548 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] en droit public germanique, il faut ajourner au plus prochain jour. M. Target. Je demande le renvoi au comité féodal, qui sera tenu d’en faire rapport mardi, à deux heures. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. L’Assemblée passe à la discussion de l’Adresse aux provinces dont la lecture a été faite hier. M. de Talleyrand, évêque d’Autun, membre du comité de constitution , fait de nouveau lecture de l’adresse ainsi qu’il suit : l’assemblée nationale AUX FRANÇAIS. 11 février 1790. L’Assemblée nationale, s’avançant dans la carrière de ses travaux, reçoit de toutes parts les félicitations des provinces, des villes, des communautés, les témoignages de la joie publique, les acclamations de la reconnaissance ; mais elle entend aussi les murmures, les clameurs de ceux que blessent ou qu’affligent les coups portés à tant d’abus, à tant d’intérêts, à tant de préjugés. En s’occupant du bonheur de tous, elle s’inquiète des maux particuliers : elle pardonne à la prévention, à l’aigreur, à l’injustice; mais elle regarde comme un de ses devoirs de vcrns prémunir contre les influences de la calomnie eide détruire les vaines terreurs dont on chercherait à vous surprendre. Eh! que n’a-t-on pas tenté pour vous égarer, pour ébranler votre confiance? On a feint d’ignorer quel bien avait fait l’Assemblée nationale ; nous allons vous le rappeler. On a élevé des difficultés contre ce qu’elle a fait : nous allons y répondre. On a répandu des doutes, on a fait naître des inquiétudes sur ce qu’elle fera; nous allons vous l’apprendre. Qu’a fait l’Assemblée ? Elle a tracé d’une main ferme, au milieu des orages, les principes de la Constitution qui assure à jamais votre liberté. Les droits des hommes étaient méconnus, insultés depuis des siècles ; ils ont été rétablis pour l’humanité entière, dans cette déclaration qui sera à jamais le cri de ralliement contre les oppresseurs et la loi des législateurs eux-mêmes. La nation avait perdu le droit de décréter et les lois et les impôts : ce droit lui a été restitué, et en même temps ont été consacrés les vrais principes de la monarchie, l’inviolabilité du chef auguste de la nation, et l’hérédité du trône dans une famille si cbère à tous les Français. Nous n’avions que des Etats généraux : vous avez maintenant une Assemblée nationale, et elle ne peut plus vous être ravie. Des ordres, nécessairement divisés et asservis à d’antiques prétentions, y dictaient les décrets, et pouvaient y arrêter l’essor de la volonté nationale. Ces ordres n’existent plus ; tout a disparu devant l’honorable qualité de citoyen. Tout étant devenu citoyen, il vous fallait des défenseurs citoyens; et au premier signal, on a vu cette garde nationale qui, rassemblée par le patriotisme, commandée par l’honneur, partout maintient ou ramène l’ordre, et veille avec un zèle infatigable à la sûreté de chacun, pour l’intérêt de tous. Des privilèges sans nombre, ennemis irréconciliables de tout bien, composaient tout notre droit public : ils sont détruits , et à la voix de | votre Assemblée, les provinces les plus jalouses J des leurs ont applaudi à leur chute : elles ont senti qu’elles s’enrichissaient de leur perte. Une féodalité vexatoire, si puissante encore dans ses derniers débris, couvrait la France entière : elle a disparu sans retour. Vous étiez soumis, dans les provinces, au régime d’une administration inquiétante ; vous en êtes affranchis. Des ordres arbitraires attentaient à la' liberté des citoyens ; ils sont anéantis. Vous vouliez une organisation complète des municipalités : elle vient de vous être donnée ; et la création de tous ces corps formés par vos suffrages, présente eu ce moment, dans toute la France, le spectacle le plus imposant. En même temps, l’Assemblée nationale a consommé l’ouvrage de la nouvelle division du royaume, qui seule pouvait effacer jusqu’aux dernières traces des anciens préjugés ; substituer à l’amour-propre de province l’amour véritable de la patrie ; asseoir les bases d’une bonne représentation et fixer à la fois les droits de chaque homme et de chaque canton, en raison de leurs rapports avec la chose publique : problème difficile, dont la solution était restée inconnue jusqu’à nos jours. Dès longtemps vous désiriez l’abolition de la vénalité des charges de magistrature : elle a été prononcée. — Vous éprouviez le besoin d’une réforme, du moins provisoire, des principaux vices du Gode criminel : elle a été décrétée, en attendant une réforme générale. De toutes les parties du royaume nous ont été adressées des plaintes, des demandes, des réclamations : nous y avons satisfait autant qu’il était en notre pouvoir. — La multitude des engagements publics effrayait : nous avons consacré les principes sur la foi qui leur est due. — Vous redoutiez le pouvoir des ministres : nous leur avons imposé la loi rassurante de la responsabilité. L’impôt de la gabelle vous était odieux : nous l’avons adouci d’abord, et nous vous en avons promis l’entière destruction ; car il ne nous suffit pas que les impôts soient indispensables pour les besoins publics ; il faut encore qu’ils soient justifiés par leur égalité, leur sagesse, leur douceur. Des pensions immodérées, prodiguées souvent à l’insu de votre Roi, vous ravissaient le fruit de vos labeurs ; uous avons jeté sur elles un premier regard sévère, et nous allons les renfermer dans les limites étroites d’une stricte justice. Enfin, les finances demandaient d’immenses réformes : secondés par le ministre qui a obtenu votre confiance , nous y avons travaillé sans relâche et bientôt vous ailez en jouir. Voilà notre ouvrage, Français, ou plutôt voilà le vôtre ; car nous ne sommes que vos organes, et c’est vous qui nous avez éclairés, encouragés, soutenus dans nos travaux. Quelle époque que celle à laquelle nous sommes enfin parvenus ! Quel honorable héritage vous allez transmettre à votre postérité ! Elevés au rang de citoyens, admissibjes à tous les emplois, censeurs éclairés de l’administration quand vous n’en serez pas les dépositaires, sûrs que tout se fait et par vous et pour vous, égaux devant la loi, libres d’agir, de parler, d’écrire, ne devant jamais compte aux hommes, toujours à la volonté commune; quelle plus belle condition ! Pourrait-il être encore un seul citoyen, vraiment digne de ce nom, qui osât tourner ses regards en arrière, qui voulût relever les débri3 dont nous sommes environnés, pour en recomposer l’ancien édifice !