Séance du 14 thermidor an II (vendredi 1er août 1794) Présidence de COLLOT D’HERBOIS (1) La séance est ouverte à 11 heures et demie. 1 Un membre demande qu’on s’occupe sur-le-champ de l’appel nominal pour le renouvellement de six membres du comité du sûreté générale. Cette proposition est adoptée. Un secrétaire fait l’appel nominal : le résultat donne la majorité aux citoyens Bernard (de Saintes), Merlin (de Thionville), Goupilleau (de Fontenay), André Dumont, Legendre (de Paris) et Jean De Bry. [ Applaudissements universels]. Le président proclame le résultat de l’appel : Jean De Bry invite l’Assemblée à recevoir sa démission, la Convention l’accepte, et décrète que pour cette fois le comité de sûreté générale restera composé de treize membres, qu’en conséquence Jean De Bry ne sera pas remplacé (2). FAYAU : Parmi les membres nommés pour compléter le comité de sûreté générale, il s’en trouve un sur lequel il s’élève des doutes, c’est Jean De Bry. Lorsque la Gironde voulut fédé-raliser les départements, il parut une proclamation pour égarer l’opinion publique. Condorcet en était l’auteur. On dit que Jean De Bry l’avait signée. Je demande si cela est vrai; car, dans ce cas, d’après le principe qui repousse de la représentation nationale les suppléants qui seraient prévenus de fédéralisme, Jean De Bry ne pourrait rester dans un comité chargé d’une partie du gouvernement. JEAN DE BRY : Je commence par déclarer que, plutôt que de devenir une pierre d’achoppement dans le comité où la confiance de la Convention vient de m’appeler, je suis tout prêt à lui donner ma démission. J’ai été dupe, comme (1) Selon Moniteur (réimpr.), XXI, 366. (2) P.-V., XLII, 289. Ce décret ne figure pas dans C* II 20, p. 235. Reproduit dans Bm , 14 therm.; Ann. R. F., n° 244; J. Fr., nos 676 et 677; C. Eg., n° 713; J. Sablier (du soir), n° 1472; Mess. Soir, n° 712; J. univ., n° 1712. bien d’autres, des talents qui furent envoyés à la Convention. A l’époque du 31 mai j’ai vu, comme bien d’autres, derrière le mouvement du peuple qui voulait se débarrasser des intrigues, le mouvement perfide de la faction d’Hébert et de Robespierre. A cette époque, il fut envoyé dans mon département un narré qui a été déposé au comité de sûreté générale, et n’a pas été reproduit. Il ne faut point dépouiller un fait des circonstances qui alors pouvaient le justifier. Quant à l’unité, quant à l’indivisibilité de la république, non seulement je ne m’y suis jamais opposé, mais j’interpelle toutes les personnes qui me connaissent au dehors de la représentation nationale; j’interpelle mes collègues de l’Assemblée législative et de la Convention : qu’ils disent, je les dispense du secret de l’amitié, qu’ils disent s’ils ne m’ont pas vu toujours défendre de toutes mes forces cette unité et cette indivisibilité. Dans ce narré nous nous sommes servis des propres expressions du Bulletin de la Convention, et nous engagions fortement notre département à se rallier autour de la représentation nationale, quelque suggestion qu’on voulût employer pour le séduire, et ne pas perdre l’espoir de ramener à l’unité ceux que des circonstances ou l’ignorance en avaient momentanément écartés. DUBOIS-CRANCÉ : Je n’ai pas entendu sans inquiétude le préopinant atténuer le mérite et la gloire de la révolution du 31 mai. Sans doute mon collègue n’a été qu’égaré. Mais la faction girondine ne mérite pas l’honneur qu’on lui attribue d’avoir voulu s’opposer à une faction qui n’existait pas alors. Ce système était précisément celui des départements fédéralistes. Il a dit qu’il ne fallait pas séparer l’Adresse des faits qui l’accompagnent; c’est encore un moyen de ne jamais punir les hommes coupables de fédéralisme. Je n’inculpe point mon collègue; mais je demande comment il pourrait poursuivre ces individus, dans le comité chargé de punir tous les attentats formés contre l’unité et l’indivisibilité de la république. [Murmures. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour]. JEAN DE BRY : Je suis tellement convaincu de la vérité des principes énoncés par Dubois-Crancé, je suis si persuadé que je ne pourrais Séance du 14 thermidor an II (vendredi 1er août 1794) Présidence de COLLOT D’HERBOIS (1) La séance est ouverte à 11 heures et demie. 1 Un membre demande qu’on s’occupe sur-le-champ de l’appel nominal pour le renouvellement de six membres du comité du sûreté générale. Cette proposition est adoptée. Un secrétaire fait l’appel nominal : le résultat donne la majorité aux citoyens Bernard (de Saintes), Merlin (de Thionville), Goupilleau (de Fontenay), André Dumont, Legendre (de Paris) et Jean De Bry. [ Applaudissements universels]. Le président proclame le résultat de l’appel : Jean De Bry invite l’Assemblée à recevoir sa démission, la Convention l’accepte, et décrète que pour cette fois le comité de sûreté générale restera composé de treize membres, qu’en conséquence Jean De Bry ne sera pas remplacé (2). FAYAU : Parmi les membres nommés pour compléter le comité de sûreté générale, il s’en trouve un sur lequel il s’élève des doutes, c’est Jean De Bry. Lorsque la Gironde voulut fédé-raliser les départements, il parut une proclamation pour égarer l’opinion publique. Condorcet en était l’auteur. On dit que Jean De Bry l’avait signée. Je demande si cela est vrai; car, dans ce cas, d’après le principe qui repousse de la représentation nationale les suppléants qui seraient prévenus de fédéralisme, Jean De Bry ne pourrait rester dans un comité chargé d’une partie du gouvernement. JEAN DE BRY : Je commence par déclarer que, plutôt que de devenir une pierre d’achoppement dans le comité où la confiance de la Convention vient de m’appeler, je suis tout prêt à lui donner ma démission. J’ai été dupe, comme (1) Selon Moniteur (réimpr.), XXI, 366. (2) P.-V., XLII, 289. Ce décret ne figure pas dans C* II 20, p. 235. Reproduit dans Bm , 14 therm.; Ann. R. F., n° 244; J. Fr., nos 676 et 677; C. Eg., n° 713; J. Sablier (du soir), n° 1472; Mess. Soir, n° 712; J. univ., n° 1712. bien d’autres, des talents qui furent envoyés à la Convention. A l’époque du 31 mai j’ai vu, comme bien d’autres, derrière le mouvement du peuple qui voulait se débarrasser des intrigues, le mouvement perfide de la faction d’Hébert et de Robespierre. A cette époque, il fut envoyé dans mon département un narré qui a été déposé au comité de sûreté générale, et n’a pas été reproduit. Il ne faut point dépouiller un fait des circonstances qui alors pouvaient le justifier. Quant à l’unité, quant à l’indivisibilité de la république, non seulement je ne m’y suis jamais opposé, mais j’interpelle toutes les personnes qui me connaissent au dehors de la représentation nationale; j’interpelle mes collègues de l’Assemblée législative et de la Convention : qu’ils disent, je les dispense du secret de l’amitié, qu’ils disent s’ils ne m’ont pas vu toujours défendre de toutes mes forces cette unité et cette indivisibilité. Dans ce narré nous nous sommes servis des propres expressions du Bulletin de la Convention, et nous engagions fortement notre département à se rallier autour de la représentation nationale, quelque suggestion qu’on voulût employer pour le séduire, et ne pas perdre l’espoir de ramener à l’unité ceux que des circonstances ou l’ignorance en avaient momentanément écartés. DUBOIS-CRANCÉ : Je n’ai pas entendu sans inquiétude le préopinant atténuer le mérite et la gloire de la révolution du 31 mai. Sans doute mon collègue n’a été qu’égaré. Mais la faction girondine ne mérite pas l’honneur qu’on lui attribue d’avoir voulu s’opposer à une faction qui n’existait pas alors. Ce système était précisément celui des départements fédéralistes. Il a dit qu’il ne fallait pas séparer l’Adresse des faits qui l’accompagnent; c’est encore un moyen de ne jamais punir les hommes coupables de fédéralisme. Je n’inculpe point mon collègue; mais je demande comment il pourrait poursuivre ces individus, dans le comité chargé de punir tous les attentats formés contre l’unité et l’indivisibilité de la république. [Murmures. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour]. JEAN DE BRY : Je suis tellement convaincu de la vérité des principes énoncés par Dubois-Crancé, je suis si persuadé que je ne pourrais