676 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 23 n membre 17! Le citoyen Coffi (Coffy), chef de l’état-major de l’armée de la Manche, rend compte, dans une lettre, de l’affaire du 34 brumaire. Renvoyé au comité de Salut public (1). Suit la lettre du citoyen Coffy, chef de l'état-major de l'armée de la Manche (2). Le chef de l' état-major de l'armée de Granville, au Président de la Convention nationale. Du quartier général de l’armée de Gran¬ ville, commandée par Peyre, général de brigade, à Granville, le 30 brumaire, 2e de la République, une et indivisible. « Je te fais passer, citoyen Président, les dé¬ tails de l’attaque faite par l’armée des brigands, le 24 du présent, à une heure de relevée, de la retraite en bon ordre de nos troupes, et du siège de Granville, de la défense de l’armée et des habitants de Granville. « Je ne te rapporterai pas tous les traits de bravoure qui se sont faits, car le nombre en exige un recueil particulier. Il n’est pas une personne dans cette place qui n’ait développé l’énergie républicaine. Tous ont été employés soit sur les remparts, soit aux batteries. Les femmes et les enfants formaient des chaînes, de l’Arsenal aux batteries, pour les servir avec plus de célérité. Il existe deux traits frappants que je dois te dire : les rebelles, du bas des remparts, criaient aux braves soldats du 31e régiment : « Vous nous trahissez, rendez-vous! ou on ne vous fera 'pas plus de grâce qu'aux bleus ! » Ceux-ci, indignés de cette préférence, leur répondaient par des fusillades terribles. Les rebelles proposaient aussi de crier : « Vive Louis dix-sept ! les canon¬ niers leur répondaient en mettant le feu aux canons : « Voilà du dix-huit. » Un de nos braves soldats, qui a été blessé, à l’instant où on lui faisait l’amputation de la jambe dit : « Je pré¬ férerais la mort, si je ne pouvais plus être utile à la République ». c. Salut et fraternité. « Le chef de l' état-major de Granville, « Coffy. » Mapport (3)< Le 24 brumaire, l’an II de la République, une et indivisible, sur les 11 heures du matin, nous fûmes instruits que les rebelles dirigeaient leur marche sur Granville. Aussitôt, nous rassemblâmes la troupe ; le général Peyre donna ordre à l’adjudant général Vachot de se mettre à la tête de l’avant-garde, soutenue par 2 pièces d’artillerie, et de partir pour aller à la rencontre (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 56. (2) Archives nationales, carton F17 1022, dos¬ sier 14; Bulletin de la Convention du 3e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (samedi 23 no¬ vembre 1793); Moniteur universel [n° 65 du 5 fri¬ maire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 262, col. 3]; Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 431, p. 38). (3) Archives nationales, carton [ AFn 276, pla¬ quette 2311, pièce 20. de l’ennemi. En même temps, une colonne de 600 hommes, précédée de 2 pièces d’artillerie, reçut l’ordre de se porter sur l’ancienne route d’Avranches à Granville; une seconde colonne était rangée en bataille sur la route de Villedieu, et avantageusement placée, tant pour faire face à l’ennemi, s’il se présentait de ce côté, que pour protéger la retraite, en cas qu’elle fût nécessaire ; Une autre colonne avait été dirigée sur la route de Coutances pour s’opposer aux efforts de l’en¬ nemi, s’il nous eût tournés sur un des points. L’adjudant général Vachot partit à la tête de l’avant-garde et aperçut l’armée des brigands, après avoir parcouru une demi-lieue de chemin sur la route d’Avranches. A cette vue, son cou¬ rage et son indignation s’enflammèrent, il plaça des tirailleurs sur la droite et sur la gauche de la route et bientôt l’attaque s’engagea avec viva¬ cité. Le feu nourri de nos soldats en laissa plu¬ sieurs sur le champ de bataille. Pendant deux heures environ, nos tirailleurs furent aux prises avec l’ennemi, mais Vachot voyant que la cava¬ lerie des rebelles se répandait dans les cam¬ pagnes pour les cerner, fit avancer 200 hommes pour les dégager. Aussitôt les brigands qui avaient affecté de ne tirer aucun coup de canon, commencèrent à faire jouer leur artillerie composée de pièces de 12 et 18; nous ripostâmes avec des pièces de 4, mais vu la supériorité de leur artillerie sur la nôtre, et le grand nombre de leurs cavaliers, il ordonna à l’ avant-garde de se replier sur la colonne commandée par le géné¬ ral Peyre, qui en déploya les forces pour proté¬ ger sa retraite. Toutes les troupes rentrèrent dans la ville et se rendirent aux postes qui leur avaient été indiqués avant la sortie. Toutes les positions les plus avantageuses furent prises par nos cou¬ rageux défenseurs. L’isthme, point très impor¬ tant, que les brigands se flattaient d’enlever pour se rendre maîtres de la ville, fut très vigou¬ reusement défendu par des pièces de 24, habi¬ lement servies; plusieurs fois les rebelles eurent la témérité de tenter l’assaut et d’escalader les remparts de la ville, mais les braves soldats du 31e régiment, les grenadiers de la Côte-d’Or et les chasseurs d’Evreux surent bientôt les débusquer et leur faire mordre la poussière. Une colonne de rebelles s’était embusquée sur la hauteur qui dominait la ville et y faisait un feu assez vif, mais les braves canonniers marins, dont F adresse et le courage méritent les plus grands éloges, démontèrent leurs pièces et donnèrent la mort à un grand nombre de ces scélérats. Le général, s’apercevant des mouvements de la cavalerie, et pénétrant le dessein qu’elle avait de s’approcher de la ville en passant par la grève, fit garnir le roc qui borde le port de troupes décidées à s’ensevelir sous les ruines plu¬ tôt que de les laisser pénétrer dans l’intérieur. Le désastre terrible que faisait notre artillerie sur leur armée porta la rage et le désespoir dans leurs âmes féroces. Us poussèrent l’acharnement jusqu’à se porter en foule dans les maisons de la rue du faubourg qui conduit directement à la porte de la ville; ils prirent des positions assez avantageuses pour réussir à tuer plusieurs de nos braves marins, mais l’œil vigilant du général Peyre s’aperçut bientôt de la ruse de ces bri¬ gands, et pour éviter à la République la perte d’aussi braves gens, après s’être convaincu de l’évacuation parfaite de tous les habitants du faubourg qui servait de repaire à ces rebelles