202 [Aisemblée nationale.] prend à l’Assemblée que le grand vicaire de la maison, ainsi appelé par arrêt du grand conseil de 1705, est ici, et demande à entrer dans la salle pour rendre compte de tous les détails de cet événement. M. Camus s’élève aussi contre le mot satisfaction. 11 prétend que Saint-Martin-des-Champs, en offrant les biens de son ordre, ressemble à un homme qui offrirait les maisons de son voisin. M. l’abbé Grégoire craint que les expressions vagues du procès-verbal ne préjugent la grande question de la propriété des biens ecclésiastiques. On demande à aller aux voix sur le procès-verbal. M. le Président pose ainsi la question : « retranchera-t-on la phrase du procès-verbal? » Une première épreuve est douteuse. M. de Tolney se plaint du tumulte de cette discussion. Messieurs, dit-il, tant que vous agiterez ainsi une question de cette nature, vous ne parviendrez jamais à votre but; elle doit se discuter franchement, et il est temps de cesser de la couvrir du voile mystérieux dont elle a toujours été enveloppée jusqu’ici. Il faut d’abord discuter la grande question de savoir à qui appartiennent les biens du clergé; il sera ensuite facile de discuter les droits des usufruitiers. M. le comte de Mirabeau. J’approuve la doctrine de M. de Volnev, mais je dis qu’il est hors de la question. Il s’agit ici de la certitude d’un fait, c’est que plus de huit cents personnes ont, par les applaudissements les plus bruyants, approuvé la lettre de messieurs de Saint-Martin-des-Champs; vouloir soutenir le contraire, c’est nier l’évidence. Je demande donc que la question soit ajournée et que l’on rentre dans l’ordre du jour, ou qu’on laisse dans le procès-verbal des termes qui sont vrais et que tout le monde doit approuver. M. le Président procède à une seconde épreuve; elle est très-douteuse. M. le président hésite de prononcer; cependant plusieurs membres lui ayant demandé son avis, il croit qu’elle est en faveur de la phrase énoncée dans le procès-verbal. Divers députés du clergé demandent l’appel nominal. M. l’abbé Grégoire dit que c’est faire un cercle vicieux. M. Target représente que la bonne foi des membres rendra justice à la majorité, et il demande qu’on aille aux voix par assis et levé pour savoir de quel côté est la majorité. M. le Président cite le règlement qui porte que l’on ira aux voix toutes les fois qu’il y aura du doute. On va aux voix pour savoir si ce doute existe. A l’exception du clergé, tous les membres se lèvent pour assurer que la majorité est en faveur de la rédaction du procès verbal. M.Thouret au nom du nouveau comité de constitution, fait à l’Assemblée nationale un rap-[29 septembre 1789.] port sur les bases de la représentation proportionnelle. Messieurs, le travail que votre nouveau comité a l’honneur de vous soumettre, tient, par un double rapport, à deux grandes parties de la Constitution. D’une part, vous organisez le gouvernement représentatif, le seul qui convienne à un peuple libre; mais sa justice et sa stabilité dépendent de l’établissement de l’égalité proportionnelle dans la représentation, et d’un ordre fixe et simple dans les élections. D’autre part, vous voulez fonder un nouveau système d’administration municipale et provinciale. Cette administration, également représentative exige de même, et la représentation proportionnelle, et un ordre pour les élections. Cette similitude entre les deux objets établit, par la nature de la chose môme, l’importance de fonder sur des bases communes le double édifice de la représentation nationale, et de l’administration municipale et provinciale. Cette vérité, si propre tout à la fois, à affermir les différentes parties de la Constitution, en les liant l’une à l’autre, et à faciliter pour toujours l’exécution en la simplifiant, est la première qui nous a frappés. En suivant le fil qu’elle présente, nous sommes arrivés à la conviction que l’organisation de chaque grand district du royaume doit être constituée de manière qu’elle serve en même temps et à la formation du Corps législatif, et à celle des diverses classes d’assemblées administratives. C’est ainsi que d’un ressort commun partiront tous les mouvements du corps politique ; par là, la conservation de ce ressort unique sera d’autant plus chère au peuple, qu’en le perdant il perdrait tous les avantages de sa Constitution ; par là, sa destruction deviendrait plus difficile à l'autorité, qui ne pourrait le rompre qu’en désorganisant entièrement l’Etat. Le comité a pensé que les bases delà représentation doivent être, autant qu’il est possible, en raison composée du territoire, de la population et des contributions. Avant de dire comment ces trois bases peuvent se combiner pour établir entre les divers districts électeurs la juste proportion de leurs députations, il est nécessaire de présenter, sur chacune des trois, quelques développements particuliers. Base territoriale . Le royaume est partagé en autant de divisions différentes qu’il y a de diverses espèces de régimes ou de pouvoirs : en diocèses, sous le rapport ecclésiastique; en gouvernements, sous le rappport militaire; en généralités, sous le rapport administratif; en bailliages, sous le rapport judiciaire. Aucune de ces divisions ne peut être ni utilement ni convenablement appliquée à l’ordre re-présensatif. Non-seulement il y a des disproportions trop fortes en étendue de territoire, mais ces antiques divisions, qu’aucune combinaison politique n’a déterminées, et que l’habitude seule peut rendre tolérables, sont vicieuses sous plusieurs rapports tant publics que locaux. Mais puisque l’ordre que la Constitution va établir est une chose nouvelle, pourquoi l’asservirions-nous à des imperfections anciennes qui en contrarient l’esprit, et qui en gêneraient lès effets, lorsque la raison et l’utilité publique commandent d’éviter ce double écueil? Le comité a donc pensé qu’il est devenu indispensable de par-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 203 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [29 septembre 1789.] tager la France, dans l’ordre de la représentation, en nouvelles divisions de territoire égales entre elles autant qu’il serait possible. Le plan de ces nouvelles divisions est projeté figurativement sur une carte du royaume ; vous y verrez, Messieurs, qu’on a respecté, autant qu’il a été possible, les anciennes limites, et la facilité des communications. En suivant ce plan, la France serait partagée, pour les élections,, en quatre-vingts grandes parties qui porteraient le nom de départements. Chaque département serait d’environ 324 lieues carrées, ou de 18 lieues sur 18. On procéderait à cette division, en partant de Paris comme du centre, et en s’éloignant de suite, et de toutes parts, jusqu’aux frontières. A ces quatre-vingts départements, il en faudrait ajouter un de plus, formé du district central où se trouve la ville de Paris. Cette grande cité mérite en effet, par son titre de métropole, par son énorme population, et par sa forte contribution, d’avoir le titre et le rang de département. Chaque département serait divisé en neuf districts, sous le titre de communes, chacun de trente-six lieues carrées, et de six lieues sur six. Ces grandes communes seraient les véritables unités ou éléments politiques de l’empire français. 11 y en aurait en tout 720. Chaque commune serait subdivisée en neuf fractions invariables par le partage de son territoire en neuf cantons, de quatre lieues carrées, ou de deux lieues sur deux; ce qui donnerait en tout 6,480 cantons. Chacune de ces fractions pourrait contenir dés quantités variables, eu égard à la population et aux contributions. La France contient environ 26,000 lieues carrées. Or, 80 départements, de 324 lieues carrées ; 720 communes, de 36 lieues carrées; 6,480 cantons, de quatre lieues carrées ; chacune de ces divisions remplit les 26,000 lieues du royaume. Base personnelle, ou de population , La véritable base personnelle, pour la représentation, sera dans le premier degré des assemblées qu’on peut appeler primaires. Le comité smst occupé d’établir une juste proportion, d’abord entre ces assemblées primaires, qui seront celles des citoyens de chaque canton; ensuite entre les assemblées communales, composées des députés des cantons; enfin entre les assemblées de département , formées par la réu ¬ nion des députés élus dans les communes. Le nombre des individus, en France, est d’environ 26 millions ; mais d’après les calculs qui paraissent les plus certains, le nombre des citoyens actifs, déduction faite des femmes, des mineurs, et de tous ceux que d’autres causes légitimes privent de l’exercice des droits politiques, se réduit au sixième de la population totale. On ne doit donc compter en France qu’environ 4 millions 400,000 citoyens en état de voter aux assemblées primaires de leur canton. Si la population était égale à chaque canton, les26millionsd’individus répartis sur 26, 000 lieues carrées qui composent l’étendue du royaume, donnerait 1,000 individus par lieue carrée, et par conséquent 4,000 individus par canton, dont le sixièmeen citoyens actifs formerait le taux moyen d’environ 680 votants par canton. Nous avertissons que par l’expression de citoyens votants, nous entendrons toujours non-seulement ceux qui seront présents, et voteront en effet, mais encore tous ceux qui auront de droit la faculté de voter. La population étant inégalement répartie, on ne doit pas douter qu’elle sera dans un grand nombre de cantons au-dessous de 4,000 individus, et de 680 votants; mais ce qui manquera au taux moyen dans les cantons moins peuplés, se retrouvera en excédant dans ceux qui le seront davantage, et sera employé au moyen de la formation de doubles, triples ou quadruples assemblées primaires dans ces cantons plus peuplés. On sent que Paris est l’extrême en ce genre. Le comité a pensé que les assemblées primaires doivent être établies au taux moyen de 600 votants, afin d’éviter les inconvénients des assemblées trop nombreuses. Il y aurait toujours une assemblée primaire en chaque canton, quelque faible que fût la population ; mais il ne pourrait y en avoir deux que quand le nombre des volants se trouverait élevé à 900. En ce cas seulement l’assemblée d’un canton se partagerait en deux, afin qu’il pût y avoir toujours au moins 450 votants dans chaque assemblée primaire. Si par la suite un nouvel accroissement de population élevait encore une de ces assemblées au nombre de 900, il faudrait qu’avant de pouvoir former une troisième assemblée dans le canton, elle reversât une partie de ses membres sur l’autre assemblée qui n’aurait pas le taux moyen de 600 votants, jusqu’à ce que celle-ci eût atteint ce taux moyen. Réciproquement, si la population diminuée réduisait une des assemblées au-dessous de 450 votants lorsque l’autre ne serait pas élevée au-dessus de ce taux, elles seraient obligées de se réunir, puisque le nombre des votants produit par cette réunion serait moindre de 900. ‘ 11 arriverait ainsi, dans le premier cas, qu’à quelque nombre que les assemblées primaires pussent être portées dans un canton, il n’y en aurait jamais que deux qui pourraient être au-dessous du taux moyen de 600 votants, ou qu’une seule qui pourrait l’excéder ; et dans le second cas, qu’il n’y aurait jamais qu’une seule assemblée dans un canton, quand il fournirait moins que 900 votants. Il résulte de ce qui précède les trois conséquences suivantes : La première, que si le nombre des cantons est invariable, il n’en est pas ainsi des assemblées primaires; La deuxième, qu’au lieu de fixer le nombre des assemblées primaires à 6,480, à raison du nombre des cantons, il est vraisemblable qu’elles se trouveront plus nombreuses, parce qu’elles suivront les vicissitudes de la population; La troisième, qu’un citoyen qui ne changera ni de canton ni de domicile, pourra cependant se trouver dans le cas de changer d’assemblée, lorsqu’il deviendra nécessaire démultiplier ou de réduire celles de son canton. Base de contribution. Le comité a pensé que la proportion des contributions directes devait entrer jusqu’à un certain point dans celle des députations. Il est juste que le pays qui contribue le plus aux besoins et au soutien de 1 ' établissement public, ait une part proportionnelle dans le régime de cet établissement. 11 est encore d’une sage prévoyance d’intéresser par là les provinces à l’acquit des contributions, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1789.] 204 [Assemblée nationale.] et aux améliorations intérieures qui n’augmenteront pour elles la matière de l’impôt, qu’en augmentant en même temps leur influence politique. Ces premières considérations n’ont pas seules déterminé l’opinion du comité. Il a senti la nécessité d’avoir égard aux contributions directes, pour recti fier l’inexactitude de la base territoriale, qui n’est établie que sur l’égalité des surfaces. Un arpent de 50 livres de rapport, et taxé sur ce taux, est réellement double d’un arpent de 25 livres de revenu, qui n’est taxé que sur ce moindre produit. Ainsi, l’égalité des territoires par leur étendue superficielle, n’est qu’apparente et fausse si elle n’est pas modifiée pa la balance des impositions directes qui rétablit l’équilibre des valeurs ; et c’est par là que la base de contribution tient essentiellement à 'la base territoriale, et en fait partie. Le rapport des contributions est nul sans doute, lorsqu’il s’agit de balancer les droits politiques d’individu à individu, sans quoi l’égalité personnelle serait détruite, et l’aristocratie des riches s’établirait; mais cet inconvénient disparaît en entier, lorsque le rapport des contributions n’est considéré que par grandes masses, et seulement de province à province. U sert alors à proportionner justement les droits réciproques des cités, sans compromettre les droits personnels des citoyens. Formation des assemblées graduelles pour le Corps législatif. I. Tous les citoyens actifs d’un canton se formeront en une ou plusieurs assemblées primaires, suivant leur nombre, comme ila été dit ci-dessus, pour envoyer leurs députés à l’assemblée communale. Le comité pense que pour ce premier degré des assemblées, élément fondamental de toute la représentation, il ne faut avoir égard qu’à la seule population. Chaque homme, dès qu’il est citoyen actif, doit jouir pour ce premier acte, de toute la valeur de son droit individuel. Le district d’une assemblée primaire est d’ailleurs trop borné, et la prépondérance des hommes puissants y serait trop immédiate, pour qu’on doive y mettre en considération, soit le territoire, soit les contributions. Ainsi, le nombre des députés à élire par les assemblées primaires, ne serait réglé que par le nombre des votants, à raison d’un députe par 200 votants. D’après la donnée des 4,400,000 citoyens actifs, il y aurait environ 22,000 députés élus par la totalité des assemblées primaires, et envoyés en nombre inégal à 720 communes. Le comité propose que les qualités nécessaires pour entrer, à titre de citoyen actif, dans rassemblée primaire de son canton, soient: 1° d’ètre Français, ou devenu Français; 2° d’être majeur; 3° d’êlre domicilié dans le canton, au moins depuis un an; 4° d’être contribuable en impositions directes, au taux local de trois journées de travail, qui seront évaluées en argent par les assemblées provinciales; 5° de n’être pas pour le moment, dans un état servile (1), c’est à-dire, dans des rapports personnels, trop incompatibles avec l’indé-(1) L’état servile, exclu ici, ne peut s’entendre, sous aucun rapport, des anciens main-morlables, dont la servitude a d’ailleurs été abolie par le décret de l’Assemblée nationale du 4 août dernier. pendance nécessaire à l’exercice des droits politiques. Pour être éligible, tanta l’assemblée de la commune qu’à celle de département, il faudra réunir les conditions ci-dessus, à la seule différence qu’au lieu de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail, il en faudra payer une de la valeur de dix journées. Les députés nommés par les assemblées primaires se réuniront au chef-lieu de la commune, et puisque nous avons considéré les communes comme étant les premières unités politiques qui doivent concourir et se balancer pour former la législation, il faut que les trois éléments de la représentation proportionnelle entrent dans la composition de leurs députations. C’est ici le lieu d’expliquer comment les trois bases du territoire, de la population et de la contribution peuvent ôire combinées avec autant de justice dans les résultats que de facilité dans le procédé. La base territoriale est invariable, et supposée égale ; celles de la population et des contributions sont variables, et d’un effet inégal dans chaque commune. On peut donc attribuer à chacune des neufcommunesune part de députation égale et fixe, à raison de leur terri toire, attacher deux autres parts de députation, l’une à la population totale du département, l’autre à la masse entière de sa contribution directe, et faire participer chaque commune à ces deux dernières parts de députation, à proportion de ce qu’elle aurait de population, et de ce qu’elle payerait de contribution. Ainsi, en supposant que l’assemblée générale de département qu’il s’agit ici de former, dût être composée de 81 députés des communes, il faudrait en attacher invariablement le tiers, montant à 27, au territoire du département, et par conséquent 3 au territoire de chaque commune; chacune des 9 assemblées communales nommerait donc également 3 députés, à raison de son territoire. Il faudrait ensuite attribuer 27 députés à la population totale du département, et diviser cette population en 27 parts, de manière que chaque commune nommerait autant de députés qu’elle aurait de vingt-septièmes parties de population. Les 27 autres députés seraient attachés à la contribution en impô's directs; et celte contribution étant divisée de même en 27 parts, donnerait autant de députés à chaque commune, qu’elle payerait de vingt-septièmes dans la masse totale des impositions directes. La population de chaque département sera facilement connue, puisque celle de chaque commune sera constatée par le nombre des députés qui y seront arrivés des assemblées primaires. La contribution sera également connue, puisque les départements et les communes auront l’administration de l’impôt dans leurs territoires. Au moment de la première formation des assemblées, les communes qui n’auraient pas ces connaissances pourront aisément les acquérir en se communiquant respectivement ces éclaircissements avant de procéder aux élections. Les assemblées de département nommeraient par le même procédé les députés à l’Assemblée nationale, à raison de 9 députés par département; ce qui porterait 720 députés à l’Assemblée nationale. Des 720 députés nationaux, le tiers montant à 240 serait attaché au territoire, et donnerait invariablement trois députés par département. 205 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1789.] Le second tiers de 240 serait réparti sur la population totale du royaume, qui, divisée en deux cent-quaraute parts, donnerait autant de députés à chaque département qu’il aurait de deux cent quarantièmes parties de populatiou. Enfin, les 240 autres députés seraient accordés à la contribution, de manière qu’en divisant la masse totale des impositions directes du royaume en deux cent-quarante parts, chaque département aurait un député à raison du payement d’une deux cent quarantième partie. Le comité pense que pour être éligible à l’Assemblée nationale, il faut payer une contribution directe, équivalente à la valeur d’un marc d’argent. 11 croit encore qu’il est d’une prévoyance sévère au premier coup d’œil, mais sage et nécessaire, qu’aucun représentant ne puisse être élu pour la seconde fois, qu’après l’intervalle d’une législature intermédiaire, afin d’éviter l’aristocratie des familles en crédit, qui parviennent à se perpétuer dans les emplois, même électifs. L’expérience de tous les temps et de tous les pays démontre ce danger. Le plan qui vient d’être exposé pour la formation des assemblées et des élections graduelles a réuni les suffrages de votre comité, parce qu’il lui a paru produire trois grands avantages. Le premier est d’établir de la manière la plus sûre, et par les principes les plus justes, une représentation exactement proportionnelle entre toutes les parties du royaume, en y faisant entrer tous les éléments dont elle doit nécessairement se composer. Le second est de fixer pour le maintien de la proportion établie un mode constitutionnel, dont le principe demeurant inaltérable et permanent se prêtera toujours dans l’application à toutes les variations de la population et des contributions. Le trois.ème est de pouvoir appliquer la même méthode à la formation des assemblées provinciales; en sorte qu’un mouvement uniforme fasse arriver la représentation nationale au Corps législatif, et la représentation provinciale aux assemblées administratives. Cette première partie de notre travail ne se borne pas à vous offrir le supplément qui vous était nécessaire pour compléter la Constitution dans l’ordre législatif; elle vous présente encore des dispositions toutes préparées, pour hâter l’établissement du régime intérieur des provinces : et c’est maintenant à cette seconde partie de notre plan que nous allons passer. Projet d’arrêté relatif à cette première partie du travail. Art. 1er. La France sera partagée en divisions de 324 lieues carrées chacune, c’est-à-dire, de dix-huit sur dix-huit, aulant qu’il sera possible, à partir de Pans, comme centre, et en s’éloignant en tous sens jusqu'aux fronlières du royaume. Ces divisions s’appelleront départemetits. Art. 2. Chaque département sera partagé en neuf divisions de 36 lieues carrées de superficie, c’est-à-dire, de six sur six, autant qu’il sera possible. Ces divisions porteront le nom de communes. Art. 3. Chaque commune sera partagée en neuf divisions, appelées cantons, de quatre lieues carrées, c’est-à-dire, de deux sur deux. (1) La lieue adoptée est la lieue commune de 2,400 toises. Art. 4. Tous les citoyens actifs, c’est-à-dire, tous ceux qui réuniront les qualités suivantes : 1° d’être né Français, ou devenu Français; 2° d’êire majeur; 3° d'être domicilié dans le canton au moins depuis un an; 4° de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail; 5° de n’être pas alors dans une condition servile, auront droit de se réunir pour former dans les cantons les assemblées primaires. Art. 5. Nul citoyen ne pourra exercer les droits de citoyen actif dans plus d’un endroit, et dans aucune assemblée personne ne pourra se faire représenter par une autre. Art. 6. Dans tout canton il y aura au moins une assemblée primaire. Art. 7. Tant que le nombre des citoyens actifs d’un canton ne s’élèvera pas à 900, il n’y aura qu’une assemblée dans ce canton; mais dès le nombre 900, il s’en formera deux de 450 chacune au moins. Art. 8. Chaque assemblée tendra toujours à se former autant qu’il sera possible au nombre de 600, qui sera le taux moyen; de telle sorte néanmoins que, s’il y a plusieurs assemblées dans un canton, la moins nombreuse soit au moins de 450. Ainsi, au delà de 900, mais avant 1,050, il ne pourra y avoir une assemblée complète de 600, puisque la seconde aurait moins de 450. Dès le nombre 1,050 et au delà, la première assemblée sera de 600, et la deuxième de 450, au plus. Si le nombre s’élève à 1,400, il n’y en aura que deux, une de 600 et l’autre de 800 ; mais à 1,500 il s’en formera trois, une de 600 et deux de 450 ; et ainsi de suite, suivant le nombre de citoyens actifs de chaque canton. Art. 9. Toutes les assemblées primaires de chaque canton députeront directement à l’assemblée de leur commune. Art. 10. Pour être éligible à l’assemblée communale, ainsi qu’à celle de département, il faudra réunir aux conditions d’électeur, c’est-à-dire de citoyen actif, celle de payer une contribution directe plus forte : cette contribution se montera au moins à la valeur locale de dix journées de travail. Art. II. Chaque assemblée primaire députera à la commune à raison d’un membre sur 200 volants. Art. 12. L’assemblée communale, formée des députés des assemblées primaires, choisira ses députés pour le département, parmi tous les citoyens éligibles de la commune. Art. 13. Chaque assemblée de département sera composée de 81 membres, dont un tiers, c’est-à-dire 27, sera député par les 9 communes du département, à raison du territoire; ce sera donc 3 députés par commune, puisque Jes territoires des communes sont égaux entre eux, étant composés d'un égal nombre de cantons égaux. Art. 14. Le second tiers formant 27 députés sera envoyé par les 9 communes, à raison de la population active de chaque commune. Ainsi, la somme totale de la population des 9 communes ou du département sera divisée en 27 parts; et chaque commune aura autant de députés qu’elle contiendra de ces vingt-septièmes. Art. 15. Le troisième tiers se distribuera par une semblable opération en raison de la contribution respective des 9 communes. La somme totale des contributions directes des 9 communes, ou du département, sera divisée en 27 ; et chaque commune enverra un député pour chaque vingt-septième qu’elle payera. Art. 16. Ces deux dernières opérations donnant [29 septembre 1789.] 206 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lieu nécessairement à des fractions, les fractions ne pouvant être aue faibles ne seront pas comptées, parce qu’elles se compensent entre elles. Art. 17. Les assemblées de département formeront par leurs députés l’Assemblée nationale, qui sera composée de 720 membres. Art. 18. Le tiers de ce nombre, c’est à-dire 240, sera envoyé par les départements à raison du territoire ; 240 à raison de la population, et 240 à raison de la contribution respective , ainsi qu’il a été dit ci-dessus relativement aux communes, mais en divisant entre les départements la population du royaume et la masse entière de la contribution directe en 240 parts. Art. 19. Nul membre de l’Assemblée nationale ne pourra être réélu pour l’Assemblée suivante. Il sera nécessaire qu’entre deux élections de la même personne, il y ait au moins une Assemblée d’intervalle. Signé : thouret , l’abbé sieyès, TARGET , l’évêque d’autun , DÉMEDNIER , RABAUT DE SAINT-ÉTIENNE, LE CHAPELLIER. M. Thouret présente ensuite la seconde partie du rapport du nouveau comité de Constitution relative à l'établissement des assemblées administratives et des municipalités. Etablissement des assemblées administratives. I Les assemblées de cette nouvelle classe différeront en plusieurs points de celles dont nous avons parlé jusqu’ici. Elles seront chargées de cette partie du pouvoir exécutif qu’on désigne ordinairement par le terme d 'administration; et les premières n’auront que la simple mission d’élire graduellement les représentants nationaux, membres du Corps législatif. Elles seront permanentes, et se régénéreront tous les deux ans par moitié ; la première fois au sort, après deux années d’exercice, et ensuite, la seconde fois à tour d’ancienneté ; les premières n’auront d’existence que pour J’objet et le temps des élections à l’Assemblée nationale, après lesquelles elles s’anéantiront. Celles-ci, formées uniquement dans l’ordre de la législature nationale , seront les éléments régénérateurs du Corps législatif ; les autres, au contraire, instituées dans l’ordre du pouvoir exécutif en seront les instruments et les organes. Subordonnées directement au Roi, comme administrateur suprême, elles recevront ses ordres, et les transmettront, les feront exécuter, et s’y conformeront. Cette soumission immédiate des assemblées administratives au chef de l’administration générale, est nécessaire; sans elle, il n’y aurait bientôt plus d’exactitude ni d’uniformité dans le régime exécutif, et le gouvernement monarchique que la nation vient de confirmer, dégénérerait en démocratie dans l’intérieur des provinces. Le comité pense qu’il pourrait être établi une assemblée administrative dans chacun des 80 départements, sous le titre d 'administration provinciale ; titre qui rappellerait sans cesse l’objet de cette institution. La division des ressorts de ces assemblées n’apporterait aucun changement nécessaire à l’ancienne distinction des provinces. Chaque administration provinciale pourrait être I divisée en deux sections, dont la première en serait comme le conseil , et, en quelque sorte, la législature ; et la seconde, chargée de toute la partie exécutive, en serait le vrai corps agissant, sous le titre de directoire provincial , ou de commission intermédiaire. Le conseil provincial tiendrait tous les ans une session , dans laquelle il fixerait les principes convenables pour chaque partie d’administration, ordonnerait les travaux et les dépenses générales du département, et recevrait le compte de la gestion au directoire : mais ses arrêtés ne seraient exécutoires que lorsqu’ils auraient été approuvés et confirmés par le Roi, Le directoire serait toujours en activité pour la conduite, la surveillance et l’expédition de toutes les affaires. U serait tenu de se conformer aux arrêtés du conseil provincial approuvés par le Roi, et rendrait, tous les ans , le compte de sa régie. Le comité a examiné si chaque administration provinciale devait être formée d’abord en un seul corps d’assemblée, qui opérerait ensuite sa propre division en deux sections par l’élection qu’elle ferait, dans son sein, de ceux de ses membres qui composeraient le directoire ; ou s’il ne serait pas préférable que les électeurs désignassent, en élisant, ceux des députés qu’ils nommeraient pour le conseil , et ceux qu’ils destineraient au directoire. Il s’est décidé pour la première opinion, parce qu’en remettant la nomination des membres du directoire aux électeurs des communes, il faudrait nécessairement que chaque commune nommât un sujet de son district. Or, il serait souvent difficile de trouver, dans toutes les communes, des citoyens tout à la fois capables des fonctions du directoire, et disposés à quitter leur domicile pour aller s’établir au chef-lieu du département, à la suite des opérations du directoire , avec l’assiduité qu’elles exigent. 11 faut avoir autant d’égard à la convenance des sujets, qu’à leur capacité, lorsqu’il s’agit de les attacher efficacement à un service journalier, qui ne souffre pas d’interruption. Les membres des assemblées seront plus en état que les électeurs de faire les meilleurs choix sous ce double rapport , puisqu’ils auront pu, pendant la tenue entière de leur session, éprouver les talents de leurs collègues, et s’assurer de leurs dispositions pour le service du directoire. Le comité a discuté ensuite si les membres élus pour le directoire pourraient se réunir à ceux du conseil, pour former l’assemblée générale à chaque session annuelle, et avoir séance avec voix délibérative à cette assemblée générale ; ou si les deux sections de chaque administration provinciale resteraient si absolument distinctes, que les membres d u directoire,bovnës