[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [23 février 1791.] 443 chée par aucune déclaration contraire lors de l'acquisition. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, voulant faire cesser plusieurs difficultés qui se sont élevées en exécution de son décret du 3 mai, en interprétant, en tant que de besoin, ce décret et notamment les articles 2, 3, 4, 5, 44 et 45 dudit décret, et l’article 10 de celui du 19 septembre suivant, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Tout propriétaire d’un ci-devant fief, lequel ne consistera qu’en domaines corporels, tels que maisons, terres, prés, bois, et autres de même nature, pourra racheter divisément les droits casuels dont il est grevé, pour telle portion qu'il jugera à propos, pourvu qu’il rachète en même temps la totalité des redevances fixes et annuelles dont son fief pourrait être grevé, sans préjudice de l’exception portée au décret du 14 novembre, relativement aux fiefs mouvants des biens nationaux. Art. 2. Il en sera usé de même à l’égard des ci-devant fiefs qui ont sous eux des fonds tenus en fief ou en certsive, lorsque lesdites mouvances auront été inféodées par le propriétaire du fief supérieur, ou lorsque lesdib fiels feront régis par les coutumes dans lesquelles le seigneur supérieur ne conserve aucun droit utile immédiat sur les objets qui ont été sous-inféodés ou accenscs par le propriétaire du fief inférieur, encore que le jeu de fief n’ait point été approuvé ou reconnu par le seigneur supérieur. Art. 3. Lorsqu’il dépendra du fief des mouvances qui n’auront point été inféodées par le ci-devant seigneur supérieur, et lorsque ce fief sera régi parle droit commun suivant lequel ces jeux de fief ne peuvent point porter préjudice à ce ci-devant seigneur supérieur, le propi iétaire du fief inférieur ne pourra racheter partiellement les droits casuels sur les domaines qui sont restés dans sa main, que jusques à concurrence de la portion dont la loi qui régit le fief lui avait permis de se jouer, en comprenant dans ce calcul les portions déjà par lui accensées ou inféodées; en telle sorte qufil reste toujours dans sa main la portion entière que la loi l’aurait obligé de réserver; si mieux il n’aime racheter préalablement les droits casuels à raison de la totalité des mouvances non-inféodées dépendant de son fiel, auquel cas, et après avoir effectué ledit rachat, il pourra racheter librement et partiellement le surplus de son fief, et pour telle portion qu’il jugera à propos. Art. 4. Dans le même cas où les mouvances ne seront point inféodées, et où ces jeux de fiefs ne peuvent point porter préjudice au seigneur supérieur, si d’ailleurs le fief est régi par l’une des coutumes qui ne permettent point le jeu de fief à prix d’argent, mais seulement par bail à cens ou à rente, le propriétaire de ce fief pourra néanmoins vendre à prix d’argent telle portion des fonds qui sont restés en sa main, et en racheter partiellement les droits casuels, pourvu que les portions qu’il rachètera, ou vendra, n’excèdent point les 2 tiers du fief, eu comprenant dans ces 2 tiers les fonds déjà sous-inféodés ou accensés; si mieux il n’aime racheter préalablement les droits casuels à raison de la totalité des mouvances non-inféodées, auquel cas, et après avoir effectué ledit rachat, il pourra racheter librement et partiellement le surplus de son fief pour telle portion qu’il jugera à propos. Art. 5. 11 en sera usé de même que dans l’article précédent à l’égard des ci-devant fiefs dont dépendront des mouvances non inféodées, et qui ne peuvent point porter préjudice au ci-devant seigneur supérieur, lorsque lesdits fiefs seront régis par l’une des coutumes qui n’avaient aucune disposition sur la liberté du jeu de fief, ou qui sont situés dans les pays de droit écrit, et cela nonobstant tout usage ou jurisprudence particulière qui se seraient introduits dans lesdits pays. Art. 6. Le rachat partiel, dans les cas autorisés par les articles 3, 4 et 5 ci-dessus, ne pourra avoir lieu que sous la condition de racheter en même temps la totalité des redevances fixes et annuelles dont le fief pourrait se trouver chargé : sans préjudice de l’exception portée au décret du 14 octobre relativement aux fonds mouvants des biens nationaux. Art. 7. A l’égard des fonds ci-devant tenus eu censive, ou roturièrement, tout propriétaire d’iceux en pourra racheter partiellement les droits casuels à raison de telle portion desdits fonds qu’il jugera à propos, sous la seule condition de racheter en même temps la totalité des redevances fixes et annuelles dont le fonds se trouvera chargé; sans préjudice de l’exception portée au décret du 14 novembre relativement aux fonds mouvants des biens nationaux. Art. 8. Lorsqu’il s'agira de liquider un rachat des droits casuels dus à raison des mouvances dépendant d’un ci-devant fief, et dont le rachat n’aura point été fait par le propriétaire, ou les propriétaires, des fonds tenus sous ces mouvances, et dans le cas où lesdites mouvances auront été inféodées, et il sera procédé ainsi qu’il suit : Il sera fait d’abord une évaluation de la somme qui serait due par le propriétaire, ou par les propriétaires desdits fonds, selon qu’ils seront tenus en fief ou en censive, et conformément aux règles prescrites par le décret du 3 mai; et la somme qui résultera de cette première opération, formera la valeur de la propriété de ces mouvances. Il sera ensuite procédé, conformément aux règles prescrites par le décret du 3 mai, et selon la nature et la quotité des droits dont se trouvera. chargé le fief dont dépendront ces mouvances, à une seconde évaluation du rachat dû par le propriétaire de ces mouvances, eu égard à la valeur que leur aura donnée la première opération, et de la même manière que s’il s’agissait de liquider un rachat sur un fief corporel de la même valeur. Art. 9. Si les mouvances, à raison desquelles on voudra se racheter, n’ont point été inféodées, audit cas le rachat en sera liquidé ainsi qu’il suit ; 11 sera fait d’abord une évaluation des fonds tenus en fief, ou en censive, eu égard à leur valeur réelle, abstraction faite des charges dont ils sont tenus envers le fief dont ils relèvent, et de la même manière que si la pleine propriété de ces fonds appartenait encore au propriétaire du Hpf dont iIq rplpvpnf Le rachat des droits casuels, dus au propriétaire du fief supérieur, sera ensuite liquidé, conformément aux règles prescrites par le décret du 3 mai, et selon la nature et la quotité des droits dont est grevé le fief inférieur, sur la somme totale qui sera résultée de la première 444 [Assemblée nationale.] opération; en telle sorte que le rachat payé soit éo-al à celui qui aurait été dû, si les fonds dont le propnéiaire du fief inférieur s’était joué lui appartenaient encore en pleine propriété. Ait. 10. La disposition de l’article précédent aura également lieu dans le cas où la mouvance aurait été précédemment rachetée par le propriétaire ou par h s propriétaires des fonds chargés de cette mouvance, les dispositions des articles 44 et 45 du décret du 3 mai n’ayant jamais dû recevoir leurs applications qu’au cas où il s’agissait de mouvances non inféodées. Art. 11. A l’avenir, toutes les fois que les fonds précédemment séparés d’un fief par sous-inféodation ou accensement seront retournés, à titre de propriété incommutable, dans la main du propriétaire de ce fief, ou que le propriétaire desdifs fonds aura acquis à titre incomrnutable la propriété du fief dont ces h nés relevaient, si ces fonds n’ont point été rachetés avant cet événement, ou si le fief n’a point été racheté, lesdits fonds seront réputés, quant au payement des droits ci-devant seigneuriaux et quant au rachat d’iceux, s’être réunis de plein droit audit fief, et tenus en fief, sans que la réunion ait pu être arrêtée par aucune déclaration contraire; et ce, nonobstant toutes lois, coutumes, statuts et usages, à ce contraires, lesquels seront seulement observés et suivis pour la décision des questions qui naîtrais nt de faits ou d’actes antérieurs aux lettres patentes qui sont intervenues le 3 novembre 1789, sur le décret des 4 août et jours suivants de la même année. INSTRUCTION sur la manière d'opérer en conséquence des articles 8 et 9 du projet de décret. Art. 8. Lorsque le propriétaire d’on fonds, ci-devant fief, veut racheter Iss droits casuels à raison des mouvances inféodées dépendant de son fief, et dont il rfa pas reçu lui-même le rachat, il faut faire une double opération. 11 faut d’abord évaluer la somme qui lui serait due à lui-même j ar le pariétaire, ou par les propriétaires des fonds soumis à ea mouvance. Supposons le fief B, mouvant du fief A, et qui a sous sa mouvance le tief C. Si ce fief C est éva'ué 12,000 livres, et s’il est sujet au douzième pour les mutations par vente, le rachat que ce fief devrait au fief B, à raison des mutations par vente, sera, suivant le n° 7 de l’article 25 du décret du 3 mai, de la moitié du droit, c’est-à-dire de 500 livres. Si le tief C, quant aux droits pour les mutations, autres que par vente, est dans te cas de l’article 28 du décret, le rachat dû pour cette seconde cause sera des cinq douzièmes du droit, qui est une année du revenu. Supposant le revenu de ce fief à 400 livres le douzième sera de 33 liv. 6 s. 8 d. et les cinq douzièmes seront de 166 liv. 13 s. 4 d. Réunissant ensuile les deux sommes de 500 livres et de 166 livres 13 s. 4 d., que le propriétaire du fief R devrait recevoir du propriétaire du fief C, on aura la somme totale de 666 liv. 13 s. 4 d., qui formera la valeur de la mouvance du tief B sur le fief C-Pour trouver ensuite la somme que le propriétaire devra lui-même au fief A pour le rachat de cette mouvance, il faudra faire une seconde opération. Supposant (comme cela est ordinaire) que le fief B est tenu envers le fief A, sous les mêmes [23 février 1791.] charges que le fief C, il en résultera que B doit à A la moitié d’un droit de mutation par vente au douzième. Le douzième de 666 livres 13 s. 4 d., étant de 55 liv. 10 s., le rachat dû pour ce premier droit sera de 27 liv. 15 s. Quant au droit de relief, arbitrant le revenu de 666 liv. 13 s. 4 d. à 30 livres par an, dont le fief B doit 5 douzièmes, il en résultera une somme de 12 liv. 10 s. Joignant les deux sommes de 27 liv. 15 s. et 12 liv. 10 s., on aura la somme totale de 40 liv. 5 s. pour le rachat dû par le fief B au fief A, à raison de sa mouvance féodale sur C. Si cette mouvance n’est pas féodale, mais seulement censnelle, il ne faudra dans la première opération tirer le rachat qu’à raison des mutations par vente. Supposant le droit de vente toujours au douzième, on aura toujours 500 livres pour résultat de la valeur de cette mouvance, et 33 liv. 6 s. 8 d. pour le rachat qui en sera dû par le fief B au fief A : mais on n’aura plus la seconde partie, attendu que le fief B n’aura point de droit de relief sur une simple censive. Cet exemple suffit pour indiquer la manière d’opérer générale, laquelle ne pourra varier que dans ses résultats, suivant les différentes quotités des droits que le fief servant aura droit de percevoir sur les fonds mouvants de lui, et qu’il devra lui-même à son fief dominant. Art. 9. Cet article e=t pour le cas où la mouvance qu’il s’agit de racheter procède d’un jeu de fief qui n’a point été autorisé par le propriétaire du fief supérieur. Ici l’opération est toute différente. Ce n’est plus la simple valeur de cette mouvance qu’il faut estimer, et qui doit servir de base à la liquidation de rachat. Le propriétaire du fief inférieur, n’ayant pas pu préjudicier à son seigneur par un jeu de fief non autorisé, est réputé avoir conservé le fief dans son intégrité ; en cas de mutation de sa part, il doit les droits de la même manière que s’il avait conservé la pleine propriété des fonds qu’il a mis hors sa main, et sur lesquels il n’a réservé que la directe. Le rachat qu’il doit est relatif à la quotité des droits dont il est chargé : il faut donc liquider le rachat de la même manière que si le fief existait dans son intégrité. Soit supposé le fief B, composé de 100 arpents, et cédé en cet état par le fief A, dont il est mouvant. B a inféodé à C 50 arpents, et a accencé à Jacques et à Philippe 30 arpents ; en sorte qu’il ne reste entre ses mains que 30 arpents : mais, s’il vend ces 30 arpents, il doit les droits comme s’il possédait les 100 arpents ; et c’est sur ce pied que doit être liquidé le rachat. Supposant les 100 arpents de valeur de 100,000 livres et de 3,000 livres de revenu; Si le fief B t st dans le quatrième cas de l’article 25 du décret du 3 mai, c’est-à-dire s’il est sujet au quint en cas de vente, il devra, pour le rachat de ce premier droit, cinq treizièmes du quint, ou de 20,000 livres, c’est-à-dire 7,652 liv. 5 s. 10 d. Quant au droit de relief, s’il est dans le cas de l’article 29 du décret du 3 mai, il devra cinq dix-huiiièmes de 3,000 livres ou 833 liv. 6 s. 8 d. Ainsi le fief devra en total pour le rachat des droits casuels 8,505 liv. 12 s. 6 d. ; somme bien différente de celle qu’il aurait due, si les mouvances eus;ent été inféodées. Dans cette seconde hypothèse, la mouvance sur les 50 arpents tenus de lui en fief n’aurait été évaluée qu’à 4,252 liv. 16 s. 3 d. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.