I Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 septembre 1730.] 7*7 nier M. de Riolles a été arrêté à Bourgouin en Dauphiné, allant en Savoie. On a trouvé dans son portefeuille : 1° une lettre attribuée à Vau-der-Noot, contenant la critique de l’Assemblée nationale; 2° un écrit qui renferme la clef des noms d’hommes, de villes, de places fortes et l’indication des troupes de cavalerie et d’infanterie; le roi est désigné par une croix; JA. Bailli, par un triangle ; M. de Mirabeau l’aîné, par un V; M. l’abbé Maury, par un Y; 3° un papier indicatif de M. Ruelle, principal du collège de Pont-à-Mousson , comme chargé de tenir la correspondance; 4° une lettre du 27 juin, contenant le détail très étendu de la mission de M. de Riolles : il devait s’informer, dans chaque ville, de l’abondance ou de la rareté du numéraire, du nombre des gardes nationales et des troupes de ligne, du caractère des chefs, des maisons de commerce, des manufactures et des capitalistes, de ce qu’on pense de l’Assemblée nationale et des ministres, de ce qu’on pense de Paris , des hommes qui peuvent influer dans les élections, du sentiment des provinces sur les décrets et enfin des journalistes ou autres écrivains. Parmi ses papiers, on a aussi trouvé une lettre que M. de Riolles croit lui avoir été écrite par M. de Mirabeau l’aîné, quoiqu’elle ne soit pas de son écriture. Pour ne pas donner à la correspondance prétendue de ce membre de l’Assemblée nationale avec M. de Riolles plus de confiance qu’elle n’en mérite, je vais vous faire lecture d’un papier trouvé sur M. de Riolles, dans l’endroit où l’on aurait dû moins le chercher : « Mirabeau l’aîné est un scélérat prêt à se vendre à tous les partis. . . » M. de Mirabeau. M. le rapporteur, ne me flattez-vous pas? Vous avez eu la bonté de me communiquer les pièces et je crois avoir lu : Mirabeau l’aîné est un infâme scélérat! Il est bon de montrer, sous ses véritables couleurs, le portrait que mon Adèle agent voulait bien tracer de moi. M. Rousselet, rapporteur. Je lis comme il y a. « 11 a peu de logique, peu de connaissances foncières, mais il a cet ascendant qu’il faut pour dominer des hommes ordinaires, tels que la majorité de l’Assemblée nationale. Bergasse est plein de probité et de talents, il passe pour l’un des plus profonds penseurs que nous ayons. — Les journaux de Meunier, de Desmoulins , de Carra, de Brissot, de Warville, de Marat, servent aux révolutionnaires pour former l’opinion publique. Garat est un plat rhéteur vendu aux enragés. Les honnêtes gens préfèrent l’abbé Fontenay, etc.» M.de Riolles a subi deux interrogatoires, tant à Bourgoin qu’au comité des recherches. Dans les circonstances présentes le comité a cru qu’il ne fallait point négliger cette affaire; en conséquence, il a l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des recherches, décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de donner les ordres nécessaires aux officiers du Châtelet de Paris à l’effet de faire informer, tant contre le sieur Trouard, ci-devant de Riolles, actuellement détenu ès prisons de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés que contre les auteurs, agents, complices et adhérents d’un plan de conspiration contre l’Etat ; à l’effet de quoi les pièces, dont est saisi son comité des recherches, seront incessamment envoyées au greffe du Châtelet de Paris. » M. de Mirabeau. Je ne monte point à cette tribune pour éclairer les confabulations qu'on vient de vous présenter; je viens seulement vous apprendre comment j’ai connu M. de Riolles ; je l’ai vu, comme 5 ou 600 de nous, à Versailles, à Paris, partout et en tous lieux; je l’ai connu comme un homme qui exploitait, plus ou moins froidement, tous les hommes qui se mêlaient des affaires publiques, mais je n’ai jamais eu avec lui de relations particulières : c’est un homme comme il y en avait au temps où l’on s’amusait à avoir des fous dans les cours, tantôt aristocrate comme autrefois, tantôt démocrate ; aujourd’hui enragé dans un sens , et demain dans un autre ; jugez si tout cela pouvait me donner beaucoup de confiance en lui. Il prétend m’avoir adressé des mémoires ; je ne dirai ni oui ni non ; je reçois à peu près cent lettres par jour. Il m’est aussi parvenu des milliers de mémoires ; j’en ai lu quelques-uns; il y en a beaucoup que je n’ai pas lus, et que probablement je ne lirai pas. Il est très possible que les mémoires de M. de Riolles se trouvent parmi ceux-là. Ce que je puis dire, c’est qu’il ne m’a rien envoyé à ma provocation. Depuis longtemps, mes torts et mes services, mes malheurs et mes succès m’ont également appelé à la cause de la liberté : depuis le donjon de Vincennes et les différents forts du royaume, où je n’avais pas élu domicile, mais où j’ai été arrêté par différents motifs, il serait difficile de citer un fait, uti écrit, un discours de moi, qui ne montrât pas un grand et énergique amour de la liberté. J’ai vu 54 lettres de cachet dans ma famille ; oui, Messieurs, 54, et j’en ai eu 17 pour ma part: ainsi vous voyez que j’ai été partagé en aîné de Normandie. Si cet amour de la liberté m’a procuré de grandes jouissances, il m’a donné aussi de grandes peines et de grands tourments. Quoi qu’il en soit, ma position est assez singulière ; la semaine prochaine, à ce que le comité me fait espérer, on fera le rapport d’une affaire où je joue le rôle d’un conspirateur furieux ; aujourd’hui on m’accuse comme un conspirateur contre-révolutionnaire. Permettez que je demande la division. Conspiration pour conspiration, procédure pour procédure, s’il le faut même, supplice pour supplice, permettez du moins que je sois un martyr révolutionnaire. (M.de Mirabeau l’aîné descend de la tribune au milieu des applaudissements d’une grande partie de l’Assemblée et de toutes les galeries.) .(Le décret proposé par le comité des recherches est adopté.) M. le Président annonce ie résultat du scrutin pour la nomination du nouveau président et de trois secrétaires. Ce scrutin a donné , sur 428 votants, 261 voix à M. Bureaux, ci-devant de Pusy, 140 à M. Pétion; 27 voix se sont portées sur diverses personnes. Les trois nouveaux secrétaires sont : MM. l’abbé Bourdon, Vieillard, député de Goutances.et Gou-pilleau qui remplacent MM. Dauchy, Buzot et De-lacour, secrétaires sortants. La séance est levée à dix heures.