie dont les frontières ne sont éloignées de Sainte-Menehould que de 10 lieues, nous ne devons avoir d’autres armes que notre courage, d’autres remparts que nos corps à opposer à la malveillance de nos voisins. Non, peuple français, et vous, ses dignes représentants, qui voyez notre touchante position, vous ne nous laisserez point exposés au ressentiment des traîtres, et vous ne souffrirez pas que la gloire immortelle, dont le salut de la patrie vient de nous couvrir, devienne jamais l’instrument de notre désastre. ( Applaudissements .) M. le Président répond : « Les habitants de la ville de Sainte-Menehould ont donné trop de preuves de leur courage et de leur patriotisme, pour que la nation ne s’empresse pas de mettre dans leurs mains des armes dont ils se servent si utilement pour le maintien de la liberté. « Mais c’est surtout leur généreux dévouement à la cause publique qui mérite notre confiance : voilà le rempart sur lequel la patrie ne cessera 112 juillet 4791.] jamais de compter; elle rangera toujours parmi ses premiers devoirs celui de protéger les familles des citoyens qui auront la gloire de mourir pour elle. ( Applaudissements .) « L’Assemblée nationale vous accorde l’honneur de la séance. » (L’Assemblée renvoie la pétition de la municipalité de Sainte-Menehould au comité militaire.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre de M. Dupetit-Thouars, lieutenant de vaisseau, qui met sous les yeux de l’Assemblée la souscription qu’il a ouverte pour l’armement d’un ou deux petits bâtiments qui pussent faciliter les recherches conliées àM. d’Enirtcasteaux. (L’Assemblée renvoie cette lettre aux comités de marine, d’agriculture et de commerce.) M. I« Président fait donner lecture d’une lettre de la garde nationale de Varennes, qui réclame contre la demande de récompense, formée par quelques officiers de ce corps, pour la part qu’ils ont eue à l’arrestation du roi, et déclare que la gloire d’avoir été utile à la patrie, est la seule récompense qui lui paraisse digne de lui. Cette lettre est ainsi conçue : « Messieurs, « Nous venons d’apprendre, par les papiers publics, que plusieurs citoyens de Varennes, et ent e autres les officiers supérieurs de notre garde nationale, qui ont accompagné le roi à Paris, s’étaient présentés à l’Assemblée nationale pour postuler des récompenses. Nous vous supplions, si cela est, de n’en accorder aucune, nous croyant assez récompensés eo rendant, par l'arrestation du roi, à nos concitoyens, à tonte la France, le bonheur que nous allions perdre par son évasion. (Vifs applaudissements.) Eu étant fidèles à la patrie, nous n’avons rien fait qui puisse mériter récompense : nous avons rempli le serment que nous avions tous prêté le jour de la fédération, par lequel nous avons promis de soutenir de tout notre pouvoir, et même jusqu’à la mort, l’ouvrage de nos illustres représentants. Voilà notre vœu unique et invariable. » M. I�avie. Comme les personnes de la garde nationale de Varennes qui sont venues ici n’ont point demandé de récompense, il est nécessaire qu’il soit consigné dans le procès-verbal quecela ri’a jamais existé. D’ailleurs la nation n’a pas besoin que personne demande récompense, elle courra au-devant de ceux qui en méritent. (L’Assemblée décrète que l’observation de M. Lavie sera consignée dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture dé adresses de la société des amis de la Constitution de Muret , des directoires de districts de Pèronne, de Cholet, et de Mont-de-Marsan: toutes respirent l’expression du plus sincère attachement à la Constitution et d’un entier dévouement à la patrie. Un membre fait part à l’Assemblée des dispositions du district de Bourg, département de la Gironde : le serment d’étre fidèle à la nation, de maintenir la Constitution, et de vivre libre ou mourir, y a été généralement prêté. Une députation de la garde nationale de Brie-Comte-Robert, qui a accompagné les restes de Voltaire à Paris, est admise à la barre et prête le serment. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.