[États gêri. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [Sénéchaussée d’Àix.f 351 utilement employés pour amortir une portion de la dette de l’Etat. Art. 8. Que les portions congrues des curés et des vicaires soient augmentées, que leurs logements ne soient point onéreux, et qu’on ne retranche point de leur modique revenu une trop forte contribution aux décimes, qui devraient être en entier à la charge des bénéficiaires oisifs et opulents. Art. 9. Ils réclameront contre l’ établissement actuel des bureaux des douanes dans l’intérieur du royaume, et demanderont que ces bureaux soient reculés aux frontières ; et là où il serait constaté que les besoins de l’Etat ne permettent point encore d’opposer cette utilité à la réforme, ils demanderont un tarif que chacun puisse se procurer et comprendre, et des règlements qui obvient aux abus et aux vexations du receveur et des employés contre les redevables. Art. 10. Ils demanderont une modération sur les droits du contrôle, insinuation et centième denier de ces impôts, qui met le plus grand obstacle à la circulation du numéraire, rend les mutations difficiles et souvent impossibles, et donne lieu à bien des fraudes; il est encore onéreux non-seulement par le droit additionné au tarif de 1722, mais bien davantage encore par la jurisprudence versatile qui est établie dans cette partie; ils insisteront sur la nécessité d’un nouveau tarif qui ne laisse rien à l’arbitraire. Art. 11. Qu’il soit nommé incessamment une commission pour travailler à la réformation des abus de l’administration de la justice civile et criminelle et pour que les sujets du Roi la puissent obtenir à moins de frais et dans le délai le plus court. Art. 12. Que l’administration économique des communautés soit simplifiée par de nouveaux règlements qui préviennent les abus, mais qui la dégage de cette foule d’entraves et de formalités et qui sont autant de pièges pour la plupart des administrateurs hors d’état de les comprendre et de s’y conformer. Art. 13. Pareillement les députés demanderont que les communautés et particuliers soient autorisés à se racheter des censes, pensions féodales, droits de lods et banalités des moulins et fours sains exception, en payant aux seigneurs directs dans chaque province ce qüi se paye d’usage en cas de remboursement volontaire, ou rachat de pareils droits. Art. 14. Pareillement la communauté demande avoir les usages qu’elle avait anciennement à la grande colline dite de Notre-Dame-des-Anges, de faire du bois, et autres usages cités dans la transaction passée entre les seigneurs de cedit lieu et la communauté. Art. 15. Enfin, que pour l’intérêt pressant dé la province entière , où la cherté excessive de la viande augmente journellement par le manque des bestiaux, et où l’engrais des terres est de la plus grande importance, les chèvres seront irrévocablement permises partout où elles ne peuvent nuire; . t , Art. 16. De plus les habitants décedit lieu demandent dé leur accorder la pêche et la chasse qui nous ravagent nos campagnes et donnent une pette considérable dans tous les endroits seigneuriaux , et si l’oii n’a pas égard à cette matière nous sommes obligés d’abandonner nos campagnes. ( . Art. 17. De demander que rassemblée’ de la sénéchaussée charge le député aux Etats généràux de parler contre la Constitution abusive des Etats de cette province et de réclamer les droits imprescriptibles des citoyens , de Provence d’être gouvernés par une' constitution légitime et vraiment représentative. Enfin les habitants de ce lieu ici assemblés autorisent leur député à donner à ceux du ressort de la sénéchaussée d’Aix, tels autres pouvoirs et instructions que l’intérêt général du royaume de France et du pays de Provence peut exiger et qui seront arrêtés dans ladite assemblée aux délibérations de laquelle ils se rapportent. Fait, lu, et arrêté àMimet, le 29 mars 1789, Rassemblée de tous les chefs de famille tenant, à été le présent cahier rédigé à double original, Signé par les assistants qui ont su, et a, de plus, été signé et paraphé ne varietur par le lieutenant de juge autorisant ladite assemblée ; un desdits originaux a été déposé au greffe et archives dé la communauté et l’autre remis au sieur Henri Barthélemy, bourgeois résidant en ce lieu. Signé J. Gajan, lieutenant de juge; Mauriri, consul ; CossannosVy ; Joseph ; Jourdan ; Barthélemy, député ; G. Bonnet ; Jean-Pierre Guei-don ; Philippe Etienne ; P. Vadon ; P. Gaidon ; J. Gàjan ; André Pally, greffier. CAHIER Des remontrances, plaintes, doléances, et instructions de la communauté de Mirabeau , délibérées dans le conseil général de ladite communauté, tenu le 28 mars 1789, en exécution des lettres de convocation de Sa Majesté, et règlements y annexés des24 janvier et 2 mars 1789, et de l'ordonnance de M. le lieutenant général en la sénéchaussée d’Aix, du 12 du présent mois de mars, pour être ledit cahier porté par les députés qui seront nommés dans ledit conseil général, à V assemblée de la sénéchaussée qui sera ténue à Aix le 2 avril prochain, lesquels députés coopéreront h la rédaction du cahier général de la sénéchaussée, et à la nomination des députés aux! Etats généraux (1) La précipitation avec laquelle la communauté est obligée de procéder à la rédaction du présent cahier ne lui permet que d’indiquer très-sommairement les abus sous lesquels elle gémit, et les moyens d’y remédier. Elle charge ses députés d’en faire le développement dans le cahier général, et de suppléer aux omissions.' , , ,s Gomme aussi de nommer pour député aux Etats généraux ceux qu’ils sauront en leur âme et conscience être plus en état par leur zèle, leur caractère, leurs talents, de stipuler dignement les intérêts de la nation. Auxquels députés sera donné des pouvoirs suffisants pour opérer le plus grand bien de l’Etat, et consolider la dette nationale. Constitution du royaume. Ils seront invités cependant à li’ac'côrdér les impôts qu’après la vérification de la recette et de la dépense annuelles de l’Etat, qu’après’ avOir reconnu l’étendue de la dette nationale, et qu’après avoir obtenu une constitution fixe et déterminée dont la base sera : 1° La Composition future des Etats généraux, la manière de les convoqüef-, la manière dé procéder à l'élection dés députés, leur Cetouf pé-, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empiré. 352 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] riodique, ou leur permanence, ou une commission intermédiaire d’une tenue à l’autre. 2° Qu’il ne pourra être fait aucune loi, mis aucun impôt, fait aucun emprunt, sans le consentement libre des Etats généraux. 3° Que tous les impôts quelconques, tant anciens que nouveaux, seront également répartis, et seront supportés par tous les ordres, par tous les individus, et sur tous les biens et revenus indistinctement ; que lesdits impôts ne pourront être consentis que pour un temps fixe, qui ne Eourra jamais excéder la prochaine tenue des tats généraux, et le terme expiré, tout impôt cessera, et nul ne pourra être contraint à payer ; que l’enregistrement des lois civiles et bursales consenties sera fait dans les administrations provinciales, et que cet enregistrement dans les tribunaux sera purement passif, et ne consistera qu’en la transcription dans les registres des greffes. 4° Que la liberté individuelle des citoyens soit garantie; en conséquence : Abolition absolue des lettres de cachet et de tous les ordres arbitraires ; punition grave contre les fauteurs et exécuteurs de pareils ordres. 5° La liberté indéfinie de la presse. 6° Que les ministres et tous les grands mandataires de l’autorité royale seront comptables et responsables de leur gestion aux Etats généraux, lesquels seront seuls juges des crimes de lèse-majesté, et de lèse-nation, ce qui, comprend les crimes d’Etat. 7° Enfin la détermination et la fixation des pouvoirs et de l’autorité des Etats généraux, et l’uniformité, autant qu'il sera possible, des administrations provinciales et des contributions des provinces. Il sera également recommandé aux Etals généraux de ne point souffrir que les députés du tiers soient avilis par des formes humiliantes, et d’obtenir qu’ils opinent et discutent leurs opinions dans la même forme que les députés des deux premiers ordres. 11 conviendrait même que les trois ordres ne fussent point séparés, et que les députés fussent classés, et siégeassent par provinces et par députations. Le Roi fixerait, celte année, la place de chaque province et de chaque députation, et à l’avenir on suivrait le tour de rôle pour la préséance. De cette manière, l’ordre des places serait un député du clergé, un député de la noblesse et deux députés du tiers-état et successivement, et on suivrait cet ordre pour recueillir les opinions, sauf aux députés de chaque ordre de s’assembler par chambre quand ils le jugeront nécessaire. Tous les maux qui accablent la France, la Provence et cette communauté en particulier, proviennent de notre législation civile et criminelle, de la manière d’asseoir l’impôt, et de le percevoir, de la richesse monstrueuse du clergé du premier ordre qui pèse sur les peuples, enfin des entraves et des vexations résultantes des droits seigneuriaux et féodaux qui sont la cause de la dépopulation des campagnes et de l’anéantissement de l’agriculture. Des lois. L’imperfection et les abus de nos lois civiles et criminelles sont trop connus pour qu’il soit nécessaire d’en faire l’énumération. Ils ont frappé l’âme bienfaisante de notre auguste monarque qui nous en promet la réforme. Les Etats généraux doivent s’occuper essentiellement de cet objet. Il serait à désirer que le nouveau code fût universel pour la France. On espère que le patriotisme des députés déterminera les petits attachements aux coutumes locales pour adopter un plan uniforme. Les nouveaux codes doivent être tels que chaque citoyen puisse connaître les lois de son pays, sans être obligé d’avoir recours à la funeste érudition des gens du palais, qui trouvent toujours des lois en contradiction, qui, à défaut de lois favorables à la cause qu’ils soutiennent, citent, pour détruire la loi positive, des actes de notoriété, des usages, des maximes, des jurisprudences, des règlements , des arrêts, l’opinion d’un commentateur, d’un Grec, d’un Romain, d’un Chinois, et qui, de cette manière, égarent et ruinent les clients. Qu’il ne soit rien laissé à l’arbitraire des juges, lesquels motiveront leurs jugements et en répondront; qu’il soit défendu de commenter la loi, ou de l’interpréter par les lois anciennes, mais que dans les cas non prévus, on soit tenu de se retirer par devers le Roi et les Etats généraux, pour qu’il soit fait article de lois à titre d’addition au Gode. Les députés aux Etats généraux doivent apporter la plus scrupuleuse attention à l’examen du nouveau code pénal, et de la nouvelle forme de procéder et déjuger en matière criminelle, annoncés par le gouvernement; autrement la liberté individuelle ne serait jamais suffisamment garantie, elle serait au contraire toujours illusoire, s’il existait l’ombre de l’arbitraire en matière criminelle. Code pénal. Ils doivent exiger que le nouveau code pénal soit adapté à la douceur de nos mœurs, que les peines soient proportionnées aux délits, que les peine-s infamantes, humiliantes et pécuniaires soient parfaitement distinguées. Procédure criminelle. Que nos formes criminelles, absurdes et atroces, qui font frémir les âmes sensibles, soient absolument abolies ; que l’honneur et la vie des citoyens ne soient plus livrés àl’arbitraire d’un seul homme, qui décerne, quand la fantaisie lui en prend, les décrets les plus graves pour les délits les plus légers. Que les informations soient faites publiquement, audience tenante, en présence de l’accusé, ou lui dûment appelé. Qu’il ne puisse être décerné de décret de prise de corps que pour les délits emportant peines afflictives, de décret d’assigner pour être ouï que pour les délits emportant peine humiliante, et un simple décret proposera un jugement pour les délits emportant peine pécuniaire, ou des réparations, sans que les décrets puissent être convertis faute d’y obéir. Que dans la huitaine d’un décret de prise de corps ou d’ajournement décerné, les juges soient tenus d’appeler douze jurés pris dans l’ordre de l’accusé pour décider, s’il y a lieu au décret, et, dans le cas de négative, que l’accusé ne puisse être emprisonné ou qu’il soit élargi, ou qu’il ne soit point suspendu dans ses fonctions publiques, à peine, par les juges, d’être pris à partie pour les dommages-intérêts de l’accusé. Qu’en définitive, les juges ne puissent faire que l’application de la loi quand l’accusé aura été déclaré coupable par l’unanimité de douze jurés choisis dans l’ordre de l’accusé. 353 [Elats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] Que la partie publique puisse être poursuivie pour fausse accusation. Que les faux témoins subissent la peine qu’aurait supportée l’accusé, si ta déposition eût été vraie. Vénalité des charges. La vénalité des charges de judicature, qui fournit les moyens à l’incapacité et à l’ignorance d’acheter le droit terrible de décider impunément de la fortune, de l’honneur et de la vie des hommes, est sans contredit, un des plus grands abus qui doivent fixer la sollicitude paternelle de Sa Majesté et l’attention des Etats généraux. On doit s’occuper à découvrir les moyens les plus prompts et les plus efficaces pour rembourser progressivement les titulaires des offices sur le pied de la finance primitive, en commençant par cette multiplicité de tribunaux d’exception qui se font perpétuellement la guerre pour le titre de compétence , pour s’attribuer la gloire et le profit de dépouiller les plaideurs. La création d’une banque nationale ; les fonds qui proviendront de la vente des biens du clergé, I extinction progressive des rentes viagères, lorsqu’on aura établi l’équilibre entre la recette et la dépense, sont des ressources qu’on peut appliquer à cet objet. Tribunaux. Désormais, il ne devrait y avoir dans chaque province ou dans chaque arrondissement d’administration provinciale, que trois sortes de tribunaux ; savoir : Les tribunaux à locaux qui siégeraient dans le principal lieu d’un arrondissement, et deux ou trois lieues au plus, où plaideraient en première instance toutes les paroisses de l’arrondissement et qui jugeraient en dernier ressort les causes légères ; Les bailliages ou sénéchaussées, dont la composition sera déterminée, qui jugeraient également en dernier ressort jusqu’à concurrence d’une certaine somme. . Enfin, une cour supérieure qui jugerait souverainement, et qui serait composé de trente juges, moitié de l’ordre de la noblesse, et moitié de l’ordre du tiers-état. Des juges. Tous les juges seraient nommés par le Roi, sur la présentation qui lui serait faite de trois sujets pour chaque place. Les sujets seraient phoi�is, pour les tribunaux locaux, par une assemblée des députés des paroisses de l’arrondissement ; pour les bailliages ou sénéchaussées, par une assemblée des députés des villes et paroisses du ressort, et, pour la cour supérieure, par les Etats ou assemblées provinciales légalement constituées. Les juges seraient à vie, et ne pourraient être déplacés que pour prévarication. La prévarication serait jugée par les justiciables dans les assemblées ci-dessus. La justice serait rendue gratis, et les juges seraient appointés par la province à la décharge du trésor royal. Des impôts. La manière de percevoir l’impôt en Provence tient plus à la constitution particulière de la pro-lre Série, T. VI. vince qu’au système fiscal delaFrance en générai, et sans contredit, sauf les exemptions pécuniaires du clergé et delà noblesse (exemptions expirantes, et avec elles le droit de compensation qui n’est connu qu’en Provence), le mode provençal est le moins mauvais de tous; cependant il a des inconvénients tellement grands que la communauté demande une réforme entière. Les députés aux Etats généraux examineront si cette réforme doit se faire dans les Etats généraux, ou bien dans l’assemblée générale des trois ordres de la province, dont la communauté persiste à demander la convocation, pour qu’il y soit adopté la constitution générale des provinces de France qui pourrait être faite dans les Etats généraux, autant qu’elle pourrait s’adapter à notre local. Les députés de la communauté expliqueront dans le cahier général ce que c’est que l’affoua-gement, l’afflorinement et les cadastres qui sont les bases de l’assiette de l’impôt en Provence. Ils démontreront combien les opérations d’af-fouagement, d’afflorinement et des cadastres sont imparfaites, soit par l’ignorance des experts qui y procèdent, soit parce que ces experts peuvent i'aire des faveurs qui aggravent pour des siècles la charge des non favorisés; combien elles sont insuffisantes, même injustes, en supposant à ces opérations toute la perfection possible, puisque l’estime des terrains et des propriétés particulières est faite sur le pied de la valeur des fonds au moment de l’opération, et que les fonds changent de nature, surtout en Provence, dans un très-court espace de temps, soit par la mortalité des oliviers, soit par les emportements des rivières, des torrents, les engravements, etc. Ces changements sont bien plus frappants dans les propriétés particulières.. Une terre inculte devient un champ fertile, une terre fertile devient .inculte entre les mains d’un mauvais fermier, d’un mauvais administratèur de pupilles; cependant le champ fertile ne paye rien, ou très-peu, la terre inculte paye comme si elle était en valeur. Les pupilles sont hors d’état de payer la taille, le trésorier les dépouille de leurs propiétés dont la valeur réelle suffit à peine pour payer quelques années de taille. Si la vérité avait besoin de démonstration, la communauté puiserait dans son seul cadastre une foule effrayante de ces disparités de contribution. L’affouagement, l’afflorinement et les cadastres doivent donc être supprimés; les cadastres subsisteront seulement pour mémoire et pour l’estime des bâtiments et des enclos, et seront recopiés dans chaque communauté quand ils seront trop chargés de temps. D’ailleurs les exemptions pécuniaires du clergé et de la noblesse étant déjà abolies par la force de l’opinion, par la renonciation généreuse et volontaire des deux premiers ordres de la plus grande partie des provinces, renonciation dont M. le comte de Mirabeau, que cette communauté a le bonheur d’avoir pour seigneur, a donné l’exemple à tous les autres possédants fiefs de cette province, il ne doit plus exister de distinction dans les contributions, et le seul moyen de les rendre parfaitement égales, c’est de les percevoir en fruits sur tous les biens indistinctement. La communauté désire donc qu’à l’avenir on adopte l’impôt territorial pour subvenir aux charges royales, provinciales et locales de chaque communauté; cette perception est la seule juste et qui soit éternellement équitable, puisque chacun 23 354 [États gén. 1789 Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.j ne pourra payer que dans une juste proportion de sa récolte. Aucunes terres, aucuns revenus ne seront exempts; aussitôt l’impôt territorial établi, les dîmes, tasques, champarts ne seront perçus qu’a-près l’impôt, territorial prélevé. La proportion de l’impôt sera retenue par les redevables sur les cens, fixes, pensions féodales, droits de feux, droits de lods ; elle sera également déduite sur le taux des banalités, elle sera également retenue sur les rentes constituées nonobstant toutes clauses contraires. Lorsque les communautés auront fait le tableau de leurs charges, elles mettront l’impôt en fruits de, leurs terroirs aux enchères au rabais; au bout de quelques années, le prix et le taux des fermes des communautés seront le thermomètre certain de la richesse territoriale de chacune ; alors on reconnaîtra si la répartition esC équitablement faite, alors on reconnaîtra combien l’affouage-ment est juste. Les fermes des communautés seront adjugées publiquement et sans frais par les consuls en présence des chefs de viguerie. L’usage coûteux, superflu et abusif de faire homologuer par les tribunaux les délibérations et les fermes des communautés doit être abrogé. Si l’on croit devoir conserver en certains cas l’usage de l’homologation, elle sera faite sans frais par les Etats, tuteurs naturels des communautés, ou par la commission intermédiaire. Le fermier de la communauté acquitterait les mandats et verserait à ses frais dans la caisse de la province, ou dans celle de la viguerie. Les impositions étant communes, il n’y aurait qu’un seul trésorier pour la province qui verserait directement au trésor royal. La communauté fait des voeux bien sincères pour que les provinces d’élection admettent le même régime, et se rédiment des tailles personnelles et des impôts qui se perçoivent à l’exercice, et qui son t à perpétuité des vexations ; dès lors les finances de France seraient bien simplifiées et la nation économiserait des frais immenses de régie. La communauté espère que ce sera dans les Etats généraux prochains que s’opérera enfin la suppression, depuis si longtemps annoncée, des douanes intérieures qui gênent le commerce et exposent les voyageurs à des insultes et à des vexations de tout genre de la part des préposés du fisc. On doit aussi ohtenir la suppression de la régie du droit sur les . cuirs, régie de très-peu d’objet, dont les frais absorbent une grande partie du produit, et qui cependant a presque entièrement détruit le commerce des tanneries en France. Les abus de �perception des droits de contrôle, d’insinuation et de centième denier qui exposent les paisibles propriétaires à des recherches pendant longues années, quoiqu’ils aient acquitté de bonne foi les droits exigés, ne doivent pas échapper aux Etats généraux, et on doit s’occuper des moyens d’adoucir ce genre d’impôt qui gêne les mutations, ruine les particuliers, et renchérit l’administration de la justice. Quant à la gabelle dont le fardeau est accablant, si les Etats généraux ne trouvent pas des moyens de remplacer son produit dans ce moment de crise, qu’on adopte le plan de M. Necker pour que le sel soit à un prix approchant uniforme dans le royaume, et que la contrebande d’une province à l’autre soit détruite. Le bienfait de la suppression des douanes intérieures serait incomplet si dès armées d’employés des fermes gardaient encore les lisières de chaque province. Le patriotisme qui anime dans ce moment tous les Français, fait espérer que les provinces franches ou rédimées s’empresseront de consentir à cet arrangement, dût-on les indemniser sur d’autres contributions. La Provence est une de ces province franches, elle donne l’exemple du dévouement au bien général ;, elle demande en outre la suppression des francs-salés. Dans tous les cas le code affreux des gabelles doit être abrogé, aussi bien que les tribunaux effrayants appelés vulgairement mais énergiquement chambres ardentes ; l’action de l’adjudicataire de la ferme pour fraude ou contrebande doit être purement civile. Du clergé. De tous les abus qui existent en France, le plus affligeant pour le peuple, le plus désespérant pour les pauvres, c’est la richesse immense, l’oisiveté, les exemptions, le luxe inouï du haut clergé. Ges richesses sont composées en grande partie de la Sueur des peuples sur lesquels le clergé perçoit un impôt affeux sous le nom de dîme, qui absorbe tous les dix ans au profit d’illustres fainéants la totalité des revenus territoriaux du royaume. Les peuples n’ignorent pas que ces dîmes ont été accordées ou ont été usurpées sous le prétexte du service des autels, de l’entretien des presbytères, des églises, du soulagement des pauvres. Cependant le haut clergé fait faire le service des autels par des gens gagés qu’ils appellent bas clergé; ce bas clergé est composé des vrais pasteurs, chargés de l’emploi honorable d’instruire et de consoler, seuls membres utiles qui sont réduits à la misère par la parcimonie des magnifiques et inutiles potentats de leur ordre. Les églises, les presbytères, les cimetières sont à la charge des communautés qui cependant payent toujours la dîme. Les fidèles sont obligés de payer les baptêmes, les mariages, les enterrements sans diminution de la dîme. Les pauvres ne sont point soulagés, mais ils payent la dîme. il est donc évident qu’il y a double emploi, que la dîme ne remplit pas l’objet de la concession, ou de l’usurpation, et que les communautés seraient fondées à les refuser, à la charge par elles de payer leurs prêtres et d’acquitter les autres charges dont sont tenus les décimateurs. Le terroir de Mirabeau est pillé par trois décimateurs qui se partagent annuellement plus de 4,000 livres, charges payées, et les pauvres n’ont jamais la plus petite rétribution sur cette somme prodigieuse relativement au sol ingrat et circonscrit de cette paroisse. L’une des dîmes se perçoit en gerbes autreizain et apppartient à des moines de Villeneuve-les-Avignon, qui n’ont autre chose à acquitter que 60 livres pour faire dire une messe chaque di-manche, depuis le 3 mai jusqu’au 14 septembre de chaque année, dans june chapelle rurale, appelée la Donne , qui tombe en ruine. Il arrive le plus souvent qu’on ne dit pas cette messe. Les moines gardent les 60 livres, mais ils ne restituent pas la dîme. La communauté demande avec instance que cette dîme soit supprimée. Cette suppression n’attente à la propriété de personne, puisque l’objet pour lequel on pave la dîme n’est point rempli. L’autre dîme se perçoit également en gerbes au treizain, elle appartient au séminaire d’Aix qui a plus de 30,000 livres de rente dont personne [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Àix.] 355 ne connaît l’emploi. Cette dîme est affermée 1,800 livres, et le séminaire n’a autre charge à payer que 120 livres pour faire dire tous les dimanches, parle vicaire de la paroisse, une messe dans une chapelle rurale fort mal entretenue appelée Saint-Michel, et 72 livres pour faire administrer les sacrements par le curé de Mirabeau, ou pour lui tenir lieu de novales. Voilà encore une dîme dont l’objet n’est point rempli. Elle devrait appartenir à un prieur qui ferait le service, qui consommerait ses revenus dans le lieu, qui ferait des aumônes. Il a plu à monseigneur l’archevêque de Brancas de supprimer ce prieuré et de le réunir au séminaire d’Aix qui n’en a pas besoin, puisqu’il s’en était toujours passé avant la réunion. L’intérêt d’un peuple souffrant doit l’emporter' sur les arrangements de fantaisie et commodité d’un archevêque qui est mort, et la communauté demande que cette dîme soit supprimée sur-le-champ. Et dans le cas où l’on suspendrait cette suppression légitime que la communauté réclame toujours, que la dîme soit réduite sur-le-champ au vingtième, et qu’elle se perçoive en grain, et non en gerbes. Cette réduction doit avoir lieu dans toutes les parties du royaume où la dîme est plus forte que le vingtième, en attendant la suppression totale des dîmes à fur et à mesure du décès des décima-teurs actuels, et il sera tpris des arrangements convenables pour la suppression des dîmes appartenantes à des corps ou communautés. La troisième dîme produit 2,900 livres au chanoine, le curé payé. Sur cette somme le chanoine paye au vicaire la somme importante de 350 livres par an; 98 livres pour prêcher le carême, et 25 livres à la communauté qui, moyennant cette modique somme, est obligée d’entretenir dignement les ornements de la sacristie. Gomme la communauté est bien élo'ignée de vouloir attenter à la propriété, ou à l’usufruit de qui que ce soit, elle ne demande la suppression de cette dîme qu’après le décès du titulaire actuel. En attendant elle demandela réduction au vingtième de la dîme sur le chanvre. Toutes ces suppressions opérées, la communauté demeurera chargée d’acquitter tous les objets qui sont maintenant à la charge des décirna-teurs, elle ne réduira pas les prêtres à la misère. Elle payera 1,300 livres annuellement à son curé et 750 livres à son vicaire, qui dès lors feront tous les baptêmes, les mariages, et les enterrements gratis, et ne pourront rien prétendre pour novales, ou autrement. En attendant la suppression des dîmes, elles ne seront perçues qu’après l’impôt territorial prélevé. La portion congrue des prêtres desservant les paroisses des campagnes doit être fixée à compter du 1er janvier 1790 : dans les paroisses de cent feux et au-dessous, à 1,200 livres pour les curés et 700 livres pour les vicaires; dans les paroisses au-dessus de cent feux, à 1,300 livres pour les curés et 750 livres pour les vicaires; dans les paroisses au-dessus de deux cents feux, à 1,400 livres pour les curés et 800 livres pour les vicaires, et ainsi de suite. Et afin que les curés soient toujours citoyens et toujours intéressés à la chose publique, il sera fait sur leur portion congrue une retenue proportionnelle à l’impôt terriioriai qui se percevra dans leurs paroisses. La communauté désire que les Etats généraux s’occupent de la manière de procéder à la vente des terres, fiefs et biens-fonds, dépendant des abbayes, bénéfices et évêchés ou archevêchés qiii vaqueront par le décès des titulaires actuels, pour les fonds en provenant être en premier lieu acquittés au prorata de la dette du clergé, en second lieu fait fonds : 1° Pour les appointements d’un seul chapitre dans chaque métropole, qui sera composé des curés que l’évêque ou l’archevêque choisira parmi ceux de son diocèse qui auront desservi les paroisses au moins dix ans ; 2° Pour les pensions de retraite des vieuxprêtres, lesquels ne pourront résigner, la nomination aux cures devant désormais appartenir à l’évêque ou à l’archevêque, sur la présentation qui lui sera faite de trois sujets par les paroissiens dont la cure sera vacante ; 3° Pour l’entretien des séminaires oü hôpitaux ; 4° Pour les appointements des évêques et archevêques, suivant l’importance de leur diocèse. Et le surplus des fonds être employé à acquitter la dette nationale. Ges détails doivent naturellement appartenir aux Etats provinciaux qui opéreront sur un plan uniforme. La communauté terminera cet article en invitant les Etats généraux à demander : 1° La suppression de toute rétribution à la coür de Rome à titre de bulles, dispenses, annatés, ou à tel autre titre que ce puisse être. 2° Que le primat des Gaules, ou l’archevêque de Paris, à titre de patriarche de l’Eglise gallicane, connaisse à l’avenir de toutes les affaires ci-devant portées en cour de Rome, moyennant une taxe modique suffisante seulement pour indemniser des frais des bureaux. 3° Que les évêques ou archevêques connaissent des dispenses au quatrième et au troisième degrés. 4° Que dans le cas ou il s’élèverait des questions de dogme, le pape soit respectueusement consulté par l’Eglise gallicane, qui aura tel égard que de raison à l’avis du saint-père. 5° Que les juridictions ecclésiastiques soient supprimées; et que les juges ordinaires connaissent des matières ci-devant attribuées aux offi-cialités. 6° Enfin qu’il soit avisé aux moyens les plus efficaces pour la réunion du Comtat Venaissin à la Provence, cet Etat séparé nécessitant dans le centre de la province des douanes et des gênes qui obstruent le commerce. Droits seigneuriaux et féodaux. Si la communauté de Mirabeau pouvait se flatter d’avoir toujours pour seigneurs des Riquetti tels que l’ami des hommes, tels que M. le comte de Mirabeau, l’ami du peuple, dont le nom sera toujours cher à la nation provençale et en particulier à cette communauté, qui n’oubliera jamais qu il a été le seul dans son ordre qui ait plaidé la cause du tiers-état, et qui ait eu le courage et la fermeté de le défendre contre les usurpations et la tyrannie des deux premiers ordres, elle n’é-levèrait pas sa voix pour obtenir des Etats généraux l’abolition des droits féodaux onéreux à ses habitants, elle l’attendrait de la bienfaisance seule de l’ami des hommes et de l’ami du peuple, mais il est question d’une régénération générale: la communauté y joint son vœu; elle exposera les vexations auxquelles les droits seigneuriaux exposent les habitants des campagnes. Si les habitants de Mirabeau y sont exposés quelquefois, c’est au régime féodal qu’il faut s’en prendre, et la confiance de la communauté en son seigneur est telle qu’elle est persuadée que la tyrannie cfe 356 (Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix. la féodalité ne sera jamais mieux démontrée et combattue que par lui-même. Du droit de compensation. La communauté ne parle de ce droit ridicule qui n’existera plus, que pour qu’il soit fait mention, dans le cahier général, des abus qu’il entraînait, et des procès sans nombre qu’il faisait naître entre les seigneurs et les communautés. Du retrait féodal. Les Etats généraux insisteront pour l’abolition de ce droit tyrannique qui expose pendant trente années un acquéreur à être dépouillé, d’où il suit que pendant trente années, il ne se livre à aucune amélioration ; d’où anéantissement de l’agriculture. Ce n’est point un droit utile entre les mains d’un seigneur équitable, il ne l’a jamais été sûrement entre les mains des Riquetti. On n’attente donc point à la propriété en demandant la suppression d’un droit qui n’est ni honorifique ni profitable à celui qui l’exerce, qui est attentatoire à la propriété de celui contre qui on l’exerce et préjudiciable en même temps à l’agriculture et à la population. Aucun possédant fief honnête n’osera avancer qu’il est utile; car si un seigneur en voulait faire un objet de profit, ce serait dès lors le droit le plus exécrable. Ce droit ne peut porter profit, qu’autant qu’on dépouillerait un acquéreur qui aurait fait un marché avantageux, ou bien un acquéreur dont le fonds serait augmenté, ou par des améliorations dont on ne lui ferait plus compte, ou par le laps du temps, ou bien qu’on céderait ce droit à prix d’argent. Dans ces trois cas ce serait une injustice abominable. Dira-t-on que le retrait féodal est établi pour que les seigneurs n’aient pas des vassaux malgré eux ? dès lors il contrarie la liberté individuelle, dont le droit d’aller et habiter où l’on veut fait partie. La liberté individuelle est réclamée par tous les ordres. Quelques possédants fiefs de mauvaise humeur ne forceront certainement pas les trois ordres à renoncer à cette liberté précieuse pour conserver le droit d’expulser de sa propriété un citoyen qui déplairait à leurs gens d’affaires; d’ailleurs, l’objection est puérile, personne n’ignore que lés seigneurs ont mille moyens pour forcer à déguerpir le vassal qui leur dépaît. La communauté n’ignore pas que le retrait féodal est une source de vexations de tous genres, elle se félicite de ne pas en connaître tous les replis, mais elle ne doute pas que cet article ne soit entièrement développé dans les cahiers de beaucoup de communautés. Du droit de lods. Le droit de lods se perçoit dans cette communauté au sixième du prix de la vente. C’est le taux presque général en Provence. Si les seigneurs voulaient l’exiger en plein, il n’y aurait jamais de mutation. Aussi leur propre intérêt les force à adoucir ce droit accablant, et il ne le perçoivent qu’au dix, au douze, et souvent beaucoup moins. Pourquoi les seigneurs ne le fixent-ils donc pas irrévocablement à un taux raisonnable? Ils y gagneraient par la plus grande quantité de mutations. La raison est que les acquéreurs sont obligés de venir se soumettre au seigneur, ou à ses gens d’affaires , pour obtenir des remises, qu’on fait plus ou moins considérables , on obtient des hommages forcés, et on a deux poids et deux mesures; ou bien on empêche la vente : le vendeur mal à l’aise ou absent néglige le bien, tandis que l’acquéreur l’aurait mis en.valeur, et toujours l’agriculture est oppressée. Des droits de feux. Chaque habitant de Mirabeau ayant feu, riche ou pauvre, doit annuellement au seigneur deux panaux et demi blé pesant 60 livres poids de marc ; beaucoup de communautés sont sujettes à des droits semblables : des journaliers qui n’ont que leurs bras pour vivre, ou un très-petit bien sont hors d’état de payer. Ils sont exécutés par les fermiers du seigneur; ils déguerpissent, vont habiter les lieux francs de pareils droits, les campagnes se dépeuplent, les villes regorgent d’habitants et de mendiants, et l’on cherche la cause du dépérisse-sement de l’agriculture. Des banalités. Les moulins à farine et à huiles de Mirabeau sont banaux; le droit de mouture est au vingtième; dans beaucoup de paroisses, il est plus onéreux. Les banalités nuisent au commerce des farines, sont matière de vexation, et pèsent notamment sur le pauvre, qui, n’ayant-pas de quoi acheter un sac de grain, aurait bien de quoi acheter quelques livres de pain chez le boulanger du lieu voisin ; mais le droit de banalité l’exposerait à la confiscation du pain, et à une amende considérable. Il n’y a point de boulanger dans le village sujet à ia banalité, ou il y en a un qui fait de mauvais pain ; les habitants ne peuvent dans aucun cas envoyer acheter du pain dans les lieux circonvoisins sous peine d’amende et de confiscation. lis sont obligés de faire eux-mêmes leur pain, n’eussent-ils pas de four pour le faire cuire. Le moulin banal manque d’eau. Un malheureux qui emprunte le pain depuis quelques jours vient enfin de gagner un sac de grain après lequel sa famille soupire; il est obligé d’aller exposer ce sac pendant trois jours dans le moulin; au bout de ce temps seulement il lui est permis de le portera un autre moulin. Un seigneur a un mauvais moulin, un mauvais meûnier qui gâte les farines, qui vole le grain. Lé malheureux paysan est obligé de voir gâter sa farine, de se voir voler, sans oser même se plaindre. Et voilà ce que quelques possédants fiefs appellent un droit sacré de propriété, qu’ils défendent au péril de leur vie, aussi bien que leurs exemptions pécuniaires. On respectera cette horrible propriété, si le Roi et les Etats généraux décident qu’elle est respectable ; mais qu’on renonce pour toujours à l’espoir de peupler les campagnes et de faire fleurir l’agriculture. Ce qu’on vient de dire de la banalité des moulins à blé s’applique à la banalité des fours, à la banalité des pressoirs qui empêchent de vendre ses raisins à qui l’on veut, à la banalité des moulins à huile qui empêchent le commerce des olives, commerce très-important en Provence. Pour remédier aux inconvénients des droits de lods et des droits de feux sans attenter à la pro- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 357 priété, il suffit d’autoriser les communautés d’habitants, à abonner ses droits avec les seigneurs, moyennant une pension féodale en argent ou en grains. Les administrations provinciales légalement constituées, ou les commissions intermédiaires seraient les arbitres de ces abonnements, dans lesquels on aurait égard aux non-valeurs, à la . remise que l’on fait ordinairement sur les lods et aux frais de perception. Ces pensions féodales seraient à toujours rachetables. Si l’abominable propriété des banalités doit être respectée, les communautés d’habitants doivent à toujours être autorisées à le racheter ; les mêmes arbitres fixeraient le prix du rachat, qui serait bien peu conséquent dans les paroisses où les seigneurs sont seuls propriétaires des eaux, où nul n’aurait un local pour faire construire un moulin, etc. Ce ne serait que le rachat du droit d’être fixé qu’on payerait. Des cens. Quant aux cens, tasques ou champarts universels dans un terroir circonscrit, les communautés doivent également être autorisées à les abonner. Et quant aux cens particuliers, les propriétaires doivent être autorisés à les rembourser sur le pied du denier 40 ; jusque-là les campagnes seront toujours désertes. Des justices seigneuriales. Les justices seigneuriales ne sont pas le moindre dès abus de la féodalité. On est étonné que quelques possédants fiefs veulent les conserver, car elles sont à charge aux seigneurs, malgré qu’ils ne remplissent pas les obligations auxquelles ils sont assujettis. La plupart des seigneurs n’ont ni auditoires ni prisons, ou ils ont des auditoires dégoûtants, des prisons malsaines, et qui ne sont pas sûres; aucun n’a de geôlier. Tous leurs officiers de justice sont ignorants, et savent à peine lire et écrire; s'ils sont un peu instruits, ce sont des petits tyrans plus redoutables que le seigneur. Il est défendu aux seigneurs d’administrer la justice eux-mêmes, et dans le fait, ils la rendent eux-mêmes, et ce qui est bien pire, leurs gens d’affaires la rendent, caries officiers de justice du village ne sont que des machines que le seigneur ou son agent font mouvoir à leur gré. De là résulte la partialité des jugements, une multiplicité de procédures criminelles, de décrets, de prise de corps pour les causes les plus légères, procédures, décrets ignorés, que le plus souvent on laisse au greffe, pour s’en faire des armes terribles sous le nom de procureur fiscal, contre ceux-là, qui au bout de dix ans, de quinze ans, sont devenus pères de famille, administrateurs de la communauté, et qui osent ne pas être, dans les assemblées municipales, du parti du seigneur, qui, le plus souvent, exige une chose injuste. Les vexations de tout genre résultantes des juridictions seigneuriales seront suffisamment déduites dans les autres cahiers; la communauté se borne à exprimerici son vœu pour la suppression absolue de ces juridictions, et pour l’établissement des tribunaux royaux d’arrondissement dont il a été ci-devant parlé. Dès lors les consuls autoriseront les conseils des communautés et seront chargés de la police, à l’instar des consuls des villes. Mais dans les villages, les consuls n’auront point juridiction de police. Les greffiers des communautés recevront les dénonces et autres actes extrajudicaires qui étaient de la compétence des greffiers, des juridictions seigneuriales. Il sera élu tous les trois ans, dans l’assemblée des députés de l’arrondissement, un juge de paix domicilié dans l’arrondissement, qui sera chargé d’inspecter toutes les paroisses, de vérifier si les consuls ont fait la police, de la faire lui-même, de visiter les poids et mesures en compagnie des consuls, de recevoir les plaintes, etc. Ces juges de paix jugeront souverainement, avec l’assistance des consuls du lieu où ils se trouveront en tournée, les faits de petite police. Ils pourront également arbitrer et sans frais les différends que les habitants voudront leur soumettre. Delà chasse. Quant à la chasse, pour remédier à la dévastation des campagnes par le gibier trop abondant, la communauté demande que tout citoyen ayant des propriétés foncières pour 15,000 livres puisse chasser dans ses propriétés, sans préjudice d’un règlement général et précis que la communauté réclame sur le port des armes à feu, qui ne pourra être prohibé aux citoyens dont l’état et la fortune ne permettent pas de soupçonner qu’ils puissent en abuser. Que les contraventions pour faits de chasse de la part de ceux qui auront droit de port d’armes, ne puissent être poursuivies qu’au civil. Qu’il en soit de même contre ceux qui n’auront point droit de port d’armes, et qui auront contrevenu, sans s’être servis d’armes à feu. Du ban des troupeaux. La communauté terminera ce cahier en dénonçant au gouvernement et aux Etats généraux la vraie cause de la dépopulation des troupeaux, d’où résulte le défaut d’engrais des terres, le prix excessif de la viande de mouton, seule viande de boucherie en Provence, et le prix excessif des laines d’où résulterait bientôt l’anéantissement de nos fabriques nationales. Toutes les communautés de Provence ont des règlements généraux ou particuliers qui condamnent les propriétaires des troupeaux qui ont causé du dommage à payer le double ou le quadruple du dommage plus une amende de 3 sous, et quelquefois plus par bête à laine, plus une amende particulière contre le berger. Tout homme ou femme peut dénoncer et est cru à son serment. Il n’appartient qu’un tiers de l’amende au dénonciateur, quelquefois il ne lui en appartient aucune partie ; l’amende est pour le seigneur ou pour la communauté. Il résulte de ces règlements que les propriétaires des troupeaux sont perpétuellement rançonnés à tort ou à droit. Il arrive journellement qu’on les dénonce pour avoir passé dans des terres incultes ou en chaume, où l’on ne peut causer aucun dommage, mais on exige l’amende. On les dénonce pour un dommage peu important , souvent n’excédant pas 1 sou , mais l’amende est due. Les frais de dénonce, de rapport, d’estime sont coûteux, et sont à la charge du dénoncé ; qu’arrive-t-il? que les propriétaires des troupeaux payent perpétuellement et par accommodement des sommes très-fortes pour des dommages, ou 358 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVE» PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.1 qui n’existent pas* ou qui sont peu importants, pour empêcher une dénonce qui entraînerait une amende qui n’appartiendrait pas au dénonciateur et des frais qui seraient frustrés pour tous. Dans quelques communautés il existe des règlements encore plus absurdes et plus vexatoires, qu'on appelle reglement des plus proches. Celui qui a un dommage, tel modique qu’il puisse être, a droit de le faire payer au propriétaire du premier troupeau qu’il aperçoit. On conçoit qu’il n’aperçoit que le troupeau qu’il veut apercevoir; on fait estimer le dommage, l’opération coûte 12 à 15 livres, le dommage ne fût-il estimé que 3 sous. Pour éviter ces frais énormes on transige avec le dénonciateur au prix que celui-là exige, et il exige toujours en proportion des frais qu’il aurait droit de faire. Cet accommodement est verbal, et le même dénonciateur peut en faire un autre, ou dénoncer le troupeau qui succède. Ces vexations, qui se répètent tous les jours, ruinent ou dépitent les propriétaires qui se défont de leurs troupeaux. De là la rareté de l’espèce. Il est de fait que dans les lieux où les règlements de plus proches sont en vigueur, il n’y a presque plus de troupeaux. Ii y a un moyen très-simple de remédier à cette destruction des troupeaux : c’est d’abroger tous les règlements de plus proche, tous les articles des règlements municipaux qui prononcent des peines contre les troupeaux, d’assujettir les communautés à gager leurs estimateurs, pour faire gratis le rapport des dommages causés par les troupeaux, d’affranchir du droit de contrôle les dénonces, les rapports et les significations, d’ordonner qu’on ne puisse dénoncer les troupeaux trouvés dans les terres non endommageables, telles que les chaumes, les guérets, les terres incultes, que les propriétaires des troupeaux ne puissent être obligés de payer que le double du dommage fait de jour, et le quadruple fait de nuit ; bientôt on verra les troupeaux se propager, les campagnes se fertiliser, sans qu’il soit nécessaire que le gouvernement accorde des encouragements. . La communauté demande encore que les colombiers soient fermés dans la saison des semailles du chanvre et des haricots, c’est-à-dire depuis le 15 avril jusqu’au 31 mai, et que les communautés soient exemptées de payer les subdélégués et les cavaliers de maréchaussée lors du tirage de la milice, la province ayant abonné les frais de milice. Signé Pardigon, consul; Daumas, consul; Grenier; Gastaud ; Pelotier;Laney; Pardigon ; Garcin; Alard; Bocamus fils; Mathieu; Chanu; Boyère; Daumas; Baruel; Royère; Mathieu, greffier. Le présent cahier a été par nous, lieutenant de juge, viguier soussigné, coté par première et dernière page et paraphé ne varietur, lequel a été remis en notre présence aux députés de ce lieu de Mirabeau, à Mirabeau, ce 28 mars 1789. Signé Gastaud,; lieutenant de juge, viguier. CAHIER Des doléances que présente à Sa Majesté la petite, mais très-zelée , très-fidèle et très-respectueuse communauté de Miramas (1). Sire, La communauté de Miramas, accablée sous le (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. poids des impositions, grevée d’un nombre considérable de redevances seigneuriales, gémissant sur la mortalité d’une partie de ses oliviers, mais encore plus vivement affectée du désordre qui règne dans les finances de l’Etat, vient se jeter dans les bras paternels de Votre Majesté, pour lui offrir le modique reste de ses biens, et, s’il le faut, la vie même de tous ses habitants assemblés par vos ordres pour lui remontrer, aviser et consentir à tout ce qui peut concerner les besoins du royaume et la réforme des abus, l’aider à surmonter toutes les difficultés qu’elle a essuyées jusqu’à ce jour relativement à l’état de ses finances; nous donnant en conséquence sa parole royale qu'il écoutera favorablement nos plaintes, et qu’il pourvoira sur les doléances et propositions que la communauté aura à lui faire, de manière que tous ses sujets ressentent pour toujours les effets salutaires de sa bienveillance, et c’est pour concourir à des vues si bienfaisantes que cette communauté ose lui proposer très-respectueusement ; Art. 1er. La réformation du code civil et criminel, et que la justice soit rendue gratuitement sur les lieux à tous ses sujets. La suppression de la vénalité des charges. Le remboursement de ces mêmes charges comme une dette pressante qui pèse sur le peuple. La modération dans les droits de greffe, papier timbré, parchemin et sceau. L’abolition des expéditions grossoyées. La promptitude dans la distribution de la justice, et généralement tout ce qui y a rapport. La suppression des tribunaux existants, leur conversion ou érection en divers bailliages. Etablissement des tribunaux supérieurs placés à la portée de tous les justiciables de cette province. Art. 2. L’exercice de la police attribué à la mairie de chaque communauté, ainsi que le droit aux consuls d’autoriser les assemblées municipales. Art. 3. Que chacun soit jugé par ses pairs, et que dans les affaires des communautés contre un seigneur, le tribunal soit mi-partie de nobles et de roturiers, même de celles qui sont de la compétence de Fofficialité. Art. 4. Que dans les affaires criminelles, la procédure soit prise publiquement au vu et su de l’accusé, avec permission d’avoir un conseil pour se défendre. Art. 5. Que nul sujet ne puisse être arrêté ou constitué prisonnier sans un décret décerné par ses juges naturels. Art. 6. L’abrogation de toutes lettres attentatoires à la liberté des citoyens. Art. 7. La liberté de la presse en tout ce qui n’intéressera pas la religion, les mœurs et le respect dû à Sa Majesté et à l’Etat. Art. 8. La liberté individuelle et sacrée des propriétés, et la faculté à tous les citoyens, de quelque ordre qu’ils soient, de concourir pour tous les emplois militaires, bénéfices et charges attributives de noblesse. Art. 9. L’abolition et la suppression de la milice forcée, et surtout des matelots tirés au sort dans les pays maritimes. Art. 10. Une réduction sur les droits domaniaux du contrôle, de l’insinuation, et centième denier. Art. II. Adopter un plan uniforme et clair pour classer toutes sortes d’actes, et n’y attacher des droits qu’autant qu’il faudra pour consolider leur publicité, abroger surtout le demi-centième denier sur les legs d’usufruit faits par un père de famille