[Assemblée nationale.] AltGHIVES PARLEMENTAMES. [30 octobre S7J0.J 1$$ oit du moins en silence à une Constitution acceptée par le roi, et que la nation a jurée solennellement de mai ut--ni r et de défendre. En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer le décret suivant : « Art. 1er; Que les sieurs de La Tour, représentant le ci-devant colonel-propriétaire du régiment Royal-Liégeois; Gremstein, major du même régiment, et Chalon, aide-major de place à Belfort, se trouvant désignés dans l’information faite devant la municipalité de cette ville, comme les principaux auteurs des délits qui ont été commis à Belfort, dans la journée du 21 octobre; attendu la gravité et legenre do délit, Sa Majesté est priée de donner ses ordres pour s’assurer de leurs personnes, et les faire conduire sous bonne et sûre garde dans les prisons de l’abbaye Saint-Germain de Paris, et d’ordonner au sieur de Ternan, colonel de Royal-Liégeois, de se rendre incessamment à son corps. « Art. 2. Que l’information des délits commis à Belfort le 21 sera faite par-devant les juges de district de cette ville, pour les pièces, ainsi que les accusés être renvoyés, et le procès leur être fait et parfait, par-devant les juges auxquels sera attribuée la connaissance des délits de lèse-nation. « Art. B. Que Sa Majesté sera également priée de faire remplacer à B lfurt les régiments de Royal-Liégeois et Lauzun qui y étaient en garnison, etde les placer dans des départements de l’intérieur. , «Art. 4. L’Assemblée nationale décrète, eu outre, que les informations qui seront prises sur les délits commis à Belfort, lui seront présentées, pour, après les avoir examinées, et s’être assurée des délits et des circonstances qui les acorupagnent, statuer sur le sort des régiments de Lauzun etde Royal-Liégeois; « Ordonne que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de donner des ordres pour l’exécution du présent décret. » M. Voidel. Je commence par attester le fait qui vient de vous être rapporté au nom des comités. Il est très vrai qu’il y a deux mois le comité des recherches a envoyé une députation au ministre de la guerre pour lui exposer la mauvaise conduite de M. de La Tour, et lui observer que, suivant l’ordonnance, un colonel propriétaire ne pouvait rester à son corps. Le comité des rapports vous a présenté ce fait. Je viens, moi, la loi à la main, vous dénoncer leministrede la guerre/ (On applaudit.) (M. Wimpfen demande la parole.) M. Wimpfen vient de me dire qu’aucune ordonnance militaire n’empêche les colonels propriétaires de se rendre à leurs corps. Je l’ignorais; mais, dans ce moment, je parle d’une loi récente. Vous ayez décrété que les délits commis par des soldats en garnison seront réputés délits civils; que toutes les punitions infligées pour faits de discipline, et la prison y est comprise, ne pourraient être prolongées au "delà de quinze jours. Le ministre de la guerre a ordonné que le major et deux officiers du régiment Royal-Liégeois seraient mis pour six semaines en prison, ainsi qu’un officier des hussards de Lauzun, et que le colonel y resterait deux mois. J’établis ce dilemme : ou le ministre aconsidéré l’insurrection qui aeulieu à Belfort comme un délit civil, et alors il devait ordonner le renvoi aux tribunaux ordinaires; ou il l’a regardée comme ne pouvant donner lieu qu’à des peines de discipline, et alors il n’a pu prononcer la prison pour plus de quinze jours. Dans l’une et l’autre hypothèse, le ministre a violé la loi. Je demande qu’il soit mandé à la barre pour y rendre compte de sa conduite. (M. Armand Gontaud (ci-devant Biron) demande la parole.) (On applaudit.) M. Armand Gontaud-Biron. La douleur dont je suis pénétré ne me fait pas monter à cette tribune pour atténuer votre sévérité. Je n’entreprends pas d’excuser le corps que je commande. L’ivresse a entraîné le régiment de Lauzun; ses torts sont inexcusables, mais je suis sûr qu’au moment où je vous parle le repentir le plus profond est dans tous les cœurs. Ne confondons pas un grand nombre de soldats innocents avec des-officiers coupables. Permet tez-moi de vous rappeler que le régiment de Lauzun est né pour la liberté, qu’il l’a bien servie; que, depuis dix-huit mois, employé dans des circonstances difficiles, il n’a exci é nulles plaintes. J’implore votre sévérité contre tous les officiers. Ceux qui étaient dans l’ivresse sont peut-être excusables ; les autres sont coupables de n’avoir pas sacrifié leurs vies pour empêcher le désordre. Je demande encore une punition sévère pour le chef qui a manqué à l’ordonnance en permettant un repas de corps, qui a manqué à son devoir en ne prenant pas les moyens propres à prévenir les excès auxquels on s’est porté. Mais il vous paraîtra juste de séparer cette faute des délits qui ont été commis, et vous croirez qu’elle ne mérite qu’une peine de discipline. Plusieurs dépositions disent qu’il a fait des efforts pour ramener l’ordre. Je demande encore qu’il soit ordonné aux officiers sémestriers de rejoindre. Je suis sûr qu’ils rempliront ce devoir avec un grand plaisir. (Une grande partie de V Assemblée applaudit.) M. ILavie. Dans la jour née du 21 le major de la ville s’est comporté avec courage et zèle: il a mis la paix autant qu’il était en lui ; il a rempli tous ses devoirs. Je demande que l’Assemblée lui témoigne sa satisfaction. M. de Foucault. Je ne viens pas non plus implorer votre clémence; je vous engage à suivre les principes du préopinant : justice et sévérité, mais justice surtout. D’après le rapport, je m’étais persuadé que cette affaire était infiniment plus grave. (Il s'élève de violents murmures dans une très grande partie de l'Assemblée.) le croyais que celte malheureuse affaire, d’après les détails qui vous avaient été donnés, vous paraissait infiniment plus grave. (Plusieurs voix : Non, non! 11e l’est-elle pas assez?) Je conviens avec vous qu’elle l’est malheureusement trop; mais au moins peut-on s’applaudir, d’après les dépositions qui attestent les excès ordinaires de ces repas de corps, de ce que par un heureux hasard ces sabres nus n’ont blessé personne. Je désire plus que qui que ce soit qu’on fasse les informations les plus strictes; mais on ne peut rendre un arrêt sur-le-champ, sans une information légale. (Il s'élève des murmures.) Tous les amplificateurs ne sont pas ici; tous les Gascons ne sont pas eu Gascogne; je comptais me citer en exemple. En Alsace, une aventure à peu près semblable rn’est arrivée à moi seul. (Les murmures augmentent.) Je propose de demander au roi que les informations soient suivies Je plus sévèrement et le plus promptement possible, et qu’ensuite on nomme un conseil de guerre. (Nouveaux-murmures.) Ce n’est pas pour les officiers, mais pour l’Assemblée nationale que je le demande. Je suis plus jaloux que personne qu’on ne lui fasse aucun j40 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] reproche. Le ministre ayant rendu compte des ordres du roi, qui me paraissent assez sévères, ne prenons pas des mesures qui seraient une confusion de pouvoirs. Je demande qu’on retranche du projet de décret la disposition de faire rejoindre M. de Ternan. Ce n’est pas notre affaire, cela regarde entièrement le pouvoir exécutif. M. de Mirabeau. Quand je suis monté à cette tribune, je ne pensai pas qu’il y eût lieu à quelque discussion ; mais seulement à la vérification d’un point de fait. Le décret sur lequel M. Voi-del a fondé sa dénonciation du ministre de la guerre est-il sanctionné? 11 ne l’est pas : il n’est donc pas loi, et la question est vidée. Mais au moins ce décret, qui peut-être devrait être loi, puisqu’il n’y a aucune apparence, aucun symptôme d’observation et de suspension, rejette bien loin la futile objection que les attentats commis à Belfort doivent être jugés par un conseil de guerre. Non seulement ce sont des crimes civils, mais des crimes de lèse-nation. Je ne m’imaginais pas qu’il fallût se traîner sur une proposition aussi évidente. Il est fort pressant d’apprendre, à ceux qui naguère ont osé traiter les couleurs nationales de hochets, de leur apprendre, dis-je, que les révolutions ne sont pas des jeux d’enfants. En laissant à part la dénonciation précipitée d’un ministre, dont la responsabilité ministérielle nous répond de l’évasion des coupables, je demande que nous passions au décret. Tout débat serait oiseux jusqu’au scandale, et personne ne pourrait sans crime monter dans cette tribune pour atténuer les attentats commis à Belfort. (On applaudit avec transport dans une grande partie de l’Assemblée. M. de Mirabeau descend de la tribune. M. de Foucault lui parle avec violence. — Les applaudissements, qui accompagnent M. de Mirabeau jusqu’à sa place, empêchent d’entendre ses véhémentes apostrophes.) (La discussion est fermée.) (On propose plusieurs amendements.) M. de Mirabeau. Mon amendement consiste, et sans doute il me vaudra encore quelques honorables épithètes, à substituer le mot crime à celui de délit. M, d’Estourmcl. Je demande la question préalable sur cet amendement. M. de Mirabeau. Mon amendement est appuyé; je le crois important. En attendant que l’avenir prouve si les ennemis de la Révolution seront aussi malheureux en prophétie qu’ils l’ont été jusqu’ici en complot, je demande qu’on appelle crime toutes les insultes faites à la Constitution . (L’amendement de M. de Mirabeau est mis aux voix et adopté.) (Les autres amendements sont rejetés.) Le décret est ensuite mis aux voix et prononcé en ces termes ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités militaire et des rapports, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Que les sieurs de La Tour, représentant le ci-devant colonel-propriétaire du régiment Royal-Liégeois; Gremstein, major du même régiment, et Ghalon, aide-major de place à Belfort, se trouvant désigné dans l’information faite devant la municipalité de cette ville, comme les principaux auteurs des crimes qui ont été commis à Belfort, dans la journée du 21 octobre ; attendu la gravité et le genre de ces crimes, Sa Majesté sera priée de donner ses ordres pour s’assurer de leurs personnes, et les faire conduire sous bonne et sûre garde dans les prisons de l’abbaye Saint-Germain de Paris, et d’ordonner au sieur de Ternan, colo-lonel de Royal-Liégeois, de se rendre incessamment à son corps. Art. 2. « Que l’information des crimes commis à Belfort le 21, sera faite par devant les juges de cette ville, pour les pièces, ainsi que les accusés être renvoyés, et le procès leur être fait et parfait par-devant les juges auxquels sera attribuée la connaissance des crimes de lèse-nation. Art. 3. « Que Sa Majesté sera également priée de faire remplacer à Belfort les régiments Royal-Liégeois et Lauzun qui y étaient en garnison, et de les placer dans les départements de l’intérieur. Art. 4. « L’Assemblée nationale décrète, en outre, que les informations qui seront prises sur les crimes commis à Belfort, lui seront présentées, pour, après les avoir examinées, et s’être assurée des crimes et des circonstances qui les accompagnent, statuer sur le sort des régiments de Lauzun et de Liégeois; « Ordonne que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de donner des ordres pour l’exécution du présent décret. » M. le Président lève la séance à quatre heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du samedi 30 octobre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse du directoire du département de l’Ardèche, qui exprime la plus vive indignation contre les protestations de la chambre des vacations du parlement de Toulouse. Il renouvelle sa promesse de s’opposer à tous les efforts des ennemis du bien public, pour empêcher ou retarder l’achèvement de la Constitution. Adresse d’adhésion de la communauté du Tiguet. Elle fait une pétition tendant à s’opposer à son union à la communauté de Gabris. Adresse de M. Abicot, officier de la garde nationale d’Aubigny, qui fait hommage à l’Assemblée du panégyrique qu’il a prononcé en l’honneur des gardes nationales morts à Nancy, le jour du service solennel que la garde nationale d’Aubigny a fait célébrer pour ces illustres victimes du patriotisme. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.