[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]5 janvier 1791.] 23 M. Bion. Les faits qui viennent de vous être énoncés par le préopinant ne sont que trop vrais et, depuis même la sanction du décret du 27 novembre, de nouveaux mandements, de nouvelles instructions pastorales ont été envoyés dans les diocèses. Dans le mien, notamment, le 1er janvier, le mandement d’un membre de l’Assemblée a été remis avec une lettre aux prêtres à l’hôtel de ville, avec ordre de le publier à l’instant. Il n’y a eu qu’un seul curé à qui il soit parvenu assez à temps pour pouvoir le lire au prône où il en a commencé la lecture : mais le lendemain, la municipalité a arrêté cette lecture. Les décrets de l’Assemblée y étaient désignés d’une manière outrageante et je ne doute pas, Messieurs, qu’incessamment vous ne receviez la dénonciation précise de ce fait. J’appuie donc la motion de porter dans le jour à la sanction le décret d’hier. M. l’abbé Gouttes. En appuyant la motion, je demande que le président soit chargé en même temps de prier le roi de faire exécuter la loi de la résidence. C’est de Paris ou d’un pays étranger, lorsqu’ils sont absents de leurs diocèses, que les évêques envoient leurs mandements; c’est en abandonnant la résidence, qui est de droit divin, qu’ils résistent à la loi civile qui est de toute justice. Ils violent la loi divine, parce que l’autorité civile les invite à l’exécuter. {On applaudit.) M. d’André. Je loue le zèle du préopinant; mais je prie l’Assemblée de me permettre de lui observer que ce serait faire un exemple bien dangereux que d’envoyer le président devers le roi pour lui demander de faire exécuter les décrets. Le devoir du pouvoir exécutif est de le faire; nous ne devons pas avoir besoin d’envoyer chez le roi pour faire exécuter un dé-cret.Les ministres sont responsables; s’ils ne font pas exécuter les décrets, il faut les poursuivre, et j’en suis d’avis; mais je vous prie de remarquer de quelle conséquence il serait que vous envoyassiez pour demander au roi de faire exécuter un décret. Si jamais les ministres pouvaient être dans le contresens de la Révolution, il s’ensuivrait de là que toutes les fois que le président n’aurait pas fait une seconde visite au roi, on s’imaginerait que l’exécution n’est pas pressée, qu’on pourrait la différer. Il ne doit pas y avoir d’arrangement avec la loi; la loi existe quand la sanction est portée; c’est aux ministres, au pouvoir exécutif à lafaire exécuter. Nous n'avons pas d’autre manière à prendre que de poursuivre les ministres quand ils ne le feront pas. Ainsi je vous prie de croire que le Corps législatif ne doit jamais s’écarter des principes qu’une première démarche fausse peut en entraîner de très dangereuses; et je n’ai pas besoin de vous exposer ici tous les inconvénients qui peuvent en résulter. Je m’oppose donc à la motion, non que je ne désire très fort qu’on demande pourquoi le décret n’e3t pas exécuté. Qu’on le demande, en mandant le ministre à la barre, mais pas en envoyant au roi; c’est une démarche inconstitutionnelle, j’ose le dire. M. le Président. Dès que les extraits des procès-verbaux seront achevés, je promets que je ne perdrai pas un instant pour me rendre chez le roi. Si mon zèle ne rassure pas suffisamment, je vais mettre la motion aux voix. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. l’abbé Simon. Je demande si l’Assemblée nationale veut insérer dans son procès-verbal l’explication que je lui ai donnée lundi dans mon serment civique. Je déclare à l’Assemblée nationale. . . Plusieurs voix : L’ordre du jour! (Une grande agitation se produit du côté droit.) M. l’abbé Simon quitte la tribune et porte un papier au bureau. Le secrétaire le rejette. M. de Bois-Rouvray. Je demande si un secrétaire a le droit de jeter un papier au nez d’un membre de l’Assemblée. On réprime la personnalité; je demande si les voies de fait ne sont pas plus punissables; on sera obligé de se faire justice soi-même. M. le Président rappelle M. de Bois-Rouvray à l’ordre. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Je viens de recevoir une lettre signée par M. l’abbé Pous, curé de Mazamet, ainsi conçue : « Je déclare que je n’ai fait mon serment que dans l’intention énoncée par M. l’évêque de Clermont; si l’Assemblée l’a pris d’une autre manière, ce n'est pas ma faute, et je le rétracte dans ce sens. » {Il s'élève des murmures.) Plusieurs membres ecclésiastiques se disposent à venir prêter le serment. Plusieurs voix à droite : Non ! non ! M. Forest de Masmoury, curé d'Ussel , demande à faire une déclaration concernant le serment qu’il a prêté. M. d’André. Messieurs, je m’oppose très formellement à ce qu’on donne la parole à qui que ce soit lorsqu’il ne sera pas dans l’ordre du jour. L’ordre du jour est la discussion sur les jurés ; je demande que cette discussion commence. Il y a dix décrets de l’Assemblée qui disent que l’on ne peut interrompre l’ordre du jour, qu’on n’intercalera rien à l’ordre du jour. Comme il peut y avoir des fonctionnaires publics qui aient envie de prêter leur serment, je demande qu’avant de monter à la tribune, ils aillent vous déclarer à vous, Monsieur le Président, s’ils veulent donner leur serment purement et simplement; dans lequel cas, vous leur donnerez la parole; dans tout autre cas, vous la leur refuserez. Et je vous observe que vous ne devez point mettre aux voix ce que j’ai l’honneur de vous dire, parce que c’est l’exécution des décrets et que le président est spécialement chargé de veiller à leur exécution. Je demande, Monsieur le Président, que vous veuilliez bien appelersur-le-champ,et sans aucune interruption, le premier qui a la parole sur les jurés. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur l'institution des jurés. Plusieurs voix : A l’ordre du jour ! M. de Follcville. Tout le monde a été témoin