(Êtatsfjén. 1*780. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée do La Rochelle.) 470 CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances du tiers-état de la sénéchaussée de la ville et gouvernement de La Rochelle , qui sera remis aux députés de V ordre ) pour être présenté aux Etats généraux (1). SUR LA CONVOCATION DES ÉTATS GÉNÉRAUX-Art. 1er. Le pays d’Aunis, d’après sa population et la consistance de son commerce, n’étant pas suffisamment représenté aux Etats généraux par une seule députation, le tiers-état de la sénéchaussée de la ville et gouvernement fie La Rochelle, a arrêté de se réunir aux deux premiers ordres pour solliciter de la justice du Roi qu’il soit accordé à la province une seepnde députation, tant pour les Etats généraux prochains, que pour ceux qui seront convoqués dans la suite. Art. 2. L’assemblée, espérant que Sa Majesté daignera accueillir les justes réclamations de ses sujets du pays d’Aunis contre l’insuffisance de leur représentation aux Etats généraux, a arrêté de nommer deux députés qui se réuniront aux deux premiers accordés par le règlement pour former la seconde députation, et dans le cas où le Roi ne croirait pas devoir, quant à présent, rien changer à son règlement pour la province, les Etats seront suppliés d’admettre les deux derniers députés à représenter le tiers-état du pays d’Aunis dans les séances des Etats, en cas d’absence ou d’empêchement les deux premiers. Art. 3. Le tiers-état de la sénéchaussée, ville et gouvernement de La Rochelle, demande que le droit de voter par tête et non par ordre, aux Etats généraux, soit le premier objet des réclamations des députés, pour conserver au tiers-état l’influence que cet ordre doit avoir dans l’assemblée de la nation. Art. 4. Le Roi sera supplié de supprimer les distinctions humiliantes qui ont existé aux précédents Etats généraux entre les deux premiers ordres et le tiers-état. SUR LE FAIT DE L’ADMINISTRATION. Art. 5. Les députés demanderont que les impôts ne soient consentis que pour le temps qui s’écoulera d’une assemblée à l’autre, c’est-à-dire pour cinq ans au plus ; de sorte que la perception sera suspendue de plein droit dans le cas où le Roi ne convoquerait pas la nation, sans que l’imposition suspendue puisse arrérager. Art. 6. Us voteront pour que toutes les provinces obtiennent des Etats provinciaux dans la proportion d’un député pour le clergé, de deux pour la noblesse et de trois pour le tiers-état ; le Roi sera supplié d’attribuer aux Etats provinciaux toutes les fonctions d’administration, indistinctement, et de restituer les fonctions sur le contentieux aux tribunaux qui en étaient originairement chargés ; ce qui rend indispensable la suppression des intendants. Art. 7. Les députés insisteront avec fermeté, et sans pouvoir se départir de leurs demandes, pour que tout citoyen ait la liberté civile, et que les lettres de cachet soient à jamais abolies. Art. 8. Ils demanderont que les ministres soient responsables de leur administration et justiciables des Etats généraux, nonobstant toute évocation. Art. 9. Les députés ne pourront consentir au-(I) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. cun impôt que le Roi n’ait accordé les six articles précédents, et qu’il n’y ait à cet effet une loi solennelle qui sera à la fois un monument de la justice du Roi et le titre constitutionnel dé la nation. Art. 10. L’assemblée, prenant cependant en considération l’état actuel des fînapees, et s’apercevant que l’intimation faite aux députés, par l’article 9 dp cahier, de ne consentir aucun impôt que le Roi n’ait accordé le contenu dans les six articles dont il vient d’être fait mention pourrait nuire au bien de l’Etat et rendre impossible l’acquittement du service des différents départements, a arrêté que les députés aux Etats généraux seront autorisés à consentir l’emprunt de la somme nécessaire aux besoins de l’Etat pendant six mois, à condition, toutefois, que la nécessité de l’emprunt sera jugée indispensable par les Etats généraux, et qu'ils en fixeront la quotité. Art. 11. Ils solliciteront des Etats provinciaux particuliers à l’Aunis et indépendants de toute autre province : l’Aunis, pays intéressant par sa position et son commerce, devant obtenir cette faveur de la justice du Roi. Art. 12. Les impositions, devant être réparties par les Etats généraux sur chaque province, les députés représenteront en faveur de l’Aunis, lors de la répartition générale, l’aridité du sol de la province dont la nature se refuse, dans la plus grande partie de son étendue, à toute autre culture que celle de la vigne, les frais énorme qu’entraîne ce genre d?exploitation, et l’incertitude des produits qui sont rarement proportionnés aux dépenses faites par le cultivateur, et les. Etats seront suppliés de prendre ces remontrances en considération. Art. 13. Les députés insisteront pour que les travaux publics exécutés depuis huit ans dans le pays d’Aunis, et les comptes qui ont été fournis ou qui pourront l’être, soient vus et vérifiés par les Etats de la province. Art. 14. Ils réclameront la restitution des sommes indûment perçues sur les propriétaires du pays d’Aunis pour la reconstruction des palais et prisons de La ville de La Rochelle. Art. 15. Ils demanderont l’exécution du canal projeté depuis si longtemps entre la ville de la Rochelle et celle de Niort, comme devant à la Lois augmenter les relations de commerce de l’Aunis et du Poitou, et rendre à l’agriculture une quantité considérable de marais incultes et inondés. Art. 16. Ils demanderont que les travaux concernant la confection des chemins, des ports, le curement des rivières et canaux et la construction des édifices publics, soient, à l’avenir, exécutés sous l’ordonnance et la direction des Etats provinciaux, qui emploieront à cet effet tels ingénieurs et surveillants qu’ils aviseront : ce qui nécessite la suppression du corps des ingénieurs des ponts et chaussées. Art. 17. La réforme la plus prompte et la plus sévère dans le régime de la corvée sera sollicitée au nom du pays d’Aunis, que l’on peut indiquer comme le théâtre des abus les plus répréhensibles en ce genre. Les députés représenteront qu’aux vexations exercées autrefois pour la corvée en nature, ont succédé des déprédations sans bornes dans le régime actuel ; qu’à l’époque de l’établissement de l’imposition représentative de la corvée, plusieurs communautés étaient approvisionnées de pierres pour longtemps; que ces pierres, tirées de la carrière, portées sur les grandes routes et prêtes à être employées, ont été enlevées par les adjudicataires qui n’eü ont jamais tenu /gj) [États gên. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Sénéchaussée de La Rochelle.) compte aux communautés; que les formalités indiquées par le conseil pour les adjudications sont violées sans pudeur, qu’à la publicité des offres et des marchés on a substitué la clandestinité la plussuspecte, que le prix des adjudications est excessif en comparaison de la valeur réelle des travaux ; qu’il est arrivé que des mises au rabais n’ont pas été reçues; qu’on a rejeté les demandes faites par plusieurs paroisses de se char-er de la confection de leur tâche, que les adju-icataires sont moins, en effet, des entrepreneurs publics, que des accapareurs frauduleux ; que tous les genres de vexations étaient autrefois employés pour faire paraître imparfaits les ouvrages des corvéables, ou pour les en dégoûter, mais que la méthode pour la confection des chemins, a été changée en faveur des adjudicataires; qu’ils éludent leurs marchés avec une audace toujours impunie, que le défaut de surveillance est un des genres de protection qu’on leur accorde, que leurs profits sont énormes, et que la rapidité scandaleuse de leur fortune est le complément de toutes ces violations de l’ordre public et de la justice. Art 18. ils demanderont l’abolition de la taille, de l’imposition représentative de la corvée et des vingtièmes, pour être remplacés par une prestation unique et en argent ; cet impôt sera réparti sur tous les régnicoles, sans distinction de naissance, de rang, de dignités, d’immunités et de privilèges, et toute exemption en matière d’impôt sera déclarée injuste et inconstitutionnelle et, comme telle, anéantie. Les députés observeront qu’en demandant l’anéantissement des exemptions, en matière d’impôt, le tiers-état du pays d’Aunis n’a point en vue les exemptions accor-cordées pour forme d’encouragement à ceux qui s’occupent du dessèchement des marais et défrichement des terres incultes. Us réclameront même spécialement de nouveaux encouragements et des secours en faveur des hommes utiles dont les travaux rendront à l’agriculture des terres incultes ou inondées. Art. 19. Les habitants ou propriétaires de chaque paroisse, de quelque condition qu’ils puissent être, et à quelque ordre qu'ils puissent appartenir, seront établis sur un seul et même rôle d’imposition, sans que, sous prétexte de leur caractère, dignités, charges ou emplois, ils puissent prétendre à être imposés sur un rôle particulier. Art. 20. Le Roi sera supplié de permettre qu’on limite ses bons sur le trésor royal, et que les Etats fixent, pour l’entretien de sa maison, une somme proportionnée à l’éclat du trône et à la majesté du grand Roi. Art. 21 . Les députés insisteront sur la réduction des pensions qui seront jugées trop considérables, d’après l’exposé des motifs fait aux Etats généraux, et sur la suppression totale de celles qui paraissent suspectes, ou dont les causes ne seront pas valablement justifiées. Art. 22. Ils demanderont une réduction dans le nombre des officiers généraux employés dans les provinces et les états-majors des places. Art. 23. Les députés réclameront contre l’exclusion donnée au tiers-état, pour les places du haut clergé, de l’armée de terre et de mer et des cours souveraines ; ils représenteront que les vertus, la bravoure et les talents étant naturels au tiers-état, comme aux individus des deux pre-ordres, cette exclusion ne peut subsister dans un siècle éclairé, et que toutes les places du haut clergé, de l’armée de terre et de mer et des cours souveraines doivent êtres ouvertes au tiers-état comme aux deux premiers ordres sans distinction. Art. 24. Les gabelles, les aides, régies, le droit d’inventaire, lé don gratuit ou droits réservés, les inspecteurs aux boucheries , à la marque des cuirs et des fers seront présentés comme une calamité publique ; les députés solliciteront avec instance leur abolition à perpétuité, et ils proposeront de remplacer leur produit par des abonnements avisés dans les Etats provinciaux. Art. 25. Les députés insiteronts pour que l’on ait égard aux plaintes et doléances de toutes les communautés du pays d’Aunis sur le fait des aides. Ils attesteront que les réclamations ont été aussi justes que générales ; que les abus de cette partie de l’administration sont en effet devenus intolérables; que la multiplicité et l’énormité des droits sont révoltantes ; que les formalités que l’on exige, presque toujours impossibles dans l’exécution, deviennent illusoires ; que la rigueur des poursuites serait accablante, si elle ne présentait pas en même temps l’absurdité la plus inconcevable; que l’on peut attester qu’il va actuellement, sur la seule ville de La Rochelle, pour 32 millions de contraintes contre les négociants qui n’ont pas rapporté au bureau des aidesles soumissions déchargées des envois d’eau-de-vie qu’ils ont faits dans l’intérieur du royaume ; que rien n’égale la mauvaise foi et la dureté des employés supérieurs ou en sous-ordre; que le régime des aides est destructif de l’agriculture , qu’il répand la terreur et le découragement dans les campagnes ; que chaque année la ruine de plusieurs familles atteste la certitude de cette affligeante vérité; que la distillation de l’eau-de-vie a été anéantie dans plusieurs paroisses par des vexations inouïes; que ce n’est pas seulement sur le vin et sur l’eau-de-vié que sont assis des droits onéreux et disproportionnés au produit des fonds et à la valeur des denrées, que la main du lise dispute encore aux malheureux, qui est forcé de vendre son vin pour payer l’impôt, la boisson qu’il se prépare en mettant de l’eau sur le marc du raisin; le Roi sera supplié de considérer que c’est cependant en son nom que se déploie cet odieux régime ; qu’il tend à altérer l’amour et la confiance des peuples, et Sa Majesté sera instamment sollicitée, pour sa justice et pour sa gloire, d’en étouffer jusqu’à la dénomination. Art. 26. Ils demanderont la suppression des receveurs généraux, particuliers et autres gens de finance, de sorte que les Etats provinciaux puissent verser directement et ainsi qu’ils l’aviseront au trésor royal. Art. 27. L’aliénation des domaines du Roi à perpétuité , et sous la garantie des Etats généraux, les forêts exceptées, sera présentée comme infiniment avantageuse au bien de l’Etat, et les députés seront tenus de la demander. Art. 28. Ils réclameront ;ppression des francs-fiefs : ce droit, rr m. : :c iit de la barbarie féodale, étant en lui-rnème injurieux au tiers-état, et devenant charme jour plus vexatoire par les rigueurs de h p. . oeptïon. Art. 29. La facullé de se libérer étant de droit naturel, les députés demanderont que l’amortissement des rentes dues au clergé soit autorisé, et que la liberté, à cet égard, s’étende jusqu’aux rentes inamortissables dues à des particuliers. Art. 30. Ils réclameront également, en faveur des communes et municipalités, le droit de se rédimer de la banalité des fours et. moulins et des corvées seigneuriales justifiées par titre. Art. 31. Us solliciteront une nouvelle constitution pour les municipalités, les officiers muni- (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de La Rochelle.] 4SI dpaux, qui représentent tous les citoyens, devant être librement élus par les citoyens de toutes les classes, et pris indistinctement dans les trois ordres. Art. 32. Les députés réclameront avec force contre le système dangereux qui a fait jusqu’ici tomber le poids de l’impôt sur les sources et les produits de l’agriculture; ils demanderont que les Etats provinciaux soient tenus d’asseoir les impôts dans les villes, d’après l’évaluation la plus précise des maisons, et d’établir cette évaluation, soit d’après les baux à loyers, soit d’après des estimations expertisées et soigneusement discutées. Art. 33. Ils demanderont que l’on prenne les précautions les plus sûres pour atteindre, par une imposition, les propriétaires des richesses mobilières qui ont été soustraites trop longtemps aux charges de l’Etat, ou qui n’y ont pas été assujettis en proportion de leurs facultés. Art. 34. Les députés représenteront que depuis trop longtemps les impositions pèsent sur la classe la plus malheureuse, et que, si un grand luxe est l’attribut nécessaire d’un grand Etat, les ob-'ets de luxe doivent être fortement frappés de 'impôt; en conséquence, ils demanderont qu’il y ait un impôt sur les voitures, les gens de livrée, les laquais, valets de chambre et autres domestiques qui ne sont point employés à l’exploitation et à la culture des terres. Art. 35. L’intérêt public exigeant une surveillance continuelle sur le service des postes aux chevaux, les députés demanderont que la direction et l’administration en soient confiées aux Etats provinciaux. Art. 36. Ils demanderont qne les frais de casernement, de guet et de logement de gens de guerre, qui ont été jusqu’ici supportés par le tiers-état, le soient, à l’avenir, par tous les ordres indistinctement. Art. 37. Les levées de canonniers auxiliaires dépeuplant les campagnes du pays d’Aunis et des îles adjacentes, et le tirage de la milice étant contraire à la liberté personnelle, et, comme tel, inconstitutionnel, les députés seront tenus d’en demander la suppression. Art. 38. La tranquillité publique, la sûreté personnelle et la conservation des propriétés étant le prix des impôts que le souverain reçoit de la nation, le Roi sera supplié d’augmenter considérablement le corps de la maréchaussée et de consulter les Etats provinciaux sur les établissements et la distribution des divisions et des brigades. Art. 39. Les députés demanderont que la refonte des monnaies soit consentie par la nation et le titre fixé par elle. Art. 40. Ils insisteront pour que l’on publie, chaque année, par la voie de Pim pression, les comptes de l’administration, et que cette publicité soit également étendue à l’administration de chaque Etat provincial. Art. 41. Les députés seront autorisés à garantir tous les engagements contractés par le gouvernement jusqu’à l’assemblée des Etats généraux, une discussion et une révision à cet égard, même pour ce qui concerne des intérêts exorbitants et usuraires, n’étant pas de la dignité d’une grande nation. Mais les députés seront tenus de demander à connaître le régime de chaque département. et qu’il soit établi dans toutes les parties un tel ordre que la nation n’ait plus à gémir des abus de l’administration et à souffrir des erreurs ou des vices des administrateurs. SUR LE FAIT DE LA JUSTICE. Art. 42. Les lois, en matière d’impôt, qüi auront été proposées et consenties par la nation, ët sanctionnées par le Roi, seront dès lors revêtues de la plénitude du pouvoir exécutif, sans qu’elïeg puissent être contredites ou modifiées par quelque tribunal que ce puisse être. Art. 43. Les députés solliciteront la réformation de l’ordonnance civile, l’abréviation des procédures, et une diminution notable des frais, dont l’énormité peut absorber daüs plusieurs cas la valeur de l’objet en litige. Art. 44. La juridiction des causes sommaires, la plus précieuse, puisqu’elle est la plus rapprochée des besoins du peuple, n’ayant pas, d’après la modicité de sa compétence, le degré d’utilité dont elle est susceptible, le Roi sera supplié, au nom de la classe la moins fortunée de ses sujets, de porter jusqu’à 109 livres la compétence des juges en matière sommaire. Art. 45. Ils demanderont, en faveur des habitants des campagnes, qu'il n’y ait plus qu’un seul degré de juridiction seigneuriale avant de parvenir à la justice royale, de sorte qu’après avoir été jugées par le juge du seigneur, les causes puissent être directement portées devant le juge royal, omissio .medio. Art. 46. Le taux de l’argent n’étant plus à comparer à la fixation qui avait lieu à l’époque où les juridictions consulaires ont été créées, le bien de la justice et l’intérêt des justiciables exigent que la compétence de ces tribunaux soit augmentée. Art. 47. En conséquence, les députés demanderont que la compétence des iuges-consuls soit portée en dernier ressort jusqmà 2,000 livres. Art. 48. Que la juridiction présidiale soit affranchie des entraves qu’y mettent les jugements de compétence ; qu’il y soit décidé, tant en première instance que sur l’appel et en dernier ressort, de toutes contestations, de quelque nature qu’elles soient, et entre quelques personnes qu’elles puissent exister, excepté les questions d’état ; et que, dans les affaires susceptibles dépréciation, leur compétence soit fixée à la somma e 10,000 livres, et que les appels des juges-consuls et des amirautés y soient dévolus jusqu’à la concurrence de pareille somme. Art. 49. L’intérêt du commerce exigeant que l’on donne aux juridictions consulaires une activité suffisante, et que l’on y cherche à simplifier les formes et à y modifier les frais, le Roi sera supplié de rendre à ces tribunaux le droit d’apposition de scellés et d’inventaire chez les faillis, et de leur accorder le pouvoir nécessaire pour assurer l’exécution de leurs jugements. Art. 50. L’art de la navigation s’étant perfectionné depuis 1681, et le commerce maritime ayant développé, dans son accroissement, des intérêts inconnus à l’époque où Louis XIV rendit l’ordonnance de la marine, la révision de cette loi est devenue indispensable; les députés demanderont, en conséquence, qu’elle soit ordonnée ainsi que celle de l’ordonnance du commerce, d’après l’avis des différentes chambres des villes maritimes du royaume, qui doivent être consultées à cet effet. Art. 51. La suppression de l’amirauté générale de France, séant à Paris, sera demandée. Art. 52. Les charges d’huissiers, jurés-priseurs, vendeurs de meubles, et la perception des quatre deniers pour livre, faite à leur profit, étant onéreuse au peuple, et surtout à celui des campa-31 1" Série, T. IM, 482 [États gén. 1789. Cahiers.) -ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de La Rochelle.] gnes, les députés en demanderont ia suppression. Art. 53. Ils observeront qu’il est essentiel de veiller à la conservation des minutes, dont l’adi-rement n’est que trop fréquent chez les notais res de la campagne ; qu’en conséquence il doit être ordonné qu’après le décès d’un notaire royal à la résidence de la campagne, ou d’un notaire de seigneur, il sera pourvu à la sûreté de leurs minutes par le juge royal, ou celui du seigneur qui en dressera procès-verbal, sans frais; que les minutes seront remises, dans l’espace de trois mois, au successeur, ou à un notaire de pareille qualité, choisi par la famille, et qui s’en chargera au pied de l’inventaire, et que, dans le cas où, après le délai de trois mois, il n’y aurait pas un successeur connu, ou un notaire présenté par la famille, les minutes seront déposées au greffe de la justice royale, ou dans tout autre dépôt public qui sera indiqué. Art. 54. Ils demanderont que les notaires royaux à la résidence de la campagne, et les notaires des seigneurs ne puissent être reçus que sur une information très-exacte de vie et mœurs, et' après avoir été examinés par les notaires royaux du chef-lieu du ressort dont ils seront tenus de rapporter le certificat et l’avis. Art. 55. Les députés représenteront que les droits de contrôle qui, dans l’origine, n’avaient été qu’une précaution sage et bienfaisante du législateur, pour constater la date des actes et assurer la tranquillité des parties, se sont multipliés à proportion des besoins de l’Etat ; que le gage de la sûreté publique est devenu la source des vexations fiscales; que de toutes les parties de l’administration, il n’en est point de plus obscures et de plus vicieuses ; que le mal s’est accru par les interprétations et les distinctions sans nombre qu’on a données sans avoir de plan fixe ; que les contradictions se trouvent où l’on devrait trouver les lumières de la loi ; que cette ambiguïté engage un combat continuel entre le traitant et les parties contractantes, et que celles-ci pnt constamment un désavantage ruineux ; qu’il est essentiel que les députés insistent sur l’établissement d’un nouveau tarif qui, en diminuant les droits exorbitants du contrôle, soit clair, précis et intelligible pour tous les citoyens. Qu’il est indispensable d’assigner une plus juste proportion dans les classes, et d’opérer la diminution des employés; que les recherches qu’ils sont autorisés à faire chez les notaires tendent à dévoiler les secrets des familles et qu’elles offrent le genre d’inquisition le plus odieux peut-être. Art. 56. Que les droits de centième denier, tant sur les actes translatifs de propriété, que sur les biens échus en collatérale, sont abusifs et vexa-toires, en ce que ces droits se perçoivent sur les biens-fonds, surtout en collatérale, sans distinction des charges; qu’il arrive fréquemment qu’un domaine est grevé de rentes au delà de sa valeur, et que, néanmoins, l’héritier paye le droit rigoureusement et comme si le bien était liquidé; que cette injustice s’accroît encore par le payement des doubles droits et des amendes qu’encourent ceux qui laissent passer le temps fatal; que cette contravention arrive fréquemment par l’ignorance, bien pardonnable, de l’obligation imposée par les lois rigoureuses du contrôle; que des avertissements de la part des employés préviendraient des erreurs, presque toujours involontaires, de la part des héritiers ; mais que ces avertissements ne sont point donnés , parce qu’à la, rigueur de cette partie des lois fiscales on a ajouté l’injustice révoltante de faire tourner au profit des employés l’ignorance où l’on est communément de leurs règlements, et qu’ils obtiennent, sur une partie des amendes qu’ils partagent entre eux, ce qu’ils appellent un excédant de fixations. Art. 57. L'abolition des commissions et des évocations sera réclamée par les députés comme un gage de la justice du Roi et de la liberté des peuples. Art. 58. Le Roi sera supplié de ne plus accorder de dispense d’âge, pour rexercice des fonctions de judicature, à ceux qui ne sont pas âgés de vingt-cinq ans , les grâces de Sa Majesté ne pouvant pas s’étendre jusqu’à accorder à un mineur la prérogative abusive de prononcer sur l’intérêt d’autrui, lorsque, d’après les lois, il ne peut disposer valablement des siens. Art. 59. Les lettres de compatibilité et de dispense d’alliance seront également présentées comme contraires au bien de la justice et à l’intérêt des justiciables, et on demandera à Sa Majesté de n’en plus accorder» Art. 60. Les bonnes lois pouvant devenir illusoires et inutiles lorsque les magistrats ne sont pas éclairés, Sa Majesté sera suppliée de réformer les études des écoles de droit, et de n’accorder des provisions pour les offices de judicature qu’à ceux qui auront exercé pendant cinq ans la profession d’avocat, et qui rapporteront des preuves incontestables qu’ils auront exactement suivi, pendant ces cinq années, les audiences d’une justice royale. Art. 61. Les lettres de committimus étant une dérogation au droit commun et une exception aux lois générales du royaume, doivent être abolies. Art. 62. L’exécution des ordonnances concernant les droits de fuye, de chasse et de garenne, sera réclamée au nom des cultivateurs et des habitants des campagnes. Art. 63. La vénalité des charges et les abus qui en résultent seront dénoncés aux Etats généraux, comme ils l’ont été à toutes les assemblées de la nation depuis François Ier, et les députés proposeront de délibérer sur les moyens de rembourser les offices et de rendre ainsi à la justice l’éclat et la pureté qu’elle doit avoir. Art. 64. La noblesse devant être le prix des vertus d’un citoyen et des services rendus à l’Etat, que nul, à l’avenir, ne puisse être anobli par charge. Art. 65. Le nombre excessif des tribunaux étant nuisible pour l’Etat, les députés représenteront la nécessité de réunir tous les tribunaux d’exception en un seul, autre que celui des juges ordinaires. Art. 66. Les députés profiteront du moment ou la nation est réunie auprès duRoi, pour réclamer, au nom de l’humanité et de la raison, l’abolition des lois pénales sur le fait des contrebandiers, la réhabilitation des condamnés en cette qualité, et la décharge des amendes non encore payées. Art. 67. Les députés demanderont, comme uil des objets les plus importants pour le bonheur public, la révision de l’ordonnance criminelle, et l’abrogation de ses dispositions en plusieurs cas, et, notamment, qu’il ne soit plus permis aux juges de procéder aux interrogatoires et autres actes de l’instruction qu’assisté de deux autres juges; qu’ils ne puissent rendre de décret de prise de corps et d’ajournement personnel que de ravis de deux juges-enfin, qu’il soit donné en toute matière, et dès l’origine de l’instruction, un conseil aux accusés, et que le conseil soit autorisé à prendre communication de la procédure, toute- [États gén. 1789. Cahiers]. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de La Rochelle.] 4�3 fois qu’il le jugera nécessaire. Ils observeront, néanmoins, que le bien général de la justice et quelques cas particuliers pouvant exiger la plus grande célérité, les juges doivent être autorisés à prendre seuls et sans être assistés le premier interrogatoire; mais que, dans ce cas, cette pièce ne pourra jamais avoir au procès le caractère d’une pièce de conviction. Art. 68. Les lois criminelles étant la portion la lus essentielle de la justice distributive que le oi doit à ses peuples, le Roi sera supplié de considérer la disproportion effrayante qui existe, dans plusieurs cas, entre les délits et les peines, l’inutilité et même le danger de quelques autres lois pénales; que le vol, par exemple, celui avec effraction excepté, est trop sévèrement puni par la peine de mort; que le bannissement est une peine non-seulement absurde, mais encore nuisible à la société, puisqu’elle laisse au coupable une liberté dont il abuse presque toujours, et qui devient funeste à la province dans laquelle il se retire ; que le fouet n’est plus qu’une punition illusoire ; que la flétrissure infligée trop fréquemment, en marquant à jamais du sceau de l’infamie celui qui s’est rendu coupable d’un délit peu considérable, lui ôte tout remords, ne lui laisse que le désespoir de la honte, et ne sert que trop souvent à le précipiter dans les derniers excès du crime; que la peine de mort, satisfaisant à la vindicte publique et suffisant à punir les plus grands forfaits, les supplices extraordinaires, tel que celui de la roue, doivent être abolis, comme contraires à l’humanité et à la douceur des mœurs nationales. Art. 69. Les peuples, ayant autant à souffrir du joug des préjugés que des vices des gouvernements, les députés solliciteront, avec le zèle le plus soutenu, les Etat généraux de délibérer sur l’injustice du préjugé des peines infamantes ; iis représenteront que cette fatale opinion, contraire à toutes les idées d’ordre et de raison, n’est pas conciliable avec les lumières et l’humanité qui distinguent la nation française, et ils insisteront pour que les Etats généraux fassent éclater leur justice et leur sagesse en faveur des victimes infortunées de cette affreux préjugé. Art. 70. Ils observeront que l’opinion qui fait rejaillir l’infamie du supplice sur la famille du coupable a pris sa source dans l’inégalité des peines infligées au noble et au roturier; qu’il faut représenter au Roi, comme souverain législateur, que la loi doit infliger indistinctement la même peine à tous les hommes tombés au même degré de crime et d’avilissement; que le crime rendant tous les criminels infâmes, le supplice doit être infâme pour tous; que l’opinion contraire est destructive des mœurs publiques et de tous les principes de sociabilité ; qu’il est révoltant qu’a-près un crime commis de complicité par un noble et un roturier, l’un soit déshonoré par la peine capitale qu’a subie son père, tandis que le fils du noble peut attester, comme un titre probatif de la noblesse de son extraction, le supplice du sien; d’après ces considérations importantes, les députés insisteront pour qu’il plaise au Roi, dans la punition des crimes égaux par leur nature, faire cesser l’inégalité des peines fondée sur l’inégalité du rang et de la naissance. Art. 71. Les députés, ne devant rien omettre de tout ce qui peut accélérer la destruction du prô-jjjgé des peines infamantes, représenteront aux Etats généraux qu’il ne suffit pas d’une égalité de peines communes aux membres des différents ordres de l’Etat, mais encore que la détermination du genre de peine n’est pas indifférente; ils observeront que le préjugé sera'ineffaçable à jamais, si le supplice de la corde, qui a toujours été le signe de l’infamie, est conservé dans l’ordre de nos lois pénales; que les moyens extérieurs ne doivent pas être négligés lorsque l’on veut agir fortement sur l’opinion ; que le Roi doit être supplié d’abolir ce supplice et de lui en substituer un moins révoltant d’après nos idées reçues, et qui ne rappelle pas des souvenirs liés de trop près à l’erreur qu’on veut déraciner. Art. 72. Les députés représenteront que la peine capitale, réservée jusqu’ici aux nobles, pourrait être la règle générale applicable aux cas où la loi condamne à mort; que ce supplice, qui n’a jamais eu dans les idées populaires la note et la tache d’infamie, aiderait à la révolution qu’il faut opérer, ou, qu’au moins, il n’y serait pas contraire ; que l’admission de ce genre de peine ne serait pas, d’ailleurs, une innovation dans la justice pénale, qu’il est usité indifféremment en Alsace pour les nobles et les roturiers, et que le Roi doit être supplié de le substituer à celui de la corde. Art. 73. La liberté indéfinie de la presse, étant le premier attribut d’une nation libre et la sauvegarde de la liberté publique, sera réclamée par les députés. Art. 74. Les députés, considérant que, si le bonheur public est garanti par les lois, les lois sont elles-mêmes garanties par les vertus des citoyens, s’occuperont de l’imperfection de nos établissements d’éducation publique; ils représenteront la nécessité indispensable d’une réforme à cet égard; ils demanderont que l’éducation publique soit tellement modifiée, qu’elle puisse convenir aux citoyens de tous les ordres et former des hommes .vertueux et utiles pour toutes les classes de l’État; ils proposeront également de modifier, dans le régime de nos collèges, ce principe qui, en assujettissant indistinctement au culte catholique tous les jeunes gens qui les fréquentent, en éloignent nécessairement ceux qui professent un culte étranger. Ils représenteront que ce principe adopté dans la plus grande partie des établissements d’éducation publique, en France, détermine les non catholiques à faire élever leurs enfants chez des nations étrangères; que ces funestes émigrations ont le double inconvénient de faire sortir du royaume des sommes considérables, et de rendre pour ainsi dire étrangers aux mœurs et aux lois du royaume des citoyens, qui, élevés parmi nous, auraient appris à les respecter et à les chérir; les députés insisteront d’autant plus fortement sur cette réforme indispensable, que le nombre des jeunes Français non catholiques, élevés chez les nations étrangères, est très-considérable, et qu’il s’élève, dans ce moment, et pour la seule ville de La Rochelle, à quarante-deux individus. SUR LE FAIT DU COMMERCE. Art. 75. Les députés chercheront à procurer au commerce, et notamment à celui de la province, tous les encouragements qu’il dépendra des Etats d’accorder. Art. 76. Les maîtrises des communautés d’arts et métiers, établies par l’édit d’avril 1777, seront représentées comme accablantes pour le peuple ; le libre essor des dispositions et des talents sera réclamé pour tous les citoyens qui en ont été doués, comme un apanage de la liberté. Art. 77. En demandant la suppression des mai- 484 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de La , Rochelle.] trises, de la création de 1777, on insistera no-tarameot sur celles des boulangers; on représentera que jamais la création fiscale des communautés n’a été aussi funeste que lorsqu’on a donné le privilège exclusif de fournir au peuple l’aliment de première nécessité, et la suppression de la maîtrise des boulangers sera instamment sollicitée. Art. 78. La perfection des arts et l’intérêt public exigeant qu’il y ait dans toutes les classes d’artisans des hommes véritablement instruits, les députés, en demandant l’abolition des maîtrises, n’y comprendront point celle des règlements concernant l’apprentissage; il sera, au contraire, indispensable d’obtenir une loi qui fixe la durée de l’apprentissage dans chaque métier, et qui prescrive les essais ou chefs-d’œuvre que les apprentis seront tenus de soumettre à l’examen d’experts nommés par le juge, avant d’être autorisés à s’annoncer au public comme exerçant, pour leur compte, la profession qu’ils auront embrassée. Art. 79. Les députés demanderont également l’abolition des privilèges exclusifs en tout genre de commerce et d’industrie, comme aussi contraires aux progrès du commerce et à la perfection des arts qu’à l’intérêt de chaque individu. Art. 80. L’inégalité des poids et mesures, contre laquelle le commerce réclame depuis si longtemps, sera déférée, par les députés, à la sagesse des États généraux, et ils voteront pour que les opérations et le travail qui doivent précéder la réduction à un même poids et à une même mesure soient confiés à des commissaires nommés par les États généraux, pour en être rendu compte dans l’assemblée de 1794, et préparer ainsi la décision de la nation. Art. 81. Les députés demanderont que le payement des intérêts de la dette nationale, des émoluments et pensions, qui seront réglés par les États généraux, soit fait dans les capitales des provinces et divisé à raison de l’étendue des impositions de ces provinces; qu’à cet effet les sommes, nécessaires pour ces divers acquittements, soient retenus sur la masse des impositions de chaque province. La division qu’on propose a pour effet de soulager l’Etat de l’établissement et de la dépense de cette multitude de bureaux, d’offices ou d’employés attachés à la distribution de cette partie des deniers publics, objet que les États provinciaux pourront remplir gratuitement, et sans rien ajouter à leurs dépenses particulières. Art. 82. Les députés solliciteront le reculement des barrières et là circulation libre de toutes les marchandises d’une extrémité du royaume à l’autre. Art. 83. Ils demanderont aussi un droit unique à l’entrée du royaume et à la sortie, fixé par un seul et même tarif, assez clair et précis pour mettre le marchand à l’abri de toute exaction. Art. 84. Ils solliciteront pour que l’entrée de toutes les matières premières, nécessaires au soutien de nos manufactures, soit particulièrement favorisée ; que les droits sur le charbon d’Angleterre soient modérés, et l’exploitation de nos mines encouragée par d’autres moyens que ceux qu’on a cru tirer de l’énormité de ces droits, tandis qu’il est démontré que nous n’avons pu, jusqu’à présent, suppléer les charbons d’Angleterre. Art. 85. Les députés demanderont que les vins de PAunis puissent sortir en franchise de droits pour l’étranger, ou qu’ils soient tout au plus assujettis à un droit principal de 20 sous par tonneau de quatre barriques, afin d’ouvrir aux cultivateurs de celte province un débouché qu’interdit actuellement le droit subsistant; alors la nécessité de convertir en eau-de-vie ne serait plus excitée que par l’intérêt du propriétaire, et non par l’impossibilité d’aller chercher des consommateurs, dont les facultés ne pouvant s’élever aux vins plus chers et plus précieux de nos autres provinces, atteindraient cependant aux bas prix des vins de l’Aunis. Art. 86. Ils demanderont que l’attribution delà connaissance des différends, à cause des assurances, grosses aventures, promesses, obligations et contrats, concernant le commerce de la mer, Je frêt et le naulage des vaisseaux, qui avaient été accordée aux juridictions consulaires, par l’article 7 du titre XII de l’ordonnance de 1673, soit aussi rendue à ces juridictions; que le porteur de billets pour valeur en marchandises soit tenu de faire ses diligences dans les dix jours, comme pour les autres billets ou les lettres de change négociées. Art. 87. Ils solliciteront pour que l’introduction dans le royaume des ouvrages d’or et d’argent de fabrication étrangère soit défendue, puisqu’elle attaque directement notre main-d’œuvre, et ne peut s’opérer, d’ailleurs, qu’à la faveur d’altération dans le titre qui, en séduisant l’acheteur, trahissent le plus souvent sa confiance ; qu’il ne soit permis à aucun colporteur de faire le commerce des ouvrages d’orfèvrerie et de bijouterie, parce qu’il est généralement reconnu que c’est par cette espèce de gens que circulent les objets volés, et qu’ils se dérobent aux poursuites des propriétaires et de la justice. Art. 88. Les députés demanderont la révocation de l’arrêt rendu au conseil du Roi le 30 août 1784, concernant le commerce étranger dans les colonies et le rétablissement des dispositions des lettres patentes de 1717 et-1727, auxquelles on est redevable des progrès qu’ont fait la navigation française et la culture du sol des îles françaises de l’Amérique. Art. 89. Ils solliciteront aussi pour que les colons, relativement à leurs dettes, soient assujettis aux lois établies en France, et que l’exécution de ces lois ne puisse être arretée par aucune autorité. Art. 90. Ils solliciteront également la création des juridictions consulaires et des Chambres de commerce patentées, dans les principaux endroits des colonies. Art. 91. Ils demanderont la suppression de l’entrepôt et des droits actuels de consommation sur les sucres, cafés et indigo venant des colonies, et qu’il soit substitué à l’entrée de la totalité de ces denrées dans tous les ports du royaume un droit uniforme, dont le revenu pour l’Etat équi-vaille à celui que rendent les droits actuels de consommation. Que le terrage des sucres étant défavorable à la navigation, s’il n’est pas possible de l’interdire entièrement dans nos colonies comme il l’est dans les colonies anglaises, il soit au moins défendu de l’étendre davantage par de nouveaux établissements, et que les sucres bruts devant être, ainsi que le coton, considérés comme matière première, il soit mis un droit à la sortie du royaume des sucres bruts, assez sensible pour que la plus grande quantité de cette matière soit conservée en France, et serve à relever et à soutenir les raffineries et à procurer du travail, puis-ue c’est dans ces vues que le gouvernement 'Angleterre interdit rigoureusement la sortie en nature des sucres bruts importés de ses colonies. [États gén. 1789. Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [Sénéchaussée de La Rochelle.) 48S Art. 92. Les députés demanderont la révocation de l’arrêt du 14 avril 1785, qui a créé une nouvelle Compagnie des Indes, et de celui pour l’admission des étrangers dans les îles de France et de Bourbon. Art. 93. Ils solliciteront la liberté à tous armateurs pour l’Inde de faire revenir leurs bâtiments dans tels ports qu’ils jugeront à propos et d’y faire entreposer les marchandises de leurs cargaisons qui ne peuvent être vendues dans le royaume. Art. 94. Les députés demanderont qu’il soit garanti par les Etats généraux que désormais aucun privilège de commerce, dans quelque partie du monde que ce soit, ne puisse être accordé sans le consentement de la nation. Art. 95. Ils solliciteront en faveur du pays d’Aunis et îles adjacentes l’affranchissement des droits, de quelque espèce qu’ils soient, sur la morue de pêche française introduite dans le royaume, une prime même sur cette introduction, si cet encouragement est reconnu nécessaire. Art. 96. Ils solliciteront également en faveur des habitants de La Rochelle l’établissement de quatre foires royales pour être tenues dans l’un des faubourgs de la ville. SUR LE FAIT DU CLERGÉ. Art. 97. Les députés feront tout leur pouvoir pour procurer à l’ordre des curés les soulagements que sollicitent l’utilité de leur ministère, la charité dont ils sont animés et la trop injuste modicité de revenus qui est affectée à la plupart d’entre eux. Art. 98. Ils demanderont que les gros décima-teurs soient tenus de porter les portions congrues jusqu’à la somme de 1,500 livres, et qu'en cas d’impossibilité de la part des gros décimateurs les bénéfices simples qui ne sont point à patronage laïque soient supprimés à mesure qu’ils viendront à vaquer pour être appliqués à l’augmentation des congrues et autres cures jusqu’à 1,500 livres, et même à une plus forte somme si la population, l’étendue et la situation des paroisses paraissent l’exiger. Art. 99. La plupart des vicaires n’ayant d’autres émoluments que le produit des quêtes, et ce moyen de subsistance étant à la fois insuffisant en lui-même au-dessous de la dignité du sacerdoce et onéreux aux habitants des campagnes, le Roi sera supplié également d’assurer aux vicaires un entretien suffisant et une existence honnête. Art. 100. Le Roi sera supplié d’affecter les abbayes en commende, à mesure qu’elles viendront à vaquer, soit à doter les collèges, à augmenter les revenus des hôpitaux, à fonder des établissements pour des chirurgiens et des sages-femmes dans les campagnes, soit enfin à donner des retraites aux curés infirmes ou trop âgés pour exercer les fonctions de leur ministère. Art. 101. Les députés insisteront également {tour que l’on mette à exécution l’article 2 de 'ordonnance d’Orléans sur le fait de l’Eglise, et 1 pour que l’on renonce enfin à laisser sortir du 1 royaume les sommes destinées à payer à la cour ]de Rome l’obtention des bulles pour les bénéfices 1 consistoriaux, les dispenses et autres grâces que 1 les Français ne doivent tenir que de leur souverain, à l’effet de quoi le Roi sera supplié d’ordonner que les dispenses seront accordées à l’avenir par les prélats régnicoles, et que les droits payés depuis si longtemps à Rome par le clergé de France le seront désormais à la chancellerie du royaume pour être appliqués aux besoins de 1 Etat. Art. 102. La tolérance universelle devant être admise dans une nation éclairée, les députés se-* ront tenus de la demander, ainsi que la restitution des biens des fugitifs pour fait de religion, Art. 103. Le Roi sera également supplié d’accorder aux officiers français non catholiques la croix du Mérite militaire, en attachant l’obtention de cette récompense aux mêmes règlements qui sont observés pour les officiers français cathodiques qui obtiennent la croix de l’ordre de Saint-Louis. Art. 104. Les députés demanderont pour l’intérêt de l’agriculture une réduction considérable dans le trop grand nombre de fêtes observées dans l’Eglise de France. Art. 105. Les députés demanderont également que les foires puissent être tenues les jours de dimanche, àl’exception des quatre fêtes annuelles. Art. 106. Les Etats généraux seront suppliés de délibérer sur les moyens d’opérer l’extinction des dettes du clergé. Art. 107. La translation des cimetières hors des villes sera présentée comme un objet indispensable de police et de salubrité, et cette réforme aura également lieu dans les villes murées et fortifiées. Art. 108. Le Roi avait ci-devant ordonné que les religieux de chaque ordre ne pourraient être moins de neuf dans chaque maison. Sa Majesté sera supplié de faire exécuter son édit et de supprimer les monastères qui n’offriront pas ce nombre de religieux. Art. 109. Les députés représenteront que les lois du royaume ayant fixé à vingt-cinq ans l’âge où un citoyen peut disposer d’une modique propriété foncière, il est contraire à la surveillance qui est due à chacun des sujets du Roi, que l’on puisse avant cet âge faire le sacrifice le plus absolu de sa liberté et de ses facultés civiles; en conséquence, ils réclameront une loi qui fixera à trente ans l’émission des vœux pour les hommes et les femmes qui entreront dans les ordres religieux. Art. 110. Enfin le tiers-état de la sénéchaussée de la ville et gouvernement de La Rochelle, pénétré de respect, de reconnaissance et d’amour pour le Roi et désirant fixer par un monument imposant l’époque mémorable de la régénération de la France, due à la sensibilité du Roi et aux ressources du caractère de la nation, a chargé ses députés de déterminer les Etats à supplier Sa Majesté d’agréer l’hommage d’une statue qui sera élevée dans la ville où se tiendront les Etats généraux, demandes particulières des communes de l’ile DE RÉ. L’ile de Ré, rempart de l’Aunis, doit être prise en considération par les Etats généraux; sa population s’élève à plus de vingt mille âmes; ses seules productions consistent en vin de mauvaise qualité et en sel ; ses ports sont à trois lieues du continent, avec lequel toute communication est souvent interrompue pendant des semaines entières; ses possessions sont défendues par des diguesartificielles,qui, dans le régime actuel, coù*- tent des sommes considérables par leur mauvaise construction, et la mer envahit chaque jour son terrain. Le rétablissement de ces digues, actuellement renversées en majeure partie, a été porté par le