§16 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les Anglais et Hollandais, et à l’aide duquel ils promettent de donner le même moelleux et le même poli qu’eux à leur papier; lui exposent que, pour que la papeterie française ne fût pas sujette au tribut qu’elle paye en Hollande et en Angleterre et qu’elle acquît l’égalité des papeteries suffisantes de ces deux puissantes, il suffirait de prohiber en France l’exportation des chiffons, et l’importation de papiers de fabriques étrangères, et lui demandent de ne permettre de se servir dans ses bureaux et comités que de papiers manufacturés en France. (Celte adresse est renvoyée au comité d’agriculture et de commerce.) M. Monneron l'aîné observe, sur l’adresse des sieurs Jouannot concernant la fabrication du papier, que l’impôt sur les papiers et cartons est injuste, inégal et onéreux pour nos fabriques. Il demande, en conséquence, que les comités des finances, decommerce et d’agriculture soieutchargés de proposer leurs vues pour décider ce qui serait le plus utile : ou de supprimer l’impôt sur les papiers et cartons ou d’interdire l’entrée dans le royaume des produits similaires étrangers. (L’Assemblée renvoie cette motion à ses comités.) M. de Sillery demande et l’Assemblée décrète une séance extraordinaire pour lundi soir, dans laquelle sera traitée l’affaire de Nancy. M. Terme fait une motion four donner plus d'éclat et de dignité à la promulgation des décrets et des lois du royaume. Il présente un projet de décret que l’Assemblée renvoie au comité de Constitution et qui est ainsi conçu : « L’Assemblee nationale considéiantque l’obéissance à la loi est le premier, le plus saint, le plus sacré des devoirs d’un peuple libre et du citoyen ; « Qu’il importe essentiellement d’imprimer dans toutes les âmes, dans tous les coeurs, le souverain respect et la vénération profonde, la soumission absolue du citoyen à la loi ; « Que ces sentiments heureux sont les garants certains et fidèles de la félicité universelle et de la prospérité générale de la nation, « Décrète : v Que dans chaque chef-lieu de département, de district et de canton, il sera incessamment élevé, dans l’endroit le plus apparent et le plus fréquenté, une colonne triangulaire, portant pour inscription successivement sur chacune de ses faces l’un de ces mots : La nation , la loi et le roi ; « Que toutes les fois qu’il s’agira de promulguer une loi nouvelle, le procureur général syndic de l’administration du département, le procureur-syndic de celle du district, le procureur de la commune, de la municipalité du canton, chacun dans le lieu de leurs établissements respectifs, portant un placard sur lequel sera inscrite la loi à promulguer, et avec lui deux administrateurs de son corps, se rendront du lieu de leurs séances au pied de la colonne, par une marche pompeuse, entourés d’une garde nationale. « Rendus au pied de la colonne, la loi sera lue publiquement, à voix haute, par le crieur public. « La lecture achevée, le placard ou table de la loi sera suspendu à la colonne par l’officier qui l’aura apporté. 1-4 décembre 1790.] « Il restera exposé pendant trois jours consécutifs ; il sera successivement placé pendant un jour sur chaque face de la colonne et autour d’elle veillera une garde nationale tout le temps de l'exposition. « L’officier de garde sera chargé de la transposition à faire de la table de la loi sur chaque face de la colonne. « Le troisième jour expiré, le même cortège se rendra à la colonne de la promulgation. « La table de la loi sera détachée de la colonne par les mêmes mains qui l’avaient placée lors de son exposition. « La feuille sur laquelle la loi se trouvera imprimée sera placée sur un brasier pour y être consumée et marquer que désormais la loi promulguée vivra dans l’âme de chaque citoyen. « La feuille consumée par la flamme, le cortège se séparera et chacun indistinctement, en signe de l’égalité civile qui doit subsister devant la loi, se retirera privativement et en simple particulier. » Il est fait l dure de deux lettres du sieur Amelot, a M. le President, touchant des droits et frais contestés sur la perception de la coulriou-inm patnoiiqu*. (L’Assemblée en ordonne le renvoi au comité des finances.) M. le Président donne lecture d’une lettre du roi et d’u e autre du sieur de Lessart, à lui adressées ce jour, dont l’impression et l’insertion au présent proeès-veiba! sont ordonnées, et desquelles la teneur suit : Lettre du roi à M. le Président de V Assemblée nationale. « Je vous prie, Monsieur, de dire à l’Assemblée nationale que j’ai choisi M. de Lessart pour remplacer M. Lambert qui m’a donné sa démission. Signé : Louis. » Lettre de M. de Lessart à l'Assemblée nationale. « M. le Président, le roi a fait connaître à l’Assemblée nationale le choix que sa Majesté a daigné faire de moi pour ministre des finances. J’ai dû considérer avec effroi l’étendue des obligations qui me sont imposées; mais apercevant déjà dans la situation des finances les premiers fruits des réformes salutaires et des sages dispositions de l’Assemblée nationale ; peosantque mon désir sincère, ma volonté constante de concourir à l’achèvement de cette glorieuse révolution pourraient être de quelque utilité, j’ai cru devoir compte à la patrie de tous mes efforts; et l’honneur de contribuer à l’affermissement des principes de la Constitution est un assez beau partage, pour que le citoyen que la confiance du roi y appelle, doive s’y dévouer tout entier. » « Je suis avec un t»ès profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « De Lessart. » M. le Président annonce le résultat du scrutin de ce matin, pour Vélection du président et de trois secrétaires de l'Assemblée. (4 dôcembro 1790.] 217 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [As semblée nationale. [ Sur 477 votants, M. Pétion a obtenu 261 voix; M. Rœderer 80; voix perdues, 136. M. Petion est élu président. Les nouveaux secrétaires sont : MM. Martineau ......... 263 voix. Yarin ............. 231 L’abbé Lancelot... 212. Les trois nouveaux secrétaires remplacent MM. Poignot, Coroller et Gobel, évêque de Lydda, secrétaires sortants. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du décret sur le rachat des rentes foncières non seigneuriales. M. Tronchet, rapporteur, propose d’interca-Jer entre les articles 4 et 5 du titre III, précédemment décrété, un article nouveau qui est adopté sans discussion en ces termes : « Lorsque les baux à rente ou à emphytéose perpétuelle non seigneuriale contiendront la condition expresse, imposée au preneur et à ses successeurs, de payer au bailleur un droit de lods ou autre droit casuel quelconque, en cas de mutation, et dans les pays où la loi assujettit les détenteurs audit titre de bail à rente ou à emphytéose perpétuelle non seigneuriale, à payer au bailleur des droits casuels aux mutations, le possesseur qui voudra racheter la rente foncière ou emphytéotique, sera tenu, outre le capital de la rente indiqué en l'article 2 ci-dessus, de racheter les droits casuels dus aux mutations, et ce rachat se fera aux taux prescrits par le décret du 3 mai, pour le rachat des droits pareils ci-devant seigneuriaux, selon la quotité ou la nature du droit qui se trouvera dû par la convention ou suivant la loi. » M. Treilhard, rapporteur , donne successivement lecture des articles composant les titres IV, Y et VI. M. Vieillard, député de Coûtâmes , attaque l’article 3 du titre IV, en disant : On connaissait dans la ci-devant province de Normandie trois manières de contacter relativement aux fonds : celle de l’argent comptant, celle de la rente rachetable, celle enfin de la rente foncière irraquitable. Quand on traite argent comptant, point de difficultés, les lods et ventes, ou ce qu’on appelle en Normandie treizième, sont dus. Quand on contracte à vente rachetable, les lods et ventes sont dus au seigneur, au moment même de la passation de l’acte, quoi que la rente ne soit pas rachetée. Quand enfin on contracte à rente foncière irraquitable, il n'est point du de lods et ventes s’il n’y a point d’argent donné, et s’il y a argent, ils ne sont dus que sur cet argent et non sur la rente. Si le rachat de la rente s’opère après 30 ans, il n’est point dû de lods et ventes sur le capital du remboursement. De ces trois manières de contracter, la plus habituelle dans certains cantons de l’ancienne province de Normandie était celle du contrat, connu sous le nom de Fief'fe, qui établissait une rente foncière irraquitable; sur dix contrats, le ci-devant seigneur ne percevait de lods et ventes que sur un. Le décret du 4 août a enlevé à la Normandie la faculté de ce genre de contrat. Il ne nous reste plus que deux modes d’acquérir ou de vendre c’est-à-dire qu’il faut le faire à deniers comptants ou à rente rachetable. Dans les deux espèces de contrats, si nos anciens principes étaient suivis, nous payerions toujours le droit de lods au seigneur au moment même du contrat; de là suit que les ci-devant seigneurs percevraient neuf fois plus de droits qu’ils n’en percevaient ci-devant ; de là suit que le décret du 4 août profiterait à eux seuls et que les ci-devant vassaux seraient horriblement vexé'. L’intention de l’Assemblée, en procurant aux débiteurs le droit de se libérer, a été de les favoriser et de protéger l’agriculture. Ce but honorable est absolument manqué, si l’article proposé est adopté; l’Assemblée nationale aurait fait aux habitants de la Normandie le présent le plus funeste ; et j’ose lui certifier, au nom des cinq départements formés de cette province, que s’il leur était possible d’opier sur le droit accordé de se libérer eu laissant subsister les anciennes dispositions de leur contenu, ils préféreraient conserver la charge de l’irraquitable. L’agriculture en souffrirait considérablement: car le cultivateur qui n'a pas d’argent serait empêché de traiter; les propriétés ne pourraient plus se diviser, elles resteraient concentrées dans les mains des gens fort riches; et certainement ce projet impolitique ne fut jamais conçu par l’Assemblée nationale. Il est juste sans doute de maintenir les ci-devant seigneurs dans leurs droits anciens de lods et ventes; mais il ne faut pas leur donner une extension préjudiciable à la société. Notre loi nous procurait les moyens d’éviter ces droits ; si nous ne pouvons jouir dorénavant de la même liberté, au moins qu’on adoucisse un sort qui deviendrait trop rigoureux. Nous avions une loi dure, mais le remède était à côté: ce remède nous serait-il enlevé sans que l’on s’occupât d’une modification sur ce qui n’existait que concomitamment avec un avantage que nous pouvions saisir et qui nous affranchissait? Il y a beaucoup de coutumes dans lesquelles les lods et ventes ne se perçoivent qu’au moment du rachat des rentes : quel inconvénient y a-t-il à consacrer cela en loi générale ? Les seigneurs percevront toujours leurs droits quand on se rachètera, mais aussi les ci-devant vassaux traiteront avec facilité. En vain objecterait-on que les ci-devant seigneurs perdront, parce qu’on fraudera leurs droits. D’abord la fraude ne se présume pas ; mais quand cet inconvénient arriverait quelquefois, serait-ce une raison pour leur donner des droits qu’ils n’avaient pas et qu’on évitait par les dispositions mêmes de la loi? Votre décret du 4 août est sans doute une de vos pms bel les lois ; mais je suis fâché de vous le dire, Messieurs, ou a depuis ce bmps apporté tan! d’entraves à la libération par l’établissement d’un mode onéreux de rachat, que contre i’in-teniion des vrais amis de la liberté, deux siècles s’écouleront encore pendant lesquels nos arrière-neveux conserveront les traces u un régimeodieux dont le souvenir n’aurait du se transmettre que par l’histoire de notre Révolution. Plusieurs membres présentent encore des observations sur le même article 3 et sur d’autres articles. Le rapporteur accepte divers amendements et mod ifications qui sont sanctionnés par l’Assemblée. Les articles ci-après sont ensuite décrétés :