450 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1791.) « Messieurs, « Dans ce moment où le salut de la patrie est eu danger, il importe que vous connaissiez le vœu des corps administratifs du royaume et des citoyens de l’Empire. « La nouvelle de l’enlèvement du roi et de la famille royale n’était point encore arrivée officiellement au département de Seine-et-Marne et à la municipalité de Melun, lorsque les administrateurs se sont réunis de concert pour proposer les dispositions que la certitude de cet événement pouvait rendre nécessaires.Hier, à deux heures du matin, le courrier est arrivé : alors les corps administratifs ont pris l’arrêté joint à cette lettre. Ensuite le directoire, convaincu que, dans la circonstance actuelle, la loi doit avoir plus que jamais son exécution, a ajouté de nouvelles mesures à celles déjà prises par la convocation des électeurs, qui avait été fixée au 25 de ce mois. Dès la nuit même, tout a été prêt; et des courriers dépêchés dans les chefs-lieux de canton y ont porté les décrets du 21 de ce mois, notre arrêté et la circulaire du directoire. « Des députations nombreuses de gardes nationales des différentes municipalités du voisinage sont venues, le 21 au soir, et dans la journée du lendemain, offrir leurs secours aux corps administratifs. Dans les municipalités les plus éloignées, les corps municipaux ont manifesté le même zèle pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, en envoyant de leur propre mouvement des courriers au département. Partout régnent maintenant l’harmonie, le concert de toutes les autorités, pour faire respecter les lois et garantir les personnes et les propriétés. (Applaudissements.) « Nous avons fait ensuite, dans les districts du département, la répartition des fusils que le ministre avait fait parvenir au directoire, et déterminé le contingent de chaque municipalité, d’après sa position sur les grandes routes, ou dans le voisinage des bois. « Dans le nombre des mesures essentielles à la circonstance, nos regards se sont tournés vers le recouvrement des impositions de l’année 1791. (Applaudissements.) Dans l’impossibilité où nous étions de faire marcher aussi vite la collection des rôles des contributions foncière et mobilières, nous avons pris la résolution consignée dans notre arrêté, que nous avons l’honneur de mettre sous vos yeux, enfin nous avons arrêté d’être jour et nuit dans l’exercice de nos fonctions, tant que le bien public l’exigera. « Tels sont les faits d’après lesquels l’Assemblée nationale doit juger du dévouement des corps administratifs établis par la Constitution, et du dévouement des citoyens au maintien de cette Constitution, qu’ils doivent à la sagesse et à l’énergie des seuls et vrais représentants de la na-tton. » {Vifs applaudissements.) Plusieurs membres : L’impression ! M. le Président. Le département de la Somme a de même adressé à votre président une lettre que voici : Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Nous avons reçu, par un courrier extraordinaire, l’expédition des décrets que l’Assemblée nationale a rendus le 21 de ce mois, relativement à l’enlèvement du roi et de la famille royale. Nous en avons, sur-le-champ, donné connaissance aux corps administratifs et aux tribunaux. Les citoyens d’Amiens et ceux des campagnes voisines nous donnent des preuves de leur patriotisme, et tous les corps, de leur empressement à réunir pour le maintien de la tranquillité publique et de la liberté. Nous avons l’honneur de vous envoyer une expédition de l’arrêté que nous venons de prendre relativement à cet événement. « Nous sommes, etc. » M. Robespierre. Vous avez applaudi ce matin au zèle des citoyens qui ont arrêté le roi, mais ce n’est point assez ; il faut encore saisir l'occasion la plus utile qui se soit présentée à vous, de récompenser et d’encourager les vertus civiques. C’est dans le moment le plus critique de la révolution, où M. Mangin et ceux qui ont secondé l’action la plus patriotique ont rendu à la patrie le plus signalé de tous les services, que vous devez à ces citoyens une récompense digne à la fois de leur patriotisme, et du peuple libre qui doit les récompenser. Je demande qu’il soit décerné par l’Assemblée nationale une couronne civique au sieur Mangin ui a le plus contribué à l’arrestation du roi et e sa famille. ( Vifs applaudissements.) M. Rewbell. Le sieur Mangin n’est pas le seul à s’être distingué dans cette circonstance; le sieur Drouet, maître de poste àSainte-Menehould, est le premier qui a conçu des soupçons sur la qualité des personnes qui ont pris des chevaux chez lui et il s’est rendu à Varennes pour prévenir la municipalité. D’ailleurs, nous ne savons pas encore ce que c’est que des couronnes civiques ; les couronnes civiques sont le cœur des citoyens, mais une marque publique quelconque, et de quelque manière qu’elle puisse être décernée, ne peut l’être que par un décret constitutionnel; et il faut que la matière soit mûrement approfondie; il faut s’enquérir scrupuleusement des faits, les porter au comité, le charger de faire un rapport, où seront exprimés les cas dans lesquels un citoyen mérite le signe distinctif que l’Assemblée nationale voudra décréter; car nous ne devons pas être de serviles imitateurs. Une nation libre doit être avare des marques distinctives, et ne pas faire comme ces peuples avilis qui ont prodigué les couronnes civiques. Plusieurs membres : Le renvoi au comité I M. Rewbell. Eh! Messieurs, on en a décerné à des poètes, à des histrions, enfin à des gens qui n’en méritaient pas. Plusieurs membres : Concluez ! M. Rewbell. La couronne civique, à mon sens, est la marque la plus glorieuse qu’on puisse mettre sur le front d’un citoyen... Plusieurs membres : Concluez ! concluez ! M. Rewbell... et si importante qu’il est impossible de la décerner sans le plus scrupuleux examen. Celui qui mériterait la première couronne civique en France serait, à mon avis, le plus glorieux citoyen de l’univers {Applaudissements.) ; au moyen de quoi je demande que la motion de M. Robespierre soit renvoyée au comité de Constitution.