[4 janvier 4790.] 7Q [Assemblée nationale.] ARCHIVES; PAftLEMENTAIIlES. un altentat dont il jure de poursuivre la punition, et qu’il mettra tout en œuvre pour en découvrir les auteurs. Adresse du même genre de la ville de Lourdes en Bigorre; elle renonce expressément à tous ses privilèges, qu’elle avait obtenus â prix d’argent, ou mérité par sa fidélité et son courage, et elle fait le don patriotique de la somme de 40,000 livres, prix de la vente de ses communaux, qui avaient été destinés pour l’achat de ses offices municipaux, et demande d’être le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Délibération de la communauté de Châteaù-Neuf d’Isère en Dauphiné, qui instruit F Assemblée nationale d’une coupe extraordinaire de bois, faite par la dame abbesse de Yernaison, dans les forêts de son abbaye ; elle se plaint d’ailleurs de ce qu’elle n’a pas reçu les décrets de l’Assemblée, qui mettent les biens ecclésiastiques sous la sauve-garde des municipalités et des gardes nationales. Délibération de la ville de Valence en Dauphiné, dans laquelle elle déclare qu’elle désavoue les observations présentées, au nom de la province, par le commissaire intermédiaire des Etats, sur la division du royaume en général, et celle du Dauphiné en particulier; qu’elle déclare lesdites observations attentatoires à la confiance que le Dauphiné n’a cessé de manifester envers l’Assemblée nationale, et au respect que les peuples doivent à ses décrets; qu’elle désavoue le mandat énoncé dans l’avis imprimé, publié par un député du dauphiné; qu’elle déclare s’opposer fortement à son exécution, comme tendant à soulever la province, et ne pouvant opérer que la plus funeste division dans son sein; que, pleine de confiance dans la justice et dans la pureté des vues de l’Assembiée nationale, elle adoptera sans restriction, et fera exécuter, autant qu’il sera en elle, tous les décrets émanés des deux pouvoirs réunis; qu’elle ne se permettra, enfin, ni plaintes ni démarches, les regardant comme entièrement nuisibles à l’ordre nouveau qu’il est instant d’établir pour assurer le succès de la révolution. Adresse de la ville de Preuilly en Touraine, qui adhère respectueusement à tous les décrets de l’Assemblée, et demande d’être le chef-lieu d’un district. Adresse de félicitations, adhésion et dévouement du comité municipal de la ville de Toul ; elle fait l’offrande patriotique des 128 marcs 6 onces d’argent, produit du sacrifice que les citoyens font aux besoins de la patrie d’un luxe inutile. Adresse du même genre de la commune des Sables-d’Olonne en Bas-Poitou; elle demande d’être chef-lieu d’un département. Adresse dumêrae genre des habitants de Thessac en Saintonge; ils offrent un don patriotique de 120 livres, qu’Ds déclarent être proportionné à leurs facultés, et ils réclament justice contre leur seigneur pour des abus d’autorité, et une extension donnée, disent-ils, par son père, à des droits seigneuriaux dont ils demandent la suspension provisoire et la réduction sur le pied des anciens titres. Adresse du même genre de la ville de Moulins; elle demande d’être un chef-lieu de département, et le siège d’un tribunal souverain. Adresse de la commune de Saimt-Symphorien de Laye, et de la communauté de Perreux en Beaujolais, portant adhésion à tous les décrets de l’Assemblée nationale; et demande d’un district et d’un tribunal, dans ladite ville de Saint-Symphorien; elles font le don patriotique de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse d’adhésion de la communauté de la Roche-Guyon en Yexin -Français ; elle fait le don patriotique de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et demande une justice royale. Délibération de la' ville de Magny en Vexin, contenant le même don patriotique/ qui s’élève à la somme de 621 livres 14 sols 6 deniers. Adresse des habitants des communautés de Sainte-Eulalie, du Vialar, de la Cavalerie, la Cou-vertoirade, et laBlusquererie, toutes dépendantes de la Commanderie de Saint-Eulalie de Larzac, appartenant à l’ordre de Malte, élection de Millau en Rouerge, par laquelle ils exposent qu’ils sont encore dans l’état de servitude, et qu’ils souffrent îarticulièrement de la rigueur avec laquelle on eur fait payer les dîmes, les corvées personnelles, ' es droits de fouage et de bannalité, pour fournir au commandeur un revenu de 52,000 livres, ils demandent avec instance qu’on prenne leurs maux en considération, afin que, citoyens du même empire, ils jouissent, avec tous les Français, d’une régénération qui a été achetée au péril de la vie, et qu’ils sont disposés à maintenir et cimenter de leur sang. M. Camus. Le 30 novembre dernier, j’ai fait une motion relative aux établissements de l'Ordre de Malte en France. Le développement de cette motion exige quelque étendue, et pour ménager les instants précieux de l’Assemblée, je la prie d’en autoriser l’impression et la distribution à tous ses membres. L’Assemblée, consultée par M. le président, ordonne l’impression et la distribution. ( Voy . ce document annexé à la séance de ce jour.) M. ïe Président. La discussion de l'affaire des subsistances de Saint-Domingue et la suite de la discussion sur les pensions se trouvent à l’ordre du jour. L’Assemblée doit décider quel est l’objet qui aura la priorité. M. de Cocherel insiste pour qu’on s’occupe de l’affaire de Saint-Domingue, qui est urgente et a été plusieurs fois ajournée. M, Camus fait remarquer que la discussion sur les pensions est commencée et qu’elle doit enfin être résolue. M. d’IIarambnre dit que le comité des recherches de la ville, de Paris a attesté au comité des finances de l’Assemblée que l’on avait payé, le 7 décembre, des appointements au prince de Lambesc et au baron de Besenval; en conséquence, la discussion des pensions doit avoir la priorité. L’Assemblée adopte cette proposition. M. Lamy, député de Caen, commence à donner des explications sur les récompenses en général, et sur l’origine des pensions en particulier. L’Assemblée témoigne son impatience et rappelle l’orateur à la question. M. Lamy descend de la tribune en disant qu’il fera imprimer son discours. ( Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.) M. le duc de Liancourt (1). Messieurs, la (1) Le Moniteur ne donne qufune très-courte analysa du discours de M. le duc da Liancourt., [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 janvier 1790.] 71 ressource la plus pénible que puisse employer une grande nation dans la détresse de ses finances, est, après celle de l’augmentation des charges publiques, la réduction dans les dons faits en son nom. Les pensions représentant des récompenses ou des dédommagements donnés, sans doute en grande partie, sans motifs absolument plausibles, surtout sans une équitable proportion avec les services ou les pertes ; fruits trop fréquents de la faveur des ministres ou de leur coupable facilité, ces pensions ont cependant été données par celui qui, au nom de la nation, avait seul le droit de disposer des fonds publics, et ne pouvait, dans la plupart des circonstances, que s’en rapporter aux témoignages de ceux en qui il avait placé sa confiance. Vous ne croirez pas, Messieurs, que je prétende justifier la somme énorme à laquelle s’élèvent les pensions payées par l’Etat ; que, frappé moins que personne de l’excès de cette dépense, je ne pense pas avec vous, depuis longtemps que votre justice doit dans ce rapport, comme dans tout autre, poser des bornes que la facilité des ministres ne pourra jamais dépasser ; car tout ce qui n’est pas récompense ou dédommagement strictement dû et sévèrement proportionné aux titres qui les réclament, est une charge que le peuple ne doit pas supporter, dont aucun contribuable ne peut être grevé sans injustice ; comme aussi, tout ce qui est récompense ou dédommagement dû à titre légitime, est une contribution de devoir pour tous les individus d’une grande société. Mais vous penserez avec moi, sans doute aussi, Messieurs, qu’il eût été plus heureux que l’état de vos finances permît que la nation la plus connue dans tous les siècles par sa noble générosité, se contentât d’attaquer les abus dans leur source, d’en prévenir d’une manière certaine le retour par des lois sévères, et qu’elle eût pu attendre, d’un temps toujours très court pour une nation, qu’une sage constitution gouverne, l’extinction de tous ces dons exagérés, sans dépouiller aucun des jouissants actuels, payés sans doute, pour la plupart, outre mesure, mais pourvus par des titres jusqu’ici reconnus valables. Cette chimère, j’ose dire heureuse, ne peut plus se réaliser. L’opinion publique, en condamnant depuis longtemps la monstrueuse profusion de pensions, a prononcé la nécessité d’une nouvelle diminution actuelle sur ces pensions, qui déjà avait éprouvé, en 1787, une réduction d’environ 6 millions, c’est à dire à peu près d’un sixième dans leur totalité ; et le premier ministre des finances a, dans sod discours du 24 septembre dernier, porté lui-même à 5 ou 6 autres millions cette nouvelle réduction actuellement possible. Vous en avez adopté le projet, et ce projet, en y comprenant la. réforme faite sous le dernier ministère, porte à 12 millions la réduction totale qu’auront éprouvée, depuis deux années, les pensions payées sur le Trésor royal. Si dans l’examen de ces pensions, mis sous vos yeux, vous pensez, Messieurs, que vous devez augmenter encore cette réduction considérable, vous prononcerez la somme à laquelle elle doit être élevée ; vous ne le ferez qu’après une mûre réflexion ; car, voulant aussi positivement, aussi fortement que vous le voulez le bonheur général, vous voudrez épargner cependant, autant qu’il dépendra de vous, les larmes et les malheurs particuliers ; et la preuve la plus certaine de l’amour du bien public que puissent donner des âmes généreuses comme les vôtres, se trouve sans doute dans votre fsoumission à la dure nécessité de faire [des malheureux. Il me semble que vous en tenant aujourd’hn* à celte fixation générale, vraiment l’état de la question, il conviendrait que vous vous remissiez à vous occuper du tarif des pensions dans les départements divers, au moment où vous fixerez les différentes constitutions ou organisations des corps dont la composition doit fixer la proportion et la nature des dons et des dédommagements auxquels ils doivent prétendre. Alors, prenant en considération les titres et les services de tous» vous n’oublierez pas que le corps, sur la fidélité duquel repose votre tranquillité au-dedans et au-dehors, dont l’honneur et la délicatesse sont le premier devoir, pour qui le mépris de la vie est une condition qu’à peine il compte pour une qualité, car sans elle il ne pourrait exister, est encore celui qui réunit le plus d’hommes privés de fortune, dénués de ressources personnelles, et à qui vous devez, par justice, assurer le plus solidement des jours heureux, et pendant la durée de leur service, et lorsque leurs forces et leur âge ne leur permettront plus de les continuer. A cette époque, profitant des lumières que vous a présentées avec tant de sagacité un des préopinants, vous consulterez, dans les divers traitements de retraite que vous assurerez aux longs services, non-seulement leur ancienneté, mais leur nature; vous croirez peut-être aussi devoir compter les blessures pour les années ; enfin, vous chercherez à être j ustes et vous le ferez. Mais aujourd’hui il ne peut être question que du mode par lequel la réduction que vous allez ordonner peut être le plus utilement opérée. Si vous croyez, Messieurs, devoir exercer vous-mêmes les détails de cette réforme, vous ne pouvez choisir qu’entre le parti de soumettre toutes les pensions à une proportion de réduction égale, selon leur montant; et celui de faire repasser sous vos yeux les titres de création de ces pensions, pour les examiner, les comparer dans votre sagesse, et faire porter avec équité les diminutions les plus fortes sur les droits les moins fondés, en réformant même entièrement', dès aujourd’hui, celles qui seraient prouvées n’être dues qu’à la faveur, qu’à l’intrigue, qu’à quelque cause vile, bien reconnue, et que votre justice réprouverait. L’un et l’autre de ces moyens, *Messieurs, me semblent incomplets, ü’abord, je n’hésite pas à dire que cette proportion de réduction portant inégalement sur les diverses classes dépensions, mais avec égalité sur la même, ne peut pas satisfaire vos vues de justice. A quelque léger denier que vous fixiez la réduction d’une peti te pension, vous prendrez sur le nécessaire, si ces pensions sont vraiment alimentaires; si elles sont le fruit de services anciens, si elles sont la retraite fixée par les ordonnances, d’officiera, par exemple, privés d’aucune autre ressource, alors la réduction, même d’un vingtième, enlèverait le fruit nécessaire à l’homme intéressant pour l’Etatet par ses services et par son manque de fortune. La totalité de la pension enlevée à tel autre qui, avec quelques ressources personnelles, aurait même des titres valables, seraitun moindremal. Cependant aussil’exa-men réfléchi de ces pensions vous prouvera qu’un assez grand nombre de celles au-dessous de mille livres, données par la facilité en vertu des vieux usages, devrait, avec justice, être retranché en totalité, avant que telles autres, beaucoup plus considérables, éprouvassent la réduction la plus légère. Et dans les classes supérieures, que de différence encore entre les litres? Penserez-vous équitable de traiter dans la même proportion l’homme qui, ayant évidemment perdu sa fortune au service de l’Etat, soit par des dépenses consi- 72 l Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 janvier 1790.1 dérables, mais que les circonstances rendaient alors véritablement indispensables, soit par les opérations de finances du gouvernement, qui joint à ces titres de malheur, de grands titres de services que vous ne pourriez méconnaître, et celui qui, ayant sans doute bien mérité, n’a rien perdu de sa fortune et l’a peut-être même augmentée dans les diverses places qu’il peut avoir occupées? Traiterez-vous avec une entière égalité les personnes au-dessus de l’âge de 70 ou 80 ans, âge que toutes les nations, et que tous les siècles ont respecté, le guerrier mutilé dans les combats et l’homme qui, vivant d’abus, a peut-être, pour abandonner une place importante qu’il remplissait honteusement, ou pour d’autres motifs aussi scandaleux, ajouté une somme considérable de pensions à une masse énorme de fortune personnelle? Vous vous refuserez, je crois, Messieurs, à une telle délibération : ce mode de proportion égale, sans examen, le plus commode de tous pour l’autorité arbitraire qui, s’élevant au-dessus de l’humanité, croyait, du point où elle se plaçait, voir tous les hommes et tous les droits égaux, n’est pas admissible pour une grande nation dont toutes les actions scrupuleusement réfléchies, doivent être marquées évidemment du sceau de la justice. Cependant, Messieurs, si, frappés de l’injustice d’une réduction également proportionnelle, vous voulez descendre dans tous les détails, examiner les titres, pouvez-vous espérer, dans le terme de six mois, achever ce grand ouvrage; vous avez plus de trente mille brevets à examiner. Telle pension qui dans son brevet porte un titre plausible. soigneusement examinée, est sans motifs; telle autre, considérable en apparence, est le résultat, au moins en partie, ou de brevets de retenue, ou d’intérêts accumulés de sommes dues, ou de toute autre créance respectable. Il vous faudra donc, non-seulement consulter les brevets, mais la vie entière des personnes sur lesquelles vous croirez devoir faire porter la réduction. Six mois seront insuffisants pour cette grande opération ; car, quelque confiance que vous ayez au comité que vous en chargerez, vous ne vous en rapporterez pas à lui; et vous, Messieurs, qui sagement sans doute, n’accordez à vos comités aucune latitude de pouvoir, vous voudrez examiner par vous-mêmes les titres en vertu desquels vous devrez prononcer sur les fortunes d’une grande quantité de vos concitoyens. La fin de votre session doit, selon toute apparence, avoir un terme plus rapproché que celui proposé dans la motion de M. Camus, qui me semble cependant lui-même trop court pour l’examen des pensions, car sûrement beaucoup de pensionnaires sont hors de France. — Voulez-vous, pouvez-vous étendre vos travaux au delà de votre existence ? Ainsi, le moyen d’examiner vous-mêmes les titres de pensions avant de les réduire, plus juste sans doute que le premier, ne me paraît pas beaucoup plus praticable. J’oserai dire plus, Messieurs, et cette raison eût dû être placée la première, il me semble que si, comme il est indubitable, il appartient seulement à l’Assemblée nationale de prononcer sur les sommes à retrancher de l’état des pensions, l’opération de détails, qui n’est que l’exécution de vos décrets, appartient au pouvoir exécutif; si, dans un meilleur ordre de finances, vous croyiez devoir décréter une addition de quelques millions aux pensions déjà existantes, penseriez-vous que la répartition en appartiendrait au pouvoir législatif? et si dans la conviction dans laquelle nous sommes tous qu’aucun ordre ne peut s’établir, et surtout se maintenir, sans la distinction conservée entre les pouvoirs, nous pensons que cette distribution appartiendrait au pouvoir exécutif, comment pourrions-nous raisonner autrement dans la circonstance actuelle où cette réduction de six millions est une distribution de même nature que celle qui opérerait une augmentation? Ce raisonnement, qui me semble absolument de principe, serait encore, s’il était nécessaire, fortifié par les motifs de la plus grande facilité que peut avoir le conseil du Roi pour exécuter avec justice cette réduction ; car il a, ou peut promptement acquérir toutes les connaissances de détails sur lesquelles il peut équitablement asseoir son travail ; et chargé seul de son exécution, il a tous les moyens de l’accélérer. Sans doute on objectera, à cette proposition, la crainte que la faveur n’ait une grande part dans ce travail fait par les ministres; mais indépendamment de l’intime conviction, dans laquelle je suis, que les ministres, entourés, comme ils le sont aujourd’hui, des regards de toute la nation, n’ont d’intérêt bien entendu que celui de la justice, intérêt que le caractère des ministres actuels doit vous assurer qu’ils sauront apprécier ; je me bornerai à répondre, en répétant cette vérité que l’exécution de vos décrets appartient au pouvoir exécutif, et que l’Assemblée nationale, crût-elle pouvoir s’en revêtir, ne peut se flatter d’opérer cette réduction, ni avec la scrupuleuse justice qui est son premier devoir et son premier besoin, ni dans l’espace du temps que doivent probablement durer encore vos séances actuelles. Je propose donc le décret suivant : « L’Assemblée nationale ayant fixé qu’à compter du 1er janvier 1790, la totalité des pensions payées aujourd’hui sur le Trésor royal, et s’élevant a la somme de 31.062.651 livres, serait réduite de celle de ..... en sus de la réduction faite en 1787, a décrété que les fonds pour les pensions ne seraient faits que de ....... pour l’année 1790, et que le Roi serait supplié d’ordonner la réduction partielle de nos pensions, d’après les connaissances qu’il a des titres et des besoins de ceux qui en sont actuellement pourvus, en veuillant bien toutefois prendre dans une particulière considération, et la classe la moins riche du militaire, et les personnes de tout état, âgées de 70 à 80 ans. Elle a décrété en outre qu’à comptér du 1er janvier 1790, aucune autre caisse que le Trésor royal ne payerait de pensions. » M. le baron de Wimpfen. En décrétant une somme quelconque pour les pensions, et en laissant la disposition au ministre, on ne verra que ce qu’on a vu jusqu’à présent, des abus. Je vous propose un décret provisoire pour arrêter un fléau que je compare à ces sauterelles qui dévastaient les moissons. Voici mon projet : « L’Assemblée nationale, voulant rétablir l’ordre dans le revenu public, a vu avec douleur que la sueur du pauvre était devenue l’aliment d’un luxe impudent et corrupteur. Elle a décrété ce qui suit : 1° Toute réversibilité est supprimée jusqu’à ce jour, à l’exception de celle accordée à la famille du chevalier d’Assas. 2° 11 sera nommé un comité de cinq personnes pour présenter un projet dans lequel toutes les pensions susceptibles d’être réduites ou supprimées seront indiquées. JAssembléë nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 janvier 1790.] 73 3° Il ne sera accordé désormais aucune pension au-dessus de 12,000 livres. 4° A compter du 1er de ce mois, il ne sera payé, pour les années échues, aucun à-compte au-delà de 12,000 livres. Les pensions des militaires, au-dessous de cette somme, seront payées. 5° Le comité des pensions prendra en considération les projets présentés par MM. Camus, de Montcalm et le baron de Wimpfen. 6° Les pensionnaires actuellement en pays étrangers ne jouiront de leurs pensions qu'à leur retour ; les officiers étrangers retirés et les personnes employées par le gouvernement sont seuls exceptés. » Je propose d’excepter encore M. de Chambord, dont le père a été tué à la chasse par le dauphin, père du Roi. On a répandu des nuages sur nos intentions. 11 faut, en prenant une détermination prompte, faire cesser l’effet des bruits semés par les malintentionnés. Hier matin, par une suite de ces bruits, il est venu chez moi un capitaine de grenadiers couvert de blessures honorables ; il a eu la tête, un bras, une jambe et un poignet cassés. * Je viendrai tout nu à la porte de l’Assemblée nationale, m’a-t-il dit ; je ferai voir mes blessures, et je demanderai le bourreau qui veut me réduire à la misère. » M. Regnaud. J’ai peine à concevoir qu’il se soit élevé des doutes sur la suppression des pensions qui seront reconnues illégitimes. On a cité Sully, on nous a dit, d’après lui, que la bienfaisance des rois de France était immortelle comme leur autorité ; mais la justice doit tenir le premier rang. Un prince n’a pas le droit, pour être généreux envers un de ces sujets, d’être injuste et cruel envers plusieurs autres. On nous a félicité de ce que la munificence de nos rois ne s’était pas montrée comme celle des princes du Nord, en donnant mille ou deux mille paysans. Nous avons mûri plus tôt que ces peuples, mais nous n’avons pas été moins barbares qu’eux ; comme eux nous avons eu des serfs, comme eux nous avons fait de ces libéralités monstrueuses. D’autres disent que la dette des créanciers ne doit pas mériter plus de faveur que la dette contractée envers les pensionnaires. Pourquoi la première est-elle sacrée ? C’est que l’Etat a reçu de ses créanciers, et qu’il doit leur rendre ce qu’il en a reçu. S’il n’a rien reçu des pensionnaires, il est quitte avec eux. L’une des dettes n’est pas plus sacrée que l’autre : les titres de toutes deux doivent être examinés. On a réclamé une exception en faveur d’une classe qui mérite de grands égards, parce qu’elle a rendu de grands services , mais elle renferme des hommes qui n’ont de militaire que l’habit, et qui, par la bassesse et la flatterie, ont obtenu le prix de l’honneur et du courage. Ce guerrier couvert de blessures, dont nous a parlé le préopinant, ne verra-t-il pas avec joie effacer ces hommes de la liste où se trouvera son nom ? Et ne verrez-vous pas vous-mêmes avec satisfaction ôter de cette liste honorable tant d’articles propres à ne former qu’un catalogue de courtisans avilis ou de proxénètes méprisables ? Je réclame fortement, avec les préopinants, l’exception demandée pour les septuagénaires. Songez qu’ils vécurent esclaves, et qu’ils ne jouiront que pêu d’instants de la liberté donnée à leur patrie. Je demande que ceux qui auront servi pendant trente ans soient exempts de toute réduction et de toute vérification. Et enfin, je demande que la motion de M. de Montcalm soit mise aux voix article par article. M. Fermond des Chapellères. Il est plusieurs espèces de pensions à supprimer sans difficulté. En assurant qu’il faudra six mois pour l’examen des titres, on s’est livré à une exagération manifeste ; le zèle du comité n’est pas douteux, et une prétendue impossibilité ne doit pas faire renoncer à une opération aussi salutaire, quand on considère que, pour faire une pension de 80,000 francs à un seul homme, il faut peut-être ruiner quatre-vingts villages, peut-on douter de la nécessité de prouver à la nation que désormais les seuls titres à de telles faveurs seront les besoins et les vertus? Je propose de charger le comité de l’examen des titres des pensions, et de décréter qu’à l’avenir les pensions au-dessus de 1,000 écus ne seront payées qu’en à-compte de pareille somme; mais celles au-dessous en totalité. • M. le due de la Rochefoucauld. Il faut user d’unegrande indulgence pour le passé et d’une grande sévérité pour l’avenir. Cependant l’ indulgence ne doit pas être générale. 11 faut établir des règles invariables, et ne jamais s’en écarter-, en conséquence, j’estime qu’il doit être fait, à partir du l*r janvier 1790, un fonds pour les pensions, qui ne pourront être acquittées que suivant les règles ordonnées par l’Assemblée nationale, dont le comité se concertera, en cette partie, avec le premier ministre des finances, sans néanmoins empêcher le paiement des pensions échues au 3 1 décembre dernier. Je propose le décret suivant: « L’Assemblée nationale décrète: « 1° Que les arrérages des pensions, jusqu’au 1er janvier, seront payés, ainsique les autres dettes de l’Etat, sauf les retenues existantes; « 2° Qu’il sera nommé un comité de dix personnes pour présenter à l’Assemblée des principes et des bases de réduction et suppression pour les pensions et traitements actuellement existants. « 3° Que le même comité sera chargé de présenter à l’Assemblée des vues relativement aux traitements et indemnités qui auront lieu par la suite. » On demande la priorité pour ce projet de décret. La priorité est rejetée. M. le Président consulte l’Assemblée pour savoir si elle entend continuer la discussion, l’heure étant avancée. Il est décidé que la séance ne sera pas levée avant d’avoir pris un parti sur les pensions. M. le marquis de ÎMontesquiou présente plusieurs bases pour conduire cette importante opération. lia d’abord rappelé laréduction de 1787; ensuite il a proposé de classer les pensions dans un ordre qui pût en rapprocher les causes et la nature; 1° de renvoyer l’examen ;des pensions créées sur les départements de la guerre et de la marine aux deux comités chargés de ces parties, en réunissant ensemble les pensions, non pas celles montant aux mêmes sommes, mais celles accordées aux mêmes titres; 2° de placer parmi les rentes viagères les pensions concédées pour indemnités ; 3° de distinguer celles appartenant aux affaires étrangères, affectées à la magistrature, aux finances et officiers de la maison du Roi ; 4° celles faites aux commis de bureaux et à leurs veuves ; 5° celles données aux ministres, leurs veuves et leurs enfants. Voilà la plus sûre manière de tirer de cette partie l’économie la plus étendue.