[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [24 novembre 1790.] 731 1 extraordinaire est d’autant plus pressante, que l’ordre à établir dans la comptabilité de ces receveurs en est une suite, et qu’on ne peut leur faire aucune demande sur l’emploi ou le versement des deniers qu’ils doivent avoir dans leurs caisses, sans avoir déterminé cet ordre dans leur comptabilité, et donné aux corps administratifs les instructions nécessaires pour les surveiller. « J'ai l’honneur de vous prévenir, Monsieur le Président, que pour mettre chacun des membres de l’Assemblée à portée de se déterminer avec plus de facilité sur l’organisation de la caisse de l’extraordinaire, j’ai fait imprimer le mémoire ci-joint, et qu’il a dû être compris dans la distribution de ce matin. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, Amelot, commissaire du roi au département de la caisse de l'extraordinaire. « Paris, le 24 novembre 1790. » (La lettre de M. Amelot est fort applaudie.) MÉMOIRE SUR L’ORGANISATION DE LA CAISSE DE L'EXTRAORDINAIRE. Les fonctions de commissaire du roi au département de la caisse de l’extraordinaire sont déterminées par l’objet de l’institution de cette caisse; elles consistent principalement à veiller au recouvrement et versement ; 1° Des fonds provenant de la contribution patriotique ; 2° De ceux produits par la vente des biens nationaux; 3° Du produit annuel de la vente des bois taillis et autres ; 4° Du prix des baux des biens corporels et incorporels non encore aliénés ; 5° Enfin, de tous les autres objets qui, suivant les décrets de l’Assemblée nationale, sont déjà ou seront, par la suite, destinés à la même caisse. Elles consistent encore à se mettre à même de présenter à chaque instant, au roi et à l’Assemblée nationale, l’état au vrai de la caisse de l’extraordinaire, de ce qu’elle contient actuellement, de ce qu’elle doit recevoir à toutes les époques qui pourront être indiquées, des causes du retard des versements, des moyens de les accélérer, etc. C’est d’après ces obligations principales, que le travail de ce commissaire doit être organisé. La contribution patriotique étant distribuée par rôle, dont les administrations envoient successivement des notices exactes, il suffit de connaître, chaque mois, le montant du recouvrement fait par chaque receveur, distingué par nature de valeurs déclarées admissibles, pour être à même de présenter la situation de cette branche de revenu. Mais les domaines nationaux exigent de plus grandes connaissances et beaucoup plus de détails. 11 faut connaître la masse entière de ces domaines. Il faut diviser cette masse, et la classer par départements, districts et municipalités. Il faut connaître ensuite les biens qui ont été rendus, les acquéreurs, le prix des ventes, le terme des payements. Il faut savoir quels sont ceux qui restent à vendre, et suivre, chaque jour, les aliénations successives qui en seront faites. Il faut connaître aussi les baux de ceux qui ne sont pas encore aliénés, le prix de ces baux, leurs échéances, etc. Les domaines nationaux se divisent naturellement en trois classes : 1° biens ci-devant possédés par les ecclésiastiques ; 2° biens appartenant ci-devant au domaine du roi ; 3° biens ci-devant apanages. Dans chacun de ces biens sont compris les droits féodaux qui doivent être perçus pour la nation, et ceux qui doivent être payés en son nom. Une notice exacte de ces droits actifs et passifs est nécessaire au commissaire de la caisse. Ge n’est qu’en rassemblant toutes ces connaissances diverses en les classant dans l’ordre le plus méthodique, en se procurant des tableaux exacts et fidèles de tous les genres d’actions que les fonctionnaires nationaux sont chargés d’exercer, et dont le produit doit entrer dans la caisse de l’extraordinaire, que le commissaire du roi peut être en état de suivre la grande et importante opération confiée à sa surveillance. C’est avec cette méthode qu’il parviendra à connaître l’étendue de la ressource précieuse qui doit opérer la libération de l’Etat, qu’il sera à même de la surveiller avec efficacité, qu’il en écartera tous les genres d’abus et qu’il préviendra tous les inconvénients qui pourraient l’altérer. Sans cela comment pourrait-il saisir l’ensemble de toutes les opérations diverses qui aboutissent au même centre, connaître dans tous ies instants la situation de la caisse nationale, les retards qu’elle peut éprouver, les recouvrements sur lesquels elle peut compter à des époques déterminées. Gomment, sans cela, asseoir avec certitude l’extinction progressive des assignats, assurer en attendant leur crédit, présentera chaque moment à la nation l’état de ses ressources et de ses espérances, imposer aux ennemis de la Constitution un silence d’autant plus nécessaire, qu’ils s’autorisent du désordre qui a régné jusqu’ici, pour décourager tous ceux qui, comptant sur une meilleure administration, sont convaincus que le salut de la chose publique ne demande qu’une économie sage et éclairée. Il est temps, en fin , que la lumière succède aux ténèbres, que la nation entière, que tous les individus qui la composent puissent apprécier les opérations, dont le succès doit assurer leur bonheur, en écartant pour jamais, du Trésor public, le désordre et la dilapidation, et en comblant le précipice énorme delà dette nationale. Sans doute, le commissaire du roi doit se procurer encore un grand nombre de connaissances particulières, pour rendre son travail aussi utile qu’il doit l’être ; il ne doit pas négliger le détail des dépenses locales qui peuvent diminuer le produit des biens ; il doit surveiller la conduite des receveurs particuliers, et écarter tous les abus qui pourraient se glisser dans leur maniement ; il doit se mettre en état de dénoncer, à l’Assemblée nationale, tous les genres de prévarications qui parviendront à sa connaissance, mais qu’il ne pourra découvrir, sans être instruit en détail des différents objets qui composeront le revenu annuel de la caisse qu’il est chargé de surveiller. Pour remplir cet objet avec l’exactitude que son importance exige, il paraît nécessaire de procurer au commissaire du roi ; 732 (Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 novembre 1790. J 1° Une notice exacte de tous les biens nationaux, situés dans chaque municipalité; 2° Un extrait sommaire détaillé des ventes faites, tant aux municipalités qu’aux particuliers. Chaque district peut être chargé d’envoyer ces extraits qui doivent contenir le nom de l’acquéreur, la désignation des objets vendus, leur situation, le prix de la vente, les termes des payements ; 3° Une notice semblable des biens amodiés. 4° Entin, la copie du journal de chaque receveur, laquelle sera envoyée à la lin de chaque mois. Tous ces renseignements sont indispensables si Ton veut établir un ordre exact dans la surveillance de la caisse de l’extraordinaire ; le commissaire du roi se contenterait de les indiquer, s’il n’était pas instruit que quelques personnes pensent que de sim (îles bordereaux fournis chaque mois par les receveurs de district lui procureront des lumières suffisantes, la persuasion intime que ce secours serait insuffisant, s’engage à présenter quelques observations à ce sujet. Rien dans un bordereau ne met à même de rectifier une erreur qui s’y est glissée, à moins de recourir au journal sur lequel il a été formé ; or, il est aisé de sentir que 548 receveurs ne conserveront pas un ordre tellement uniforme qu’il n’y ait des observations à leur faire, des éclaircissements à leur demander, des erreurs à relever, et par conséquent une correspondance immense qui servirait de motif au commissaire du roi pour ne pas fournir de résultats certains et à jour fixe. La plus petile erreur ou la plus petite explication à demander, nécessitera une lettre du commissaire du roi au département, du département au district, et une vérification sur le journal, dont la copie littérale eût évité tout cet embarras. Un bordereau, quelque bien fait qu’il soit, n’offrira pas le détail des dépenses dans lesquelles les abus peuvent prendre leur source, et l’Assemblée ignorera ceux qui pourront s’introduire, ou n’en aura connaissance que lorsque le mal sera tel, qu’il exigera des sacrifices ou des retards qui auront toujours lieu au détriment de la chose publique. Un copiste suffit à la copie d’un journal, et l’homme intelligent réussit souvent très mal à la formation d’un bordereau qui, pour être clair et précis, devient l’écueil du meilleur comptable. D’ailleurs cette espèce est une chose si simple (et c'est ainsi qu'il faut la demander à 548 personnes différentes ) que nul receveur n’a un motif plausible pour en retarder l’envoi. La copie tenue au courant peut être signée et arrêtée le dernier jour du mois, et adressée le premier du suivant; le bordereau au contraire ne pourrait être fait que dans le courant du mois suivant, ce qui occasionnerait un retard sensible dans la marche de cette opération; en vain on s’effrayerait du travail qu’entraînera le dépouillement de ces journaux, il ne faut que des bras dirigés par un même chef; mais au moins on aura la certitude de son uniformité et de l’exactitude des résultats. Cet établissement a un autre avantage, il réunit sous les yeux de l’Assemblée nationale des archives où l’on trouvera trace de toutes les opérations générales et particulières qui ont servi à l’acquittement de la dette publique; et s’il est digne d’elle de réunir un ensemble aussi intéressant pour sa gloire, il n’est pas moins important pour les particuliers d’avoir un dépôt où ils puissent recourir au besoin pour justifier de leurs titres, ou pour d’autres motifs. On observe encore qu’en cas d’incendie, de pillage, d’inondation ou de faillite du receveur ou de destruction de ses livres, on trouvera toujours dans les bureaux de l’administration de la caisse de l’extraordinaire tout ce qui sera nécessaire, pour faire suivre le recouvrement vis-à-vis des redevables. Le crédit des assignats, et par conséquent le crédit public, tient à la parfaite organisation de la caisse de l’extraordinaire et des bureaux de l’administration qui est chargée de la surveiller. On ne peut donc trop insister sur la nécessité de réunir dansun même centre tous les détail s qui peuvent éclairer celte grandeopération, et prouveraux législateurs à venir et à la postérité que l’on n’a négligé aucun moyen pour satisfaire aux engagements que la nation a contractés, en conquérant sa liberté, et pour éviter la dilapidation que les mouvements inséparables de la Révolution pourraient faire craindre. C’est d’après cet exposé, que l’Assemblée nationale peut apprécier les moyens qu’il est convenable de procurer au commissaire du roi à la caisse de l’extraordinaire. Jusqu’à ce qu’elle ait prononcé sur cet objet, il est difficile de présenter l’organisation définitive de ses bureaux ; car on ne saurait évaluer la masse du travail qui pourra résulter de ses fonctions, sans connaître les secours qu’il exige, et la méthode qui doit y régner. Ce que l’on peut dire, quant à présent, c’èst que ses fonctions présentent deux branches principales de surveillance, la correspondance et la comptabilité. La première, relative à l’exécution des décrets, demande une attention continuelle, et des relations très multipliées non seulement avec les corps administratifs, mais encore avec toutes les personnes chargées de cette exécution. Tout ce que l’on appelie'contentieux, en administration, fait partie de cette première branche. La surveillance de la comptabilité exige, comme on l’a dit, la connaissance des titres de créance de la nation, leur classification, le dépouillement des journaux des receveurs, l’application des articles aux registres d’assiette de la contribution patriotique et des domaines nationaux, les résultats à en tirer et à balancer avec la situatiou de la caisse de l’extraordinaire, et enfin, la formation du résumé général à remettre périodiquement à l’Assemblée nationale. Cet aperçu général peut donner une idée du travail qui se fera dans les bureaux du commissaire, mais il n’est pas possible de déterminer le nombre des ouvriers qu’il exigera. Il est certain qu’il variera en plus pendant un temps, et en moins par la suite. Pour éviter, d’une part, l’excès et l’abus dans le nombre des employés ; d’autre part, le désordre et le retard dans un travail nouveau, immense, et si important pour la chose publique, il paraîtrait nécessaire que l’Assemblée nationale voulût bien charger quelques-uns de ses membres, d’arrêter à cet égard un plan avec le commissaire du roi, de surveiller sou exécution, et de s’assurer que le nombre des employés n’excètie jamais le besoin d’ouvriers. A l’égard de l’organisation des bureaux de la caisse de l’extraordinaire, on croit qu’elle peut être déterminée, dès à présent, ainsi qu’il suit : Une caisse générale où doivent être déposés les assignats aussitôt après leur fabrication et 733 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 novembre 1790.) leur signature, et où toutes les recettes doivent aboutir. Cette même caisse fournira à la caisse d’échange des assignats nécessaires pour l’opérer. Elle acquittera les effets liquidés revêtus des formalités qui seront prescrites par l’Assemblée, et visés par le contrôleur, dont il sera ci-après parlé. Elle fera au Trésor public les prêts qui pourraient être décrétés par l’Assemblée (1). Une caisse d’échange qui recevra de la caisse générale les assignats à échanger contre les billets de caisse ou promesses d’assignats et annulera ces dernières, et qui aura soin de vérifier les oppositions. Une caisse de contribution patriotique, pour recevoir tant du public que des receveurs le produit de cette contribution, vérifier les effets admis en payement, rejeter ceux qui ne seraient pas admissibles, et verser tous les soirs le produit en masse de sa recette dans la caisse générale (2). Un bureau de teneur de livres ; ce bureau tiendra les livres en partie double ainsique tous les registres et livres d’ordre nécessaires dans une recette aussi immense. Il formera la balance générale du comptable et fournira au commissaire du roi, tous les huit jours, la copie du journal général qui devra lui servir à vérifier les journaux des receveurs de district et leurs remises. Cette vérification opérera le contrôle de la caisse de l’extraordinaire et de celles des receveurs de district. Un bureau de correspondance, qui tiendra la correspondance générale sur toutes les parties de comptabilité avec tous les receveurs de district, enregistrera toute cette correspondance et renverra à tous les autres bureaux les objets qui les concerneront après l’ouverture des paquets par le trésorier général auquel il servira de secrétariat. Un bureau de contrôle, qui réunira les résultats de toutes les opérations, visera toutes les pièces comptables, vérifiera les quittances et fournira au commissaire du roi tous les renseignements qui lui seraient nécessaires, suivra la correspondance relative à la liquidation de la dette, dressera l’état de situation de la caisse générale tous les mois, pour la comparer avec la balance générale du grand livre. Un bureau des comptes, où tous les livres et registres seront remis avec les pièces comptables, pour la rédaction des comptes du trésorier général. Tous ces bureaux paraissent indispensables pour la bonne organisation de la caisse de l’extraordinaire, et demandent à être établis très promptement : on ne peut .pas prévoir absolument le nombre des employés qui peuvent être nécessaires dans chacun d’eux. Il sera moindre dans le commencement que dans la suite ; mais il sera possible de faire, à l’égard du nombre de ces employés, la même vérification que pour les bureaux du commissaire du roi. (1) Il sera tenu dans cette caisse, ainsi que dans les deux suivantes, toutes les écritures nécessaires à l'ordre qui doit y régner. (2) Ces deux caisses n’ont qu’une durée limitée, à moins que l’on ne juge convenable, pour la commodité du public, de laisser subsister la première pour l’échange des petits assignats contre les gros, et des gros contre les petits. Il paraîtrait doue suffisant , dans ce moment-ci, de déterminer les traitements qui seront accordés au caissier général, avec sous-caissiers, quand ils deviendront nécessaires. Au caissier de l’échange. Au caissier de la contribution patriotique. Au teneur de livres en chef, et à ceux qui lui seront nécessaires en sous-ordre. Au chef de bureau de correspondance et à son sous-cbef. Au contrôleur et au sous-contrôleur, lorsque l’étendue du travail en exigera un. Au chef et au sous-chef de bureau des comptes. On déterminerait également le traitement des commis aux écritures et autres employés, dont le nombre peut varier. MÉMOIRE sur l'organisation des bureaux du commissaire du roi au département de la caisse de l'extraordinaire. L’Assemblée nationale a vu, par le mémoire que M. Amelot a eu l’honneur d’adresser à son président, l’étendue du travail auquel ce commissaire allait être obligé de se livrer. Eu effet, nul département , nulle compagnie n’offre des obligations aussi considérables ; elles seraient effrayantes , elles deviendraient même impossibles à remplir, si i’on n’était convaincu que l’importance de ce travail, et les avantages que l’on doit en retirer pour la chose publique, détermineront l’Assemblée à procurer à celui qui en est chargé, tous les moyens de le rendre parfait. On sent combien, dans la situation présente des choses, il est nécessaire d’apporter de l’économie dans les différentes branches d’administration ; mais une économie bien entendue consiste à ne faire que tes dépenses utiles, et à ne pas s’arrêter à leur masse, quand il doit en résulter un grand bénéfice. Que l’on considère maintenant en quoi consiste le travail que doit entraîner l’administration confiée à M. Amelot. 11 doit : 1® se procurer parle moyen des départements et des districts, auprès de 42,000 municipalités, l’état exact de tous les domaines nationaux, leurconsistance,leur contenance, leur situation, leur produit annuel, leur estimation; 2° Faire porter sur des registres, conformes à la division de la France, et préparer, à cet effet, tous les détails ci-dessus; 3° Avoir ensuite copie des actes de ventes pour en connaître les conditions, etc... eten porter les résultats sur les mêmes registres; 4° Suivre toutes les opérations que ces biens subiront, soit dans leur régie, soit par les ventes; 5° Veiller au recouvrement du produit de ces biens et du prix de leurs ventes, ainsi que de toutes les autres recettes extraordinaires décrétées par l’Assemblée, au nombre desquelles se trouve la contribution patriotique, qui, par sa nature, entraîne des détails infinis et des embarras sans nombre dans son assiette et dans sa perception ; 6° Dépouiller tous les mois les journaux de 548 receveurs de districts, pour suivre les progrès des différents genres de recouvrements; faire connaître à la France entière l’état de son actif avec son passif, et lui fair� apercevoir successivement l’époque de sa libération ; il s’agit enfin de suivre, dans ses détails les plus minutieux, la comptabilité de plusieurs milliards qui doivent être acquittés par des millions d’hommes. A (Assemblée Bàtiofiale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 novembre 1 790.J Certainement, ni la régie générale, ni l’administration des domaines, ni les fermes générales, ni les recettes générales, ni l’administration des finances et du Trésor public, n’offrent des détails aussi immenses. Que l’on calcule maintenant les frais énormes de toutes ces compagnies, et de ces différentes branches d’administration; que l’on calcule les frais des payeurs des renies qui s’élèvent â plus de 600,000 livres, et dont le travail consiste à payer sur des états fournis, sans avoir à discuter la dépense, et à recevoir du Trésor public, sans avoir à veiller au recouvrement ; que l’on calcule l’intérêt de ces divers objets avec celui de l’hypothèque de la dette nationale ; que l’on considère enfin que, dans l’ignorance la plus entière de la valeur et de la quotité des domaines natio-naaux, il est question de tirer du chaos qui l’environne, la base sur laquelle repose maintenant le crédit public et la foi promise à tous les créanciers de l’Etat, et l’on ne s’effrayera pas des frais énormes, sans doute, mais indispensables, qu’exige une entreprise dont le succès doit être assuré et non compromis. Dissimuler à l’Assemblée nationale une partie des difficultés qu’il faut vaincre pour parvenir à ce but, lorsqu’il faut combattre les efforts d’un corps abattu, dont les membres irrités résistent encore à la volonté générale, lorsqu’une régénération entière, confiée à des administrations nouvelles, dont le courage et le patriotisme ne pouvant pas suppléer en un instant l’inexpérience, les étonne encore; dissimuler à l’Assemblée l’immensité du travail, et craindre qu’une économie mal entendue ne la retienne dans une opération, d’où dépend en entier le succès de la Constitution, ce serait offenser la nation, ce serait la trahir. Celui qui a le courage d’entreprendre une tâche aussi difficile, ne doit pas hésiter à demander les secours qui lui sont nécessaires, et il ne doit pas craindre, qu’un refus, même partiel, rende ses efforts inutiles, lorsque de si grands intérêts en dépendent. Voici donc les demandes que forme M. Amelot ; son travail se divise en deux branches; la partie d’administration et de correspondance, et celle d’assiette et de comptabilité. La première consiste à faire toutes les dispositions nécessaires, pour procurer l’exécution des lois qui intéressent son département, et veiller à cette exécution. Il faut donc préparer les instructions qui doivent être envoyées aux corps administratifs ; entrer, dès à présent, en correspondance avec eux; entretenir exactement cette correspondance; l’étendre souvent jusqu’aux plus simples municipalités; former des demandes, répondre aux questions, éclaircir des doutes, etc... Il est aisé d’apercevoir que le recouvrement du produit des domaines nationaux, soit par baux, soit par ventes, aiusi que des autres recettes, exigera tout ce travail. Il demande, pour cet objet, 36 commis à appointements fixes, qu’il divisera en six bureaux composés chacun dmn chef, d’un sous-chef et de quatre commis aux écritures 5 ces six bureaux auront â leur tête un premier commis. La partie d’assiette et de comptabilité consiste à dépouiller sur les registres préparés, d’après la division du royaume en district, tous les procès-verbaux de délimitation, situation, contenance et estimation des domaines nationaux existant dans chacune des 42,000 municipalités; à porter sur les mêmes registres les actes de vente et à suivre le recouvrement progressif de chaque objet, à en présenter la situation, et à offrir enfin un résultat assez certain, pour que la nation puisse balancer continuellement ses ressources avec ses engagements. Les détails immenses de cette partie exigent un grand nombre de bras; il est même difficile d’évaluer le besoin : cependant on demande pour cette partie 72 commis à appointements fixes, lesquels seront divisés en 12 bureaux composés ' chacun d’un chef, d’un sous-chef et de quatre commis aux écritures. Ces bureaux seront dirigés par un premier commis. Cette division est indispensablement nécessaire pour l’ordre à établir dans cette partie. Reste ensuite le bureau d’enregistrement et de renvoi, pour lequel on demande un chef, un sous-chef et quatre commis aux écritures à appointements fixes. C’est dans ce seul bureau que tes paquets achèveront d’être fermés et seront contresignés. M. Amelot est loin de croire que ce nombre de commis puisse être suffisant, dans le moment surtout où l’on formera l’assiette des domaines nationaux; mais, pour ne pas admettre une charge fixe trop forte, il demande que tous autres commis qui lui seraient nécessaires, momentanément, soient pris comme surnuméraires. M. Amelot observe que, pour un travail de cette nature, il ne peut employer tous les sujets indifféremment, une erreur ou un oubli dans un dépouillement rendrait les résultats fautifs, et entraîneraient ensuite des recherches énormes pour en connaître la cause : l’exactitude, l’intelligence et le talent ont besoin d’être rétribués d’une manière convenable, et on ne peut que s’en rapporter, à cet égard, à la justice de l’Assemblée. Mi Amelot chargera nommément une personne de recevoir les fonds des bureaux, et de payer tous les membres qui les composeront, et il désire que le compte, appuyé des quittances de chacun, soit examiné tous les ans. Si M. Amelot n’était pas assez heureux pour inspirer une confiance suffisante dans les demandes qu’il forme, il deviendrait inutile et même dangereux de remettre à ses soins une opération dont le succès deviendrait alors douteux. Les commissaires de l’Assemblée, en suivant ce travail, seront à portée de se convaincre des motifs qui dicteront les demandes de M. Amelot; mais il est essentiel qu’ils jugent ces demandes par l’expérience. On apercevra, sans peine, d’après les détails qui viennent d’être donnés, la nécessité de destiner à des bureaux aussi considérables, un emplacement commode et spacieux, et dont les communications soient faciles relativement à la surveillance qu’ils exigent, et aux rapports qui existeront entre eux. On sentira, sans peine aussi, qu’une opération de cette nature a besoin de la présence continuelle de celui à qui elle est confiée, et qu’il ne peut être logé ailleurs qu’où seront ses bureaux. C’est dans le courant de ce mois-ci que toute cette immense machine doit se monter, car tous les matériaux afflueront en janvier, et il im* porte de ne pas ajouter au retard qu’elle éprouve déjà, un encombrement dont il deviendrait impossible de se tirer. C’est particulièrement en débutant qu’il ne faut pas être trop économe de bras, et qu e leur nombre doit répondre au tra-4 vail, de manière qu’ii soit fait avec clarté, mé- [A.8 semblée nationale.} ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1790.] 735 thode, et sans précipitation ; car, où la base est ■vicieuse, l’édifice écroule. Il faut donc que l’emplacement soit déterminé sur-le-champ, et qu'il puisse être disposé au 1er janvier. C’est de cette époque que doit partir l’organisation définitive des bureaux, ainsi quelle a été proposée ci-dessus. En attendant, il est important que M. Amelot soit autorisé à prendre le nombre de sujets qui lui sera nécessaire ; il les éprouvera, et se mettre à môme de n’employer en définitive, que des gens sûrs, intelligents, et dont le travail puisse inspirer confiance. Plusieurs personnes s’effrayeront peut-être des demandes de M. Amelot; mais ont-elles médité cette entreprise ? Présentent-elles des moyens de parvenir au même but d’une autre manière? sont-elles responsables de l’exécution ? et lorsqu’elles ont droit de la surveiller, pensent-elles refuser à celui qui en est responsable, le moyen d’agir, et les forces nécessaires pour venir à bout de l’entreprise? Il n’est pas question ici d’une opération obscure et cachée ; elle doit exister au grand jour, et chacun doit avoir la facilité de se pénétrer de son utilité, et des moyens que l’on emploie pour son exécution, en les voyant mis en usage, et en jugeant de leur succès. (L’Assemblée ordonne le renvoi du mémoire au Comité des finances.) (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LÀMETH. Séance du jeudi 25 novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Castellanct, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi au soir 22 du courant. M. Poulaln-Boutancourt , secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Bouche donne lecture d’une lettre du consul de France à Messine, adressée à la chambre de commerce de Marseille et renvoyée à l’Assemblée par le directoire du département des Bouches-du-Rhône. L’Assemblée ordonne le renvoi au comité diplomatique de ces deux lettres qui sont ainsi conçues : Lettre du département des Bouches-du-Rhône. Aix, le 16 novembre 1790. « Monsieur le Président, la chambre de commerce de Marseille a fait passer à l’administration de ce département, la copie d’une lettre qui lui a été écrite le 16 novembre par le consul de France à Messine. J’ai l’honneur de vous adresser un extrait de cette lettre, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. « Vous verrez, Monsieur le Président, que le zèle des capitaines de la marine marchande, pour parer leurs vaisseaux des couleurs nationales, a devancé les ordres du roi, « Le décret qui doit assurer le droit de porter le nouveau pavillon français et le faire respecter, n’est point encore parvenu à l’administration; cependant il est nécessaire que ce décret soit bien connu et vénéré par les puissances étrangères, pour que ce signe national flotte sur toutes les mers avec sécurité, malgré le peu d’inclination que peuvent avoir divers potentats pour les emblèmes de la liberté. « J’adresse la même demande au secrétaire d’Etat au département de la marine, et je pense bien qu’il l’aura devancée, en donnant, au nom du roi, les ordres nécessaires à la conservation des propriétés françaises dont la dignité ne doit jamais être soumise aux caprices des autres nations ou de leurs rois. «Je vous supplie, Monsieur le Président, de fixer un moment l’attention de l’Assemblée nationale sur cet objet. Signé : Martin, fils d’André, président du département. » Lettre , du 16 octobre dernier , de M. Lallemant, consul de France à Messine, adressée à MM. les maire et députés du commerce de Marseille. « L’exécution des ordres que le gouvernement de Naples a distribués dans les deux royaumes, relativement au nouvel ordre de choses établi en France, nous occasionne des désagréments et des tracasseries journalières. Notre gouverneur a reçu celui de ne pas souffrir, en aucune manière, ni pavillon, ni flamme, ni guidons aux couleurs nationales ; et on lui prescrit l’emprisonnement des contrevenants et le séquestre des bâtiments; de pareilles dispositions sont aussi injurieuses qu’impolitiques; nos navigateurs en murmurent hautement et il est à désirer que notre administration veuille bien employer quelques moments à cet objet. « Il serait, je crois, tout simple qu’on déclarât aux cours étrangères, l’identité du pavillon national, pour qu’il soit traité dans les ports de la Méditerranée avec les mêmes égards dus au pavillon blanc : quant à la cocarde, elle est devenue un épouvantail dans ce pays-ci ; oh ne la regarde d’ailleurs que comme un ornement militaire, et je crois qu’en attendant de nouvelles circonstances et pour éviter les dégoûts qui peuvent naître de l’inconséquence des ordres, il serait à propos d’inviter les Français Voyageurs, les capitaines, officiers et matelots de navires marchands, à ne porter aucune de ces marques distinctives pour eux en France, qui ne leur donnent ici aucune considération et qui les exposent même à des violences qu’ils ne peuvent pas repousser. C’est le parti que j’ai pris et j’y persisterai jusqu’à ce que je reçoive des instructions à cet égard. Le capitaine Boissonnait battait� il y a quelques jours, pavillon national à la misaine et grande flamme; j’en fus averti et je le lis prier de les ôter. Il amena le pavillon et garda la flamme-. Le gouvernement le sut et il lui fit dire de l’amener ; il ne le voulait pas ; j’ai ajouté ma prière et il a adhéré. « Le capitaine Guize s’est conduit aveG la même condescendance pour un guidon rouge et blanc, qui déplaisait ; tant gue je trouverai nos marins aussi complaisants, j’espère qu’il n’arrivera rien