i 38 [Assemblée nationale.] M. Gossin, au nom du comité de Constitution. Lors de la division du royaume, un décret a prononcé l’union du faubourg de la Guillotière à la ville de Lyon. Depuis deux siècles il existait entre ce faubourg et Lyon une guerre de chicane dont les tribunaux et le conseil ont retenti, et qui a causé le malheur de ses habitants. Elle prenait sa source dans la position du faubourg de la Guillotière, qui était de la ci-devant province du Dauphiné, quoiqu’il ne fût séparé de Lyon que par le Rhône, et quoique la nature en eût fait m e dépendance de cette ville; c’est un des plus grands bienfaits de la division du royaume, d’avoir éteint ces querelles, d’avoir détruit ces antipathies locales qui divisaient les Français entre eux et qui les rendaient respectivement ennemis et étrangers. L’Assemblée nationale, en prononçant l’union de la Guillotière à Lyon, a renversé un mur de séparation que cinquante arrêts ou Jugements avaient cimenté; mais elle a en même temps renvoyé à l’administration du Rhône-et-Loire l’examen des droits et des prétentions qui fondaient ou qui causaient la résistance des habitants de la Guillotière, et elle a déterminé qu’elle lui présenterait les conditions sous lesquelles s’effectuerait la réunion qu’elle avait prononcée. Il s’agit aujourd’hui de confirmer cette délibé-; ration; elle a paru sage à votre comité, et je pense qu’elle concilie tous les intérêts, et qu'elle réunira fraternellement des citoyens qu’un mauvais régime a divisé jusqu’à ce jour. En conséquence, nous vous proposons Je projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur l’arrêté, du conseil général du département de Rhône-et-Loire, pris en exécution du décret du 13 février 1790, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le bourg de la Guillotière et le territoire eu dépendant, demeurent unis à la ville de Lyon, conformément aux décrets des 6 et 1 3 février 1790, et suivant les limites qui y sont déterminées ; en conséquence, la municipalité dudit bourg est supprimée, pour ne former qu’une seule commune avec la ville de Lyon. Art. 2. « Les citoyens actifs, habitant le canton de la Guillotière, concourront aux élections à venir des ofhciers de la ville de Lyon. Art. 3. « Les dettes contractées parle ci-devant bourg de la Guillotière et par la ville de Lyon, ainsi que les fonds et revenus publics, leur seront communs. Art. 4. « Les impositions directes et indirectes seront également et proportionnellement supportées et réparties. Art. 5. « Il y aura la nuit et le jour une libre circulation et communication par le pont du Rhône, entre Lyon et le canton de la Guillotière, et leurs habitants jouiront des mêmes immunités. Art. 6. « Les bureaux des droits nationaux, ainsi que ceux d’octrois perçus au profit de la ville de (12 février 1791.] Lyon et de ses hôpitaux seront placés où le bien et la sûreté de la perception pourront l’exiger, de manière qu’il n’existe pas de ligne de séparation entre Lyon et la Guillotière. Art. 7. « Les pauvres du canton de la Guillotière se-rcrat reçus dans les hôpitaux et admis aux charités publiques, et ils participeront à tous les établissements de bienfaisance ou d’utilité commune, ainsi et de même que les habitants des autres cantons de la ville de Lyon. Art. 8. « Le canton de la Guillotière sera illuminé pendant la nuit comme les autres cantons de la ville. Art. 9. « Les lettres missives et paquets de la poste seront remis par la direction, sous les mêmes taxes générales que pour la villede Lyon. Art. 10. « Les rues et voies publiques du canton de la Guillotière seront entretenues par la municipalité de Lyon, ainsi que les bâtiments et constructions qui sont de droit à la charge de la commune. Art. 11. « Les habitants de la Guillotière exerçant un art ou un métier depuis un an, continueront de le faire sans trouble et sans être tenus de paver aucuns droits de maîtrise jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait statué sur les jurandes. Art. 12. « Le service des gardes nationales de la gendarmerie nationale et des troupes de ligne pour la sûreté publique aura lieu pour le canton delà Guillotière comme pour la ville de Lyon; en conséquence, les habitants de la Guillotière, inscrits ou à inscrire dans la garde nationale, seront incorporés à celle de Lyon, auront les mêmes commandant et état-major, les mêmes régime et discipline. Art. 13. « Il sera procuré au canton de la Guillotière une église paroissiale convenable à sa population soit par construction, soit par l’acquisition de l’église des religieux de Picpus, et il sera fait, depuis le pont Morand, les travaux nécessaires pour garantir le territoire de la Guillotière des ravages du Rhône contre ses bords, d’après les plans et devis qui seront arrêtés. « En conséquence, il sera assigné, sur les de-nierscommuns, pour l’exécution desdits ouvrages, une somme équivalente au produit des perceptions qui seront faites au profit de la commune sürle canton de la Guillotière. » (Ce décret est adopté.) M. Gossin, au nom du comité de Constitution. Le ci-devant marcruisatde Ghaussin formait une enclave de la ci-devant province de Franche-Comté, dans le district de Lousans; il en résultait l’inconvénient pour les administrés, d’être éloignés du siège de l’administration et de la justice. L’Assemblée a accueilli leurs pétitions et a uni le ci-devant marquisat au district de Dôle, département du Jura, à la charge d’une compensation en faveur du district de Lousans, proposée ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAIlLiEtfENTAIRES. [12 février 1791,] 139 comme avantageuse aux administrés par l’admi-nistration de Saône-et-Loire-Le comité de Constitution vous présente la confirmation de cette compensation, ainsi que l’établissement de tribunaux de commerce dans les villes d’Agen, Tulle, Beauvais et Isigny. Voici son projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur les arrêtés et pétitions des directoires des départements de Saône-et-Loire, de Lot-et-Garonne, de la Corrèze et de l’Oise, décrète ce qui suit : « Les communes deTuré,la Racineuse, Brienne, Saint-Etienne et Sérigny sont distraites du district de Chalon et seront unies à celui de Louhans. « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes d'Agen, Tulle, Beauvais et Isigny. « La juridiction consulaire actuellement existante à Beauvais continuera d’être en activité jusqu’à l’élection et l’installation des nouveaux juges, qui seront faites dans la forme prescrite parla loi de l’organisation judiciaire. » (Ce décret est adopté.) L’ordre dp jour est un rapport du comité des finances sur la contribution patriotique des ci-devant bénéficiers ecclésiastiques. M. 15e Cowteulx de Canteleji, rapporteur. Messieurs, parmi les dispositions que vous avez prises pour le payement de la contribution patriotique, il en est de relatives aux ecclésiasti-q es, que votre comité des finances a eu que vous ne pouviez vous dispenser d’expliquer et de modifier. Plusieurs ecclésiastiques, dont le zèle et le patriotisme ne leur ont pas permis de différer leurs déclarations, en exécution de votre décret du 6 octobre 1789, sont pressés par les receveurs de la contribution patriotique de payer le premier tiers de cette contribution sur le pied du revenu total dont ils ont joui en 1789, lorsqu’en même temps, et sous leurs yeux, ceux qui se sont abtenus de faire leurs déclarations, ne sont taxés d’office, par les municipalités, que d’après le traitement que l’Assemblée leur a fait pour 1790. Ainsi, un abbé commendataire a fait sa déclaration en 1789 ou 1790, lorsqu’il était titulaire d’une abbaye de 60,000 livres de rente; un lui demande aujourd’hui le tiers de sa contribution patriotique, d’après la déclaration par lui faite du quart de son revenu à 15,000 livres : c’est-à-dire que des 6,000 livres auxquelles son revenu a été réduit, il sera obligé d’en donner 5,000 pour chaque terme de sa contribution; lorsqu’il e-Atrés possible qu’un autre ecclés atique, jouissant ci-devant du même bénéfice, mais taxé d’office, ne paye que 1,500 livres pour la totalité de sa contribution déterminée sur son traitement actuel. Aux réclamations déjà faites par plusieurs bénéficiers, l’administration a répondu négativement par une lettre circulaire où l’on établit que la réduction survenue dans les revenus des titulaires, saisis à compter du 1er janvier 1790, ne les autorisait à réduire sur le pied du revenu qui leur était laissé, que le deuxième et le troisième tiers de leur contribution patriotique; le premier tiers devant être payé sur le prix du revenu dont ils ont joui en 1789. Cette réponse est conforme à vos décrets ; mais le comité des finances a cru pouvoir en demander une modification qu’exigent la justice et l’humanité; voici ses motifs ; Un bénéficier qui paye la contribution en 1790, ne peut la payer qu’avec le revenu de cette même année, puisque les dépenses de chaque année ne peuvent être payées que sur le revenu de cette année. Presque tous les baux des bénéficiers commencent au mois de janvier, et les termes de payement pour l’année sont à Saint-Jean et à Noël', À l’époque des déclarations, yprs la fin de 1789 et dans les premiers mois de 1790, le revenu de 1789 se trouvait donc consommé, ou était censé l’être; le bénéficier ne peut donc payer que sur le revenu dont il jouit en 1790. Il est d’ailleurs évidentquela plupart des titulaires ayant, avant l’époque de leurs déclarations, dépensé leur revenu de 1789, comme ils en avaient le droit, ou même l’ayant depuis, par nécessité, employé à acquitter leurs dettes, ou à des gratifications, parce qu’ils n’ont pas voulu renvoyer leurs anciens et nombreux serviteurs sans leur assurer leur subsistance, au moins pour le temps qui leur était nécessaire pour se procurer d’autres ressources, ne peuvent payer sur leur revenu actuel, diminué peut-être des neuf dixièmes, le quart du revenu qu’ils n’ont plus... C’est d’après ces motifs que votre comité des finances m’a chargé de yous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale déclare qu’elle modifie les dispositions antérieures de ses décrets des 6 octobre 1789 et 27 mars 1790, relativement à la contribution patriotique des ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, et d’après le rapport de son comité des finances, elle décrète ce qui suit: « Art. 1er. La contribution patriotique des ecclésiastiques ci-devant bénéficiers sera réglée, tant pour le premier tiers que pour les deux autres, en proportion du traitement établi pour eux, à compter du 1er janvier 1790, sans préjudice de ce qu’ils doivent contribuer, en raison des revenus qu’ils possèdent en patrimoine. « Art. 2. Sur les deux derniers payements de la contribution patriotique, il sera tenu compte aux ecclésiastiques ci-devant bénéficiers, qui auront fait leurs déclarations en raison des bénéfices dont ils jouissaient en 1789, des sommes qu’ils auront payées, ou qu’ils seraient dans le cas de payer en "acquit du premier tiers de leur contribution patriotique, conformément à leurs déclarations. « Art. 3. Cette disposition ne pourra néanmoins donner lieu à aucune restitution de deniers, dans le cas où la somme déjà payée par le3 ecclésiastiques, ci-devant bénéficiers, excéderait le quart de leur traitement annuel, établi à compter du 1er janvier 1790. » M. l’abbé Bourdon. Je demande que les dons patriotiques faits par MM. les ecclésiastiques entrent en compensation de leur contribution patriotique. M. l’abbé Gouttes. Cette proposition est contraire à la libéralité de ceux qui ont fait des dons patriotiques dans la certitude où ils étaient qu’ils ne seraient point imputés sur leur contribution; je combats la motion du préopinant. M. Boussion. Je trouve, Messieurs, dans le projet qui vous est soumis, une injustice révoltante. S’il était adopté, il en résulterait que ceux des ecclésiastiques qui, guidés par un motif très louable, se sont présentés les premiers pour faire leurs soumissions de contribution patriotique,