71fi {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1790.] contraire porter atteinte au respect que nous lui devons? ne serait-ce pas vouloir nous assimiler à Dieu même ; et la religion n’est-elle pas indépendante de tous les efforts de l’esprit humain? D’ailleurs, dans tout ce qui est du ressort de notre pouvoir, n’avons-nous pas fait, ne faisons-nous pas tous les jours ce qui dépend de nous pour le maintien du culte de la religion catholique ? ne nous occupons-nous pas d’établir et de fixer le nombre des ministres nécessaires au service des autels ? ne travaillons-nous pas à régler les dépenses qu’exigent l’entretien des églises, et toute la hiérarchie ecclésiastique ? Voudrait-on, pour jeter la défaveur sur l’Assemblée nationale, persuader au peuple que nous n’avons pas voulu nous occuper de la religion ? loin de moi cette idée. Tout ce qu’il est possible de faire sans inconvénients, nous le ferons; mais irons-nous par des décrets inutiles, je dis même nuisibles à la majesté de la religion, mettre les armes à la main du peuple, favoriser les intrigues, les haines, les vengeances, les crimes enfin de toute espèce, qui s’enveloppent du manteau du fanatisme? savons-nous quand, et où s’arrêteraient le carnage et la destruction ? Non ; ces idées ne sont entrées dans l’esprit d’aucun de ceux qui composent cette Assemblée ; mais s’il était possible qu’elles y entrassent, si l’Assemblée nationale rendait le décret qui a été proposé hier, et auquel je serais forcé d’adhérer parce que la majorité fait loi, je ne crains pas de dire, qu’en ma qualité de représentant de la nation entière, je rends ceux qui auraient voté pour l’admission du décret, responsables de tous les malheurs que je prévois, et du sang qui pourrait être versé. Voici ma motion : « L’Assemblée nationale déclare que par respect pour l’Être-Suprême, par respect pour la religion catholique, apostolique et romaine, la seule entrenue aux frais de l’Etat, elle ne croit pas pouvoir prononcer sur la question qui lui est soumise. » (Ce discours est vivement applaudi ; une grande partie de l’Assemblée se lève et demande d’aller aux voix sur l’article.) Dom Gerle. La motion que je fis hier renfermait de grands inconvénients ; l’article proposé par le préopinant n’a point les mêmes dangers. Je l’adopte de tout mon cœur, et je renonce au mien. M. de Cazalès se présente à la tribune ; une grande partie de l’Assemblée demande à aller aux voix. M. le Président. Ce ne sont pas les cris d’une partie de l’Assemblée, c’est la volonté de l’Assemblée qui fait ma loi. La motion de Dom Gerle était à l’ordre du jour : M. de Menou vient de faire une motion incidente (On crie du côté gauche de la salle que cette motion n'est point incidente). Quelques personnes demandent d’aller aux voix sur cette dernière ; quelques autres réclament la parole: mon devoir est de demander àl’Assemblée si elle veut entendre M. de Gazalès et ceux qui se sont fait inscrire après lui ; je pose donc la question. M. le Président prononce ainsi le décret: « L’Assemblée décide que M. de Gazalès et autres ne seront point entendus. » M. Duval d’Eprémesnil se lève et demande l’appel nominal : sa demande est appuyée par le côté droit de la salle. M. le Président. On va procéder à l’appel nominal, et je pose ainsi la question: ceux qui voudront que.M. de Gazalès et autres soient entendus diront oui; ceux qui ne le voudront pas diront non. L’appel nominal est fait, et l’Assemblée décrète la négative à la majorité de 495 membres contre 400. On réclame la priorité pour la motion de M. le baron de Menou, sur celle de Dom Gerle. Une partie de l’Assemblée réclame la proposition contraire. Différentes motions envoyées au bureau sont successivement lues par les secrétaires. M. le duc de La Rochefoucauld présente la suivante qui obtient la majorité des suffrages: « L’Assemblée nationale, considérant qu’elle n’a et ne peut avoir aucun pouvoir à exercer sur les consciences et sur les opinions religieuses ; que la majesté de la religion et le respect profond qui lui est dû ne permettent point qu’elle devienne le sujet d’une délibération; considérant que l’attachement de l’Assemblée nationale au culte catholique, apostolique et romain ne saurait être mis en doute, au moment même où ce culte seul va être mis par elle à la première place dans les dépenses publiques, et où, par un mouvement unanime de respect, elle a exprimé les sentiments de la seule manière qui puisse convenir à la dignité de la religion et au caractère de l’Assemblée nationale : « Décrète qu’elle ne peut ni ne doit délibérer sur la motion proposée, et qu’elle va reprendre l’ordre du jour concernant les dîmes ecclésiastiques. » M. le baron de Menou. J’abandonne la rédaction que j’avais présentée à l’Assemblée en faveur de celle qui vient de lui être soumise par M. le duc de La Rochefoucauld. M. de Fïrieu propose une autre rédaction. Elle tend à ce que l’Assemblée décrète que la religion catholique est la religion nationale, et qu’elle seule a le droit de jouir dans le royaume de la solennité du culte public, etc. (La partie droite de l’Assemblée demande la priorité pour cette rédaction, la partie gauche demande d’aller aux voix sur celle de M. le duc de La Rochefoucauld.) Aux voix ! aux voix ! est le cri répété d’une grande majorité de l’Assemblée. M. le Président paraît vouloir accorder la parole à M. l’abbé Maury, qui se présente à la tribune. M. le vicomte de Mirabeau. M. le président, nous vous sommons de faire votre devoir, et d’exécuter les décrets de l’Assemblée. MM. de Foucault et de Montlosier demandent la parole. Elle leur est refusée. M. de Montlosier. Il faut conserver à la minorité le droit d’exposer ses opinions, sans cela nous ne sommes pas libres. (M. l’abbé Maury demeure toujours à la tribune, malgré l’empressement que la majorité de l’Assemblée témoigne d’aller aux voix.) [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1790.] 747 M. le Président consulte l’Assemblée. M . l’abbé Maury sera-t-il ou ne sera-t-il pas entendu ? L’Assemblée décide qu’il ne sera pas entendu. M. le vicomte de Mirabeau fait différents gestes de désespoir et de colère, qu’il accompagne de ces mots : « Nous nûsortirons pas d’ici qu’on 11e nous en arrache, à moins qu’on n’ait déclaré que la religion catholique est la seule religion nationale. Sans cela nous mourrons plutôt sur nos bancs. » (Les deux motions de MM. de La Rochefoucauld et de Virieu sont relues.) M. le Président met aux voix la question de savoir si la priorité sera accordée à celle de M. le duc de La Rochefoucauld. L’Assemblée décide l’affirmative. Le côté droit prétend qu’il y a du doute dans l’épreuve et demande l’appel nominal. M. le Président. Beaucoup de membres dont l’opinion n’a pas prévalu reconnaissent avec moi qu’il n’y a pas de doute. Cependant je consulte l’Assemblée pour savoir s’il y a du doute. L’Assemblée décide la négative. M. Dnval d’Eprémesnil. Je me contenterai de rappeler à l’Assemblée qu’il n’a point existé, qu’il n’existe point de pays policé qui ne reconnaisse une religion quelconque comme la religion de l'Etat. (Une grande partie de l’Assemblée observe que M. Duval d’Eprémesnil n’a pas le droit de discuter sur le fond, d’après le décret qui a été rendu.) M. le Président. On ne peut empêcher des membres de l’Assemblée de modifier les expressions d’un décret qui n’est point encore adopté. M. Duval d’Eprémesnil. M.le duc de La Rochefoucauld prétend exprimer le respect de l’Assemblée nationale pour la religion catholique, en vous proposant de décréter qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la question de fixer l’état de cette religion en France. Mais j’observe à tous les chrétiens bien sincères que les expressions indirectes, entortillées plutôt que respectueuses, ne seront pas satisfaisantes pour le peuple. — Craignez qu’on ne fasse une comparaison terrible quand les Juifs voulurent ..... ( Ici les murmures redoublent, et M. Duval d’Ëprémesnil abandonne la tribune.) M. de Clermont-Eodève. Je vous demande le silence. Je vous prie, Monsieur le président, de mettre à l’ordre M. le comte de Mirabeau, qui parle; et si vous ne l’y mettez, je tâcherai de lui apprendre quel est le respect qu’il doit aux membres de cette Assemblée. (Une grande partie de l’Assemblée demande que M. de Clermont soit lui-même rappelé à l’ordre. Le président consulte le règlement, obéit au vœu de la majorité, et rappelle à l’ordre l’opinant.) — S’il m’était permis de m’écarter un instant de la grande question qui nous occupe, je chercherais à établir que personne n’a dû trouver rien à reprendre dans ce que je viens d’exprimer. J’avoue, au reste, que je me trouverai fort heureux d’être rappelé à l’ordre dans cette circonstance. — Je reviens à la motion de M. le duc de La Rochefoucauld. Je suis étonné que, sous le prétexte d’un profond respect pour la religion, on finisse par dire qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur une motion qui tend à consacrer le respect de tous pour la religion. — Mais, avant ces circonstances, vous avez décrété l’inviolabilité du roi, vous avez décrété l’hérédité de la couronne; ces deux décrets étaient portés dans le cœur de tous les Français; cependant vous avez cru devoir les prononcer constitutionnellement, et aujourd’hui vous refuseriez de prononcer constitutionnellement que la religion catholique est la religion nationale! M. Regnaud (de Saint-Jean d’Angely). Je demande que la discussion soit fermée, puisqu’on n’a point proposé d’amendement. M. le marquis d’Estounuel. J’ai un amendement à proposer; il a pour base le serment que j’ai prononcé, quand on m’a élu député, de présenter les articles mentionnés dans mon cahier. Un de ces articles exige que je demande le maintien des constitutions du Gambrésis, stipulées et jurées par les rois. Le 25 janvier 1677, Louis X1Y a juré, devant Cambrai, qu’il maintiendrait la religion catholique dans cette ville, sans y souffrir le culte non catholique et la construction des temples. Je propose pour amendement ces mots : « en maintenant les constitutions des villes et des provinces, jurées par les rois. » M. le comte de Mirabeau. Je n’ai point oublié que la discussion est fermée, et qu’ainsi je ne dois m’engager dans aucune discussion qui puisse entraîner des débats ; aussi je ne veux faire qu’une observation sur une critique de convenance qu’un préopinant a proposée, et qu’il avait droit de proposer. Il a paru que ce préopinant doutait que le premier des devoirs de l’homme, du citoyen, de l’individu, fût de ne pas délibérer hors de sa compétence. Il n’y a point d’inconvénient que l’Assemblée décrète la motion de M. de La Rochefoucauld : voici un procès-verbal daté du 13 février, dans lequel je lis ces mots : « La délibération ayant été interrompue, et l’ordre du jour se trouvant suspendu, un membre a fait la motion incidente de décréter que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’Etat. « Un autre a réclamé l’ordre du jour. « Un troisième a fait la motion expresse que la question mise à l’ordre du jour et la motion incidente fussent décrétées sans désemparer. « Un quatrième a observé qu’il n’est aucun membre de l’Assemblée qui ne soit persuadé que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion nationale ; qu’on ne peut mettre en discussion que des questions susceptibles de difficultés, et que ce serait offenser l’Assemblée et affaiblir l’autorité de la religion, que de soumettre cette question à un décret. « Dans ces circonstances, M. le président ayant mis aux voix si l’on passerait à l’ordre du jour, sans délai, l’Assemblée a décidé que l’on reprendrait sur-le-champ l’ordre du jour. » Voilà ce qui s’est passé, et ce rapprochement qui, dans aucun sens, rie peut être suspect, prouve assez que nous sommes d’accord sur les principes que cette Assemblée constituante et non théologienne a toujours professés. — J’observerai à celui des préopinants qui a parlé avant moi, qu’il n’y a aucun doute que, sous un règne signalé par la révocation de l’édit de Nantes, et que je ne qualifierai pas, on ait consacré toutes sortes d’intolérances ; mais puisqu’on se permet des citations historiques dans cette matière, je vous supplierai de ne pas oublier que d’ici, de cette tribune où je vous parle, on aperçoit la fenêtre 718 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1790. d’où la main d’un monarque français, armée contre ses sujets par d’exécrables factieux qui mêlaient des intérêts temporels aux intérêts sacrés de la religion, tira l’arquebuse qui fut le signal de la Saint-Barthélemy. Je n’en dis pas davantage : il n’y a pas lieu à délibérer. La partie droite demande à aller aux voix. La parole est demandée. II s’élève quelques difficultés à ce sujet. Elle est accordée à M. de Robespierre. On demande de nouveau à aller aux voix. L’Assemblée consultée ferme toute discussion, sauf â présenter simplement des amendements. M-l’abbé Maury paraît à la tribune : il commence à discuter le fond de la question. M. le Président ne l’interrompt pas. On rappelle M. le président à son devoir, en l’interpellant de faire exécuter le décret qui vient d’être rendu, et qui permet simplement de présenter des amendements. M. le Président. Je ne puis calculer en combien de phrases un amendement peut être rédigé. M. l’abbé Maury. Il ne faut pas se prévaloir du respect dû à la religion, pour nous refuser à lui rendre hommage. Il est bien vrai que la doctrine dogmatique n’est pas de notre ressort... (On observe à M. l’abbé Maury que ce n’est pas là un amendement.) M. l’abbé Mau*y. Je n’ai pas le privilège de me dispenser de prouver les propositions que j’ai l’honneur de vous soumettre. (On rappelle de nouveau à M. l’abbé Maury qu’il ne peut que proposer simplement son amendement.) M. l’abbé Maury. Mon amendement est de m’élever hautement contre ces formules oratoires qu’on vous propose de décréter ; mon amendement est de déclarer quel est le culte que la France professe. On nous a dit, tout à l’heure, dans cette tribune, que le 13 février dernier... M.*** : M. le président, obéissez donc à l’Assemblée, en faisant exécuter ses ordres. M. le Président. Mais si M. l’abbé Maury doit seulement relever un fait, on ne peut l’en empêcher. M. le Président (à. M. l’abbé Maury). Je vous demande que vous vous borniez à présenter votre amendement, si vous en avez un. M. l’abbé Maury, Mon amendement est que l’Assemblée nationale déclare deux faits, contre lesquels personne ne s’élèvera, parce qu’ils sont évidents : 1° que la religion catholique, aposto-tolique et romaine est la seule dominante ; 2° qu’à elle seule appartient la solennité du culte public. Je propose cet amendement en addition; et ce qui m’y détermine, c’est que deux fois, par deux décrets, vous avez ajourné et non décidé qu’il n’y avait... M. Devillas. Je rappelle à M. le président qu’on ne peut discuter, et qu’il ait à se conformer à son devoir. M. le comte de Montlosicr. Je fais la motion que M. l’abbé Maury ne parle pas ; l’Assemblée ne met pas assez de dignité pour l’entendre. M. l’abbé Maury. Je dois représenter que vous avez aboli ..... M. Salle. Je crois que M. l’abbé Maury n’a plus d’amendement à proposer. Il discute, il veut discuter ; le décret est formel. Monsieur le président, faites exécuter le décret ; descendez du fauteuil, ou faites votre devoir, M. l’abbé Maury. C’est insulter à la bonne foi de cette Assemblée; je défends mon opinion, et je ne m’en écarte pas ; on feint de confondre la religion avec le fanatisme... M.*** : Que M. l’abbé Maury donne son amendement, s’il ne l’a pas déjà donné. Pour vous, Monsieur le président, vous ne devez pas permettre une discussion quand un décret l’a défendue; je vous invite à faire votre devoir. (M. l’abbé Maury descend de la tribune.) M. le vicomte de Mirabeau. Mon amendement consiste à ôter de la motion de M. de La Rochefoucauld, ces mots : « il n’y a pas lieu à délibérer. » H me semble vous avoir entendu consacrer plusieurs fois ce principe, qu'après une aussi longue discussion que celle-ci, on ne peut adopter la question préalable... Quant aux préopinants, je ne réponds qu’un mot. L’abus des mots est bien terrible : si le fanatisme a abusé du mot religion pour conseiller la Saint-Barthélemy, des scélérats ont abusé du mot liberté pour violer l’asile de nos rois. M. le marquis de Foucault. Je monte à la tribune, pour demander qu’on rappelle M. de Mirabeau à l’ordre pour les expressions dont il s’est servi : sur toute la délibération, je dis que l’Assemblée n’est pas libre ; je me propose de le prouver ..... M. l’abbé Maury. U n’y a plus de liberté, il n’v a plus d’autorité* dans l’Assemblée. M. le marquis de Foucault. Ilne m’est donc as permis de m’expliquer ! Je n’ai qu’une chose dire. Ce que vous avez dit au roi le 23 juin, je vous le dis à vous, à tous les citoyens ; je le dis surtout au maire de Paris, au chef de la milice. Je dis au premier : Faites retirer les citoyens attroupés auprès du temple de la Liberté. Je dis au second : Faites retirer vos soldats. La province que j’ai l’honneur de représenter ne m’a pas envoyé pour délibérer au milieu du tumulte des armes. (Les membres de la partie droite de l’Assemblée empêchent M. le marquis de Foucault de continuer.) M. de Lafayette demande la parole. M. le Président. Je prends la parole, d’abord pour prouver que M. de Foucault n’est pas dans l’ordre du jour ; s’il parle, M. de Lafayette doit avoir ensuite la parole, qu’il réclame. On demande à aller aux voix. L’Assemblée consultée décide qu’on doit passer à l’ordre du jour sans discussion ultérieure. M. le marquis de Foucault reste à la tribune et veut parler ; mon seul amendement, dit-il, est que l’Assemblée n’est pas libre, et qu’elle ne peut pas faire un déemt, {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. £1S avril 1790.} 719 M. de Clermont-Lodève retire son amendement et se réfère à celui de M. l’abbé Maury. M. Muguet demande la question préalable sur tous les amendements. Elle est mise aux voix. A la première partie, la majorité se lève. — A la contre-partie, personne ne se lève. L’Assemblée décide donc unanimement qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements. La motion de M. de La Rochefoucauld est décrétée de la même manière. La partie droite de l’Assemblée se lève. M. le vicomte de Mirabeau, M. de Faucigny, M. Duval d’Eprémesnil, et tous les autres membres placés dans cette partie de la salle, lèvent les mains au ciel, et disent : Nous jurons, au nom de Dieu et de la religion, que nous professons.. (Le reste n’est point entendu.) M. de Lafayette monte à la tribune aux applaudissements d’une partie de l’Assemblée. M. le marquis de Foucault. Vous ne m’avez pas permis de finir mon opinion... M. le Président demande à lever la séance. La gauche de l’Assemblée s’y oppose. M. le marquis de Foucault. Avant d’entamer la discussion, je vous prierai de demander à M. le marquis de Lafayette, mon collègue, si c’est sur l’interpellation que j’ai eu l’honneur de lui faire qu’il veut parler. M. de Lafayette. Oui. M. le marquis de Foucault. Je m’adressais à M. lemairedeParisetàM.lecommandantdela garde nationale ; je disais à l’un : Pourquoi ne dissipez-vous pas les citoyens attroupés? Je disais à l'autre, comme l’Assemblée nationale au roi : Faites retirer vos soldats. Si on me répond, mais c’est pour votre sûreté; je dirai, mais on aurait dû nous prévenir, afin de ne pas nous effrayer ..... L’improbation que je viens de recevoir me prouve que la frayeur ne prend pas sur l’esprit de cette Assemblée ..... Je suis forcé en même temps de dire que je partage cette sécurité : la crainte et la terreur n’ont jamais eu de prise sur moi, et n’en auront jamais. {On rit.) Mais il me semble cependant que ceux qui nous ont envoyés pour les représenter, ne nous ont pas envoyés pour faire des lois le sabre à la main. {On rit.) Il me semble de plus qu’il n’est pas toujours donné à un législateur d’avoir le courage de ne pas s’effrayer. La preuve qu’il existait un danger, c’est que le commandant de la garde nationale a fait environner cette salle de soldats. Je fais donc la motion qu’à l’avenir, l’Assemblée nationale prenne pour exemple le parlement d’Angleterre, et que jamais les troupes ne puissent approcher Paris de plus de trois lieues. {On rit.) M. le marquis de Lafayette. Messieurs, quelques personnes ayant témoigné à M. le maire de Paris, des inquiétudes sur la tranquillité de la capitale, inquiétudes que ni lui ni moi n’avons cru en aucune manière être fondées, il a pensé néanmoins devoir m’ordonner quelque augmentation à la garde citoyenne dont l’Assemblée nationale a daigné s’entourer. Permettez-moi, Messieurs, de saisir cette occasion pour répéter à l’Assemblée, au nom de la garde nationale, qu’il n’est aucun de nous qui ne donnât jusqu’à la dernière goutte de son sang pour assurer l’exécution de ses décrets, la liberté de ses délibérations, et garantir l’inviolabilité de chacun de ses membres. (M. l’abbé Maury monte à la tribune.) M. le Président. Le décret que vous venez de rendre porte qu’on reviendra à l’ordre du jour. Il faut ou décréter le contraire, ou reprendre l’ordre du jour, ou lever la séance. L’Assemblée est consultée, et la discussion concernant les biens ecclésiastiques est remise à demain. Les membres de la partie droite se lèvent, s’agitent et sortent peu à peu. — Il est quatre heures. PREMIÈRE ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 13 avril 1790. Nota. La pièce ci-dessous se rattache, à la séance de l’Assemblée nationale du 13 avril 1790; c’est à ce titre quenous l’insérons dansles Archives parlementaires. ' M. de Cazalès et le vicomte de Mirabeau, insultés en sortant de U Assemblée nationale , le 13 avril 1790, croient devoir au public le récit de cet événement, de peur que les journaux ne le dénaturent et ne V exagèrent. Nous sortions de l’Assemblée nationale par la grande porte; nous étions parvenus à la moitié de l’allée qui conduit à la cour du Manège, lorsque nous avons rencontré deux dames; nous leur avons offert le bras. A peine avions-nous fait quelques pas, que nous avons vu venir une grande quantité d’hommes sortant des Tuileries et du passage qui mène à la rue Saint-Honoré. Il était difficile de distinguer l’objet de leur course ; mais ils couraient tous. Nous étions précédés de 25 ou 30 grenadiers qui avaient été de garde à la salle et s’en retournaient. L’officier qui les commandait leur a ordonné de se mettre en ligne, ce qui a été exécuté ; cela en a imposé au peuple. Cependant un bourgeois ayant un sabre au côté, s’est approché du vicomte de Mirabeau, et a dit ; ces gueux-là sont très heureux d’avoir une garde. Le vicomte de Mirabeau a désigné cet homme à la garde, ne pouvant quitter le bras de la dame qu’il conduisait. L’homme s’est perdu dans la foule. Nous avons alors engagé les dames à entrer dans une maison et nous avons voulu poursuivre seuls notre route. Les grenadiers nous ont offert de nous reconduire; nous leur avons répondu que nous n’en avions pas besoin, que nous étions d’un métier où on bravait le danger, mais que nous étions reconnaissants de leur offre ; ils ont insisté avec infiniment d’honnêteté. Au moment où nous percions la foule pour gagner le passage, nous commencions à être fort serrés ; un homme est venu mettre le poing sous le nez du vicomte de Mirabeau et lui a dit : Infâme gueux, tu périras! Le vicomte de Mirabeau a mis l’épée à la main et il s’est fait une escarre dans le peuple. MM. les officiers de la garde nationale ont profité de ce moment pour nous entourer et nous offrir de nouveau leur sauvegarde. Nous avons mar-